Précis d'histoire de l'Eglise

Chapitre 10 : Le catholicisme romain

1. Relations avec l’Etat

Pie XI (Ambrogio Damiano Achille Ratti) en 1922

Benito Mussolini

Paul VI (Giovanni Battista Montini) en 1969

1. Le pouvoir temporel du pape. A trois reprises, il a été aboli temporairement au cours de cette période, d’abord par la Révolution française (1798-1800) et par Napoléon (1809-1814), puis par le gouvernement italien qui voulait avoir sa capitale à Rome (1870-1929). Le pape, irrité, se constitua prisonnier au Vatican. L’accord de Latran entre Pie XI et Mussolini a restitué au pape le pouvoir temporel sur quelques kilomètres carrés appelés Cité du Vatican. Cependant, ce n’est que Paul VI (1963-1978) qui a entrepris de grands voyages hors de Rome.

Napoléon Bonaparte

Pie VII (Barnaba Niccolò Maria Luigi Chiaramonti)
par Jacques-Louis David, 1805

2. La France. Pour mettre fin à la confusion religieuse qui régnait depuis la Révolution, Bonaparte signa avec le pape Pie VII le Concordat de 1802. L’Etat nommait les évêques qui étaient confirmés par le pape. Le clergé était salarié par l’Etat. Ce régime dura jusqu’à la fin du siècle. L’adoption de la loi sur l’instruction publique laïque troubla les relations entre la France et la papauté. Sous la poussée anticléricale, plusieurs ordres religieux furent expulsés. Enfin, les relations avec le Vatican furent rompues et en 1905 la séparation entre l’Eglise et l’Etat adoptée au Parlement. Comme le pape Pie X interdit la constitution des associations cultuelles, le gouvernement admis l’établissement d’associations diocésaines.

Depuis 1918, les relations entre la France et la papauté sont devenues meilleures. En Alsace et en Lorraine, les dispositions du Concordat de 1802 sont toujours valables.

3. Autres pays catholiques. Comme en France, la papauté a tâché d’y maintenir sa domination, non sans provoquer de violentes réactions anticléricales.

En Italie, après le long conflit consécutif à l’annexion de Rome, l’accord de Latran a inauguré une période de collaboration étroite entre l’Eglise et l’Etat.

Francisco Franco en 1964

En Espagne diverses révolutions anticléricales n’ont eu que des succès passagers, mais depuis la fin de la dictature instituée par le général Franco et le rétablissement de la monarchie un régime de vraie liberté religieuse est en train de prévaloir.

La disparition de la monarchie austro-hongroise en 1918 fut un coup sensible pour l’Eglise romaine.

En Amérique latine, le catholicisme est sur la défensive. Le nombre de prêtres est très insuffisant. Mais là aussi, les manifestations d’intolérance ne sont pas rares, surtout en Colombie. Au Brésil, en Argentine, au Chili, même au Canada, la position catholique s’est affaiblie.

4. Pays protestants. En Angleterre, l’Acte d’Emancipation donne aux catholiques les mêmes droits civiques qu’aux protestants. L’Irlande du Sud, catholique, obtint son indépendance totale en 1922. Dans les pays scandinaves aussi le catholicisme gagna la tolérance, sans d’ailleurs y faire de progrès notables.

En Suisse, la suppression de quelques couvents provoqua le soulèvement des cantons catholiques (Sonderbund). La rapide victoire des protestants mis fin à ce conflit, et les Jésuites furent exclus de Suisse.

Otto von Bismarck en 1890

En Allemagne, Bismarck voulut renforcer l’autorité de l’Etat sur l’Eglise catholique et diminuer l’influence du clergé sur les écoles. Il en résultat le conflit appelé Kulturkampf qui se termina par un compromis favorable à l’Eglise.

Pie IX (Giovanni Maria Mastai Ferrett) en 1871
par George Peter Alexander Healy

Léon XIII (Vincenzo Gioacchino Raffaele Luigi Pecci) vers 1898

Bismarck voyait dans le catholicisme une force politique hostile à l’unité allemande. Il promulgua en mai 1873 des lois qui obligeaient les prêtres à faire des études universitaires et à subir des examens d’Etat.

Il exigeait aussi que le gouvernement ait un droit de regard dans la nomination des ecclésiastiques. Le pape Pie IX interdit au clergé de se soumettre, si bien que plusieurs dignitaires furent mis en prison et que de nombreuses paroisses restaient sans curés. En Allemagne même, cela provoqua tant de mécontentement, que Bismarck du céder. Léon XIII était plus conciliant dans la forme, et les unes après les autres, les lois de mai furent abrogées. Le gouvernement allemand se contentait d’un droit d’inspection dans les écoles catholiques et de l’exclusion des Jésuites.

Le régime hitlérien ne provoqua pas de la part des catholiques la même résistance que la part de l’Eglise confessante protestante. D’ailleurs Hitler avait inauguré son avènement par la signature d’un concordat avec le pape. En Allemagne fédérale, l’influence catholique est aujourd’hui très forte.

Aux Etats-Unis, les catholiques sont devenus très nombreux par l’afflux d’immigrants irlandais et italiens. Cependant il n’y a pas de relations officielles entre Washington et le Vatican.

5. Pays sous le joug communiste. La position des catholiques y est encore plus précaire que celle des autres chrétiens. Leur rattachement à un centre étranger, Rome, et l’attitude réactionnaire que la papauté a souvent prise expliquent ce fait. Parfois les autorités communistes ont tâché de créer des Eglises catholiques nationales, détachées du pape, notamment en Pologne et en Chine. Cependant des contacts ont été noués récemment entre le Vatican et certains gouvernements communistes.

Le cardinal Stefan Wyszyński dans les années 1970

Le cardinal József Mindszenty

On a beaucoup parlé de la courageuse résistance du primat de Pologne, Wyszynski, qui finit par avoir gain de cause, et de celle du cardinal hongrois, Mindszenty. Les Ruthènes qui vivent dans les provinces polonaises annexées par la Russie en 1939 ont des difficultés spéciales, car ils subissent à la fois la pression du gouvernement soviétique et celle de l’Eglise grecque orthodoxe qui voudrait les détacher de Rome.

2. Renouveau catholique au XIXe siècle

François-René de Chateaubriand

Léon XII (Annibale della Genga) en 1828
par Charles Picqué

1. La restauration. Parallèlement au réveil protestant, le catholicisme reprend son élan après les assauts du rationaliste. Châteaubriand publia son Génie du Christianisme. Joseph de Maistre se fit l’avocat de l’absolutisme romain dans son ouvrage Du pape. Pie VII (1800-1823) rétablit les jésuites qui redeviennent le principal ordre religieux. Même l’Inquisition fut remise en vigueur dans certains pays. Les sociétés bibliques furent qualifiées d’instruments diaboliques et de pestes par les papes Pie VII et Léon XII (1823-1829).

Félicité Robert de La Mennais en 1827 par Paulin Guérin

Jean-Marie Vianney

Parmi les catholiques remarquables de cette époque citons encore Lamennais qui fut condamné à cause des idées libérales qu’il exprimait dans ses Paroles d’un croyant, le prédicateur Lacordaire, le comte de Montalembert et J.B. Marie Vianney, le très populaire curé d’Ars.

Jean Duns Scot
par Joos van Wassenhove

2. L’immaculée conception de Marie. Dès le Moyen Age, la question avait été agitée de savoir si Marie avait été exempte ou non du péché originel. Les plus grands théologiens, Bernard de Clairvaux et Thomas d’Aquin avaient combattu la doctrine de l’immaculée conception. Mais Duns Scot et plus tard les jésuites l’avaient soutenue. Le pape Pie IX (1846-1878) proclama que c’était une vérité révélée par Dieu lui-même.

Peu après, ce nouveau dogme sembla recevoir une confirmation surnaturelle par les apparitions de Lourdes, où Bernadette Soubirous crut voir la Vierge qui recommandait qu’on boive l’eau et qu’on mange l’herbe qui avoisinaient la grotte. Quelques guérisons miraculeuses se produisirent, et depuis les pèlerinages se sont multipliés.

3. Le Sacré-Cœur. Le culte du Sacré-Cœur de Jésus a fait son apparition dès le XVIIe siècle, à la suite des visions de Marguerite-Marie Alacoque. Le pape Pie IX consacra ce culte un peu sensuel par une fête officielle imposée à toute l’Eglise.

4. Le Syllabus. D’autre part, le même pape prit fortement position contre toutes les idées modernes. Dans son Syllabus, il condamna 80 erreurs, entre autres le socialisme, le communisme, le protestantisme, les sociétés bibliques, les sociétés secrètes, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la liberté de conscience. Il maintenait la nécessité du pouvoir temporel du pape, le droit pour l’Eglise de recourir à la force, etc.

3. Le premier concile du Vatican

1. La préparation. Le concile de Trente avait proclamé la suprématie du pape sur les conciles, même œcuméniques. Pie IX pensa que le moment était venu de mettre un point final à cette question en définissant l’infaillibilité du pape. A cet effet, après cinq ans de préparation, il convoqua un concile œcuménique au Vatican.

2. Les séances. Le concile se réunit en décembre 1869. Un premier vote donna 371 oui, 61 oui conditionnels et 88 non. Là-dessus, la plupart des opposants quittèrent Rome, pour ne pas manifester leur désaccord avec le pape à la séance officielle. Ainsi le 18 juillet 1870, le vote fut acquis par 533 oui contre 2 non. Le pape, « en vertu de l’assistance divine qui lui a été promise, ne peut errer, lorsque dans l’exercice de ses fonctions de docteur suprême de tous les chrétiens, il définit en vertu de son autorité apostolique ce que, en matière de foi et de mœurs, l’Eglise universelle doit observer comme étant de foi, ou rejeter comme étant contraire à la foi. » Ensuite le concile s’ajourna, mais comme dans l’intervalle les troupes italiennes occupèrent Rome, ses séances ne furent pas reprises.

Ignaz von Döllinger en 1874
par Franz von Lenbach

Hyacinthe Loyson

3. L’Eglise Vieille catholique. Les évêques, même ceux qui au début avaient été dans l’opposition, se soumirent au nouveau dogme. Mais plusieurs intellectuels, en particulier le professeur Döllinger de Munich, fondèrent une Eglise Vieille catholique qui se fondait sur la tradition des cinq premiers siècles en plus de l’Ecriture. La communion sous les deux espèces, le mariage des prêtres et l’usage de la langue du peuple y furent introduits. En Suisse, en Autriche, des mouvements analogues virent le jour. En France, le Père Hyacinthe Loyson, ancien Carme (1827-1912), essaya de grouper une Eglise gallicane, sans succès. Les vieux-catholiques se sont unis à d’anciens catholiques dissidents, avec un archevêque à Utrecht. Ils ont environ 250 000 fidèles.

Le décret du Vatican.

C’est pourquoi avec l’approbation du Saint Concile, nous enseignons et déclarons comme dogme de foi que le pontife Romain, à qui, en la personne du bienheureux Pierre, le Seigneur Jésus-Christ a dit entre autres : « J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille point, et toi quand tu seras converti, affermis tes frères », en vertu de l’assistance divine qui lui a été promise, ne peut errer, lorsque dans l’exercice de ses fonctions de docteur suprême de tous les chrétiens, il définit en vertu de son autorité apostolique ce que, en matière de foi et de mœurs, l’Eglise universelle doit observer comme étant de foi, ou rejeter comme étant contraire à la foi ; et de tels décrets ou jugements irréformables en eux-mêmes doivent être acceptés et observés par tout chrétien, dès qu’il en aura connaissance avec une pleine obéissance de la foi. Or, comme c’est la même infaillibilité qu’on peut envisager comme résidant sur le pontife de Rome, en tant que chef de l’Eglise, ou comme résidant sur toute l’Eglise enseignante unie avec son chef, nous définissons de plus que cette infaillibilité s’étend à un seul et même objet. Si quelqu’un avait l’audace de contredire à cette définition que nous avons faite (plaise à Dieu que cela n’arrive pas), qu’il sache qu’il est déchu de la vérité de la foi catholique et de l’unité de l’Eglise.

MANSI Tome LII, p. 7.

4. Le catholicisme contemporain

1. Léon XIII (1878-1903). Ce fut un pape énergique et très habile, aussi résolu dans ses visées, mais plus souple dans ses méthodes que son prédécesseur. Il se préoccupa de la mission, de la participation des laïcs à la vie de l’Eglise et des questions sociales (Bulle Rerum Novarum).

Alfred Loisy

2. Le modernisme. Les chefs de ce mouvement cherchaient à concilier le dogme catholique avec les idées modernes. Ils se permettaient de grandes libertés dans le domaine de la critique biblique. Leur principal représentant était le professeur Loisy. Le pape Pie X (1903-1914) condamna le mouvement par la bulle Pascandi. Loisy fut excommunié, et la plupart des modernistes se rétractèrent. Mais la tendance subsistait en sous-main. Pie XII (1939-1958) lui lâcha la bride avec la bulle Divino afflante spiritu, et depuis lors elle se manifeste librement, par exemple dans la Bible de Jérusalem. Cela n’empêche pas un renouveau biblique réjouissant de se développer de divers côtés.

Pie XII (Eugenio Maria Giuseppe Giovanni Pacelli) vers 1951

3. L’Assomption. Depuis longtemps on fêtait le 15 août l’assomption de la Vierge, bien que rien dans l’Ecriture ni même dans la tradition ancienne n’y fasse allusion. Pie XII promulgua en 1950 le dogme selon lequel la Vierge après sa mort a été enlevée au ciel avec son corps. Le culte marial a marqué un nouveau progrès lorsque Paul VI a conféré à Marie le titre de Mère de l’Eglise.

Thérèse de Lisieux

Charles de Foucauld

4. Catholiques remarquables. Les belles figures ne manquent pas au catholicisme de la fin du XIXe et au XXe siècles. Citons Thérèse de l’Enfant Jésus (1853-1897), carmélite de Lisieux, et le Père Charles de Foucauld (1858-1916), missionnaire au Sahara et martyr.

Pierre Teilhard de Chardin

Le cardinal Lavigerie (1825-1892) est le fondateur de l’Ordre des Pères Blancs qui se sont distingués sur le champ missionnaire. Léon Bloy (1846-1917) était un écrivain remarquable. Maurice Blondel (1861-1949) un philosophe original. Le Père jésuite Teilhard de Chardin (1861-1955) a cherché une conciliation hasardeuse entre un évolutionnisme outrancier et la foi chrétienne. Jacques Maritain (1883-1972) s’est fait au contraire le champion du thomisme.

5. Le second concile du Vatican

Jean XXIII (Angelo Giuseppe Roncalli)

1. Convocation. Le premier concile du Vatican, interrompu par les événements politiques, n’avait pas eu le temps, après avoir fixé le dogme de l’infaillibilité papale, de préciser le pouvoir des évêques. De plus, face au monde moderne, le pape Jean XXIII (1958-1963) désirait une mise à jour, un « aggiornamento » de l’Eglise pour la rendre plus sympathique aux gens du dehors. C’est pourquoi il lança la convocation du second concile du Vatican.

2. Les sessions. Elles se sont déroulées chaque automne de 1962 à 1965. Des observateurs protestants et grecs-orthodoxes purent assister aux séances et furent même, en privé, consultés. Plus de 2000 évêques participèrent aux travaux. Parmi eux se dessinèrent une minorité, qualifiée d’ « intégriste », à la tête de laquelle se trouvaient les cardinaux de la Curie, hostiles à toute concession, et une majorité progressiste, elle-même assez disparate, avec des tendances favorables chez les uns au modernisme, chez d’autres à une ouverture politique vers la gauche, chez d’autres encore à un renouveau biblique. Les interventions révolutionnaires et les séances houleuses ne furent donc pas rares. Pourtant il n’était pas question de réviser les dogmes romains. Tous les participants devaient souscrire d’emblée à la profession de foi du concile de Trente, et la suprématie du pape sur le Concile fut toujours maintenue. Des schémas élaborés en commission étaient discutés en séance publique, remaniés et finalement adoptés à la majorité des voix.

Jean-Paul II

3. Les résultats. Le pouvoir collégial des évêques fut précisé dans une nette subordination par rapport au pape. Le Concile adopta certains remaniements liturgiques, en donnant aux langues vulgaires une place plus importante dans le culte au détriment du latin. Il se prononça en faveur de la liberté religieuse en se basant d’ailleurs sur le droit naturel plus que sur l’Evangile. Dans les pays où l’intolérance régnait, la situation des « frères séparés » s’en trouva améliorée. Catholiques et protestants collaborent à des traductions « œcuméniques » de la Bible. L’esprit de contestation anime certains cercles catholiques qui voudraient par exemple abolir le célibat obligatoire des prêtres. L’on ne peut dire, cependant, que le visage officiel de l’Eglise ait vraiment changé. Le pape Jean-Paul II (nommé en 1978), d’origine polonaise, semble plutôt ramener l’Eglise à ses voies traditionnelles. C’est, depuis plusieurs siècles, le premier non-italien à monter sur le trône pontifical.

Parmi les catholiques qui ont travaillé au rapprochement avec les autres chrétiens, citons l’abbé Couturier et le cardinal Béa.

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