Précis de prédication chrétienne

6. LE PLAN

Certains sermons ressemblent à un fouillis. Ils contiennent de bons éléments, mais ceux-ci ne sont pas mis en valeur, parce qu'ils ne sont pas à la bonne place. Ultérieurement, nous nous occuperons de l'introduction et de la conclusion. Auparavant, il nous faut considérer la structure de la substance principale du discours.
Comment faire un bon plan ?

Quelquefois, le texte nous le suggère d'emblée. Après le récit de la Pentecôte, nous lisons cette remarque : « Ils persévéraient dans l'enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières » (Actes 2.42). Les quatre parties d'un sermon sur ce texte s'imposent d'une manière si évidente que toute hésitation est exclue. De même, le Psaume 73 nous présente la vie spirituelle : « Je suis toujours avec toi » en trois traits :

– le début : « Tu m'as saisi la main droite »

– le développement : « Tu me conduis par ton conseil »

– l'aboutissement : « Puis tu me recevras dans la gloire. »

(Psaume 73.23-24)

D'autres fois, il est plus difficile de classer dans un ordre logique les diverses idées qu'on veut aborder. J'ai entendu un message remarquable sur la parole de Jésus adressée à l'Église d'Éphèse : « j’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour » (Apocalypse 2.4) en quatre points :

1) il faut un premier amour.

2) cet amour peut être conservé

3) il peut être abandonné.

4) il peut être retrouvé.

Un effort de réflexion est nécessaire pour présenter le sujet de cette façon.
Certains prédicateurs, surtout parmi les débutants, trouvent à noter en vrac sur une feuille de papier les idées essentielles qu'ils ont à cœur de faire ressortir. Ensuite, ils disposent ces éléments dans une suite harmonieuse. Au cours de ce dernier travail, ils constatent parfois qu'ils sont obligés de renoncer à exprimer telle idée, pourtant juste et intéressante, mais qui romprait l’ordonnance générale, comme, lorsqu'on construit une maison, on n’utilise pas forcément tous les matériaux rassemblés. Inversement, le plan, on découvre parfois une idée à laquelle on pas pensé tout d'abord, comme dans une construction on a besoin parfois de matériaux qu'on n'avait pas prévus.

Voici quelques questions que l'on peut se poser en présence d’un passage biblique en vue d'établir ensuite un plan adéquat :

– Quels autres textes bibliques éclairent celui qui sert de base au message ?

– Y a-t-il des textes qui semblent contredire celui que l’on commente ?

– Tel passage de l'Ancien Testament est-il applicable tel quel sous la Nouvelle Alliance, ou doit-il être transposé ?

– Tel passage du Nouveau Testament fait-il allusion à un usage de l'ancienne alliance ?

– Y a-t-il des mots qui doivent être expliqués pour l'auditeur moyen ?

– Comment le texte est-il préparé par ce qui précède ?

– Quelle importance a-t-il pour la suite du développement ?

– Comment peut-il être illustré par des faits empruntés à la réalité quotidienne ?

– Est-il choquant pour la mentalité actuelle ?

– Quelle leçon pratique peut-on en tirer pour la vie de tous les jours ?

– Quelle conclusion risque-t-on d'en tirer et qui serait illégitime ?

– Qu'est-ce que le texte nous révèle sur les perfections de Dieu ?

– Quelle relation a-t-il avec l'œuvre du Christ ?

– Comment est-il réalisable par l'action du Saint-Esprit ?

– Quelle révélation nous apporte-t-il sur la nature humaine ?

– Comporte-t-il une menace pour nous-mêmes ou pour d'autres ?

– Dans quel sens est-il de nature à nous encourager ?

– A-t-il un rapport avec le retour de Jésus-Christ ?

Je ne prétends pas que toutes ces questions se posent à propos de n'importe quel texte ; encore moins qu'il faille se limiter à ces questions-là. Elles sont énumérées à titre indicatif, pour stimuler la réflexion. Celle-ci ne se fera d'ailleurs pas toujours en prenant des notes. Souvent le serviteur de Dieu méditera son sujet au gré de ses instants de loisir, assis à son bureau, le soir avant de s'endormir, à l’occasion d’une promenade. Ensuite il passera directement à l'établissement du plan. C'est la méthode que j'ai suivie tout au long de ma carrière.

Certains, sans avoir au préalable élaboré un plan, se mettent sans autre à la rédaction intégrale de leur message. Ce procédé n'est pas à conseiller. Toute proportion gardée, ils sont comparables à un architecte qui entreprendrait une construction sans avoir fait d'esquisse sur le papier. Un plan écrit n'est peut-être pas indispensable, mais au moins l'avoir conçu dans ses grandes lignes avant de donner au message sa forme définitive.

Pour qu'un plan soit satisfaisant, les différentes parties doivent avoir les qualités suivantes :

1. Elles doivent être convergentes, c'est-à-dire se rapporter à l’idée centrale. Certains prédicateurs passent d'un texte à un autre, en sorte que l'auditeur ne sait plus bien sur quel passage le sermon se base. On a le droit et parfois le devoir de citer d'autres versets bibliques – nous y reviendrons dans un chapitre ultérieur - que celui ou ceux sur lesquels on prêche, mais il est fâcheux que ces citations détournent l'attention au détriment du thème principal.

2. Il faut que le plan soit exhaustif, c'est-à-dire qu'aucun élément important du sujet ne doit être négligé. Certes, il n'est pas possible d’épuiser une vérité biblique. Vu la richesse de la parole divine, on n’y parviendra jamais. Ce qu'on risque, c'est de s'épuiser soi-même ou d'épuiser les auditeurs, ce qui est pire ! Mais les aspects essentiels doivent être mis en valeur. Supposons un message sur les conditions du pardon d'après la parabole du pharisien et du péager (Luc 18.9-14). On apporterait un commentaire juste dans ses limites, mais incomplet, en mettant en relief uniquement la nécessité de la repentance et de l’humilité. Le péager croit à la grâce divine qui pardonne, et même la tournure employée : « Sois apaisé envers moi » implique que cette grâce est en rapport avec un sacrifice propitiatoire. Une bonne prédication sur ce texte n'omettra pas de souligner que le pardon ne peut nous être accordé qu'en raison de l'œuvre  accomplie par notre Sauveur à la croix. C'est souvent là le critère qui nous permet de déterminer si un pasteur est évangélique. Il arrive qu'un moderniste n'exprime guère d'une manière ouverte des notions anti scripturaires. Mais il se trahit par ce qu'il ne dit pas plutôt que par ce qu'il dit. S'il néglige, semaine après semaine, de mentionner l'autorité infaillible de l'Écriture, la divinité du Christ, la valeur de sa mort et de sa résurrection, la perdition de ceux qui refusent sa grâce, on peut sérieusement douter de son orthodoxie. Cependant, il arrive, hélas ! Que même un croyant fidèle apporte un message tronqué, cela par défaut de réflexion plus que par manque de foi.

3. Les diverses parties doivent être distinctes. Dans le Sermon sur la Montagne, après les béatitudes qui servent d'introduction, il y a un développement sur la manière de se conformer à la loi de l'Ancien Testament, puis un autre sur la nécessité de chercher l'approbation de Dieu plutôt que celle des hommes, un troisième sur la réalisation pratique des devoirs exposés.

Faut-il annoncer d'avance le plan qu'on va suivre ? Dans certains cas, si la matière est un peu compliquée, cela rend service. L'auditeur comprend mieux où on veut l'entraîner. Toutefois, il serait un peu lassant de recourir à chaque fois à cette méthode. Un effet de surprise n'est pas à dédaigner. Dans son premier discours, le prophète Amos (chapitre 1 & 2) commence par menacer les nations voisines du peuple élu, ce qui n'était pas pour déplaire à ses auditeurs ; puis tout à coup il attaque sur la même lancée les habitants de Juda et d'Israël. Si d'emblée il avait annoncé qu'il allait en arriver là, il aurait indisposé les gens qu'il voulait atteindre et perdre l'effet de surprise.

La stratégie toutefois ne doit pas nuire à la clarté qui reste primordiale. Le revivaliste C.G. Finney, qui avait reçu la formation d'avocat, présentait une première vérité à ses auditeurs. Quand il avait l'impression qu'ils étaient bien convaincus à ce sujet, il passait à un autre point. Les divers éléments du discours doivent être saisis  sans effort. Attention à ne pas introduire des distinctions trop subtiles qui embrouillent le raisonnement ! Quand, par exemple, on parle d'une action divine, il est dangereux de consacrer une partie au but visé, et une autre au résultat obtenu. En effet, comme le Seigneur agit toujours d’une manière efficace, il y aura des recoupements inévitables et des répétitions fâcheuses.

4. Il faut que les diverses parties soient ordonnées. Dans certaines langues, on place le verbe tout à la fin ; cela confère à la phrase l’allure d'une énigme qui n'est résolue qu'avec le dernier mot ! En règle générale, il convient de passer du connu à l'inconnu, de ce que chacun admet à ce qui est contesté. Dans son discours aux Athéniens (Actes 17.22-31), l'apôtre Paul montre d'abord qu'il a bien le droit de proclamer un Dieu inconnu, puisque les gens avaient pris la précaution de lui bâtir un autel. Puis il décrit quelle est la nature de ce Dieu, et en troisième lieu, il expose ses exigences et ses promesses. Beaucoup de réflexion est nécessaire pour ordonner correctement les idées, de telle sorte qu'elles apparaissent comme plausibles au moment où elles sont avancées, sans exiger après coup de laborieuses explications. Lorsqu’on traite un récit biblique, il n'est pas toujours indiqué de suivre le texte verset par verset, bien que cela présente d'habitude un réel avantage. Pour comprendre l'entretien de Jésus avec la femme samaritaine, il est utile de savoir que les Juifs et les Samaritains n’avaient pas de bons rapports entre eux. Jean fait allusion à cette situation dans le cours de son récit (Jean 4.9). Dans un sermon, il sera probablement préférable de mentionner la chose au début.

5. Il faut que les parties soient correctement subdivisées. Il y a des gens qui prennent soin de placer leurs affaires dans des tiroirs appropriés, mais qui ne s'astreignent pas à maintenir de l'ordre à l'intérieur des tiroirs. Cela complique la recherche d'un objet. Il ne suffit pas que le sermon ait une structure générale claire. À l'intérieur de chaque partie, il faut un développement cohérent. Bien entendu, les subdivisions seront moins marquées que les points principaux. Entre autres, il semble peu souhaitable de les annoncer. Mais elles ne sauraient être négligées.

6. Il est bon que les parties soient homogènes. Dans une rame de chemin de fer, on peut distinguer la locomotive, le fourgon, les wagons de voyageurs, éventuellement un ou deux wagons de marchandises. Ce sont tous des véhicules, et leur ensemble forme un train. Si l'on dit que le convoi comporte des voyageurs, des valises, un moteur et des bogies, on n'énonce rien de faux, mais on met en parallèle des éléments disparates, et l'on ne fait pas une bonne description. Je garde une grande reconnaissance à l'un de mes professeurs qui m'avait sévèrement critiqué parce que dans une étude biblique j'avais adopté un plan peu homogène. Il s'agissait de l'histoire de l'eunuque éthiopien (Actes 8.26-40). J'avais pris comme thème central la fidélité, passant en revue celle de l'eunuque, celle du diacre Philippe et celle de Dieu. Le professeur m'a fait remarquer, à juste titre, que la fidélité de Dieu ne se situe pas sur le même plan que celle d'un homme et qu'il est inapproprié de les mettre en parallèle.

7. Il est souhaitable que les diverses parties soient équilibrées, que l'une ne soit pas trop longue par rapport aux autres. Une chrétienne de ma connaissance comparaît joliment certains sermons à des têtards, avec un début très long et une fin trop brève. D'autres – et c'est encore plus regrettable –, ressemblent à des écureuils avec un corps menu et une queue disproportionnée. Il est avantageux que les parties aillent en longueur légèrement décroissante au fur et à mesure qu'on avance dans un exposé. Car l'auditeur ressent peu à peu une certaine fatigue, les minutes lui semblent plus longues à la fin qu'au début. Pour compenser cette sensation, un léger décalage est à recommander. Si, par exemple, on a trois points, consacrer 4 minutes à l'introduction, 10 au premier point, 9 au deuxième, 8 au troisième, 3 minutes à la conclusion. L’auditeur aura l'impression que les trois parties sont égales ! Il n'est pas toujours possible d'observer cette règle, mais on aurait tort de la méconnaître totalement.

8. Ceci m'amène à parler du nombre de parties qu'un message doit comporter. Certains orateurs ont la superstition des sermons en trois points. C'est une erreur. Tel texte s'y prête tout naturellement, par exemple la formule de bénédiction : « Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ et l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous » (2 Corinthiens 13.13). Mais ailleurs il arrive qu'une division en deux ou en quatre points soit bien préférable. À la rigueur, on peut aller jusqu'à cinq. Si l'on dépasse ce chiffre, l’auditeur risque de perdre le fil du message. On dit parfois que le nombre sept est celui de la perfection. Il ne l'est en tout cas pas pour le plan d'un sermon. Dans un texte écrit, on peut sans inconvénient aligner une dizaine de chapitres ou davantage. Je mentionne ici sans complexe dix caractéristiques d'un bon plan. Mais pour qu'un discours oral laisse un souvenir précis, il vaut mieux limiter le nombre des parties. Je conçois aisément une série de neuf prédications sur le « fruit de l’Esprit », (Galates 5.22), mais un sermon unique en neuf points sur ce sujet est à déconseiller.

9. Si c'est possible, une certaine progression dans l'intérêt aura un effet positif. C'est surtout par ce qu'on appelle l'action, c'est-à-dire le geste et l'intensité de la voix, que ce résultat sera obtenu. Il ne faut surtout pas sacrifier la logique du discours au désir de réserver pour la fin ce qui est plus émouvant. Mais si l'on peut, sans rompre le fil de la pensée, garder le mieux pour le dessert, pourquoi se priver de cet avantage ?

10. Il ne sera pas superflu de penser à bien intituler les diverses parties. Là, de nouveau, il ne s'agit pas d'une obligation absolue. Mais un peu de réflexion dans ce domaine aide le prédicateur à fixer sa pensée, et l'auditeur à la suivre. Souvent les orateurs anglo-saxons mettent leur point d'honneur à trouver des titres qui commencent par la même lettre de l'alphabet ou qui constituent une anagramme. Le public francophone ne goûte pas beaucoup ce genre d’astuce. Il n'apprécierait guère qu'on y ait recours trop fréquemment.

Mais un effort pour choisir un titre percutant pour chaque partie n’est pas à dédaigner.

Un sermon qui possède les dix qualités que nous avons énumérées ne sera pas forcément satisfaisant. En revanche, si l'une d'entre elles fait défaut, il est probable que le message apparaîtra comme étant défectueux. Un plan bien établi est une condition nécessaire – quoique non suffisante –, d'un bon sermon. C'est pourquoi nous avons développé si largement cette question. Elle est vitale.

Exercices : choisir deux textes, l'un de l'Ancien Testament, l'autre du Nouveau, et noter en vrac toutes les idées qui viennent à l'esprit. Faire sur cette base un plan de sermon pour chacun de ces textes.

Retrouver le plan adopté pour un sermon par quelque prédicateur connu (Adolphe Monod, Eugène Bersier, Charles H. Spurgeon, Billy Graham ou un autre).

Chaque étudiant présente un plan pour un sermon sur un texte de son choix.

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