Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 2 : Lutte entre le catholicisme et le protestantisme

Cette lutte se poursuit suivant un plan bien concerté. Là où le protestantisme n’est pas encore arrivé à une situation dominante, on cherche à l’exterminer par la persécution. Là où il s’est établi, on cherche à le supplanter par la ruse, et si l’on n’y réussit pas, on recourt à la guerre. Aussi la fin du siècle n’est-elle qu’une série de guerres religieuses. Celles-ci commencent en Allemagne, puis se déchaînent dans les divers autres Etats européens, pour aboutir dans la période suivante à une guerre générale.

1. La Contre-Réforme en Europe centrale

Portrait de Charles Quint
par Juan Pantoja de la Cruz (d'après Le Titien)

1. La guerre de Smalcalde. Charles V avait toujours vu d’un mauvais œil la ligue protestante de Smalcalde. Lorsqu’il eut les mains libres, il attaqua celle-ci et eut d’abord de gros succès, grâce à l’appui du prince protestant, Maurice de Saxe, traître à ses frères. Mais ensuite, Maurice de Saxe se retourna contre Charles V qui dut signer la Paix d’Augsbourg, laquelle donnait à chaque prince le droit d’imposer sa religion à ses sujets (cujus regio, hujus religio).

2. L’Allemagne sous le régime de la paix d’Augsbourg. Le protestantisme s’était maintenu. Mais il ne fit pas de grand progrès. Les jésuites s’introduisirent en Bavière et en Autriche et en firent des pays fanatiquement catholiques. Le protestantisme qui avait de nombreux adhérents (plus de la moitié de la population en Autriche) fut extirpé. Le théologien jésuite Canisius rédigea un catéchisme qui devint très populaire.

3. La Contre-Réforme en Hongrie. Les jésuites espéraient pouvoir ramener au catholicisme la portion de la Hongrie qui était soumise à l’Autriche. Mais les Hongrois se soulevèrent, et, soutenus par le prince de Transylvanie Bocskay, qui était un calviniste très pieux, ils assurèrent la liberté de conscience au traité de Vienne.

2. La Contre-Réforme en Espagne

Philippe II d'Espagne par Titien, 1560.

1. Philippe II (1556-1598). Fils de Charles V, il n’hérita pas de la couronne impériale, mais il dominait sur l’Espagne, les Pays-Bas et la majeure partie de l’Italie, sans parler des colonies espagnoles qui comprenaient la moitié de l’Amérique. Il conquit le Portugal et ses colonies (Brésil, côtes de l’Afrique et des Indes). Son règne s’étendit sur presque toute la seconde moitié du XVIe siècle. Il était travailleur, tenace, dévoué aux intérêts de son royaume, mais d’autre part sombre et cruel. Il dirigeait la politique mondiale du fond de son cabinet de travail, au palais de l’Escurial. Le but de sa vie était de consolider à l’intérieur l’absolutisme royal, et à l’extérieur d’assurer le triomphe du catholicisme et l’hégémonie espagnole. Pendant 40 ans, il a été l’âme de la Contre-Réforme, mettant toute l’Europe occidentale à feu et à sang pour réaliser son idéal.

2. L’inquisition en Espagne. Etablie à la fin du XVe siècle, elle fleurit sous Charles V et plus encore sous Philippe II. Elle fit de nombreuses victimes, protestants, Juifs, Maures, parfois même prévenus politiques. On parait les exécutions du nom d’auto-da-fé (actes de foi), et on faisait des sortes de réjouissances publiques. Le fils de Philippe II, Philippe III, acheva de rendre l’Espagne entièrement catholique en expulsant tous les Maures.

3. La Contre-Réforme aux Pays-Bas

Portrait de Guillaume d'Orange en 1579,
musée Thyssen-Bornemisza.

1. Situation politique. Les provinces dites des Pays-Bas étaient à cette époque très prospères. Jusqu’à Charles V, elles avaient joui d’une large indépendance. Philippe II entreprit de supprimer toutes les anciennes franchises. Une révolte s’ensuivit, menée par les nobles du pays, que les Espagnols flétrirent du nom de « gueux ». La répression, dirigée par le célèbre duc d’Albe fut sanglante ; mais si les Espagnols réussirent à mâter les provinces du sud, tous leurs efforts furent vains dans les provinces du nord qui, sous l’égide de Guillaume d’Orange le Taciturne, proclamèrent leur indépendance complète.

2. Succès de la Contre-Réforme dans les provinces du sud. La Réforme avait connu quelques succès dans ces provinces qui forment la Belgique actuelle. Les anabaptistes y étaient très nombreux. Des prédicateurs calvinistes, venus de France, y avaient prêché l’Evangile. Malheureusement, il y eut aussi quelques scènes de fanatisme, avec bris d’images et pillage d’églises. Les Espagnols sévirent d’une manière implacable contre tous les protestants et noyèrent la Réforme dans le sang. Parmi les martyrs, citons Guy de Brès, l’auteur de la Confession des Pays-Bas, exécuté à Valenciennes.

3. Echec de la Contre-Réforme dans les provinces du nord. Les armées espagnoles ayant été chassées des provinces du nord (Hollande actuelle), la Réforme n’y rencontra pas les mêmes obstacles. Au contraire, la doctrine calviniste justifiait la révolte des magistrats hollandais contre un prince tyrannique. Les Eglises protestantes s’étaient organisées à l’étranger, au Synode d’Emden, alors que les Espagnols occupaient encore le pays. Elles avaient adopté une confession de foi calviniste, et le régime synodal à quatre étages. Il suffisait de consacrer ces décisions dans un synode convoqué dans le pays même. C’est ce qui se fit au Synode de Dordrecht en 1574. La religion réformée fut déclarée religion officielle des Provinces du nord, et le catholicisme fut proscrit. La politique de Philippe II subissait un échec retentissant, puisqu’elle aboutissait à faire faire au protestantisme une conquête importante.

4. La Contre-Réforme dans les îles britanniques

Marie Tudor par Antonio Moro, 1554.

1. Marie la Sanglante (1553-1558). A Edouard VI succéda sa demi-sœur Marie, fille de Catherine d’Aragon, et épouse de Philippe II d’Espagne. Elle avait été élevée dans la haine du protestantisme, qui avait autorisé la répudiation de sa mère. Aussi exigea-t-elle que le Parlement se soumit à Rome, et persécuta-t-elle les protestants. Près de 300 périrent sur l’échafaud, parmi eux, l’archevêque Cranmer et le réformateur Latimer, et des foules d’autres s’exilèrent. Ce règne très court eut pour résultat d’inspirer au peuple anglais la haine du papisme.

Portrait de la reine Élisabeth par Segar, 1585.

2. Elisabeth (1558-1603). Ce fut alors la fille d’Anne Boleyn qui monta sur le trône. Elle ne pouvait pas maintenir une religion selon laquelle elle était une enfant illégitime. Aussi rétablit-elle l’Acte de suprématie, la confession de foi protestante (les 39 articles), et fit-elle rééditer le Book of Common Prayer. Elle chercha même à introduire le protestantisme en Irlande, d’ailleurs sans grand succès, et soumit les Irlandais catholiques à des vexations regrettables.

Marie Stuart reine d'Écosse par François Clouet

3. L’Ecosse. Le protestantisme s’était solidement établi dans le pays en l’absence de la reine Marie Stuart, élevée en France. Lorsqu’elle revint en Ecosse, elle obtint le droit de rester catholique, mais elle dut reconnaître les mesures adoptées en son absence. D’ailleurs, les scandales de sa vie privée et de sa cour provoquaient la colère de John Knox, qui tempêtait contre Jésabel et ses idoles. Pour finir, elle fut obligée d’abdiquer en faveur de son fils Jacques, qui fut élevé dans le protestantisme. Les espoirs des catholiques de recouvrer l’Ecosse s’évanouissaient.

4. L’invincible Armada. Marie Stuart alla se réfugier en Angleterre, auprès de sa cousine Elisabeth, qui la fit mettre en prison. Il faut dire qu’elle était suspecte aux yeux d’Elisabeth, parce qu’elle avait certaines prétentions au trône d’Angleterre, prétentions qui étaient appuyées par les catholiques en général et divers conspirateurs en particulier. Après 18 ans de réclusion, elle fut décapitée. On alla jusqu’à lui refuser l’assistance d’un prêtre catholique à ses derniers moments. Un cri d’indignation accueillit cette nouvelle dans le monde catholique. Le pape Sixte-Quint fit cadeau de l’Angleterre à Philippe II. Celui-ci arma une flotte formidable, appelée orgueilleusement « Invincible Armada », pour attaquer l’Angleterre. Mais cette flotte, mise à mal par les tempêtes, fut vaincue par la flotte anglaise, composée de navires plus petits et plus maniables, et quelques débris seulement purent regagner l’Espagne. La Contre-Réforme avait complètement échoué.

5. La Contre-Réforme en France

1. Prodromes des guerres de religion. A Henri II succéda son fils François II (1559-60), époux de Marie Stuart, et comme tel uni par alliance à la famille des Guises. Ceux-ci, catholiques fanatiques, devinrent tout-puissants. Quelques protestants, blâmés par Calvin, se conjurèrent pour enlever le roi, le soustraire à l’influence des Guises, et le placer sous la tutelle des princes du sang, dont plusieurs avaient embrassé la Réforme. Cette tentative, qui eut Ambroise pour théâtre, échoua, et les Guises sévirent cruellement.

Charles IX de France, d'après François Clouet.

Portrait de Catherine de Médicis en tenue de deuil,
vers 1560, atelier de François Clouet.

Tôt après, François II mourut, et son frère Charles IX (1560-74), lui succéda. La tutelle passa à sa mère Catherine de Médicis, Italienne sans scrupules et dévorée d’ambition. Pour profiter de son pouvoir, elle désirait tenir le juste milieu entre les Guises et les princes du sang. Elle convoqua à Poissy un colloque pour voir s’il y aurait un moyen de concilier le catholicisme et la réforme. Face au cardinal Charles de Guise et au général jésuite Lainez, Théodore de Bèze était le porte-parole des protestants, et son discours fit grande impression. On se rendit compte que l’union était impossible, mais grâce au chancelier Michel de l’Hôpital, on accorda aux protestants par l’édit de Saint-Germain une certaine tolérance.

Les catholiques fanatiques furent très irrités. Le duc François de Guise décida de rompre la trêve ainsi conclue. Il surprit des protestants assemblés pour leur culte à Vassy et les fit massacrer par ses soldats. Cet incident mis le feu aux poudres, et dans toute la France catholiques et protestants prirent les armes.

2. Caractères généraux de ces guerres. Le but des catholiques était d’exterminer le protestantisme. Ils étaient soutenus dans cette voie par Pie V et par Philippe II. Ils n’hésitèrent pas à faire cause commune avec l’ennemi principal de la France, qui rêvait de priver celle-ci de son indépendance au profit de l’Espagne. L’entrevue de Bayonne entre Catherine de Médicis et le duc d’Albe orienta la politique française dans un sens hostile à la Réforme.

Les protestants cherchaient simplement à obtenir la liberté de conscience et de culte. Ils étaient disposés à accorder la même liberté aux catholiques. Eux aussi firent appel à l’étranger, en particulier à Elisabeth d’Angleterre. Il n’en reste pas moins vrai qu’en s’opposant à l’Espagne, ils étaient dans la ligne du véritable intérêt national ; cela est même si vrai que, pour finir, tous les catholiques réellement patriotes firent cause commune avec eux.

De part et d’autre, des atrocités furent commises. Il faut reconnaître cependant que les armées protestantes étaient beaucoup mieux disciplinées que les armées catholiques ; tandis que les catholiques maltraitaient odieusement les populations ; les protestants tournaient leur fureur principalement contre les églises et les statues ; encore en ceci, encoururent-ils la désapprobation de Théodore de Bèze. Le baron des Adrets, si célèbre par ses cruautés, fut sévèrement blâmé et finit par abjurer le protestantisme.

3. Principaux événements. Nous n’entrerons pas dans le détail des huit guerres de religion, coupées par de courtes trêves, régulièrement rompues par les catholiques.

François Ier de Lorraine, duc de Guise.
Portrait par François Clouet, musée du Louvre.

Louis de Condé en 1561

La première guerre (1562-1563) fut marquée par l’assassinat du duc François de Guise par un protestant, Poltrot de Méré. Elle se termina par la paix d’Amboise.

La seconde guerre (1567-1568) se termina par la paix de Longjumeau.

Au cours de la troisième (1568-1570), les protestants essuyèrent la défaite de Jarnac, où leur chef Louis de Condé fut tué. Mais Coligny obtint la paix de Saint-Germain, par laquelle quatre places de sûreté étaient accordées aux protestants.

Gaspard II de Coligny
par François Clouet (vers 1565)

Le fait le plus marquant de cette histoire est le massacre de la Saint-Barthélemy, organisé à l’occasion du mariage du principal chef protestant, Henri de Navarre, avec la sœur du roi, à Paris. Toute la noblesse protestante était réunie pour les noces. Catherine de Médicis et les Guises résolurent de faire tuer l’amiral Gaspard de Coligny, qui prenait beaucoup d’ascendant sur Charles IX. Un premier attentat échoua. On tint conseil avec le roi, et celui-ci, dans un accès de fureur, déclara, dit-on, qu’il consentait à ce que l’on tuât Coligny, à condition qu’on exterminât aussi tous les huguenots de France, afin qu’il n’en restât point pour lui faire des reproches. La nuit du samedi 23 au dimanche 24 août 1572, jour de la Saint Barthélemy, à trois heures du matin, le tocsin sonna à l’église Saint-Germain l’Auxerrois. Les archers catholiques commencèrent à assassiner Coligny ; la populace s’acharna odieusement sur sa dépouille. Puis, pendant trois jours, ce ne fut qu’une série de massacres, outrages, viols, pillage. La cour du Louvre ruisselait de sang. Les eaux de la Seine étaient rougies, tant on y jetait de cadavres ensanglantés. Le nombre des victimes atteignit, d’après le martyrologe de Crespin, 10 000. Les jours suivants, des scènes analogues se produisirent dans presque toutes les grandes villes de province, où, suivant les statistiques, 30 000 à 100 000 personnes furent mises à mort, entre autres le célèbre compositeur Goudimel. Henri de Navarre, bien que beau-frère du roi, n’échappa à la mort que par une prompte abjuration. La nouvelle de ces atrocités fut accueillie avec joie à Madrid, et à Rome où Grégoire XIII fit frapper une médaille de souvenir. Quelque temps après Charles IX mourut dans d’horribles angoisses, et son frère Henri III lui succéda (1574-89).

Le protestantisme était meurtri, mais cependant pas exterminé. Les réformés reprirent les armes, soutenus par bien des catholiques que l’odieux massacre avait écœurés qui prirent le nom de « parti des politiques ». Les catholiques fanatiques formèrent de leur côté une ligue, la Sainte Ligue, dont le duc Henri de Guise prit la tête, et qui fut soutenue par le pape et le roi d’Espagne.

Quatrième guerre (1572-1573) terminée par l’édit de Boulogne.
Cinquième guerre (1575-1576) terminée par la paix de Beaulieu.
Sixième guerre (1577) Edit de Bergerac.
Septième guerre (1579-1580) terminée par le traité de Fleix.

Henri IV
Portrait en buste par Frans Pourbus le Jeune.

La guerre redoubla de violence lorsque Henri de Navarre, qui entre temps était revenu à la foi réformée, devint l’héritier présomptif du trône de France. Ce fut la guerre des « trois Henri ». Henri III, jaloux de la popularité d’Henri de Guise, le fit assassiner à Blois ; il fut assassiné à son tour devant Paris. Henri de Navarre, devenu Henri IV (1589-1610) eut encore une longue lutte à soutenir contre la ligue et contre l’Espagne ; il finit par l’emporter, abjura une seconde fois le protestantisme et fit son entrée à Paris.

4. L’Edit de Nantes. L’abjuration d’Henri IV causa un grand chagrin à ses amis protestants qui avaient été ses plus fermes appuis. Le roi décida de les récompenser de leurs services en promulguant en leur faveur un édit perpétuel et irrévocable, donné à Nantes en 1598.

Nul ne devait être inquiété pour cause de religion. Les réformés obtenaient libre accès à toutes les charges publiques. Ils pouvaient célébrer leur culte partout où il avait eu lieu précédemment, sauf à Paris et à moins de cinq lieues à la ronde. Ils obtenaient le droit d’ouvrir des écoles et de convoquer des synodes. Des tribunaux mixtes étaient constitués pour trancher tous les procès entre catholiques et protestants. Enfin, des articles secrets concédaient, pour une période de temps limitée, un nombre considérable de places de sûreté aux réformés, comme gage de l’exécution de l’Edit.

Les protestants sortaient vainqueurs de la lutte. L’Edit de Nantes leur accordait tout ce qu’ils avaient demandé. Malheureusement, les persécutions et les luttes sanglantes les avaient décimés. Des 2000 églises du temps de Henri II, il ne restait plus que 7 à 800.

Quelques semaines après, Philippe II faisait la paix avec Henri IV. Il renonçait à ses visées sur la France. La même année, il s’éteignit, après une agonie atrocement longue et douloureuse. En Hollande, en Angleterre, en France, partout il avait échoué. Son pays, l’Espagne, sortait épuisé de ces quarante ans de lutte vaine. Le déclin allait s’accentuer sous les règnes suivants.

La Saint-Barthélemy.

Pour retourner à notre propos, Besme, dépitant Dieu, donna un coup d’estoc dans la poitrine de l’Amiral, puis rechargea sur la tête ; chacun des autres lui donna aussi son coup, tellement qu’il tomba par terre tirant à la mort. Le Duc de Guise, qui était demeuré en la basse cour avec les autres seigneurs catholiques, voyant le coup, commence à crier à haute voix : « Besme, as-tu achevé. » « C’est fait », dit-il. Lors le Duc de Guise répliqua : « Monsieur le Chevalier ne le peut croire s’il ne voit de ses yeux ; jette-le par la fenêtre. » Alors Besme et Sarlaboux levèrent le corps de l’Amiral et le jetèrent par la fenêtre en bas. Or, d’autant que le coup qu’il avait reçu en la tête, et le sang qui lui couvrait les visage empêchait qu’on ne le connut, le Duc de Guise, se baissant dessus, et lui torchant le visage avec un mouchoir, dit : « Je le connais, c’est lui-même », puis ayant donné un coup de pied au visage de ce pauvre mort, que tous les meurtriers de France avaient tant redouté lorsqu’il vivait, il sort de la porte du logis en s’écriant : « Courage, soldats, nous avons heureusement commencé, allons aux autres… »

« Ce dimanche fut employé à tuer, violer et saccager : de sorte qu’on croit que les nombres de tués ; ce jour-là et les deux suivants, dans Paris et des faubourgs, surpasse 10.000 personnes, tant Seigneurs, Gentilshommes, Présidents, Conseillers, Avocats, Procureurs, Ecoliers, Médecins, Marchands, Artisans, femmes, filles et enfants. Les rues étaient couvertes de corps morts, la rivière teinte de sang, les portes et entrées du palais du Roi peintes de même couleur ; mais les tueurs n’étaient pas encore saouls ».

« Les Commissaires, Capitaines, quinteniers et dizeniers de Paris allaient avec leurs gens de maison en maison, là où ils croyaient trouver les Huguenots, enfonçant les portes, puis massacrant cruellement ceux qu’ils rencontraient, sans avoir égard au sexe ou à l’âge. Les charrettes de corps morts, de demoiselles, femmes, filles, hommes et enfants étaient menées et déchargées à la rivière, couverte de corps morts et rouge de sang, qui aussi ruisselait en divers endroits de la ville, comme en la cour du Louvre et auprès. »

CRESPIN
Martyrologe.
Livre X, Tome 3, pp. 666-669.

Fragments de l'Edit de Nantes.

Henri, par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre : A tous, présents et à venir, salut. Entre les grâces infinies qu’il a plu à Dieu nous départir, celle-ci est bien des plus insignes et remarquables, de nous avoir donné la vertu et la force de ne céder en rien aux effroyables troubles, confusions et désordres qui se trouvèrent à notre avènement à ce royaume, qui était divisé en tant de parts et de factions que la plus légitime en était quasi la moindre ; et de nous être tellement raidis contre cette tourmente, que nous l’ayons enfin surmontée, et touchions maintenant le port de salut et repos de cet Etat… Pour cette occasion… après avoir repris les cahiers des plaintes de nos sujets catholiques et ayant aussi permis à nos sujets de la Religion prétendue Réformée de s’assembler par députés pour dresser les leurs… nous avons jugé nécessaire de donner maintenant sur le tout à tous nos dits sujets une loi générale, claire, nette et absolue par laquelle ils soient réglés à tous les différents… Pour ces causes, ayant bien et diligemment pesé et considéré toute cette affaire, nous avons cet édit perpétuel et irrévocable dit, déclaré et ordonné, disons, déclarons et ordonnons :

Premièrement, que la mémoire de toutes choses passées d’une part et d’autre, depuis le commencement du mois de Mars 1585, jusqu’à notre avènement à la Couronne et durant les autres troubles précédents et à l’occasion de ceux-ci, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue…

Ordonnons que la Religion Catholique Apostolique et Romaine sera remise et rétablie en tous lieux et endroits de notre royaume et pays de notre obéissance où l’exercice de celle-ci a été suspendu pour y être librement exercée sans aucun trouble ou empêchement.

Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et différents entre nos sujets, avons permis et permettons à ceux de ladite Religion Prétendue Réformée vivre et demeurer par toutes les villes et lieux de notre royaume et pays de notre obéissance, sans être enquis, vexés, molestés ni astreints à faire chose par le fait de la Religion, contre leur conscience…

Nous permettons aussi à ceux de ladite Religion faire continuer exercice de celle-ci en toutes les villes et ceux de notre obéissance, où il était par eux établi et fait publiquement par tous et diverses fois en l’année 1596 et en l’année 1597 jusqu’à la fin du mois d’août, nonobstant tous les arrêts et jugements à ce contraires.

Pourra semblablement le dit exercice être établi et rétabli en toutes les villes et places où il était établi ou dû l’être par l’édit de Pacification fait en l’année 1577…

Défendons très expressément à tous ceux de ladite religion faire aucun exercice de celle-ci, ailleurs qu’aux lieux permis et octroyés par le présent édit.

Comme aussi de faire aucun exercice de ladite Religion en notre cour et suite, ni pareillement en nos terres et pays qui sont au delà des monts, ni aussi en notre ville de Paris, ni à 5 lieues de ladite ville.

Afin de réunir d’autant mieux les volontés de nos sujets, comme est notre intention, et ôter toutes plaintes à l’avenir, déclarons tous ceux qui font ou feront profession de ladite R.P.R. capables de tenir et exercer tous les états, dignités, offices et charges publiques quelconques, royales, seigneuriales… nonobstant tous serments a ce contraires, et d’être indifféremment admis et reçus en iceux… Entendons aussi que ceux de ladite R.P.R. puissent être admis et reçus en tous les conseils, délibérations, assemblées et fonctions sans que pour raison de ladite Religion ils en puissent être rejetés ou empêchés d’en jouir.

Nous avons déclaré et déclarons tous les autres précédents édits, articles, décrets, lettres, déclarations, modifications, restrictions, interprétations, arrêts et registres… par nous ou les rois nos prédécesseurs, faits en nos cours de parlement et ailleurs, concernant le fait de ladite religion et des troubles advenus en notre royaume, être de nul effet et valeur, et dès à présent, les cassons, révoquons et annulons : déclarant expressément que nous voulons que notre édit soit ferme et inviolable.

Car tel est notre plaisir. En témoin de quoi nous avons signé les présentes de notre propre main et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y avons fait mettre et apposer notre sceau. Donné à Nantes au mois d’Avril, l’an de grâce 1598, et de notre règne le neuvième.

Signé : HENRY.

6. La Contre-Réforme dans le nord et l'est de l'Europe

Le roi Sigismond III Vasa à cheval,
atelier de Pierre Paul Rubens.

1. La Suède. Un des fils et successeurs de Gustave Vasa, Jean III (1169-92), épousa une princesse polonaise. On lui fit comprendre que son fils Sigismond ne pourrait devenir roi de Pologne qu’à la condition d’être catholique. Aussi le fit-il élever par des jésuites : ces derniers, sous le manteau du luthéranisme, s’introduisirent en Suède et commencèrent à rétablir des cérémonies catholicisantes dans les églises.

Mais lorsque Sigismond monta sur le trône (1592-99), les protestants se ressaisirent. La diète d’Upsal remit en valeur l’autorité de l’Ecriture et de la confession d’Augsbourg ; on supprima les cérémonies catholicisantes. Et comme Sigismond s’opposa à ces mesures, on le déposa, et l’on proclama roi son oncle, Charles IX (1599-1611), qui était un protestant convaincu.

2. La Pologne. D’assez bonne heure, les jésuites furent admis dans ce pays et se glissèrent dans les familles nobles par leur travail d’instructeur. Lorsque Sigismond de Suède devint roi de Pologne sous le nom de Sigismond III (1587-1632), leur influence ne fit que grandir. Sigismond a été surnommé le roi-jésuite. Les Sociniens furent chassés du pays. Les protestants furent privés de leurs droits civiques. Les Ruthènes, qui étaient grecs-orthodoxes, furent obligés de se rallier à l’Eglise romaine (en conservant quelques particularités). Bref, la Pologne redevint presque entièrement catholique. D’ailleurs, pour elle aussi, dès lors le déclin commença.

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