Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 8 : L’action sociale

De tout temps, l’Eglise s’est préoccupée de la situation matérielle de ses membres et a tâché d’exercer la charité au dehors. L’importance attachée aux questions sociales dans notre civilisation actuelle a posé à l’Eglise des XIXe et XXe siècles des problèmes particuliers, qu’elle a résolus de diverses manières.

Jean-Frédéric Oberlin

1. Action sociale spontanée. Certains chrétiens ont cherché à soulager la misère autour d’eux sans créer de grandes organisations. Ils ont ainsi travaillé au bien-être matériel de leur entourage, comme par exemple Félix Neff dans les Hautes-Alpes, ou, avant lui, le pasteur Oberlin (1740-1826) du Ban-de-la-Roche en Alsace. Ce dernier, au cours d’un ministère de 60 ans, a appris à ses paroissiens, bûcherons grossiers, à cultiver un jardin, à construire des routes, il a introduit des métiers, tout cela avant tout pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.

George Müller

D’autres ont eu pitié de l’enfance abandonnée. Ainsi Georges Muller (1805-1898) a fondé un orphelinat à Bristol. Un de ses buts essentiels était de montrer au peuple de Dieu que le Seigneur prend soin de ceux qui s’attendent à Lui pour leurs besoins matériels. Sans jamais rien demander à personne, il a toujours reçu, en réponse à la prière, tout ce qui était nécessaire à l’entretien des 2000 orphelins qu’il avait recueillis.

Le médecin Barnardo (1845-1905), à la suite d’une rencontre avec un enfant vagabond de Londres, a, lui aussi, fondé un orphelinat où, de son vivant, plus de 60.000 enfants ont été formés en vue d’une situation honorable.

En France, de multiples orphelinats ont vu le jour, mais aucun n’a connu de développement bien considérable.

William Wilberforce

Elizabeth Fry

Au début du XIXe siècle, l’esclavage était encore pratiqué dans bien des pays christianisés. L’influence de quelques chrétiens qui ont flétri ces abus a grandement contribué à le faire disparaître, par exemple celle du parlementaire anglais Wilberforce (1759-1833). L’amélioration du régime des prisons, très fâcheux au début du XIXe siècle, est due, elle aussi, à l’action chrétienne. Elisabeth Fry (1780-1845), ministre quaker, a joué un rôle prépondérant dans ce domaine.

Portrait de Mathilda Wrede par Eero Järnefelt (1896)

En Finlande on peut mentionner Mathilda Wrede (1864-1928) qui a déployé des efforts pour le bien des prisonniers.

John Bost (1817-1880), fils du revivaliste Ami Bost, a créé à Laforce des asiles variés, destinés surtout aux déficients mentaux. On pourrait faire une longue liste des œuvres que le protestantisme français a vu naître au XIXe siècle à la suite du réveil.

Il est à noter que la question de la guérison par la foi s’est posée à l’Eglise bien avant l’apparition du mouvement de Pentecôte. Nous avons déjà mentionné le pasteur Blumhardt en Allemagne. En Suisse, Dorothée Trudel a fondé une maison de cure spirituelle à Männedorf, Sœur Fanny Ferrat une autre à Orvin.

Johann Hinrich Wichern

2. Action sociale organisée. Un Allemand, Wichern (1808-1881), après avoir travaillé un certain temps parmi les enfants de Hambourg, en vint à la conclusion que pour s’attaquer aux questions sociales, l’initiative personnelle de quelques chrétiens généreux était insuffisante. L’Eglise dans son ensemble doit se rendre compte qu’il y a des multitudes qui se rattachent à elle nominalement, et qui en fait échappent à son influence. Elle doit donc aller les chercher là où ils sont, et combattre les fléaux sociaux qui entravent son action. Il réalisa ce programme en fondant la « Mission intérieure » qui, en Allemagne, s’est occupée des orphelins, des vagabonds, des criminels, a lutté contre la débauche et le taudis, tout cela en étroit contact avec l’Eglise officielle, et en coordonnant les efforts.

Sous le successeur de Wichern, Bodelschwingh (1831-1910), la Mission intérieure allemande s’est considérablement développée. La Mission intérieure évangélique française, plus récente, a concentré ses efforts sur l’évangélisation plus que sur l’action sociale.

Theodor Fliedner

Florence Nightingale

Une des grandes organisations sociales de notre temps est l’œuvre des diaconesses, fondée à Kaiserswerth par le pasteur allemand Fliedner (1800-1864). Il avait constaté que le niveau moral des infirmières laissait à désirer, et il avait institué un cours pour jeunes filles chrétiennes désireuses de soigner des malades. Après quelques hésitations, il adopta pour elles un uniforme. L’exemple de Fliedner a été suivi dans presque tout le pays. Son élève le plus connu est l’Anglaise Florence Nightingale (1820-1910) dont le travail parmi les blessés a préparé la fondation de la Croix-Rouge.

Après des débuts très modestes, l’œuvre des diaconesses a pris un essor remarquable sur le continent européen, surtout en Allemagne, où une mention spéciale est due à Sœur Eva Tielewinkler. Dans les pays anglo-saxons, le développement est resté faible.

En France, la communauté la plus ancienne est celle de Reuilly, fondée en 1841 par le pasteur Vermeil et Sœur Caroline Malvesin. Parmi les autres maisons de diaconesses, citons celle de Strasbourg, fondée en 1842, celle de Saint-Loup en Suisse (1842), et le diaconat de Béthesda (1992) de Strasbourg.

En ce qui concerne les soins aux malades, il faut signaler le travail considérable accompli parmi les lépreux à l’heure actuelle. Le sanatorium de Valbonne en est un exemple entre beaucoup.

Louis-Lucien Rochat

Josephine Butler par George Richmond
(Londres, été 1851)

Le pasteur Rochat (1849-1917) a fondé à Genève une ligue d’abstinence, la Croix-Bleue, destinée à relever les buveurs par le message de l’Evangile. Une Anglaise, Joséphine Butler (1828-1906), attristée par la mort de sa fille, s’attacha à travailler au relèvement des prostituées, et à lutter contre le maintien des maisons de tolérance. La fédération abolitionniste qu’elle a organisée a obtenu gain de cause dans plusieurs pays.

3. Déviations de l’action sociale. Tous ceux dont nous avons parlé ont envisagé l’action sociale comme un moyen, leur but étant la conquête des âmes. Certains ont exagéré le rôle de cette action : ils y ont vu un des buts essentiels de l’Eglise ; quelques-uns sont allés jusqu’à dire qu’il serait possible à l’Eglise, par cette action, d’améliorer le monde et d’établir le royaume de Dieu sur terre.

D’autres ont été entraînés à s’associer trop intimement, pour les questions sociales, avec des non chrétiens, et parfois même à préconiser, pour l’Eglise, une activité politique.

Il est frappant de constater que ceux qui se sont laissés aller à des déviations n’ont guère accompli, même au point de vue social, de travail constructif. En revanche, ils ont nui à la spiritualité de l’Eglise. Rien n’est si utile aux corps que l’amour des âmes.

De toute façon, la législation actuelle où l’Etat assume de plus en plus les responsabilités sociales qui autrefois incombaient à l’initiative privée, impose certaines limites à l’action sociale de l’Eglise.

Tommy Fallot

Chez certains représentants du « Christianisme social », comme Tomy Fallot (1844-1904), auteur du Livre de l’Action bonne, malgré une piété personnelle indéniable, le danger de déviation apparaît quelque peu. Il est manifeste chez des politiciens comme Stökler (1835-1909), champion du parti socialiste chrétien, dans le « Mouvement de réconciliation », comme aussi chez les promoteurs de « l’Evangile social » en Amérique et chez les tenants des théories de « libération des peuples », aux tendances gauchistes. Parmi les croyants de convictions libérales qui ont accompli un travail social positif, citons le Japonais Kagawa (1888-1960).

Un sermon d’Oberlin.

Chers amis ! Quiconque aime le Seigneur Jésus-Christ – or, je pense que chacun d’entre vous souhaiterait de parvenir à L’aimer – quiconque donc est dans ces sentiments se plaira donc à Lui faire plaisir.

Or, on Lui fait un plaisir singulier par les bonnes œuvres. Pour faire les bonnes œuvres, il ne faut pas justement de l’argent. Chaque œuvre pour le bien public et pour le soulagement des hommes et des bêtes, quand elle se fait surtout pour l’amour de Lui, est une bonne œuvre qui réjouit son cœur.

Telle est principalement la réparation et le bon entretien des chemins. Car, les chemins tenus en bon état tendent d’abord à l’honneur de notre pays et religion, et par conséquent à celui de notre Sauveur Jésus-Christ que nous invoquons, et dont nous invoquons être les imitateurs.

Ensuite, ils réjouissent et soulagent tous les frères et sœurs de Jésus-Christ qui y passent ; et, au dernier jour, le Seigneur dira aussi à ceux qui, pour l’amour de Lui, auront contribué aux bons chemins : « Ce que vous avez fait aux plus petits de mes frères, vous l’avez fait à moi. »

Mais, 2° nous faisons par là aussi du bien à nos adversaires, à ceux qui nous méprisent, ou chicanent, ou oppriment, ou font du tort. Mais, si nous agissons ainsi envers nos adversaires, nous imitons l’exemple de Dieu, notre Père céleste, et Il nous regarde pour ses enfants.

Enfin, 3° nous soulageons les bêtes. Or Dieu a beaucoup d’égard à ce que l’on fait aux bêtes ; Il nous le déclare en plusieurs endroits de sa Sainte Parole et Il dit en termes exprès que : « le juste a égard au soulagement et bien-être des bêtes ».

Voyez combien de motifs doivent nous porter à nous appliquer avec joie et grand zèle à contribuer au bon entretien de tous les chemins.

Chers amis ! Vous n’y avez sûrement pas réfléchi, quand, le 28 juillet, votre maire et ancien vous a commandés à la réparation d’un chemin, et que, en grande partie, vous avez refusé d’y aller, de sorte qu’il y a manqué trente-cinq ménages.

Vous avez affligé par là (je parle à ceux qui y ont manqué), vous avez affligé par là le cœur de votre Sauveur qui souhaite que vous soyez zélés pour les bonnes œuvres, et obéissants de bon cœur aux supérieurs et préposés qu’Il vous a donnés.

Demandez-en pardon à votre Sauveur, et suppliez-le de vous animer de zèle pour tout ce qui peut Lui faire plaisir, comme ses chers rachetés, son peuple particulier et chéri, et comme le troupeau de sa pâture, et les membres de son corps.

Camille LEENHARDT
Vie de J.F. Oberlin – pp. 90, 91.

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