Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre premier : Réorganisation intérieure du catholicisme

1. Le Concile de Trente

Portrait de Paul III (Alessandro Farnese)
peint par Titien (1543, Musée Capodimonte de Naples)

1. Histoire des sessions. Les Allemands, tant catholiques que protestants, réclamaient un concile depuis le début de la Réforme. Le pape hésita longtemps, craignant que le concile n’empiétât sur ses prérogatives, comme ceux du XVe siècle. Pour finir, Paul III convoqua un concile, non pas allemand, mais œcuménique, et cela dans la ville allemande la plus proche de l’Italie, à savoir Trente. Les sessions se prolongèrent pendant 20 ans, avec deux interruptions. La première session (1545-1547) prit fin, parce qu’à la suite d’une peste, le concile avait été transféré à Bologne, où les évêques allemands refusèrent de se rendre. La seconde session (1551-1552) fut interrompue par l’arrivée d’une armée protestante dans le Tyrol. La troisième (1562-64) mena les travaux du concile à chef. D’ailleurs, même pendant les sessions, il y avait souvent de longues périodes sans séances générales.

2. Caractères généraux. Le vote par tête donnait la prépondérance aux évêques italiens et espagnols, très nombreux ; tandis que les évêques français et allemands, partisans de réformes énergiques, étaient en minorité. D’ailleurs les séances étaient présidées par les légats du pape et eux seuls pouvaient transmettre des propositions à l’assemblée.

3. Résultats. Paul III avait assigné au concile un triple but. a) extirper l’hérésie, b) réformer la discipline et les mœurs, c) établir la paix perpétuelle. Le concile était incompétent pour le troisième point et ne prit que quelques mesures anodines pour le second (meilleure formation du clergé ; interdiction du cumul, les bâtards des prêtres ne pourront hériter des bénéfices).

Au point de vue doctrinal, le concile précisa le dogme catholique et les points controversés. Il affirma l’inspiration des livres apocryphes et interdit la lecture de la Bible en langue vulgaire sans autorisation spéciale. Il mit la Vulgate sur le même niveau que les textes originaux. Il proclama la justification par la foi et les œuvres, et le mérite de ces dernières. Il maintint les sept sacrements, le dogme du purgatoire, le culte des saints et des images, l’usage des indulgences, etc. Les livres dangereux sont mis à l’index. Aucune concession n’était donc faite à la Réforme, mais la doctrine catholique sortait de la confusion qui lui avait été préjudiciable. On reconnut au pape le droit de confirmer et d’expliquer les décisions du concile. Sa supériorité sur un concile, même œcuménique, était donc établie, et l’Eglise romaine put se passer de concile pendant trois siècles. Le suivant, celui du Vatican, mit le point final à l’œuvre de Trente, en proclamant l’infaillibilité papale.

Quelques articles du Concile de Trente.

Si quelqu’un dit que l’impie est justifié par la foi seule, en sous-entendant que rien d’autre n’est exigé qui coopère à l’acquisition de la grâce de la justification ; et qu’il n’est nullement nécessaire que le pécheur soit préparé et disposé par l’impulsion de sa volonté, qu’il soit anathème.

Session 6, Canon 9.
MANSI, tome XXXIII, pp. 40, 41.

Si quelqu’un dit que la foi qui justifie n’est rien d’autre que la confiance en la miséricorde divine qui remet les péchés à cause du Christ, ou que cette confiance est la seule par laquelle nous soyons justifiés, qu’il soit anathème.

id. Canon 12, p. 41.

Si quelqu’un dit que la justice reçue ne peut être conservée, ou même qu’elle ne peut être accrue devant Dieu par les bonnes œuvres, mais que les œuvres elles-mêmes ne sont que les fruits et les signes de la justice acquise, mais qu’elles n’en provoquent aucun accroissement, qu’il soit anathème.

id. Canon 24, p. 42.

Si quelqu’un dit que les bonnes œuvres d’un homme justifié sont des dons de Dieu, dans ce sens qu’ils ne sont pas de bons mérites du justifié lui-même, qu’il soit anathème.

id. Canon 32, p. 43.

Comme par l’expérience, il est évident que si les saints Livres sont répandus partout sans discrimination en langue vulgaire il s’ensuit à cause de la témérité des hommes plus de mal que d’utilité, qu’il soit laissé dans ce domaine au jugement de l’Evêque ou de l’inquisiteur, de pouvoir donner après s’être entendu avec le pasteur de la paroisse ou le confesseur, le droit de lire la Bible en langue vulgaire, traduite par des auteurs catholiques à ceux qu’ils verront ne pas pouvoir retirer du dommage, mais au contraire l’accroissement de foi et de piété à la suite d’une telle lecture : qu’ils aient cette autorisation par écrit. Mais celui qui aura la présomption de les lire ou de les posséder en dehors d’une telle autorisation ne pourra obtenir la rémission de ses péchés sans avoir auparavant rendu la Bible à l’ordinaire.

id. p. 229.

Profession de foi du Concile de Trente.

Je reconnais fermement et j’embrasse les traditions apostoliques et les autres coutumes et règlements de l’Eglise. De même, je reconnais l’Ecriture Sainte, dans le sens où notre Sainte Mère l’Eglise l’a tenue et la tient encore. A elle appartient le jugement sur le véritable sens et l’explication des Saintes Ecritures. Jamais je ne l’interpréterai et ne l’expliquerai autrement que d’après l’interprétation unanime des Pères.

Je confesse aussi qu’il y a, au sens propre et véritable du terme, sept sacrements de la Nouvelle Alliance qui ont été institués par notre Seigneur Jésus-Christ et qui sont nécessaires pour le salut du genre humain, quoiqu’ils ne le soient pas tous pour chaque individu, à savoir : le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la pénitence, l’extrême-onction, l’ordination, le mariage ; qu’ils communiquent la grâce, et que parmi eux le baptême, la confirmation et l’ordination ne peuvent être renouvelés sans sacrilège. J’accepte aussi et j’approuve tous les rites approuvés par l’Eglise lors de l’administration solennelle desdits sacrements.

J’accepte entièrement tout ce qui a été décidé et déclaré au Concile de Trente sur le péché originel et la justification.

Je confesse encore que dans les messes est consommé un sacrifice véritable et expiatoire pour les vivants et pour les morts, que dans le très saint sacrement de l’Eucharistie le corps et le sang, en même tant que l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, sont réellement et véritablement présents, qu’il se produit une transformation de toute la substance du pain dans le corps et de toute la substance du vin dans le sang. Cette transformation, l’Eglise Catholique la nomme transsubstantiation. Je confesse en outre que le Christ tout entier et le véritable sacrement sont présents même sous une seule espèce.

Je tiens fermement qu’il existe un purgatoire et que les âmes qui y sont renfermées trouvent un secours dans la prière des croyants.

Je crois fermement que l’on doit vénérer et invoquer les saints qui règnent avec le Christ, qu’ils apportent pour nous des prières à Dieu, que l’on doit vénérer leurs reliques. J’affirme fermement que l’on doit avoir et conserver des images du Christ, de la mère de Dieu toujours vierge, ainsi que des saints : qu’on doit leur témoigner le respect et la vénération qui leur sont dus.

Je dis aussi que le Christ a donné à l’Eglise plein pouvoir pour les indulgences et que leur usage apporte une grande bénédiction au peuple chrétien.

Je reconnais la sainte Eglise Romaine, catholique et apostolique comme la mère et l’éducatrice de toutes les Eglises ; je promets et jure vraie obéissance au pape romain, successeur de saint Pierre, le prince des apôtres, et vicaire de Jésus-Christ.

J’accepte aussi sans élever aucun doute et je confesse toutes les autres choses qui ont été transmises, décidées et déclarées par les saints Conciles œcuméniques, avant tout par le saint Concile de Trente.

Et de même je condamne, je rejette et j’anathématise tout ce qui est en contradiction avec cela et toutes les fausses doctrines que l’Eglise a condamnées, rejetées et anathématisées…

2. L'ordre des jésuites

Ignace de Loyola

1. Fondation. L’Espagnol Ignace de Loyola (1491-1556) se destinait primitivement à la vie militaire. A la suite d’une blessure, il lut des vies de saints et se voua au mysticisme. Il consacra plusieurs années à des études et à de terribles austérités.

Avec six amis, il fit vœu à l’église Sainte-Marie de Montmartre de devenir missionnaire, ou de se vouer à une tâche assignée par le pape. En 1540, Paul III promulgua la Bulle d’institution du nouvel ordre, appelé Compagnie de Jésus ; aux trois vœux ordinaires était adjoint un quatrième vœu d’obéissance absolue au pape.

Loyola devint le premier général de l'ordre. C'était avant tout un mystique fanatique, comme le montre son ouvrage intitulé Exercices spirituels.

Il préconise quatre semaines d’exercices où l’on se complaît dans des visions. La mariolâtrie y joue un grand rôle, et surtout la soumission totale à l’Eglise : « Ce qui me paraît blanc, je dois le croire noir, si l’Eglise hiérarchique le définissait ainsi ». Cet ouvrage, largement répandu et commenté, eut une immense influence. Cependant l’organisation de l’ordre est surtout l’œuvre d’un associé et successeur de Loyola, à savoir Lainez.

2. Organisation. Pour être admis dans la société, il faut d’abord passer par un noviciat sévère, ensuite faire des études prolongées comme « scolastique », puis être un certain temps « coadjuteur spirituel ». Après cela seulement, le candidat prononce le quatrième vœu, prend le titre de profès et est initié aux règles secrètes. Les profès sont organisés hiérarchiquement ; chacun a une autorité illimitée sur ses subordonnés et doit être docile « comme un cadavre » en face de ses supérieurs. A la tête de l’organisation se trouve un général nommé à vie, appelé parfois « le pape noir » à cause de son influence, et qui d’ailleurs est étroitement espionné par d’autres jésuites.

3. Activité. Les jésuites veulent travailler « à la plus grande gloire de Dieu ». Ils ont trois moyens d’action : a) la mission en pays païens et en pays hérétiques ; b) l’instruction de la jeunesse ; les jésuites ont cherché à contrebalancer l’influence des excellentes écoles protestantes en ouvrant, eux aussi, des écoles où ils donnaient une instruction plus brillante que loyale : beaucoup de nobles leur confièrent leurs enfants ; c) le confessionnal : pour mieux résoudre les cas de conscience qui leur étaient présentés de ce fait, ils ont développé une vraie casuistique. Il suffisait qu’un docteur grave eût déclaré qu’une action fût licite pour que son opinion fût probable, et ainsi suivant la piété de ceux à qui ils avaient à faire, ils pouvaient exiger une morale austère ou se contenter d’une morale relâchée, autorisant par exemple les restrictions mentales, le duel, la malhonnêteté dans les affaires. Leurs bonnes manières et leur éducation firent qu’ils devinrent rapidement les confesseurs des hautes classes, des princes en particulier. Par l’ordre des jésuites, Rome pouvait ainsi opposer au protestantisme conquérant une forme de catholicisme tout aussi enthousiaste et tout aussi expansif. Dans toutes les manifestations de la vie catholique, et particulièrement dans la lutte contre le protestantisme, les jésuites auront un rôle prépondérant.

Une lettre d’Ignace de Loyola.

Ainsi donc, Père Martin, déterminez-vous à prendre les deux résolutions suivantes et à les observer fermement : la première, de suspendre votre jugement et de ne pas estimer qu’est péché ce qui n’apparaît pas l’être clairement et ce que les autres ordinairement ne considèrent pas comme péché ; la seconde, même là où vous craignez qu’il y a péché, vous devez vous remettre au jugement de votre supérieur et croire ce qu’il vous dira – non pas en tant qu’homme (bien qu’il soit homme prudent et digne de confiance), mais en tant que supérieur qui tient la place de Notre Seigneur. Vous devez agir de la même façon envers n’importe quel supérieur, dans la confiance que la Providence vous gouvernera par son intermédiaire.

Croyez-moi, si vous aviez la véritable humilité et soumission, les scrupules ne vous causeraient pas tant de souci. La racine des scrupules est un certain orgueil qui accorde plus de crédit au jugement propre qu’à celui d’autrui…

Lettre écrite en juin 1556.
Tome XII, pp. 30, 31.
Dans Chs. LAMBOTT,
Saint Ignace de Loyola.

3. Renouveau de vie et d’activité

Philippe Néri par Giuseppe Nogari

1. Vie monastique. Parmi les ordres anciens, signalons les chevaliers de saint Jean, après un combat héroïque, durent quitter l’île de Rhodes et se fixer à Malte. Parmi les Franciscains, les Capucins ont repris l’idéal rigide du fondateur.

Parmi les ordres nouveaux, signalons la congrégation de l’Oratoire, fondée à Rome par Philippe de Néri, destinée à encourager la prière, l’usage des sacrements, et surtout la prédication. La congrégation fut introduite en France par le cardinal de Bérulle.

Autres ordres nouveaux : les Théatins qui se destinent à la prédication et à la mission en terre païenne ; les Frères de la Charité qui se consacrent au soin des malades ; et les Ursulines qui se vouent à l’instruction des filles.

2. Lutte contre les infidèles. L’union des catholiques met fin à l’expansion turque qui avait été favorisée pendant un siècle par leurs divisions. Les découvertes et les conquêtes des Espagnols et des Portugais dans l’ancien et le nouveau monde ouvraient des champs très vastes aux missions catholiques en terre païenne. Les jésuites se sont distingués dans ce domaine. François Xavier a baptisé des foules en Extrême-Orient, en particulier au Japon. Au Canada et en Amérique du Sud également, les jésuites ont fait œuvre pionnière parmi les Indiens.

3. Les papes de la Contre-Réforme. Aux papes indignes du début du siècle, succède une série de papes remarquables par leur énergie et leur austérité. Paul III (1534-1549) avait encore une cour luxueuse ; mais il s’occupait activement des affaires de l’Eglise : il excommunia Henri VIII, institua l’ordre des jésuites, convoqua le concile de Trente et rétablit l’inquisition.

Paul IV (1555-1559) fut un pape austère. Il enleva des bénéfices à ses propres neveux à cause de leur vie dissolue. Il fut le premier à publier un index des livres interdits.

Pie IV (1559-1565) dirigea activement, de Rome, la fin des travaux du concile de Trente.

Le pape Pie V (1566-1572) était un ancien inquisiteur. Sa piété lui valut d’être canonisé. Il poussa Catherine de Médicis dans la voie de la violence à l’égard des protestants et prépara ainsi le massacre de la Saint-Barthélémy. Son successeur, Grégoire XIII (1572-1585), frappa une médaille pour commémorer cet événement. Il réforma le calendrier et lui donna son nom (calendrier grégorien). Sixte-Quint (1585-90) reprit la grande politique européenne des papes du Moyen Age, d’ailleurs sans succès notable. Il publia une édition officielle de la Vulgate (édition sixtine).

Comme cette édition contenait de nombreuses erreurs, une autre édition officielle, dite clémentine, fut publiée peu après sous le pontificat de Clément VIII (1592-1605).

Thérèse d'Avila par Pierre Paul Rubens

4. Catholiques remarquables. Nous devons mentionner la grande mystique espagnole Thérèse d’Avila (1515-82). Toute jeune, elle était entrée dans l’ordre des carmélites qu’elle réforma. On peut faire des réserves sur ses extases ; elle soumettait d’ailleurs les révélations qu’elle recevait à ses confesseurs pour contrôler si elles venaient de Dieu ; n’empêche que le trait dominant chez elle, c’est un ardent amour pour le Sauveur, amour qui faisait d’elle une créature rayonnante de joie, de douceur et d’humilité, et qui la rend sympathique même à ceux qui ne peuvent pas l’approuver en tout. On peut en dire à peu près autant du mystique portugais Jean de Dieu. Un autre Espagnol, Jean de la Croix (1542-91), a poussé jusqu’aux plus extrêmes limites l’analyse psychologique de l’expérience mystique. Ses ouvrages (La Montée au Carmel, la Nuit obscure) exercent encore aujourd’hui une influence fascinante.

Charles Borromée

Robert Bellarmin

Charles Borromée (1538-84), archevêque de Milan, a exercé une grande influence en Italie par son activité dévouée et sa vie irréprochable. Il a combattu avec succès la discipline relâchée de l’Eglise de son temps. Le professeur jésuite et cardinal Bellarmin (1542-1621) est le grand théologien de cette époque. Ses ouvrages contre les protestants servent de base à la controverse catholique jusqu’à nos jours.

Pie V (Antonio Ghislieri)

Lettre de Pie V à Charles IX.

A notre très cher fils en Jésus-Christ, Charles, roi très chrétien des Français.

… Il faut en conséquence que Votre Majesté tienne pour certain que cela ne pourra jamais avoir lieu (le rétablissement de l’ordre), tant que tout le royaume n’embrassera pas unanimement et ne conservera pas fidèlement la seule et même religion catholique. Pour y parvenir, avec l’aide de Dieu, il est nécessaire que Votre Majesté sévisse sans pitié contre les ennemis de Dieu, ses propres sujets rebelles, en les punissant des justes peines et des supplices statués par les lois… Car si, mu par un motif quelconque, vous négligiez de poursuivre et de punir les injures faites à Dieu (ce que nous sommes loin de croire), certes, vous finiriez par lasser sa patience et par provoquer sa colère… Donné à Saint-Pierre de Rome, sous l’anneau du pécheur, le 13 avril 1569, la quatrième année de notre pontificat.

Cité par W.H. GUITON
La Réforme à Paris

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