Précis de prédication chrétienne

7. L'INTRODUCTION

Le terme technique pour désigner cette partie du discours est exorde, mais nous nous abstiendrons d'employer ce mot un peu désuet.

L’auditeur qu'on a devant soi a des préoccupations diverses : son travail quotidien, les risques de chômage, des chagrins de famille, la santé de ses enfants, ses rapports avec les voisins ou ses collègues, le repas qui se prépare, la réussite à un examen, que sais-je encore ?

Le sujet biblique qui va être traité est à première vue très loin de ses pensées habituelles. Il s'agit donc de le lui présenter de telle manière qu'il ait envie d'écouter ce qui va être dit. L introduction est comme un sentier qui relie le bord de la route où se trouvent les auditeurs et l’édifice où l'on désire les faire entrer.

L’orateur est à peu près sûr d'être écouté pendant les cinq premières minutes de son allocution. Elles sont souvent décisives pour la suite. Il est intéressant d'observer l'attitude des auditeurs. Si l'introduction est mal faite, ceux-ci s'installent confortablement pour rêvasser, voire pour somnoler ! Si l’introduction est bonne, ils se mettent en position pour une écoute attentive.

Alexandre Vinet signale que c'est une partie du discours qui chez un prédicateur expérimenté est rarement tout à fait défectueuse et qu'un débutant réussit rarement tout à faire bien.

Voici quelques conseils :

1. Il faut être relativement bref. Spurgeon disait qu'il est fâcheux d'avoir un grand portail pour une petite maison. L’introduction devrait durer au maximum un cinquième de l'ensemble du message, si possible moins. C'est  spécialement agaçant qu’un orateur à qui l'on concède un temps de parole qu'il juge insuffisant, gaspille une partie notable des précieuses minutes qu'on lui alloue à se plaindre de devoir abréger son allocution. Au fur et à mesure qu'on avance dans la carrière, on aurait volontiers tendance à rallonger l'introduction, car on voit mieux les nombreux obstacles à surmonter pour entraîner les auditeurs. Mais un minimum de précautions permet d'éviter ce piège.

2. Il y a intérêt à prendre pour point de départ un incident qui soit dans le domaine des expériences habituelles des gens : un événement marquant de la politique, une performance sportive, un fait divers relaté dans le journal, une observation faite dans la rue. Parfois, on peut découvrir un lien entre ce détail banal et la valeur éternelle de l'Évangile ; d'autres fois on peut souligner le contraste qui les oppose. À la veille de la seconde guerre mondiale, alors que chacun était préoccupé par la tournure des événements, j'ai entendu une méditation sur la vie chrétienne. L’orateur rappelait que les crises politiques surgissent et passent, mais que les vérités de l'Évangile méritent en tout temps d'être prises en considération.

3. Quelques renseignements d'ordre historique, géographique ou culturel peuvent être indispensables pour la compréhension du texte, surtout s'il s'agit d'un récit peu connu de l'Ancien Testament. Normalement, ils doivent être abordés dans l'introduction. Mais ce serait une erreur de se limiter à de tels éclaircissements, car ils ne sont de nature à stimuler l'intérêt. Ils sont nécessaires, mais pas suffisants.

4. Une certaine vivacité n'est pas à dédaigner. Je me souviens d’une prédication sur le texte : « Qu'il vous soit fait selon votre foi ! » (Matthieu 9.29) et qui commençait à peu près en ces termes : « Quand donc, mes frères, cesserez-vous de vous lamenter ? » Après avoir reçu ce de poing en pleine poitrine, les gens étaient bien éveillés pour écouter la suite.

5. L introduction doit-elle figurer avant ou après la lecture ? Dans un culte classique, l'énoncé du texte précède, et non sans raison. Le public chrétien s'attend à un développement sur un passage de la Bible, qui est ainsi mis en valeur. Dans une réunion d’évangélisation où l'on veut atteindre des hommes et des femmes qui ne savent pratiquement rien de l'Écriture Sainte, quelques considérations générales peuvent être opportunes avant la lecture du texte. Quelquefois, il ne sera pas superflu d'avoir deux introductions, l'une avant, l'autre après la lecture ; la première pour indiquer pourquoi l'on se réfère à la Bible, la seconde pour montrer le lien entre le passage et le sujet traité.

En particulier, lorsqu'on est appelé à prendre la parole dans communauté autre que la sienne, on désire en général dire quelques mots aimables à titre personnel pour établir un bon contact. C’est ce qu'on appelle la captatio benevolentiae, l'art de s'attirer la bienveillance du public. Ce genre de compliment a l'air un peu déplacé après la lecture du texte sacré. Billy Graham a l'habitude de prononcer quelques paroles de salutation au début d'une réunion, et de les détacher ainsi du message proprement dit. Cette méthode se recommande par son à-propos.

6. Quoi qu'il en soit, à la fin de l'introduction, l'auditeur doit savoir de quoi il va être question et comprendre l'importance du sujet. Pascal a fait la remarque suivante : « La dernière chose que l’on trouve en faisant un ouvrage est de savoir celle qu’il faut mettre en lumière. Pour bien introduire un sermon, on doit au préalable avoir prévu qu’elles en seraient les grandes lignes. C’est pourquoi le chapitre sur le plan qui précède logiquement celui sur l’introduction. Il n’existe pas de formule passe-partout. Il faut chaque fois une préparation spécifique pour un sujet déterminé.

Nous trouvons dans l’Écriture Sainte des exemples d’introduction remarquables. Le début du livre d’Ésaïe : « cieux, écoutez ! Terre prête l’oreille ! Car l’Éternel parle (Ésaïe 1.2). Outre la solennité de cet appel, il y a une réminiscence du cantique de Moïse (Deutéronome 32.1), propre à stimuler le respect. On peut aussi relever le discours de Pierre après la guérison de l’impotent : « Israélites, pourquoi vous étonnez-vous et pourquoi regardez-vous à nous ? » (Actes 3.12). Le modèle le plus accompli est sans doute atteint avec les Béatitudes qui inaugurent le Sermon sur la montagne (Matthieu 5.3-12).

Exercice : rédiger une introduction pour l’un des plans dans de sermon élaborés en rapport avec le chapitre VI.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant