Depuis quelques années, des changements spectaculaires sont intervenus dans la vie des Eglises. Il ne serait pas normal, dans ces conditions, de rééditer notre Précis d’Histoire de l’Eglise sans y joindre une brève mise au point sur les événements les plus récents.
C’est là que les bouleversements ont été les plus marquants.
Alexander Soljenitsyne
Mikhaïl Gorbatchev en 1986
1. La Russie. Pendant 70 ans, le régime marxiste-léniniste s’était maintenu, avec des fluctuations mineures. Quelques Eglises Grecques Orthodoxes et quelques Eglises Baptistes étaient officiellement enregistrées et pouvaient célébrer leur culte sous la surveillance étroite du gouvernement. Un nombre considérable de chrétiens refusaient de se faire enregistrer ou n’obtenaient pas d’autorisation à cet effet ; ils se réunissaient clandestinement et s’exposaient à des persécutions. La population subissait avec une impatience grandissante le joug du pouvoir politique. Le mécontentement a trouvé son expression la plus géniale en même temps que son impulsion la plus vigoureuse dans les écrits d’Alexandre Soljénitsyne. Celui-ci a connu pendant des années les horreurs du Goulag, sans faiblir, soutenu par sa foi invincible en Dieu. Certes ses ouvrages étaient interdits en U.R.S.S., mais ils circulaient sous le manteau. Le Président Mickaël Gorbatchev, tout en restant un communiste convaincu, préconisa un retour progressif à la liberté d’expression. La célébration du millénaire de l’Eglise Russe en 1988 favorisa le changement. Des prisonniers pour la foi furent relâchés, des Bibles purent être introduites sans entraves, des églises et des monastères furent rouverts. Les tenants du vieux bolchévisme tramèrent en vain un complot pour s’opposer à ces innovations. Gorbatchev fut au contraire débordé par les partisans d’une rupture plus radicale avec le passé. Pour finir, le parti communiste, jusqu’alors seul autorisé, fut déclaré hors la loi, l’U.R.S.S. se disloqua, chacune des républiques qui la constituaient accédant à l’indépendance. Les Luthériens d’Estonie et de Lettonie, les Catholiques de Lithuanie, les Orthodoxes et les Baptistes des autres régions de l’Empire soviétique passaient par un renouveau remarquable. Malheureusement la liberté retrouvée a profité aussi à l’immoralité, à la pornographie, à l’influence des sectes. Néanmoins le courage des martyrs chrétiens qui a triomphé après 70 ans de persécution constitue l’un des chapitres les plus émouvants de notre histoire !
Il est trop tôt pour évaluer les répercussions que la nouvelle orientation entraînera pour les Ruthènes de Galicie unis à l’Eglise de Rome. Ces Uniates vont-ils récupérer leurs sanctuaires et leur organisation spéciale ?
Quant aux Arméniens, ils avaient joui d’un calme relatif dans le cadre de l’U.R.S.S. Maintenant qu’ils constituent une république indépendante, ils se heurtent à l’hostilité de leurs voisins musulmans. La situation des Arméniens du Haut Karrabach, enclavés dans une région rattachée à l’Azerbaïdjan, est spécialement précaire.
2. En Europe Centrale, Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie, le pouvoir communiste s’est aussi effrité, mais déjà auparavant l’Eglise avait retrouvé une partie de son prestige.
3. En Allemagne, en revanche, le changement s’est révélé radical et imprévu. L’épisode le plus dramatique a été la démolition du « Mur de Berlin ». Ce mur, qui coupait en deux l’ancienne capitale du Reich, avait été construit comme un symbole de la séparation entre les deux Allemagnes et devait empêcher ceux de l’Est de passer à l’Ouest. Et voilà que brusquement les Allemands de l’Est prennent l’initiative de supprimer cette frontière ! L’Eglise Protestante a fortement contribué à ce revirement. Du haut de la chaire les pasteurs n’ont pas craint de critiquer le gouvernement communiste. Les réunions populaires qui ont préparé l’événement se sont déroulées en bonne partie dans les lieux de culte. Au point de vue économique la réunification de l’Allemagne pose bien des problèmes, mais pour l’Eglise c’est un succès incontestable.
Nicolae Ceaușescu
(portrait officiel, 1965)
4. Les Etats Balkaniques. En Roumanie, le directeur communiste mégalomane Ceasescu et sa femme ont été condamnés à mort. Le pouvoir est pourtant resté aux mains du parti. Cela n’empêche pas le pays d’être largement ouvert aux contacts avec l’extérieur. En général la liberté religieuse est totale ; cependant l’Eglise Grecque Orthodoxe majoritaire cherche parfois à brimer les communautés Catholiques et Protestantes, surtout lorsque celles-ci appartiennent à des minorités ethniques germaniques ou hongroises.
La Bulgarie, où l’application des principes antireligieux avait été plus stricte qu’ailleurs, est maintenant, elle aussi, accessible à l’Evangile.
L’ancienne Yougoslavie, qui avait été la première à s’affranchir de la tutelle stalinienne et où l’Evangile pouvait être proclamé plus librement que dans les autres pays balkaniques, s’est récemment disloquée et se débat dans une guerre civile à la fois ethnique et religieuse. Les Serbes Grecs-Orthodoxes, les Bosniaques islamisés et les Croates Catholiques Romains s’entre-déchirent sans arriver jusqu’à présent à un accord équitable.
Même l’Albanie, qui se glorifiait d’être le premier état athée du monde, a fait volte-face. Les lieux de culte se rouvrent, les communautés chrétiennes – et aussi musulmanes – se reconstituent, et un vent de liberté souffle sur le pays.
Il y aurait beaucoup à dire sur l’affaiblissement ou le maintien du communisme en Afrique et en Asie. Mais comme dans le reste de ce Précis nous avons délibérément laissé de côté ce qu’on appelle le champ missionnaire ; nous ne pensons pas devoir aborder ce sujet dans cet appendice. Pas plus que nous ne nous arrêterons au nouvel essor de l’islam.
La liste des groupements hérétiques, qui en général se sont répandus dans le monde à partir des Etats-Unis, s’est beaucoup allongée dans le dernier demi-siècle. Nous nous bornerons à mentionner ceux qui ont eu le plus de retentissement. Certains, comme les Scientologues ou les adeptes de la Méditation Transcendantale, sont à classer dans le cadre de l’hindouisme plutôt que dans celui de la chrétienté. Ce n’est pas ici qu’il convient d’en parler.
Sun Myung Moon (1920-2012)
1. L’Association du Saint-Esprit pour l’Unification du Christianisme Mondial doit son origine à un coréen, Sun Myung Moon, né en 1924. Il a été libéré des geôles communistes lors de la guerre de Corée. Son mouvement, inauguré en Extrême Orient, puis implanté aux Etats-Unis, est plus politique (violemment anticommuniste) et commercial (armements et pharmacie) que religieux. Ses adeptes sont soumis à une discipline draconienne. Moon a subi une peine de prison pour fraude fiscale et sa vie conjugale a défrayé la chronique.
2. Le groupement des Enfants de Dieu, appelé aussi Famille d’Amour constitue une déviation de celui des « Jesus People » qui, en Californie, combinaient une foi exubérante avec une allure marginale proche de celle des hippies. Un nommé David Berg, alias Moïse David ou Mo, ex-pasteur d’une communauté évangélique, a créé une organisation où des jeunes sont embrigadés dans de petites « colonies » d’une douzaine de membres, pratiquant une vie communautaire intense. La lecture de la Bible y est préconisée, mais surtout la méditation des « Lettres de Mo », en général assez banales mais parfois ordurières et blasphématoires. Les jeunes filles sont encouragées à une sorte de prostitution pour gagner de nouveaux adeptes. Cela n’empêche pas le mouvement d’avoir essaimé dans 74 pays.
3. Ces dernières années ont vu l’émergence de ce qu’on appelle le Nouvel Age. Ses protagonistes prétendant que le christianisme a fait son temps pendant les deux millénaires où notre terre était censément placée sous le signe de la constellation des Poissons. Après le tournant de l’an 2000, le monde passerait à la domination du Verseau, et une nouvelle religion, de tendance syncrétique, devrait prévaloir. Il est difficile de présager de son avenir. Est-ce un mouvement qui va exercer un grand pouvoir de séduction ? S’agit-il de rêveries inconsistantes qui rejoindront sous peu les oubliettes de l’histoire ? La question reste posée.
Commencée assez timidement par des initiatives privées, cette entreprise a connu au cours de ce siècle un succès étonnant. La radio et la télévision, comme tout ce qui est humain, véhiculent du bon et du mauvais. Elles sont au service d’une publicité souvent malhonnête ; elles contribuent à informer – mais aussi à désinformer les gens. Les émissions religieuses officielles reflètent trop souvent le pluralisme doctrinal des Eglises officielles. Mais comment ne pas louer Dieu pour les émetteurs évangéliques qui recouvrent le monde entier d’un réseau de messages fondés sur l’Ecriture et qui sont écoutés par des millions d’auditeurs ? Malgré le scandale soulevé par les défaillances morales ou les méthodes financières douteuses de certains « télévangélistes », le bilan reste largement positif, et l’Eglise a su profiter en temps opportun de l’outil nouveau que la technique moderne mettait à sa portée.
