Dialogue avec Tryphon

LXIX

1 Sachez donc, Tryphon, que toutes les fables répandues parmi les Grecs, par celui que nous appelons le démon, et qui ne sont que des altérations de nos livres saints, que les prodiges qu’il a opérés par les magiciens d’Égypte et par les faux prophètes du temps d’Eue, ne servent qu’à me confirmer dans ma foi aux divines Écritures et dans la manière dont je les entends. 2 Lorsqu’on me dit que Bacchus est né de Jupiter et de Sémélé, qu’il est l’inventeur de la vigne, qu’il fut mis en pièces, qu’il mourut, qu’après il ressuscita et remonta au ciel, que le vin est employé dans la célébration de ses mystères, est-ce que je ne retrouve pas là l’oracle de Jacob, que rapporte Moïse, mais imité, falsifié par le démon ? 3 Lorsqu’on me raconte qu’il exista un héros invincible du nom d’Hercule, qu’il parcourut toute la terre, qu’il naquit de Jupiter et d’Alcmène, qu’il est monté au ciel après avoir souffert la mort, est-ce que je ne reconnais pas encore ici la trace du démon ? Est-ce que je ne vois pas bien qu’il a cherché à contrefaire cet endroit où l’Écriture nous présente le Christ s’élançant comme un géant infatigable pour fournir sa carrière ?

Et si on me parle d’un certain Esculape ressuscitant les morts, guérissant toutes sortes de maladies, puis-je m’empêcher de m’écrier : c’est encore ici une altération des oracles qui concernent le Christ ?

4 Je n’ai encore fait mention d’aucun de ces oracles qui annoncent les prodiges du Christ, je dois au moins vous en citer un ; vous verrez comment l’Écriture s’adresse aux hommes qui étaient, comme un véritable désert, sous le rapport de la connaissance de Dieu, je veux dire les gentils, qui avaient des yeux et ne voyaient pas, de l’intelligence et ne comprenaient pas, et adoraient des dieux faits de main d’hommes ; vous verrez, dis-je, comment l’Écriture leur annonce qu’ils laisseront là leurs idoles pour croire au Christ. 5 Voici la prophétie qui les regarde : « Le désert se réjouira, la solitude sera dans l’allégresse et fleurira comme un lys ; elle germera de toutes parts ; ses hymnes, ses transports témoigneront sa joie ; la gloire du Liban lui est donnée, ainsi que la beauté du Carmel. Connaissez la gloire du Seigneur et la grandeur de mon Dieu. Fortifiez les mains languissantes, affermissez les genoux tremblants. Dites aux cœurs chancelants : Fortifiez-vous et ne craignez point, voilà que votre Dieu amènera la vengeance due à sa gloire ; il vient lui-même et vous sauvera. Alors les yeux des aveugles et les oreilles des sourds seront ouverts, le boiteux sera agile comme le cerf, la langue du muet sera prompte et rapide ; alors les rochers du désert seront brisés, des fleuves arroseront la solitude. La terre la plus aride est devenue un lac, des fontaines jaillissantes arrosent des terres arides ; où habitaient les serpents s’élèvera la verdure des roseaux et des joncs. Oui, on verra une source d’eau vive au sein d’une terre desséchée. »

6 Et cette source qui a jailli au milieu de la terre aride des gentils, si nous considérons qu’elle était leur ignorance du vrai Dieu, n’est-ce pas Jésus-Christ qui d’abord a paru au milieu de vous guérissant les aveugles de naissance, les sourds, les boiteux, faisant par la seule vertu de sa parole marcher celui-ci, entendre celui-là, voir cet autre ? Il fit plus encore : il rappelait les morts à la vie ; il essayait, à force de prodiges, de réveiller l’attention des hommes qui vivaient alors pour les obliger à le reconnaître. 7 Mais ceux-ci attribuaient à la magie les miracles qu’ils lui voyaient opérer. Ils osaient dire que c’était un magicien, un imposteur qui trompait le peuple.

Mais savez-vous quel motif le portait encore à opérer ces prodiges ? Il voulait convaincre ceux qui croiraient en lui que, s’ils étaient fidèles à garder ses préceptes, quelles que fussent leurs infirmités corporelles, ils reprendraient un corps pur et intact au jour de son second avènement, qu’ils ressusciteraient immortels, exempts de corruption, impassibles.

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