Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 2 : Le protestantisme britannique

A la suite du réveil méthodiste du XVIIIe siècle, le protestantisme anglais connaît un rayonnement considérable dans le monde, aux XIXe et XXe siècles.

1. Mouvements de réveil

Charles Spurgeon

1. Spurgeon. Parmi les nombreux prédicateurs anglais, Charles Spurgeon (1834-1892) mérite une mention spéciale. Il s’est converti en entendant un prédicateur laïque dans une chapelle méthodiste. Il devint pasteur baptiste à Londres, où il ne tardera pas à grouper de si grands auditoires, qu’il fallut construire un édifice spécial, le Tabernacle, contenant 6000 places, pour son Eglise. Il avait une voix merveilleuse, un style simple, populaire, imagé, une pensée claire et originale ; il exerçait surtout par sa chaleur de cœur, sa fidélité intransigeante à l’Ecriture et son habitude de montrer la voie du salut dans chaque sermon. A la fin de sa vie, il ne se passait pas de jour sans qu’il apprît que quelqu’un s’était converti en écoutant ou en lisant une de ses prédications.

Henry Drummond

Henry Drummond est célèbre pour son sermon sur 1 Corinthiens 13 : La plus grande chose du monde. Le tzigane « Gipsy » Smith s’est distingué comme évangéliste en Angleterre et ailleurs. Campbell Morgan est remarquable par ses sermons d’une grande puissance exégétique.

2. Le réveil d’Oxford. Ce mouvement a surtout insisté sur la possibilité, pour le croyant, d’avoir la victoire sur le péché. De grandes réunions, groupant des pasteurs et des laïques, eurent lieu à Oxford, puis à Brighton. La Convention de Keswick, fondée à la suite de ces réunions, en perpétue le message.

Les promoteurs de ce réveil furent les Américains Pearsall Smith et Boardmann. Parmi les premiers collaborateurs se trouvaient Asa Mahan, Lord Radstock, Théodore Monod. Les plus connus des orateurs de Keswick au XXe siècle furent F.B. Meyer et Graham Scroggie. Un écrivain de la même tendance est A. Murray d’Afrique du Sud.

Evan Roberts

3. Le réveil du Pays de Galles. Au début du XXe siècle, le Pays de Galles a été secoué par un beau réveil, qui a pris naissance dans la paroisse d’Evan Roberts (1878-1933). Les réunions avaient un caractère très laïque : les chants, les prières, les témoignages s’y succédaient, ou même s’y entremêlaient. Des villes entières ont été transformées. Le mouvement de Pentecôte doit son origine indirectement à ce réveil. Il se distingue par l’importance qu’il attache à la guérison par la foi et au parler en langues. Il a fait de nombreuses conquêtes dans le monde.

Les inquiétudes de Spurgeon avant sa conversion.

Au temps où je cherchais le salut je résolus d’aller à tous les lieux de culte de notre ville afin de ne pas perdre une seule occasion d’entendre la bonne parole attendue. J’exécutai mon projet, mais pendant longtemps sans aucun résultat…

Les braves pasteurs prêchaient tous des vérités adaptées aux membres spirituels de leur congrégation : mais ce que je désirais savoir, c’était comment mes péchés pouvaient être pardonnés, et cela ils ne me le disaient jamais. Je voulais entendre comment un pauvre pécheur, convaincu de péché, pouvait trouver la paix avec Dieu. Mais j’entendais un sermon sur : « Ne vous y trompez pas, on ne se moque pas de Dieu », qui m’accablait encore davantage… Je me rendais au culte un autre jour pour entendre un sermon sur les gloires des justifiés. Mais rien pour moi, misérable ! J’étais comme un chien sous la table, qui n’avait pas la permission de toucher à la nourriture des enfants…

J’estime depuis lors, que je ne dois jamais prononcer un sermon sans parler aux inconvertis. Je crois fermement qu’un pasteur qui peut prêcher sans s’adresser aussi aux inconvertis, ne sait pas prêcher.

E. SAILLENS
Vie de Ch. Spurgeon
pp. 25, 28
SPURGEON
Autobiographie – Tome 1, p. 105.

2. Œuvres d’évangélisation

Plusieurs œuvres virent le jour en Angleterre et se développèrent ensuite ailleurs.

1. Société biblique. Au début du XIXe siècle, la Bible était peu répandue, très chère, et traduite en peu de langues. Le désir ardent d’une jeune Galloise, Mary Jones, de posséder une Bible émut un pasteur qui, avec quelques collègues, fonda la Société biblique britannique et étrangère. Cette société travaille à traduire les Ecritures dans de nouvelles langues, à l’imprimer à bon marché, et à la répandre par le colportage. D’autres sociétés analogues ont été fondées dans d’autres pays. Elles se sont unies récemment pour former l’Alliance biblique universelle. Aujourd’hui, des portions de la Parole de Dieu sont traduites en plus de 1700 langues, et vendues à des centaines de millions d’exemplaires chaque année. L’association Wycliffe des traducteurs de la Bible a mis au point des procédés modernes pour la transcription exacte et rapide de nouvelles langues.

2. Ecoles du dimanche. Un journaliste anglais, Robert Raikes (1735-1811), déçu de l’insuccès qu’il rencontrait dans son travail d’évangélisation parmi les prisonniers, résolut de faire son possible pour prévenir le crime et groupa le dimanche les enfants de la rue pour leur apprendre à lire, et surtout à connaître l’Evangile. Ce travail rencontra au début beaucoup d’opposition même de la part du clergé. Mais il eut un tel succès que l’exemple de Raikes fut suivi partout, et qu’aujourd’hui il n’y a plus guère d’église qui n’ait son école du dimanche pour les enfants.

George Williams

3. Unions de jeunesse. La plus importante, l’Union Chrétienne de Jeunes Gens, fut fondée par Georges Williams (1821-1905). Employé de magasin, il fut attristé de la vie immorale de ses camarades et, avec un autre chrétien, il commença des réunions de prières dans sa chambre. Plusieurs se convertirent. Le mouvement se propagea en Angleterre, puis dans d’autres pays. La première conférence universelle se réunit à Paris. Williams lui avait donné une impulsion missionnaire et orthodoxe très nette, qui malheureusement n’a pas empêché certaines déviations. Des Unions Chrétiennes de Jeunes Filles ont été fondées sur le même principe. Le lieutenant-général Baden-Powell a lancé le mouvement des Eclaireurs qui s’est développé bien au-delà du protestantisme.

William Booth

4. Armée du Salut. Cette société, la plus importante des œuvres d’évangélisation, doit son origine à William Booth, méthodiste, pénétré de l’esprit de Wesley. Il quitta l’Eglise méthodiste, parce qu’on ne voulait pas le laisser faire de l’évangélisation selon sa conscience. Il fonda dans les quartiers déshérités de Londres une « Mission chrétienne », que tout à fait accidentellement, dans un article de journal, il définit comme étant une Armée du Salut, nom qui lui est resté. Il y introduisit une hiérarchie fortement centralisée et une discipline toute militaire. Au début, cette œuvre fut tournée en ridicule et parfois persécutée. Aujourd’hui, elle jouit du respect que méritent le dévouement et le zèle évangélique de ses membres. Elle s’est répandue dans le monde entier. Comme l’Armée du Salut n’est pas une Eglise, on n’y célèbre ni le baptême, ni la Sainte Cène. La doctrine salutiste est très nettement wesleyenne. On appelle avec insistance les pécheurs à venir se convertir au banc des pénitents. Les œuvres sociales sont très développées.

Résolutions de W. Booth.

Je promets, avec l’aide de Dieu :

1° Je me lèverai chaque matin assez tôt (au moins à sept heures moins vingt) pour faire ma toilette et consacrer quelques minutes, cinq au minimum, à la prière.

2° J’éviterai le plus possible les conversations oiseuses et le bavardage auxquels je me suis coupablement abandonné ces derniers temps.

3° Je m’efforcerai, par ma conduite et mon maintien devant le monde, et particulièrement devant mes compagnons de travail, de vivre comme un humble, doux et fervent disciple de l’Agneau. Par mes conseils et mes observations sérieuses, je tâcherai de les amener à penser à leur âme et à son sort éternel.

4° Je lirai au moins quatre chapitres de la Bible quotidiennement.

5° Je travaillerai à resserrer ma communion avec Dieu ; je rechercherai la sainteté et m’abandonnerai, pour tous les événements de ma vie, à la Providence divine.

6° Je lirai ces résolutions chaque jour ou, pour le moins, deux fois par semaine.

Que Dieu m’aide à cultiver en moi l’esprit d’abnégation et à prendre, esclave volontaire, le joug du Rédempteur du monde.

Amen. Amen.

6 décembre 1844.

Cité dans BRABANT
William Booth – pp. 40, 41.

3. L'Eglise anglicane

La question de la succession apostolique a provoqué divers mouvements au sein de cette Eglise, dans la première moitié du XIXe siècle.

John Nelson Darby

George Müller

1. Frères de Plymouth. Pour Darby (1800-1882), cette succession s’est perdue dès les temps apostoliques. Depuis le Ier siècle, il n’y a plus d’Eglise visible. Dieu ne rétablissant jamais ce qui est ruiné, toute organisation ecclésiastique est contraire à la pensée de Dieu. Les chrétiens doivent donc sortir de leurs diverses Eglises et se réunir, sans s’organiser, autour de la table du Seigneur, en attendant son retour. Une assemblée importante, à Plymouth, adopta ces idées. Les membres s’appelaient frères. Tous peuvent prendre part au culte, qui n’est présidé par personne ; mais les femmes ne peuvent y prendre la parole. Darby pratiquant un système d’excommunication très rigide, selon lequel toutes les assemblées devaient être solidaires dans leur discipline, quelques frères, entre autres Georges Muller, de Bristol, se séparèrent de lui, prenant le nom de Frères Larges.

La séparation se produisit lorsque l’Assemblée de Bristol reçut à la communion deux membres qui avaient été excommuniés par Darby parce qu’ils avaient gardé des relations avec un certain Newton qui, à ce moment, propageait des idées confuses sur l’œuvre expiatoire de Jésus. Plus tard, Newton fit mine de revenir de ses erreurs ; mais les questions de principe relatives à la discipline qui avaient été soulevées eurent pour résultat de maintenir la séparation entre « Frères Larges » et « Frères Darbystes ».

Edward Irving

2. Irvingiens. Irving (1792-1834) pensait que la succession apostolique pouvait être retrouvée, si une nouvelle descente du Saint-Esprit, accompagnée de dons miraculeux, se produisait. Des cas de glossolalie et de guérisons furent signalés, et à la suite de cela, une église « Apostolique » fut organisée, pourvue d’une hiérarchie compliquée, et adonnée à un culte catholicisant. Douze apôtres furent nommés par prophétie, mais sans avoir de successeurs, car les Irvingiens attendaient un retour imminent du Christ. Le mouvement se répandit en dehors de l’Angleterre. En Allemagne, il prit une allure spéciale ; l’Eglise Néo-apostolique estime qu’il faut toujours des apôtres vivants et leur voue un culte quasi idolâtre.

John Henry Newman

3. Tractarianisme. Newman (1801-1890) et Pusey (1800-1882), professeurs à Oxford, préconisèrent dans une série de traités Tracts for the Time (qui parurent de 1833 à 1841) un rapprochement avec le catholicisme romain. Le 90e traité interprétait les 39 Articles dans un sens catholicisant. L’évêque d’Oxford interdit alors la publication de tout nouveau traité. Newman se fit catholique et mourut cardinal. Pusey resta dans l’Eglise anglicane, mais continua dans la voie de l’anglo-catholicisme.

4. Tendances actuelles. Aujourd’hui, trois tendances existent au sein de l’anglicanisme. La « Haute Eglise » est catholique pas sa doctrine et son ritualisme. Seule l’autorité du Parlement a empêché ce parti de changer le Book of Common Prayer. La « Basse Eglise » se rapproche des protestants dissidents évangéliques. Enfin, « l’Eglise Large » est moderniste. Le récent ouvrage Dieu sans Dieu de l’évêque Robinson montre à quelles extrémités redoutables cette tendance peut aboutir. Les trois partis coexistent dans la même organisation ecclésiastique.

4. L’Ecosse

1. La rupture. Le réveil évangélique a touché l’Eglise d’Ecosse comme les autres au XIXe siècle. Le régime qui voulait que les pasteurs soient nommés par le patron de chaque paroisse aboutit à des abus regrettables. Comme le gouvernement donna raison aux patrons contre les autorités de l’Eglise, le tiers des pasteurs, en particulier le modérateur Th. Chalmers (1780-1847), sortirent de l’Eglise officielle et formèrent l’Eglise Libre.

2. Les fusions. La tendance dominante en Ecosse restait le calvinisme. Cela permit aux unions d’Eglises de fusionner sans grandes difficultés. D’abord l’Eglise Libre, à l’exception d’une petite minorité, se joignit à d’autres groupements dissidents, puis l’Eglise Libre Unie ainsi constituée fusionna avec l’Eglise presbytérienne officielle.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant