Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 4 : Les précurseurs de la Réforme

Nous avons vu avant cette période et dans la précédente plusieurs mouvements d’opposition au système catholique. Le seul cependant qui, jusqu’à présent, laisse vraiment présager la Réforme du XVIe siècle, c’est le mouvement Vaudois. Aux XIVe et XVe siècles, nous voyons en surgir d’autres.

1. Wycliffe. Professeur à Oxford, il se borna pendant longtemps à s’élever contre l’immoralité des moines et l’avarice des papes. Le schisme d’Occident, à la fin du XIVe siècle, lui inspira des doutes sur l’autorité papale ; il fut alors exclu de l’université d’Oxford, mais il resta curé du petit village de Lutterworth et mourut paisiblement.

Pour lui, la Bible seule fait autorité en matière de foi ; il rejette la papauté et la tradition. Aussi a-t-il entrepris de traduire la Bible en anglais. Cet ouvrage ne fut achevé qu’après sa mort. Wycliffe a combattu plusieurs erreurs catholiques, en particulier la transsubstantiation.

Ses disciples ont parcouru l’Angleterre, lisant et expliquant la Bible. On les a flétris sous le nom de Lollards (gens qui parlent à voix basse). Malgré les persécutions, ils se sont maintenus jusqu’à l’Epoque de la Réforme.

Jan Hus au bûcher, enluminure du XVe siècle

2. Jean Hus (1369-1415). La Bohême a eu de tout temps certaines velléités d’indépendance au point de vue ecclésiastique. Jean Hus, né à Hussinetz, après d’excellentes études, devint professeur et prédicateur à Prague. Il a fixé l’orthographe tchèque. La lecture des ouvrages de Wycliffe fit une profonde impression sur lui. Comme lui, il insista sur l’autorité unique des Ecritures ; il protesta contre le culte des images, le trafic des indulgences, la corruption du clergé. Chassé de Prague, il se mit à prêcher dans les campagnes, malgré les interdictions du pape, et sa prédication populaire et chaleureuse faisait partout une profonde impression.

Il fut cité devant le concile de Constance. Il s’y rendit muni d’un sauf-conduit de l’empereur Sigismond. Dès son arrivée, il fut jeté dans une prison, d’où il écrivit à des amis des lettres admirables de douceur et de fermeté. On lui demanda une abjuration pure et simple, mais il ne pouvait se résoudre à abjurer d’une part des doctrines qu’il n’avait jamais professées, et de l’autre des articles qui lui paraissaient bibliques. Il ne voulait pas « scandaliser le peuple qu’il avait conduit dans la voie de la vérité ». Aussi fut-il dégradé et brûlé vif en 1415. Ses cendres furent jetées dans le Rhin. Son ami Jérôme de Prague qui avait abjuré dans l’espoir d’être relâché, se ressaisit en voyant qu’il restait en prison, et fut brûlé vif à son tour.

3. Les Hussites. Tandis que Hus était prisonnier à Constance, ses adeptes se multipliaient en Bohême, et ils commençaient à prendre la cène sous les deux espèces. La nouvelle de sa mort provoqua une tempête d’indignation qui dégénéra en soulèvement lorsque l’Empereur parjure Sigismond éleva des prétentions à la couronne de Bohême. Les armées hussites, sévèrement disciplinées, et sous la conduite de Ziska, mirent en déroute les armées impériales et les « croisés » du pape, qui finirent par s’enfuir sans même livrer bataille.

Le concile de Bâle se décida à faire quelques concessions. On accordait aux Hussites le droit de prendre la cène sous les deux espèces, la liberté de prêcher l’évangile, certaines réformes ecclésiastiques. Les aristocrates tchèques acceptèrent ces conditions, firent la paix avec les catholiques et prirent le nom d’Utraquistes ou Calixtins.

Ceux qui voulaient poursuivre la résistance armée furent écrasés par les forces combinées des Catholiques et des Utraquistes. Ils se retirèrent alors dans les montagnes, où ils organisèrent des réunions d’édification mutuelle plus ou moins clandestines. Ils entrèrent en rapport avec les Vaudois, nommèrent des évêques et se maintinrent sous le nom d’Unité des Frères pendant plusieurs siècles. Malgré les persécutions, ils avaient vers 1500 environ 400 églises.

Décision du Concile de Constance.

Quelques-uns disent que le supplice de Jean Hus était contraire à la justice et à l’honneur.

Le dit Jean Hus en combattant opiniâtrement la foi orthodoxe s’est privé de tout sauf conduit et de tout privilège ; aucune foi et aucune promesse, de droit naturel, divin ou humain ne doit être tenue au préjudice de la foi catholique.

MANSI, vol. XXVII, p. 791.

Une lettre de Jean Hus.

« Heureux l’homme qui souffre des tentations ; car, lorsqu’il aura été éprouvé, il recevra la couronne de vie que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment. » Glorieuse couronne que le Seigneur m’accordera, je l’espère fermement, et à vous aussi, fervents défenseurs de la vérité, et à tous ceux qui persévèrent dans l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui a souffert pour nous, nous laissant son exemple, afin que nous suivions ses traces. Il était nécessaire qu’il souffrît, comme il le dit lui-même, et il faut que nous, qui sommes ses membres, nous souffrions avec celui qui est notre tête ; car il a dit : « Si quelqu’un veut venir avec moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive. » O divin Jésus, attire-nous après toi, faibles que nous sommes ; car si tu nous attires, nous ne pourrons te suivre. Fortifie mon esprit, afin qu’il soit fort et résolu. La chair est faible, mais que ta grâce nous prévienne, nous assiste et nous sauve ! Car sans toi nous ne pouvons rien, et sommes surtout incapables d’affronter à cause de toi une mort cruelle.

Donne-nous un esprit résolu, un cœur intrépide, une foi pure, une espérance vive, une charité parfaite, afin que nous exposions pour toi notre vie avec patience et avec joie. Amen.

Ecrit en prison, dans les fers, la veille du jour de la Saint-Jean-Baptiste, qui a été décapité pour s’être élevé contre la corruption des méchants. Puisse-t-il prier pour nous Jésus notre Seigneur !

Jean HUS,
en espérance serviteur de Jésus-Christ.
2me série, lettre 44.
Traduit par BONNECHOSE.

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