Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 3 : Le protestantisme américain

1. La situation officielle

1. La Constitution de 1787. Très normalement, en raison de la variété des Eglises installées en Amérique, la Constitution des Etats-Unis ne pouvait prévoir d’Eglise d’Etat. Ainsi toutes les Eglises, grandes ou petites, se trouvent sur le même pied. Cela n’empêche pas une proportion grandissante de la population d’appartenir à l’une ou à l’autre. Par l’augmentation du nombre de ses habitants, comme aussi par le dynamisme et les ressources de ses fidèles, les Etats-Unis sont devenus au cours des derniers siècles, la première puissance protestante, avant l’Allemagne et l’Angleterre.

Martin Luther King en 1964

2. La question de l’esclavage. Jusqu’après le milieu du XIXe siècle, l’esclavage était pratiqué dans les Etats du sud, avec l’approbation des Eglises. Dans le nord, des protestations de plus en plus énergiques se firent entendre, en particulier dans La Case de l’oncle Tom de Harriet Beecher Stowe. Une guerre civile s’ensuivit, où les nordistes, sous la direction d’Abraham Lincoln, eurent le dessus. N’empêche que la plupart des Eglises furent coupées en deux pour cette question. Les rapports entre Blancs et Noirs continuent à poser des problèmes. Le pasteur baptiste Martin Luther King qui a tenté de les résoudre en prêchant la non-violence, accompagnée parfois de désobéissance civile, est mort martyr, assassiné par ses adversaires.

3. Conflits doctrinaux. Le protestantisme américain a subi, comme celui des autres pays, certaines infiltrations libérales. Il en est résulté des schismes dans diverses dénominations. Au XXe siècle, de vigoureuses réactions orthodoxes se sont fait entendre contre la théorie de l’évolution et son enseignement dans les écoles, et pour le maintien des fondements de la foi. Le nom de « fondamentaliste » est parfois associé à tel schéma prophétique ou à l’interprétation dispensationaliste de la Bible ; c’est pourquoi plusieurs qui sont très évangéliques préfèrent ne pas être désignés de la sorte.

Cyrus Ingerson Scofield en 1920

Reinhold Niebuhr

Parmi les théologiens orthodoxes, mentionnons au siècle dernier le presbytérien Ch. Hodge, et au XXe siècle C.I. Scofield qui distingue sept dispensations dans la Révélation biblique.

Les théologiens libéraux les plus connus sont R. Niebuhr, grand théoricien de l’Evangile social, et P. Tillich, philosophe allemand émigré en Amérique et qui a rejeté la transcendance de Dieu pour ne voir en lui que le fondement de notre être.

4. Les principales dénominations. Le groupe le plus important est constitué par les Eglises Baptistes avec plus de 25 millions de communiants.

Les principales divisions sont : la Convention Baptiste du Sud ; la Convention Baptiste Nationale (églises noires) ; la Convention Baptiste du Nord ; les Baptistes Conservateurs, détachés de la Convention du Nord pour des raisons doctrinales.

Les méthodistes groupent douze millions de fidèles. La majorité appartient à l’Eglise Méthodiste Episcopale. Un Allemand immigré, Jakob Albrecht, se convertit dans leur sein et voulu ensuite évangéliser ses compatriotes dans leur langue. Comme les autorités ecclésiastiques s’y opposèrent, il fonda une Eglise de langue allemande, Evangelische Gemeinschaft, qui ensuite essaima en Europe et qui a opéré sa fusion avec les autres Méthodistes Episcopaux.

Les luthériens, qui occupent le troisième rang, se distinguent par leur fidélité doctrinale.

Les principales divisions sont l’Eglise Unie Luthérienne ; l’Eglise Luthérienne, synode du Missouri, particulièrement attachée à l’orthodoxie ; d’autres divisions proviennent des pays d’origine : Danemark, Suède, Norvège.

Les presbytériens sont pour la plupart d’origine écossaise et anglaise ; tandis que les réformés sont venus de Hollande et d’Allemagne.

Les épiscopaux sont en communion avec l’Eglise anglicane, mais n’ont pas connu un développement considérable.

L’Eglise Unie résulte de la fusion d’Eglises Congrégationalistes et Réformées. Les premières étaient le groupement le plus important de Nouvelle-Angleterre, mais ne s’étaient guère répandues ailleurs.

Les Disciples du Christ veulent rejeter toute formule théologique qui ne soit pas dans la Bible. Ils croient à la nécessité du baptême pour le salut. L’Eglise du Christ s’est détachée d’eux par hostilité contre l’usage des instruments de musique.

En outre, on peut mentionner les Quakers, les Mennonites, les Moraves, divers Pentecôtistes.

2. Mouvements de réveil

1. Remarques générales. Après le réveil du XVIIIe siècle, les Eglises connurent une période de langueur. Vers 1800, il y eut un mouvement général de réveil. Un autre mouvement se produisit au milieu du siècle par l’organisation de réunions de prières à midi dans la région de New York.

Le pasteur Lyman Beecher (1775-1863), pasteur à Boston fut un champion de la bonne cause. Ses sept fils devinrent pasteurs. Le plus connu est Henry Ward Beecher. Sa fille, Harriet Beecher Stowe, devint encore plus célèbre.

Charles Grandison Finney

2. Charles Finney (1792-1875), était un avocat qui, après une jeunesse irréligieuse, passa par une conversion radicale. Il fit des études de théologie et, dès le début de son ministère, il se signala par une prédication efficace. Il commençait par présenter les exigences de Dieu, pour amener ses auditeurs à la conviction de péché, puis il les invitait à manifester par un geste visible qu’ils étaient disposés à accepter la grâce. Il alliait dans son sermon la chaleur du cœur à la clarté juridique. Pendant tout le milieu du XIXe siècle, il prêcha le réveil dans diverses localités où on l’appelait, et dans le collège qu’il dirigeait à Oberlin. Ses Mémoires et ses Discours gardent toute leur valeur.

Dwight Lyman Moody

3. Dwight L. Moody (1837-1899), originaire d’une famille très pauvre, se convertit tout jeune. Il ouvrit une école du dimanche, puis fonda une Eglise à Chicago. Des séries faites en Angleterre consacrèrent sa réputation de revivaliste. Son langage était simple, parfois incorrect, mais il avait reçu la puissance du Saint-Esprit, il était pleinement consacré à la volonté de Dieu et rempli d’amour pour les âmes. Il était très bien secondé par le compositeur Sankey († 1908). Il fonda l’Institut Biblique de Chicago. D’autres écoles furent fondées sur ce modèle.

Billy Sunday

4. « Billy » Sunday (1863-1936), ancien champion sportif, était souvent trivial dans ses paroles, et dans ses gestes ; mais son message vibrant et original groupait des dizaines de milliers d’auditeurs dont beaucoup se convertissaient.

Billy Graham

5. Billy Graham (né en 1919). Depuis quelques années, cet évangéliste groupe des auditoires plus vastes que jamais dans les réunions qu’il préside avec son équipe et avec la collaboration des principales Eglises d’une localité. Il se distingue par la manière dont il met le message chrétien à la portée de l’homme de la rue, dans ses prédications et dans ses livres, et par la manière dont il associe les laïcs en vue d’un témoignage actif dans les campagnes.

Reuben Archer Torrey

Parmi les revivalistes américains, on peut encore citer Torrey (1856-1928) et le musicien qui l’accompagnait, Charles Alexander ; Simpson (1843-1919) fondateur de l’Alliance Chrétienne Missionnaire ; plus près de nous le pasteur Oswald Smith de Toronto, qui a su donner un élan missionnaire remarquable à son Eglise.

Un réveil du temps de Finney.

Le troisième dimanche, comme je montais en chaire, un homme âgé s’approcha de moi et me demanda si je voulais prêcher dans l’école de son village, à cinq kilomètres d’Antwerp…

J’arrivai ; et je trouvai le bâtiment de l’école tout plein de monde ; c’est à peine si je trouvai place pour me tenir debout près de la porte ouverte de la salle…

Je n’avais pas pensé à un texte ; j’avais attendu de voir l’auditoire. Je leur dépeignis Abraham, Lot, leurs relations, le choix que fit ce dernier de la vallée de Sodome, laissant la montagne à Abraham. Je leur dis la méchanceté et la corruption épouvantable des habitants de Sodome ; la résolution de Dieu de les détruire et l’entretien qu’il eut à ce sujet avec Abraham… Je leur dis que Dieu avait promis d’épargner la ville, s’il y trouvait seulement dix justes ; mais qu’il ne s’y en était trouvé qu’un seul, Lot…

Pendant que je rapportais ces faits, j’observais que mes auditeurs me regardaient avec colère ; et beaucoup d’hommes, en manches de chemise, se regardaient les uns les autres comme pour dire : Ne le châtierons-nous pas séance tenante ? Je ne pouvais comprendre cette attitude. Cependant leur colère allait grandissant.

Quand j’eus fini mon récit, je m’adressai plus directement à eux et je leur dis que j’avais appris qu’il n’y avait jamais eu de culte public dans leur village, que j’étais donc autorisé à les tenir pour un peuple impie ; et je leur parlai avec une grande énergie à ce sujet, le cœur plein presque à éclater.

Je n’avais pas parlé un quart d’heure de cette façon qu’une impression d’une solennité effrayante s’empara de l’assemblée ; à peu près tous tombèrent de leurs sièges dans toutes les directions, implorant la miséricorde divine ; les uns étaient à genoux, les autres étaient prosternés la face contre terre. Avec une épée dans chaque main, je n’aurais pas pu les abattre aussi vite qu’ils tombèrent ; ils furent tous sur le sol en moins de deux minutes et chacun priait de toute son âme... Je me mis alors à crier aussi fort que je pouvais : « Vous n’êtes pas encore en enfer ; laissez-moi vous conduire à Jésus-Christ » ; et j’essayai de leur présenter la Bonne Nouvelle de l’Evangile, mais c’est à peine si quelqu’un fit attention à mes paroles. J’étais si joyeux, j’avais un tel besoin de pousser des cris de joie et de donner gloire à Dieu, que j’eus beaucoup de peine à me contenir…

J’appris ensuite que le nom de la localité était Sodome, ce que j’avais jusque-là totalement ignoré, et qu’il ne s’y était jusqu’alors trouvé qu’un seul homme pieux qu’on avait surnommé Lot et qui était le vieillard qui m’avait fait venir.

Mémoires de Finney – chap. 8.

3. Groupements hérétiques

1. Les Unitaires. Au début du XIXe siècle, une scission se produisit au sein des Eglises congrégationalistes, certaines paroisses (comprenant les amis, non-membres de l’Eglise) étant devenues en majorité antitrinitaire. Les paroisses unitaires nommèrent des pasteurs qui partageaient leurs idées, ne laissant aux membres actifs de l’Eglise, en général orthodoxes, d’autre solution que de se retirer en abandonnant toutes les propriétés ecclésiastiques.

Le principal représentant du mouvement unitaire fut Channing (1780-1842) qui voulait rester sur le terrain de la foi à la Bible. Ses successeurs, en particulier Parker (1810-1860) se lancèrent dans la critique biblique.

Joseph Smith

2. Les Mormons. Ce mouvement bizarre doit son origine à un certain Joseph Smith (1805-1844), qui prétendit avoir retrouvé une histoire sainte de l’Amérique, rédigée par un prophète Mormon qui aurait vécu au IVe siècle après J.-C. Jésus-Christ, après sa résurrection, serait apparu en Amérique pour y établir une Eglise, et c’est en Amérique que se trouverait la nouvelle Jérusalem. Les Mormons ont leur centre dans l’Utah. Une hiérarchie compliquée, des doctrines blaphématoires et la pratique de la polygamie, d’abord secrète, puis publique, aujourd’hui officiellement suspendue, sont les fâcheuses caractéristiques de ce mouvement, dont les adeptes se signalent cependant par un zèle remarquable pour propager leurs idées.

William Miller

3. Les Adventistes. Un certain William Miller (1782-1849) prédit d’après les textes bibliques, que Jésus reviendrait en 1844. Il reconnut ensuite son erreur. Mais quelques-uns de ses partisans persévérèrent dans cette voie, disant que cette date correspondait à la purification, par Jésus, du sanctuaire céleste. De plus, ils replacent les chrétiens sous le joug de la loi juive, en particulier pour l’observation du sabbat. Ils croient au sommeil des morts et à l’anéantissement des impénitents. Le paiement de la dîme leur assure des ressources considérables. Les écrits de leur prophétesse, Ellen White (1817-1915) font toujours autorité parmi eux.

Charles Taze Russell

4. Les Témoins de Jéhovah. Russel (1852-1916), étudiant les prophéties, déclara que Jésus devait revenir graduellement. Pour ses adhérents, nous sommes depuis 1914 dans le Millénium, au cours duquel les nations doivent être jugées, et où les morts doivent ressusciter et pourrons se convertir. L’hérésie russeliste, qui nie la Trinité et l’enfer avec une grande insistance, est propagée par d’actifs colporteurs qui ont répandu partout les livres de Russel et de ses successeurs, le juge Rutherford († 1942) et Knorr.

Mary Baker Eddy

5. La Science chrétienne. Madame Baker Eddy (1821-1910) a fondé, dans la seconde moitié du XIXe siècle, la première Eglise du Christ scientiste, à Boston. C’est l’Eglise mère de toutes les Eglises scientistes. D’après Mme Eddy, le bien, l’esprit sont seuls réels ; la matière, le mal, sont des illusions. Aussi nie-t-elle le péché, l’enfer, l’incarnation, la rédemption. Elle cherche la guérison en niant la maladie. Son livre Science et Santé avec Clef des Ecritures, considéré comme inspiré, est un assemblage de phrases empruntées au langage des philosophes, mais bien souvent inintelligibles.

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