Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 9 : Efforts de concentration

Nous avons vu comment le protestantisme, divisé dès l’origine en plusieurs branches, s’est morcelé davantage encore au cours des siècles. C’est la raison de la liberté et de l’individualisme. Souvent d’ailleurs, cette diversité répond aux besoins divers des cœurs et ne nuit en rien à l’unité véritable. N’empêche que dès le XIXe siècle, et surtout au XXe, un mouvement en sens contraire s’amorce.

1. Collaboration. On ne peut qu’applaudir lorsque des chrétiens appartenant à des communautés diverses, sans chercher à créer une unité factice, mais conscients d’être un en Christ, cultivent des rapports fraternels, soit entre individus, soit entre groupements, sur une base biblique. C’est ainsi que l’Alliance Evangélique, fondée à Londres au milieu du XIXe siècle, groupe des individus attachés à une foi positive et organise des réunions en commun. Des entreprises inter-ecclésiastiques, conventions, écoles bibliques, campagnes d’évangélisation, sociétés missionnaires interconfessionnelles, etc., ont contribué à créer des liens précieux. Sur les champs de mission, les protestants ont coordonné leur travail de façon à éviter la concurrence.

2. Fusions. Celle des luthériens et des réformés en Prusse fut imposée d’en haut. D’autres fusions eurent lieu entre Eglises assez proches doctrinalement et ecclésiastiquement, en Ecosse, en Suisse, aux Pays-Bas. D’ailleurs parfois le résultat recherché ne fut pas atteint, parce que des minorités attachées à leurs principes ne voulaient pas adhérer à la nouvelle organisation. C’est ce qui se produisit en France lors de la constitution de l’Eglise Réformée de France, et au Canada lors de la jonction des méthodistes, congrégationalistes et de certains presbytériens pour former l’Eglise Unie du Canada. L’Eglise Unie de l’Inde méridionale et celle de Ceylan résultent de la fusion sous un régime épiscopal opérée entre des groupements plus éloignés par leur doctrine et leur discipline. Des Eglises de ce genre sont en voie de formation dans divers pays.

3. Fédérations. Dans la plupart des pays, plusieurs Eglises protestantes se sont fédérées pour avoir une représentation commune en face de l’Etat. C’est ainsi qu’il y a la Fédération Protestante de France, le Conseil Fédéral des Eglises Américaines, etc. Comme ces organisations ont dans leur sein des libéraux plus ou moins notoires à côté de croyants orthodoxes, et qu’elles n’ont pas toujours limité leur action au but primitif, certaines Eglises évangéliques ont voulu rester en dehors. Aux Etats-Unis, face au Conseil Fédéral des Eglises, deux fédérations orthodoxes ont vu le jour, l’Association Nationale des Evangéliques (NAE) et le Conseil Américain d’Eglises Chrétiennes (ACCC).

Sur le plan confessionnel également, des alliances internationales se sont constituées, comme l’Alliance Presbytérienne, l’Alliance Luthérienne Mondiale, le Synode Réformé Œcuménique, la Conférence Mondiale des Eglises Baptistes, etc.

Nathan Söderblom

4. Œcuménisme. Les premiers jalons de ce mouvement, furent posés par la Conférence mondiale des Missions à Edimbourg. Entre les deux guerres, on vit s’organiser à Stockholm et sous la présidence de l’archevêque luthérien Soederblom (1866-1931) les assises du mouvement « Vie et Action » qui n’avait pas de base doctrinale, et qui visait à l’activité commune sur le plan social ; puis à Lausanne, le mouvement « Foi et Constitution » où des représentants de 90 dénominations protestantes et grecques-orthodoxes cherchèrent les bases d’une union doctrinale et ecclésiastique. Les deux courants décidèrent de ne faire qu’un après avoir tenu leurs assises la même année, « Vie et Action » à Oxford, « Foi et Constitution », à Edimbourg.

En 1948, au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Conseil Œcuménique des Eglises fut fondé à Amsterdam. Il représente 190 communions différentes. Pour en faire partie, il faut croire en Jésus Dieu et Sauveur ; mais le Conseil s’interdit de vérifier comment les Eglises interprètent la base. L’Eglise russe s’y est jointe tardivement. Elle empêche le Conseil Œcuménique de condamner énergiquement les mesures prises contre les chrétiens dans les pays communistes, alors que des sommes sont généreusement envoyées aux « mouvements de libération » même ceux de caractère terroriste qui ont surgi dans le Tiers-monde. Le Conseil Œcuménique a son centre à Genève, et compte plusieurs présidents qui représentent les diverses confessions qui en font partie. Il a noué des contacts de plus en plus fréquents avec Rome.

Willem Visser’t Hooft, Francfort, 1966.

Marc Boegner

Parmi les promoteurs de l’œcuménisme signalons le Secrétaire Général Vissert’ Hooft qui vient de prendre sa retraite, le pasteur Marc Bœgner (1881-1970) et les Frères de Taizé.

Face au Conseil Œcuménique, des croyants évangéliques qui ne désiraient pas en faire partie ont, eux aussi, mis sur pied des organisations internationales, en particulier l’Union Evangélique Mondiale, patronnée par l’Association Nationale des Evangéliques d’Amérique et par l’Alliance Evangélique Britannique, et le Conseil International d’Eglises Chrétiennes (ICCC).

5. Syncrétisme. Certains enthousiastes visent même à une association qui engloberait à côté des Eglises chrétiennes les Musulmans, les Bouddhistes, les Confusianistes, etc. C’est ainsi qu’un « Festival de la foi » s’est célébré à San Francisco. C’est un peu cette tendance qui prévaut au Réarmement Moral de Caux sur Montreux, héritier du mouvement des groupes d’Oxford. Au début, ce mouvement, inspiré par le pasteur Buchman (1878-1961), semblait assez prometteur, malgré l’absence de base doctrinale et les abus que pouvaient entraîner l’habitude du « partage » et la recherche de « directions » divines. Les adeptes devaient soumettre leurs actions à 4 critères, c’est-à-dire vérifier si leurs mobiles étaient absolument purs, honnêtes, aimants et désintéressés. Malgré la foi personnelle du fondateur, la porte fut de plus en plus ouverte à toutes les tendances, même non chrétiennes.

Principes de l’Alliance Evangélique adoptés à la conférence de 1846.

Les membres de l’Alliance seront uniquement des personnes qui maintiennent ce qu’on appelle des vues évangéliques en ce qui concerne les points de doctrine suivants :

  1. L’inspiration divine, l’autorité et la toute suffisance des Saintes Ecritures.
  2. L’unité de Dieu, dans la Trinité des Personnes divines.
  3. La dépravation totale de la nature humaine, conséquence de la chute.
  4. L’incarnation du Fils de Dieu, son œuvre de réconciliation pour les hommes pécheurs, son intercession et son règne en tant que Médiateur.
  5. La justification du pécheur par la foi seule.
  6. L’œuvre du Saint-Esprit pour la conversion et la sanctification du pécheur.
  7. L’immortalité de l’âme, la résurrection du corps, le jugement du monde par notre Seigneur Jésus-Christ, la félicité éternelle des justes, et le châtiment éternel des méchants.
  8. Le ministère chrétien en tant qu’institution divine, le devoir permanent de célébrer le baptême et la Sainte-Cène.
  9. Le droit et le devoir d’user du jugement personnel pour l’interprétation des Saintes Ecritures.

L’on n’envisage pas que l’Alliance prenne ou aspire à prendre le caractère d’une nouvelle organisation ecclésiastique, ni qu’elle prétende exercer les fonctions d’une Eglise Chrétienne. Son but simple et vaste peut être atteint sans intervention et sans modification dans l’organisation d’aucune des branches de l’Eglise Chrétienne auxquelles les membres de l’Alliance peuvent se rattacher.

La Conférence a déclaré qu’elle s’était réunie, non pour créer l’unité chrétienne, mais pour confesser l’unité que l’Eglise possède déjà en tant que corps du Christ.

La base du Conseil Œcuménique.

Le C.O.E. est une association fraternelle d’Eglises qui confessent le Seigneur Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les Ecritures et s’efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.

BODMER DE TRAZ
New Delhi – p. 36.

Définition de l’unité par le Conseil Œcuménique.

Nous croyons que l’unité, qui est à la fois le don de Dieu et Sa volonté pour son Eglise, est rendue visible lorsque, en un même lieu, tous ceux qui sont baptisés en Jésus-Christ et le confessent comme Seigneur et Sauveur, sont conduits par le Saint-Esprit à former une communauté pleinement engagée, confessant la même foi apostolique, prêchant le même Evangile, rompant le même pain, s’unissant dans une prière commune et vivant d’une vie communautaire qui rayonne dans le témoignage et le service de tous ; et lorsque, en outre, ils se trouvent en communion avec l’ensemble de la communauté chrétienne en tous lieux et dans tous les temps, en sorte que le ministère et la qualité de membre sont reconnus par tous, que tous peuvent, selon que les circonstances l’exigent, agir et parler d’un commun accord en vue des tâches auxquelles Dieu appelle son peuple.

BODMER DE TRAZ
New Delhi – p. 124.

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