Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 1 : Suite des luttes religieuses

1. La guerre de trente ans

1. Origine. Cette dernière des guerres de religion éclata en 1618 à propos d’une insurrection en Bohême, où les protestants étaient lésés dans leurs droits par les Autrichiens. Deux représentants de l’empereur furent jetés par la fenêtre de la citadelle de Prague. Craignant des représailles, les Tchèques donnèrent la couronne de Bohême à l’électeur palatin, Frédéric V, qui était calviniste. Une guerre s’ensuivit entre celui-ci et l’empereur Ferdinand II (1619-37). La plupart des princes allemands furent entraînés dans le conflit, en sorte que celui-ci dégénéra en guerre religieuse générale. A leur tour, les pays étrangers intervinrent, l’Espagne et la Pologne soutenant les catholiques, et les puissances protestantes soutenant leurs coreligionnaires. Il n’y eut guerre que l’Angleterre qui, en Occident, se tint à l’écart.

2. Principaux événements. On distingue quatre périodes : a) la période palatine. Au début, les protestants essuyèrent des désastres. Les Tchèques furent écrasés, leurs chefs décapités, et leur pays livré aux influences des jésuites. L’électeur du Palatinat fut privé de ses états héréditaires. Le prince de Transylvanie, Bethlen Gabor, apporta quelque appui aux protestants, mais il se contenta d’obtenir la liberté religieuse pour les calvinistes de Hongrie.

b) La période danoise. En face du danger, les protestants du nord de l’Allemagne, s’émurent, et le roi du Danemark, Christian IV, intervint, mais il fut vaincu par les armées catholiques de Tilly et de Wallenstein, et l’empereur promulgua l’édit de restitution qui annulait les sécularisations faites depuis 1555.

c) La période suédoise. C’est alors que le roi de Suède, Gustave-Adolphe, intervint. Ses armées bien disciplinées, où le culte se célébrait régulièrement, contrastaient avec les hordes sauvages des autres chefs militaires. Il écrasa Tilly à Leipzig et renversa la situation, en quelques semaines, au profit des protestants, mais il mourut dans la bataille victorieuse de Lutzen, avant d’avoir pu réaliser tous ses projets. Peu après, Wallenstein fut assassiné par les catholiques.

Armand Jean du Plessis de Richelieu
(Cardinal de Richelieu)

d) La période française. La décision finale fut obtenue par l’intervention française. Le cardinal de Richelieu, craignant de voir la maison d’Autriche acquérir une prépondérance dangereuse pour la France, se décida à soutenir les protestants allemands. La victoire de Rocroy ouvrit l’Allemagne aux troupes de Condé et de Turenne.

3. La paix de Westphalie. Après de laborieuses négociations, la paix fut signée en 1648 à Munster. Les princes protestants gardaient leur indépendance, et l’électeur palatin recouvrait ses Etats. La liberté de conscience était accordée aux luthériens et aux calvinistes. Les puissances protestantes, les Pays-Bas, la Suède, le Brandebourg, sortaient grandis de la lutte, ainsi que la France qui les avait soutenus. L’Espagne et la Pologne perdaient le rang de grandes puissances européennes, et l’Autriche une bonne partie de son influence en Allemagne. Cette paix, désapprouvée par le pape, scellait les résultats obtenus au siècle précédent. Le catholicisme n’enregistrait qu’un succès : la Bohême restait autrichienne, et les jésuites purent ainsi ramener ce pays au catholicisme. La majeure partie de la population avait d’ailleurs émigré ou péri.

2. Conflits religieux en France

Maximilien de Béthune (duc de Sully)

1. Henri IV (1589-1610). Déjà ce roi subit de fortes influences catholiques : les protestants qui abjuraient étaient récompensés. Cependant, en général, l’Edit de Nantes fut observé. Le premier ministre, Sully, était un protestant convaincu. Le roi autorisa même les protestants de Paris à célébrer leur culte à Charenton, endroit situé à beaucoup moins de cinq lieues de la capitale. Les catholiques fanatiques et le pape n’ont jamais approuvé Henri IV, qui fut assassiné par Ravaillac, à l’instigation des jésuites.

Portrait de Louis XIII,
par Philippe de Champaigne (1635).

2. Louis XIII (1610-43). Plusieurs conflits armés éclatèrent entre les catholiques et les protestants sous ce roi.

Le premier éclata entre le Prince de Condé soutenu par des protestants et la cour qui subissait l’influence espagnole. La paix de Loudun y mit fin.

Le second prit naissance au Béarn, en majorité protestant, où la cour voulait rétablir le catholicisme, et se termina par la Paix de Montpellier après que l’armée royale eut en vain fait le siège de Montauban.

Le plus grave fut marqué par le siège de la Rochelle, principale place forte des réformés. La ville fut réduite par la famine. Le duc de Rohan, mal soutenu par la bourgeoisie protestante, fut vaincu dans le Midi de la France. Par l’Edit de Grâce donné à Nîmes et Alès, les réformés gardaient leur liberté de conscience, mais ils étaient privés de leurs places fortes et de leur organisation militaire, laquelle déplaisait au premier ministre, cardinal de Richelieu. Désormais ils étaient sans défense.

Portrait de Louis XIV en costume de sacre
(par Hyacinthe Rigaud, 1701)

3. Louis XIV (1643-1715). Par son assiduité au travail, sa conscience à exercer son « métier de roi », mais aussi par son orgueil, son ambition et son despotisme, Louis XIV fait penser à Philippe II. Il se distinguait de lui par son caractère enjoué et une passion plus vive pour les arts, les lettres et les plaisirs. Ses confesseurs jésuites, en particulier le Père Lachaise, le clergé de France en général, plus tard sa seconde femme, Madame de Maintenon, le poussèrent dans la voie du fanatisme.

Pendant sa minorité, le cardinal Mazarin avait usé de tolérance envers les protestants, qui s’étaient montrés loyaux envers la couronne au moment de la Fronde. En prenant possession du pouvoir personnel, Louis XIV avait solennellement confirmé l’Edit de Nantes.

Cependant très vite, les ordonnances royales restreignant les libertés protestantes se succédèrent. On exclut les réformés de divers emplois et corps de métier, on démolit plusieurs temples, on leur interdit de convoquer des synodes, on autorisa les enfants à se faire catholiques contre le gré de leurs parents, on supprima les tribunaux mi-partis. On créa des caisses spéciales pour verser des primes aux protestants qui se convertissaient. Pour finir, Louvois envoya dans leurs villes et leurs villages des dragons : ces « missionnaires bottés » devaient, par des déprédations, des coups, des mauvais traitements de toute sorte, amener les réfractaires à accepter la religion du roi.

Il est triste de penser que plusieurs de ceux qui prirent part à ces mesures étaient d’anciens protestants. Madame de Maintenon était petite-fille d’Agrippa d’Aubigné. Pélisson, inventeur des caisses de conversion, était un protestant apostat. Il se repentit d’ailleurs avant de mourir.

4. Révocation de l’Edit de Nantes. A la suite de ces mesures, les statistiques accusaient un grand nombre de conversions au catholicisme. Aussi, dans un édit donné à Fontainebleau en 1685, le roi déclara que la meilleure et la plus grande partie de ses sujets protestants avait embrassé le catholicisme, que l’Edit de Nantes n’avait donc plus de raison d’être, et qu’il le révoquait. Tous les temples devaient être démolis ; aucun culte n’était plus autorisé ; les pasteurs avaient quinze jours pour quitter le pays ; tous les enfants devaient être élevés dans la religion catholique. Les protestants gardaient le droit de rester en France sans être inquiétés à la condition de ne faire aucun exercice de leur religion, « en attendant qu’il plaise à Dieu les éclairer ». L’émigration était punissable par les galères pour les hommes, par la prison pour les femmes. Ceux qui avaient abjuré, appelés « nouveaux convertis », étaient étroitement surveillés. En cas de maladie, s’ils refusaient le prêtre, ils étaient relaps et punis en conséquence.

Malgré ces mesures sévères, des centaines de mille protestants réussirent à s’échapper, déguisés en paysans, en marchands, en laquais, dissimulés dans des cales de vaisseaux et parmi des marchandises. Ils gagnèrent la Suisse, la Hollande, l’Angleterre, le Brandebourg, même l’Amérique et l’Afrique du Sud, et portèrent dans ces pays leurs industries qui avaient fait la richesse de la France.

L’électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume III (1640-1688), lui-même réformé, les accueillit avec un empressement spécial. Les huguenots assurèrent la grandeur de Berlin.

De plus, les pays protestants, irrités, adoptèrent une politique anti-française. A tous les points de vue, la Révocation fut donc un désastre national. Elle fut cependant accueillie avec enthousiasme par tout le catholicisme français, y compris les plus grands esprits.

En Alsace, à cause du régime spécial de cette province, les protestants furent seulement soumis à quelques vexations, mais pas réellement persécutés. Cependant la cathédrale de Strasbourg fut rendue au culte catholique, malgré les promesses à fins contraires faites au moment de l’annexion.

3. Conflits dans les autres pays

1. Persécutions. Par deux fois, les Vaudois du Piémont furent persécutés par les ducs de Savoie. Une première fois, on leur demanda d’héberger des soldats, qui dans la nuit massacrèrent leurs hôtes. Les Vaudois réussirent à se regrouper dans les vallées reculées des Alpes et obtinrent la liberté de conscience. Au lendemain de la Révocation, ils furent chassés de leur pays et allèrent en Suisse. Sous la conduite de leur pasteur, ils traversèrent la Savoie et s’installèrent à nouveau dans leurs vallées.

Louis XIV, au cours d’une guerre, occupa le Palatinat ; à la suite de cela, le catholicisme fut réintroduit dans ce pays.

Nous avons déjà parlé de Bethlen Gabor et de la manière dont il obtint la liberté de conscience pour les calvinistes hongrois. Les empiètements d’une part, et la résistance héroïque de l’autre, se continuèrent pendant tout le siècle.

2. Intrigues. Les jésuites prirent de l’influence sur la fille de Gustave-Adolphe, Christine. Mais la reine dut abdiquer et le protestantisme ne fut pas ébranlé en Suède. En Angleterre, les intrigues catholiques n’eurent pas plus de succès.

Révocation de l’Edit de Nantes.

1. Savoir faisons, que Nous de notre certaine science, pleine Puissance et Autorité Royale, avons par ce présent Edit perpétuel et irrévocable, supprimé et révoqué, supprimons et révoquons l’Edit du Roi notre Aïeul, donné à Nantes au mois d’Avril 1598 en toute étendue ; ensemble les Articles particuliers arrêtés le 2 Mai suivant, et les Lettres Patentes expédiées sur ceux-ci, et l’Edit donné à Nîmes au mois de Juillet 1629, les déclarons nuls, et comme non avenus, ensemble toutes les concessions faites tant par ceux-ci, que d’autres Edits, Déclarations et Arrêts, aux gens de la R.P.R. de quelque nature qu’elles puissent être, lesquelles demeureront pareillement non avenues : Et en conséquence Voulons et nous plaît, que tous les Temples de ceux de ladite R.P.R. situés dans notre Royaume, Pays, Terres et Seigneuries de notre obéissance, soient incessamment démolis.

2. Défendons à nosdits Sujets de la R.P.R. de ne plus s’assembler pour faire l’exercice de ladite Religion en aucun lieu ou maison particulière, sous quelque prétexte que ce puisse être.

4. Enjoignons à tous Ministres de ladite R.P.R. qui ne voudront pas se convertir et embrasser la Religion Catholique, Apostolique et Romaine de sortir de notre Royaume et Terres de notre obéissance, quinze jours après la publication de notre présent Edit, sans y pouvoir séjourner au-delà, ni pendant ledit temps de quinzaine faire aucun prêche, exhortation, ni autre fonction, à peine des Galères.

8. A l’égard des enfants qui naîtront de ceux de ladite R.P.R. Voulons qu’ils soient dorénavant baptisés par les Curés des Paroisses. Enjoignons aux pères et mères de les envoyer aux Eglises à cet effet-là, à peine de cinq cents livres d’amende, et de plus grande s’il y échappe ; et seront ensuite les enfants élevés en la Religion Catholique, Apostolique et Romaine, à quoi nous enjoignons bien expressément aux Juges des lieux de tenir la main.

10. Faisons très-expresses et itératives défenses à tous nos sujets de ladite R.P.R. de sortir : eux, leurs femmes et enfants de notredit Royaume, Pays et Terres de notre obéissance, ni d’y transporter leurs biens et effets sous peine pour les hommes des galères, et de confiscation de corps et de biens pour les femmes…

Car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, Nous avons fait mettre notre sceau à cesdites Présentes.

Donné à Fontainebleau au mois d’Octobre 1685. Et de notre règne quarante-troisième. Signé LOUIS. Et sur le repli, visa, LE TELLIER, et à côté, Par le Roy, COLBERT. Et scellé du grand Sceau de cire verte, sur lacs de soie rouge et verte.

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