Précis de prédication chrétienne

10. LES CITATIONS

I. LES CITATIONS BIBLIQUES

En principe, elles ne doivent pas manquer dans notre prédication. Jésus et les apôtres ont abondamment cité l'Ancien Testament. Ils donnaient ainsi la preuve de la vérité de leur message. Tout naturellement, nous aurons tendance à citer la Bible lorsque nous avons affaire à des croyants pour qui elle est la Parole de Dieu. Mais des non convertis y seront sensibles, car à leurs yeux le texte de l'Écriture a plus de poids que l'opinion personnelle du prédicateur. Celui qui s'exprime de la sorte parle avec autorité sans se mettre lui-même en avant. Si nous prêchons sur un passage long, nous y trouvons souvent la matière dont nous avons besoin. Si notre texte est court, il sera utile en général d'étoffer notre réflexion par des emprunts faits à d'autres passages.

L’exemple du Nouveau Testament nous amène à distinguer deux sortes de références :

1) Les citations proprement dites, introduites par une formule explicite comme : « il est écrit, » « Dieu a dit, » etc.

2) Les réminiscences où l’on reprend des expressions bibliques en les incorporant à sa propre phrase. Lorsque Jean-Baptiste fait poser à Jésus la question : « es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » le Sauveur répond : « allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Luc 7.20-22). Certains de ces miracles sont prédits par Ésaïe, d'autres pas (Ésaïe 61.1-3). Jean-Baptiste était assez versé dans l'Écriture pour discerner les allusions sans qu'on les lui signale en toutes lettres. De même Paul, dans la doxologie qui termine sa discussion sur la place d'Israël dans le plan de Dieu, reprend à son compte une parole déjà exprimée par Ésaïe : «  qui a connu la pensée du Seigneur ou qui a été son conseillé ? » (Romains 11.34 ; 1 Pierre 3.10,11), sans prendre la peine de spécifier qu'il s'agit d'un emprunt fait au livre du prophète. On pourrait multiplier les exemples.

Il est donc normal qu'un prédicateur ait recours tantôt à des citations explicites, tantôt à des réminiscences. Dans ce dernier cas, de légers changements dans les termes sont tout à fait légitimes. Le psaume 34 déclare : « quel est l'homme qui aime la vie ? Préserve ta langue du mal ». Pierre reprend la même pensée, sans d'ailleurs indiquer sa source sous une forme un peu différente : « Si quelqu'un veut aimer la vie, qu'il préserve sa langue du mal » (Psaume 34.13,14 ; 1 Pierre 3.10,11). On ne peut pas l'accuser de tricher avec la déclaration de David !

3) Dans le domaine des citations bibliques, nous avons quelques règles à proposer :

a) La citation doit être honnête. Même si elle n'est pas littérale, elle doit respecter le sens du texte. Presque toutes les hérésies sont dérivées d'une tricherie par laquelle on interprète les déclarations scripturaires d'une manière tendancieuse. Si l'orateur a prévu sa référence, il fera bien de vérifier s'il est fidèle à la signification réelle du passage invoqué. Si un texte lui vient à l'esprit pendant qu'il est en train de prêcher, il en est réduit à se fier à sa connaissance biblique ! Souhaitons qu'elle soit bonne !

b) La citation atteint son but, lorsqu'elle est simple, lorsqu’elle énonce clairement l'idée qu'on veut prouver de telle sorte que l'auditeur saisisse sans difficulté le rapport. S'il faut de longues explications pour la rendre compréhensible, il vaut mieux y renoncer.

c) La citation est d'autant plus frappante qu'elle est brève. La Parole de Dieu est extraordinairement riche de signification. Si l'on relate plusieurs versets, ils comportent presque toujours de multiples idées, celle qu'on veut avancer et beaucoup d'autres. L’auditeur risque d'être égaré dans ce foisonnement. Qu'on se limite aux quelques mots qui expriment la pensée qu'on a en vue. Les citations un peu longues sont rares dans le Nouveau Testament.

d) Les réminiscences auront leur pleine valeur pour les auditeurs qui connaissent bien leur Bible. Adolphe Monod pouvait en glisser plusieurs dizaines dans un seul sermon. Vu l'ignorance des fidèles d'aujourd'hui, elles perdent une bonne partie de leur effet. Quant aux citations proprement dites, elles gagnent à être bien introduites. Il est regrettable de s'attacher à une seule formule, par exemple, « la Bible dit. » Les auteurs du Nouveau Testament utilisaient des expressions variées. Imitons-les.

Faut-il indiquer le numéro du chapitre et celui du verset ? C'est utile lorsqu'on a l'avantage d'avoir des paroissiens qui ont leur Bible ouverte devant leurs yeux ; encore faut-il leur laisser le temps  de repérer le passage évoqué. Certains ne se retrouvent pas vite dans les petits prophètes et même dans les Épîtres. Quelquefois, le pasteur constate que les gens prennent des notes. La mention du chapitre et du verset est alors très opportune. Elle peut l'être aussi lorsqu'il s'agit de convaincre des contradicteurs – ou des partisans – sur un sujet controversé. Il n'est pas mauvais qu'occasionnellement le pasteur lise dans la Bible le texte cité, à la condition de ne pas avoir à la feuilleter d'une façon trop laborieuse. On peut obvier à cette difficulté en plaçant un signet au bon endroit.

En principe, il me semble préférable de ne pas rompre le fil de la phrase et de la pensée par l'indication des chapitres et des versets. Les auteurs du Nouveau Testament peuvent nous servir de modèles. Évidemment, de leur temps ces divisions n'avaient encore été élaborées. Mais ils pouvaient préciser le livre auquel ils empruntaient leur citation, et ils le font parfois. Mais le plus souvent ils se contentent d'une formule assez vague, confirme « il est écrit, » « il a été dit, » « Dieu a dit, » etc.

e) Nous pouvons aussi les imiter en ce qui concerne la fréquence des citations. Elles sont plus nombreuses dans l'Évangile de Matthieu qui s'adresse à des Juifs que dans Marc et Luc qui visaient des lecteurs issus du paganisme. Paul les multiplie lorsqu'il parle du destin d’Israël. Quand il aborde les problèmes de l'Église de Corinthe, il en use assez peu. Selon le sujet traité, selon le public auquel nous avons affaire, nous augmenterons ou diminuerons le nombre de nos citations. Évitons aussi de donner à l'une d'entre elles un tel développement que l'auditeur perde de vue le thème principal. Elles doivent étayer la proclamation du message central, et non devenir des excroissances qui en rompent l'harmonie.

II. LES CITATIONS EXTRA-BIBLIQUES

On en trouve quelques-unes dans la Bible elle-même.

L’Ancien Testament fait allusion à des ouvrages qui n'ont pas fait partie du canon, le Livre du Juste, (Josué 10.13, 2 Samuel 1.18), le Livre des guerres de l’Éternel (Nombres 21.14.15),  les Chroniques des Rois d'Israël, (1 Rois 14.19), les Chroniques des Rois de Juda (1 Rois 14.29), le Livre des Chroniques des Rois de Médie et de Perse (Esther 10.2). Rien ne nous oblige à considérer ces documents comme ayant été inspirés, mais ils contenaient des récits historiquement vrais et dont les écrivains sacrés ont fait usage.

Dans le Nouveau Testament, nous trouvons des emprunts à des ouvrages religieux comme le Livre d'Énoch (Jude 14) et l'Assomption de Moïse (Jude 9). Nous connaissons le premier qui jamais n'a été, considéré comme Écriture Sainte, ni par les Juifs, ni par l'Église chrétienne. Ils ne font même pas partie de la collection que les catholiques rangent dans la catégorie des deutérocanoniques et que nous appelons apocryphes. Ces derniers ne sont pas positivement cités dans le Nouveau Testament, mais quelques réminiscences sont à noter. Jésus n'a pas dédaigné de célébrer la fête de la Dédicace, instituée par les Maccabées (Jean 10.22-23 ; 1 Maccabées 4.59).

Bien plus, Paul cite au moins trois auteurs profanes : Aratus (Actes 17.28), Ménandre (1 Corinthiens 15.33), Épiménide (Tite 1.12). Il n'est pas impossible que certains passages poétiques du Nouveau Testament soient des strophes de cantiques chantés dans les Églises du premier siècle (Philémon 2.6-11, Éphésiens 5.14).

Nous avons donc le droit de citer, nous aussi, des auteurs chrétiens ou même des auteurs profanes. Ceux-ci ont pu exprimer certaines vérités avec un talent incontestable. Pourquoi ne pas en profiter ? Cela montre à nos auditeurs que nous ne sommes pas des fanatiques bornés, mais que nous savons apprécier le mérite de ceux-là même avec qui nous ne sommes pas d'accord sur toute la ligne. Si le personnage que nous citons fait autorité pour tel de nos auditeurs, nous serons plus persuasifs. Il est opportun aussi parfois de combattre telle idée fausse, mais largement accréditée, comme Ézéchiel qui contestait un dicton populaire : « les parents ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants ont été agacées » Ézéchiel 18.2-3).

Certaines précautions sont cependant à recommander :

Les auteurs bibliques ont rarement recours à ce genre de citations. Nous ferons bien d’imiter cette modération, sinon nous donnerons l’impression de vouloir nous faire admirer pour notre érudition.

Chacun de nous a ses auteurs favoris, qu'il est tenté de vouloir citer de préférence. On semble alors être à la remorque d'un homme, par exemple, St Augustin, Luther, Calvin, Pascal, Vinet, Wesley, Spurgeon, etc. C'est dommage.

Attention aussi à ne pas commettre d'erreur Dans une causerie, il m'est arrivé d’attribuer à Corneille un vers de Racine. Un assistant me l'a gentiment fait remarquer à la fin de la réunion. Mais j'étais quand même confus.

Avons-nous le droit de répéter le message d'un autre qui nous a fait du bien ? Oui, à la condition de « rendre à césar ce qui est à César » et de mentionner le fait que nous nous inspirons de la parole prononcée par un autre, de préférence en donnant le nom de cet autre. Un pasteur de ma connaissance s'est attiré de gros ennuis, parce que trop souvent, au lieu de préparer lui-même des allocutions, il avait lu des sermons empruntés à une publication périodique. La supercherie a été découverte. Par bonheur, le ministère de ce pasteur n'a pas été irrémédiablement compromis, mais il a quand même passé par une crise grave. Pour éviter qu'on puisse nous accuser de plagiat, un excès de prudence est moins à redouter que la désinvolture.
 
Exercice : chercher les citations explicites et les réminiscences bibliques dans le sermon d'un prédicateur connu.

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