Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 3 : Les mystiques

François d'Assise par Orazio Gentileschi

Les discussions scolastiques ont été parfois défavorables à l’élan mystique. Dans le désir de comprendre Dieu, on a oublié la nécessité d’entrer en communion avec Lui. Les grands mystiques des XIe, XIIe et XIIIe siècles ont été isolés dans ce domaine (Anselme, Bernard de Clairvaux, François d’Assise). Au moment où la scolastique décline et achève de se dessécher, le mysticisme apparaît à nouveau.

Catherine de Sienne
portant sur son voile la couronne d'épines,
tenant un crucifix et une fleur de lys.

On peut mentionner dans le sein du catholicisme officiel quelques figures attachantes, comme Catherine de Sienne († 1380) qui contribua à ramener le pape à Rome, se dévoua au secours d’une peste et se livra à des austérités extraordinaires.

1. Mouvements à tendances fâcheuses. A deux reprises, au XIIIe et au XIVe siècles, à l’occasion des pestes, on vit des cortèges d’hommes et de femmes parcourir villes et villages en se fouettant jusqu’au sang pour expier leurs péchés et apaiser la colère de Dieu qui se manifestait par ces fléaux. Ces flagellants réagissaient ainsi contre les indulgences trop faciles, et ils étaient mal vus du clergé. D’autres actions mystiques tombèrent dans l’immoralité. Même celui qui a été appelé le Père du mysticisme, Maître Ekkart (début du XIVe siècle) n’a pas évité l’écueil du panthéisme.

2. Associations libres. Les Amis de Dieu, organisés sur les bords du Rhin au début du XIVe siècle, formaient comme les Beghards un groupement de laïques, qui sans prêter de vœux, se livraient à la vie contemplative.

Les Frères de la vie commune se recrutèrent surtout parmi les ecclésiastiques. Ils s’organisèrent au début du XIVe siècle aux Pays-Bas. Ils vivaient dans la pauvreté, travaillant de leurs mains, copiant les Ecritures. L’un d’eux, le dominicain Tauler, fut en Alsace un prédicateur remarquable. Il présentait avec force tout à la fois la sainteté et l’amour de Dieu.

3. L’Imitation de Jésus-Christ. Ce chef-d’œuvre de la mystique, composé au milieu du XVe siècle, est attribué à un frère de la vie commune, Thomas a Kempis. Nous ne savons pas grand-chose de la vie de l’auteur. L’œuvre est d’un catholique convaincu ; il y a même de longs développements sur l’eucharistie. Mais d’autre part l’auteur est nourri des Ecritures, et il insiste avec force sur l’union immédiate entre le Sauveur et le Fidèle. On peut lui reprocher une certaine monotonie, mais il est certain que ses pages paisibles et ardentes tout à la fois, ont fait du bien aux personnes innombrables qui les ont lues.

4. Savonarole. A la fin du XVe siècle, l’Italie était en pleine période de la Renaissance. Les arts et les lettres, mais aussi la corruption de l’antiquité y étaient à leur apogée. C’est alors que le moine dominicain Jérôme Savonarole (1452-1498) se mit à prêcher la repentance à Florence. Ses messages avaient une flamme apocalyptique. Il s’élevait contre la corruption du clergé. Il eut un tel succès que la ville frivole devint austère. Les réjouissances du Carnaval firent place à un feu où l’on consuma des « vanités ». Mais Savonarole ne manqua pas de se faire des ennemis nombreux : les gens légers, les Franciscains jaloux, le pape Alexandre VI. Il fut livré à l’Inquisition et mourut martyr, parce qu’il voulait obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.

Quelques pensées tirées de « L’Imitation de Jésus-Christ ».

Heureux celui qui comprend ce que c’est que d’aimer Jésus, et de se mépriser soi-même à cause de Jésus.

Il faut que notre amour pour lui nous détache de tout autre amour, parce que Jésus veut être aimé seul par-dessus toutes choses.

L’amour de la créature est trompeur et passe bientôt ; l’amour de Jésus est stable et fidèle.

Celui qui s’attache à la créature tombera comme elle et avec elle ; celui qui s’attache à Jésus sera pour jamais affermi.

Aimez et conservez pour ami celui qui ne vous quittera point, alors que tous vous abandonneront, et qui, quand viendra votre fin, ne vous laissera point périr.

Que vous le vouliez ou non, il vous faudra un jour être séparé de tout.

Vivant et mourant, tenez-vous donc près de Jésus, et confiez-vous à la fidélité de celui qui seul peut vous secourir lorsque tout vous manquera.

Tel est notre bien-aimé, qu’il ne veut point de partage ; il veut posséder seul votre cœur, et y régner comme un roi sur le trône qui est à lui.

Si vous saviez bannir de votre âme toutes les créatures, Jésus se plairait à demeurer en vous.

Vous trouverez avoir perdu presque tout ce que vous aurez établi sur les hommes et non sur Jésus.

Ne vous appuyez point sur un roseau qu’agite le vent, et n’y mettez pas votre confiance, car toute chair est comme l’herbe, et sa gloire passe comme la fleur des champs.

Vous serez trompé souvent, si vous jugez les hommes d’après ce qui paraît au dehors ; au lieu des avantages et du soulagement que vous cherchez en eux, vous n’éprouverez presque toujours que du préjudice.

Cherchez Jésus en tout, et en tout vous trouverez Jésus. Si vous vous cherchez vous-même, vous vous trouverez aussi, mais pour votre perte.

Car l’homme qui ne cherche pas Jésus, se nuit plus à lui-même que tous ses ennemis et que le monde entier.

Thomas A KEMPIS.
L’Imitation de Jésus-Christ.
Livre II, chap. 7.
Traduit par CONNES.

Doléances de Savonarole.

Est-ce que les mœurs présentes et les temps malheureux où nous sommes réclament qu’on approuve et qu’on applaudisse ceux qui voudraient retenir la vérité captive et la réduire à néant ?

Race de vipères, qui ressemblez comme l’a dit notre Seigneur, à des sépulcres blanchis… ayez honte à la fin de vos jalousies… Voyez… vos complices et vos partisans, les adversaires acharnés de la vérité et du chien fidèle du Christ. Ce sont des orgueilleux, des ambitieux, des avares, des adultères, des mangeurs et des buveurs, et les pires de tous sont ceux qui, ayant renié leur profession et déguisant leur apostasie sous une toison de brebis, sont rongés par l’envie et l’ambition. Repentez-vous donc, et rentrez enfin en vous-mêmes, si ma voix est encore capable de pénétrer dans vos oreilles aussi sourdes que celles de l’aspic. Et vous, bons prêtres, bons religieux, bons séculiers, qui êtes partout en grand nombre, je le sais, priez le Maître de la moisson d’envoyer de bons ouvriers dans son champ. Demandez-lui de vanner le bon grain, de le séparer de la paille, et de jeter l’ivraie au feu ; car il est proche et il se hâte, le temps où mon bien-aimé relèvera son bras en faisant justice et miséricorde sur la terre. Levez vos têtes et voyez : l’été arrive et la moisson commence.

SAVONAROLE.
Lamentation contre les tièdes.

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