Précis de prédication chrétienne

8. LA CONCLUSION

Nous emploierons ce terme bien compréhensible plutôt que celui de péroraison qui a vieilli.

C'est un élément d'une importance capitale. Dans l'ensemble du sermon, l'on a développé une vérité. La conclusion est le moment privilégié pour inviter l'auditoire à prendre une décision en rapport avec le sujet présenté. Dans une construction, la pose de la toiture est toujours délicate. Elle demande des compétences spéciales. Nous conseillons donc de vouer un soin particulier à la préparation de cet appel final. On peut être tenté de compter sur l'inspiration qui viendra au dernier moment. Je ne nie pas que, devant les réactions de l'auditoire on puisse être amené à dire tout autre chose que ce qu'on avait prévu Mais il ne faut pas que, par légèreté ou paresse, on néglige de réfléchir sérieusement à ce qu'il conviendra de dire.

1. Plus encore que pour l’introduction, la brièveté s'impose. Le sprint final réclame de la part du coureur une énergie accrue. En général l’auditeur fait l'effort de redoubler d'attention pour profiter des dernières minutes d'un message, mais pour cela il doit surmonter la fatigue naturelle. Une longue conclusion ressemblerait à un sprint prématuré, épuisant et inefficace.

Si l'on se borne à un appel, il ne sera pas difficile de se limiter aux deux ou trois minutes souhaitables. Si l'on veut introduire une idée nouvelle, ce qui peut être utile, elle devra s’exprimer en peu de mots. Si l'on introduit une image, elle doit être simple et convaincante. Si l'on raconte une anecdote, il faut que cela soit court. Hélas ! Parfois à la fin d'un message, un détestable cercle vicieux s'établit. Le prédicateur a l'impression, vraie ou fausse, que les gens ne sont pas disposés à prendre la décision souhaitée. Il espère atteindre son but en ajoutant un nouveau développement. Or, plus il parle, et plus les auditeurs se lassent, et plus il perçoit cette lassitude, plus il a de peine à s'arrêter. J'ai entendu un conférencier, pourtant bien capable, après avoir donné une causerie d'une demi-heure, se lancer dans une conclusion, ou plutôt dans une série de conclusions, pendant trois quarts d'heure ! J'en ai gardé un souvenir pénible.

Si vous n'êtes pas content de l'effet produit par votre prédication, rentrez chez vous et humiliez-vous, mais n'aggravez pas le résultat de vos paroles par des prolongations interminables. Selon un conseil resté célèbre du doyen Maury : « Que votre amen soit une surprise et non une délivrance ! »

2. La conclusion doit être adéquate, c'est-à-dire dans la ligne du sujet traité. Quelquefois, quand on plante un clou, on donne d'abord une série de petits coups, puis quand il est presque enfoncé, un bon coup de marteau final. Encore faut-il frapper au bon endroit. Sinon on risque de voir le clou ressortir. Cela ne signifie pas qu'il sage de faire une sorte de résumé du sermon. Exceptionnellement, si le sujet est compliqué, ce procédé se justifie. Dans la majorité des cas, on donnerait l'impression de considérer les auditeurs comme intellectuellement sous-développés, et leur réaction serait négative. Il y a lieu dans le cours de l'allocution, de bien expliquer la nature et la valeur de la résolution qu'on attend de la part des assistants, et dans l'appel final de les inciter à la prendre.

3. Il est essentiel que la conclusion soit claire. « Si la trompette donne un son confus, qui se préparera au combat ? » Parfois les exhortations sont exprimées en termes si généraux qu'elles ont peu de chance d'aboutir à des actions concrètes. Un sermon sur le bon Samaritain ne se bornera pas à dire que le chrétien doit manifester de la charité envers le prochain. Chacun en est convaincu d'avance. Quelques suggestions pratiques, par exemple, sur l'attitude envers les étrangers ou sur la générosité active, ou sur la nécessité de faire un premier pas en direction de l'autre, devront être proposées. Ce que nous disions plus haut sur le rapport entre le sujet et le but de la prédication déterminera le contenu de la conclusion. Souvent, il sera opportun de préciser quelle réaction d'une part le croyant, et de l'autre le non converti, doivent envisager.

4. Il va de soi que la conclusion doit être persuasive. Il s'agit de briser les dernières résistances et d'inciter l'auditeur à faire le bon choix. Certains serviteurs de Dieu manquent de chaleur. Ils expriment la vérité correctement, mais semblent ne pas se soucier de l'effet que leur parole peut avoir ou ne pas avoir. L'élan passionné des anciens prophètes et des apôtres, bien plus l'amour de Jésus-Christ lui-même, devrait animer le messager de l'Évangile. On raconte que Félix Neff, accompagné de quelques jeunes gens bien disposés, mais encore non convertis, achevait une tournée de réunions dans des villages alpestres. Il était épuisé. En prenant congé de ses compagnons, il leur dit : « j’aimerais tant vous voir venir à Jésus-Christ ! » et il se mit à pleurer. Ce que toutes ses exhortations n'avaient pas obtenu, ses larmes l’effectuèrent. Ses amis, touchés par cette sollicitude, se mirent à pleurer, eux aussi, et se donnèrent à Dieu. Il n'est pas souhaitable qu’un orateur chrétien pleure trop souvent en s'adressant à ses frères, mais il doit leur faire sentir qu'il est profondément préoccupé de leur destinée spirituelle. Cela se traduira parfois par des éclats de voix. La conclusion sera comme un coup de tonnerre qui ébranle les plus réfractaires. D'autres fois, elle sera semblable au « son doux et subtil » (1Rois 19.12) qui toucha le cœur du prophète Élie. Elle aura l'allure d'un conseil confidentiel, d'un murmure qui pourtant reste audible et chaleureux.

La Bible contient une multitude de conclusions insurpassables. Après une laborieuse discussion théologique sur la résurrection, véritable vol plané dans l'au-delà, l'apôtre ne rate pas son atterrissage : « ainsi donc, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, progressez toujours dans l'œuvre du Seigneur, sachant que votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur » (1 Corinthiens 15.38). Au contraire, après un développement plutôt terre-à-terre sur la collecte en faveur des croyants démunis de Jérusalem, une phrase courte est de nature à mobiliser toutes les bonnes volontés : « Grâces soient rendues à Dieu pour son don ineffable » (2 Corinthiens 9.15). Jésus termine son discours extrêmement violent contre les pharisiens hypocrites par ce cri d'un cœur déchiré : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu ! » (Matthieu 23.37). On pense aussi à la parabole des deux maisons qui met un point final si approprié au Sermon sur la Montagne (Matthieu 7.24-27).

5. Est-il souhaitable, à la fin d'une prédication, de donner aux auditeurs l’occasion de manifester visiblement la décision qu'ils sont en train de prendre, soit en vue de l’acceptation du salut, soit en vue d'un pas en avant dans la vie chrétienne ? Les précédents bibliques ne manquent pas. Lors de la première pâque, chaque famille devait immoler un agneau, sous peine d'être frappée comme les Égyptiens (Exode 12.3-13). Josué, avant de mourir, convoque le peuple et l'invite à faire une déclaration officielle (Josué 24.21-24). Élie met les Israélites en demeure de choisir qui ils veulent servir, l'Éternel ou Baal (1 Rois 18.21). Après la mort d'Athalie, le grand-prêtre Yehoyada conclut une alliance entre l'Éternel, le roi et le peuple (2 Rois 11.17). Des manifestations du même genre se poursuivent sous le règne d'Ézéchias (2 Chroniques 29.31) et sous celui de Josias (2 Rois 23.1-9). Du temps d'Esdras et de Néhémie, les chefs juifs signèrent un pacte écrit et le reste du peuple s'engagea par un serment solennel à servir le Seigneur (Néhémie 10.1, 29, 30). Jésus a insisté sur l'importance qu’il y avait à confesser Son nom devant les hommes (Matthieu 10.32). Lorsqu'il appelait un disciple à le suivre, celui-ci répondait à cet appel en abandonnant sa profession pour accompagner le Maître dans ses allées et venues (Matthieu 4.19-22 ; 9.9). Ce fut le cas des douze apôtres, mais aussi d'autres croyants, au moins à titre temporaire par exemple, de deux aveugles guéris à Jéricho (Matthieu 20.34). Inversement un disciple qui cessait de suivre Jésus sur la route marquait ainsi son abandon (Jean 6.66). Dans le livre des Actes, l'acceptation du salut se traduit par la cérémonie, très visible, du baptême (Actes 2.41).

Cela justifie les prédicateurs d'autrefois et d'aujourd'hui qui, pour conclure un message, adressent à leurs auditeurs un appel en leur fournissant l'occasion de manifester leur engagement par un geste. Cette invitation peut être incorporée dans le discours. Le plus souvent, elle forme un élément distinct de la réunion. L'orateur achève son allocution. L’assemblée ou une chorale exécute un chant. Puis l'appel intervient.

La forme extérieure est variable. On peut demander aux auditeurs de lever la main, ou de se mettre debout à leur place, ou de signer une carte, ou de s'avancer devant l'estrade en vue d'un entretien personnel avec un conseiller. C'est surtout dans des campagnes d'évangélisation que l'on a recours à cette méthode, mais elle est susceptible d’être appliquée pour concrétiser une démarche dans le domaine de la sanctification.

Certaines précautions sont à conseiller. Il ne faut pas attribuer au processus une valeur quasi-magique. C'est le Saint-Esprit qui souvent opère la nouvelle naissance et permet de progresser dans la vie chrétienne. La réalité de l'expérience se vérifie par des changements dans la conduite. Il est imprudent de compter d'emblée comme convertis tous ceux qui ont accompli le geste proposé. J'ai entendu dire qu’un revivaliste avait présenté la carte de décision comme étant un passeport pour le ciel. C’est à coup sûr exagéré. Si l'on a recours à des conseillers, il convient de bien les choisir de peur qu'ils ne gâchent l'effet produit au lieu d'affermir les gens qui ont été touchés.

Ce que nous avons dit tout à l'heure sur la brièveté de la conclusion est, toutes proportions gardées, applicable à l'appel spécifique. On risque d'aller à fins contraires en prolongeant indûment cette partie de la réunion. Une insistance excessive donne l’impression qu'on veut obtenir un résultat à l'usure. De guerre lasse, quelquefois, des gens cèdent à la pression qu'ils subissent, mais sans conviction intérieure. De telles décisions ne sont pas de bon aloi.

Un cas spécialement délicat est celui des enfants. Ceux-ci sont par nature influençables. La résistance leur est plus difficile sur le plan psychologique. Il n'est pas interdit de leur demander de traduire par un geste ou un mouvement intérieur. Les conversions d'enfants peuvent être authentiques. Mais il est dangereux d'essayer de leur forcer la main.

En général, un messager de l’Évangile est sensible à l'atmosphère d’une réunion et se rend compte s’il a réussi ou non à provoquer l'adhésion de ses auditeurs. Pourtant, même les plus avertis ne sont pas infaillibles dans ce domaine. Telle rencontre qui s'achève dans l’enthousiasme est en réalité dénuée de valeur. Et telle autre qui se solde apparemment par un échec est, par la grâce de Dieu  accompagnée d’une bénédiction durable. Il y a là de quoi nous maintenir dans l'humilité et dans l'espérance !

Exercices : rédiger une conclusion pour l'un des sermons prévus au chapitre VI.

Rédige un appel pour une réunion d'évangélisation.

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