Précis de prédication chrétienne

14. LES GESTES

1) Le messager de l'Évangile doit avoir une tenue digne.

Dans les Églises officielles, le prédicateur revêt ordinairement une robe et parfois un surplis. Cet usage remonte au temps où chaque corps de métier avait un genre d'uniforme. Aujourd'hui encore, la blouse blanche caractérise la profession médicale. On peut trouver au port de la robe des avantages et des inconvénients. Elle favorise le cléricalisme, elle crée une séparation entre l'orateur et son public. Elle est quelquefois encombrante. D'autre part, elle est un frein à l'individualisme. Le personnage s'efface derrière la fonction. L’auditeur n'est pas distrait par l'élégance – ou l'inélégance – du costume de celui qui parle. Si le trajet jusqu'au lieu de culte a provoqué quelques éclaboussures, la robe les dissimule. Un de mes collègues, habitué à revêtir la robe et à prêcher du haut d'une chaire, était invité un jour à présider une réunion dans un milieu où d'autres usages prévalaient. Il avait à faire un long trajet à bicyclette et s'était mis en tenue légère, un « training » négligé, les pieds nus dans des sandales. Or il devait donner son allocution en ayant devant lui une petite table qui ne cachait rien ! Il était plutôt gêné.

L’uniforme de nos frères et sœurs salutistes a ses adversaires et ses partisans. D'après les témoignages recueillis, cela leur donne l'avantage d'être plus facilement abordés par ceux qui ont besoin de leur assistance. De plus, sans être totalement à l'abri des fluctuations  de la mode, ils n’en sont pas esclaves et leur costume peut durer plus longtemps sans paraître anachronique.

Souvent sous les tropiques, les gens se mettent à l’aise pour aller et venir, mais souhaitent qu’un prédicateur soit bien habillé. Lors d’une tournée de réunions dans les Antilles, j’avais demandé si je pouvais tomber la veste pour donner mes conférences, et l’on m’a gentiment conseillé de ne pas le faire. À l’institut Biblique de Nogent, le samedi matin était autrefois consacré aux soins du ménage, et les jeunes venaient avec un bleu de travail pour le quart d’heure de recueillement qui commençait la journée. Nous avions un étudiant d’origine africaine qui, pour présider ce petit culte, revêtait son plus beau costume et allait ensuite se changer pour vaquer aux travaux ménagers. Il trouvait que pour le Seigneur il fallait ce qu’il y avait de meilleur !

L'apôtre Paul donne des instructions sur la tenue qu'une femme doit avoir quand elle prie ou qu'elle prophétise (1 Corinthiens 11.3-16 ; 1 Timothée 2.9). Même si ses préceptes au sujet du voile ont en partie une portée culturelle – ce qui se discute –, il y a un principe permanent qui est en jeu. La femme qui parle en public doit avoir une tenue authentiquement féminine, et convenable.

2) La position normale de celui qui prononce un discours est d’être debout, encore que parfois il puisse être assis. Il faut veiller à se tenir droit, en évitant de s'appuyer trop lourdement sur le pupitre comme si l'on était fatigué. Il n'est pas non plus de bon ton, dans nos pays de langue française, de parler les mains dans les poches. En Amérique, cela donne une allure décontractée, considérée comme sympathique. Chez nous, cela dénote une attitude désinvolte qui provoque une réaction négative. Les bras sont le mieux alignés des deux côtés du buste, disponibles pour les gestes appropriés.

3) Il est important de regarder l'auditoire. Quand nous sommes en conversation avec quelqu'un, nous le regardons bien en face. Tout l'auditoire doit être surveillé, y compris - et parfois surtout les éléments un peu inquiétants qui se sont installés aux tribunes ou au fond de la salle. Certains orateurs parlent en fermant les yeux ou en les élevant comme pour chercher leur inspiration quelque part au plafond. C'est dommage. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, si l’on s'astreint à la lecture d'un texte écrit d'avance, il faut le posséder suffisamment pour pouvoir s'en détacher sans peine et fixer les auditeurs. Il ne s'agit pas de fasciner son public ou d’exercer sur lui une pression quasi occulte. Mais nous aurions tort de nous priver - et de le priver - de l'influence bénie que peut avoir un bon regard bienveillant qui lui démontre notre intérêt affectueux et notre désir de lui venir en aide.

4) Surveillons-nous aussi pour éviter les tics désagréables. Certains se dressent toutes les deux ou trois minutes sur la pointe des pieds. D'autres font le geste de se laver les mains, ou bien ils jouent avec les petits crochets d'un pupitre ou avec un stylo. Celui dont les auditeurs ne se trouvent pas en face de lui, mais à droite et à gauche -cela arrive- a tendance à se tourner alternativement d'un côté et de l’autre par un mouvement qui rappelle celui des ours blancs dans un zoo !

Il est incroyable de constater les habitudes auxquelles nous risquons de succomber inconsciemment. Un de mes amis avait la coutume, au moins une fois dans chaque prédication, de se livrer à un exercice bizarre. Il levait une jambe très lentement, puis il frappait violemment du pied par terre, remontait la jambe à toute vitesse, comme si elle était mue par un ressort, et reprenait lentement la position normale. Je lui ai demandé une fois pourquoi il faisait ce geste. Tout étonné, il m'a répondu : « Je fais vraiment cela, c'est affreux ! » Il avait contracté cette fâcheuse habitude sans s'en rendre compte ! Comme pour l'abus de certaines formules, il vaut la peine de se faire contrôler et avertir par quelque ami compétent.

5) Certains gestes sont descriptifs et peuvent être très suggestifs. J'ai entendu Ruben Saillens parler de la délivrance complète que Jésus apporte à ceux qui se confient en lui. Il disait : « ce qu’il nous faut, ce n'est pas un Sauveur qui soit comme un parapluie pour nous protéger de quelques ondées, – et en disant cela il s'est recroquevillé comme on le fait sous une averse –, ce qu'il nous faut, c’est le soleil qui dissipe les nuages et rend inutiles les parapluies ! » Son geste bien adapté a gravé une déclaration pour toujours dans ma mémoire.

Les gestes sont le plus souvent intensifs. On lève un bras ou bien on les lève tous les deux, on pointe l'index, on tape sur la table, on étend les bras en croix. Dans la conversation courante, nous faisons sans arrêt de tels gestes. C'est un exercice amusant d'observer la conversation de deux commères au coin d'une rue. Rien qu'à leurs mouvements, on devine le déroulement de leur entretien.

L'ampleur du geste doit être en harmonie avec les dimensions du local. L’évangéliste Billy Sunday, qui s'adressait régulièrement à des milliers de personnes, aurait perdu son effet s'il avait souligné sa pensée en remuant les doigts ou en modifiant l'expression de son visage. Au lieu de cela, quand il voulait donner de l’importance à une phrase, il grimpait sur une chaise et quelquefois sur le pupitre pour la prononcer. Devant un petit nombre de personnes, cela aurait été ridicule et fatigant. En face d'une foule, c'était approprié, d'autant plus que cela correspondait à son tempérament fougueux.

Le naturel est toujours à conseiller. Lorsque je faisais mes études, nous avons eu le devoir d'aller écouter une prédication et de faire des remarques à son sujet. Deux de mes camarades étaient allés entendre le même serviteur de Dieu. L’un signalait qu'il avait fait beaucoup de gestes, l'autre ne les avait pas mentionnés dans son rapport. Questionné à ce propos par le professeur, il a déclaré qu'il n’avait pas eu l'impression que le prédicateur en avait fait. La comparaison entre ces deux comptes rendus constituait le plus bel éloge qu’on puisse imaginer. L’orateur avait fait des gestes nombreux, mais ils étaient si naturels et si appropriés qu'ils étaient passés inaperçus aux yeux de quelqu'un qui pourtant était censé les observer.

Occasionnellement, le Seigneur a commandé aux prophètes d’autrefois de se livrer à une mimique suggestive (Ésaïe 20.2 ; Jérémie 19.10-11 ; Ézéchiel 4.1-3). Les leçons de chose sont plus à leur place dans une classe d'école du dimanche que dans un culte d'adoration. Pourtant l'Esprit de Dieu est en mesure de nous inspirer des gestes impressionnants aussi bien que des paroles convaincantes.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant