Appelé à la liberté

2.1-10 : UN SEUL ÉVANGILE

1 Quatorze ans plus tard, je suis remonté à Jérusalem en compagnie de Barnabas. J'avais aussi emmené Tite avec moi. 2. J'ai fait ce voyage pour obéir à une révélation divine. J'ai exposé aux chrétiens l'Evangile que j'annonce parmi les non-Juifs, puis, dans un entretien particulier, je l'ai exposé aux dirigeants les plus considérés. Car je ne voulais pas que tout mon travail passé et futur soit compromis. 3 Or Tite, mon compagnon, était d'origine païenne. Eh bien, on ne l'obligea même pas à se soumettre au rite de la circoncision. 4 Et cela malgré la pression de faux-frères, des intrus qui s'étaient infiltrés dans nos rangs pour espionner la liberté dont nous jouissons dans notre union avec Jésus-Christ. Ils voulaient faire de nous des esclaves. 5 Mais nous ne leur avons pas cédé un seul instant ni fait la moindre concession afin que la vérité de l'Evangile soit maintenue pour vous. 6 Quelle a été, à cet égard, l'attitude des dirigeants les plus influents ? – En fait, ce qu'ils étaient alors m'importe peu, car Dieu ne fait pas de favoritisme. – Eh bien, ces gens très influents ne m'ont pas imposé d'autres directives.

7 Au contraire ! Ils ont constaté que Dieu m'avait confié la charge d'annoncer l'Evangile aux non-Juifs comme à Pierre celle de l'annoncer aux Juifs. 8 – Car celui qui a agi en Pierre pour qu'il soit l'apôtre des Juifs a aussi agi en moi pour que je sois celui des non-Juifs. – 9 Ainsi Jacques, Pierre et Jean, qui sont considérés comme des « colonnes » de l'Eglise, ont reconnu que Dieu, dans sa grâce, m'avait confié cette tâche particulière. C'est pourquoi ils nous ont serré la main, à Barnabas et à moi, en signe d'accord et de communion ; et nous avons convenu ensemble que nous irions vers les peuples païens tandis qu'eux se consacreraient aux Juifs. 10 Ils nous ont seulement demandé de nous souvenir des pauvres – ce que j'ai bien pris soin de faire.

L'activité insidieuse de faux docteurs constituait la bête noire de la vie et du ministère de Paul. Partout où il se rendait, ils le suivaient. A peine avait-il implanté l'Évangile quelque part, les faux docteurs commençaient aussitôt à troubler l'Église en déformant son Évangile. En outre, comme nous l'avons vu, dans le but de jeter le discrédit sur le message de Paul, ils contestaient également son autorité.

Ce problème revêt une grande importance pour nous car les détracteurs de Paul ont de nombreux successeurs dans l'Église aujourd'hui. Ils affirment que nous n'avons pas besoin d'attacher beaucoup d'attention à ses écrits. Ils oublient ou nient qu'il était un apôtre de Jésus-Christ et qu'il fut, de façon unique, appelé, investi d'une mission, autorisé et inspiré à prêcher en son nom. Ils ignorent la propre déclaration de Paul (1.11, 12), selon laquelle il n'obtint pas son Évangile des hommes mais de Jésus-Christ.

L'une des façons dont certains faux docteurs de l'époque de Paul essayaient de miner son autorité consistait à insinuer que son Évangile était différent de celui de Pierre, et même de celui annoncé par tous les autres apôtres à Jérusalem. « Par conséquent », prétendaient-ils, « l'Église se trouve affublée de deux Évangiles, celui de Paul et celui de Pierre, chacun affirmant son origine divine. Lequel allons-nous accepter ? Comment suivre Paul s'il se trouve tout seul, et si Pierre et le reste des apôtres sont en désaccord avec lui ? » C'était de toute évidence l'un des arguments spécieux des judaïsants. En affirmant ouvertement que les apôtres se contredisaient, ils tentaient de rompre l'unité qui existait entre les apôtres. Leur jeu, pourrait-on dire, ne consistait pas à « déshabiller Pierre pour habiller Paul », mais à célébrer Pierre pour contrarier Paul !

Paul traite à présent de cette insinuation. Au chapitre 1 il avait montré que son Évangile venait de Dieu non de l'homme. Maintenant, dans la première partie du chapitre 2, il montre que son Évangile était précisément le même que celui des autres apôtres. Pour prouver que son Évangile ne dépendait pas des autres apôtres, il avait affirmé avec force s'être rendu une seule fois à Jérusalem en quatorze ans, et que ce séjour avait duré seulement quinze jours. Maintenant, pour prouver que son Évangile était identique à celui des autres apôtres, Paul met l'accent sur le fait que lorsqu'il leur rendit visite à Jérusalem, ils approuvèrent son Évangile.

Considérons les circonstances de cette visite à Jérusalem :

Aux vv. 1 et 2 Paul déclare : Quatorze ans plus tard je suis remonté à Jérusalem en compagnie de Barnabas. J'avais aussi emmené Tite avec moi. J'ai fait ce voyage pour obéir à une révélation divine. J'ai exposé aux chrétiens l'Evangile que j'annonce parmi les non-Juifs, puis dans un entretien particulier, je l'ai exposé aux dirigeants les plus considérés. Car je ne voulais pas que tout mon travail passé et futur soit compromis (2.1-2).

C'était sa deuxième visite (« je suis remonté »), « quatorze ans plus tard » (probablement depuis sa conversion, et non depuis sa première visite). La visite de Paul comporta deux aspects importants : ses compagnons et son message.

D'abord, ses compagnons. Il s'agissait de Barnabas et de Tite. Fait particulièrement remarquable, Barnabas (bien qu'associé à Paul dans l'évangélisation des païens à Antioche et plus tard lors de son premier voyage missionnaire) était Juif, tandis que Tite était Grec. En d'autres termes, comme non-Juif incirconcis, Tite était lui-même un fruit de la mission parmi les païens alors contestée par les judaïsants.

Ensuite, son Évangile. A cette occasion, Paul exposa aux autres apôtres l'Évangile qu'il prêcha aux païens. Certes ce n'était pas la raison de sa visite à Jérusalem. En effet, l'occasion de celle-ci était tout à fait différente : il fit ce voyage « pour obéir à une révélation divine » (v. 2), autrement dit, non parce que les apôtres de Jérusalem l'avaient convoqué pour le mettre sur la sellette, mais parce que Dieu lui avait ordonné de s'y rendre. (Nous ignorons la nature de cette révélation, mais elle pourrait concerner la prédiction d'une famine par Agabus, à la suite de quoi Paul et Barnabas furent envoyés à Jérusalem pour y apporter la contribution des chrétiens d'Antioche. Cf. Actes 11.27-30.) En outre, l'entretien entre Paul et les autres apôtres n'était nullement une conférence officielle mais une simple consultation privée.

Néanmoins, cette consultation eut bien lieu, même si ce n'était ni le but de sa visite à Jérusalem ni un événement officiel. A cette occasion, Paul « exposa » aux apôtres de Jérusalem l'Évangile qu'il prêchait aux païens, et il affirma agir ainsi car il ne voulait pas que « tout (son) travail » passé et futur « soit compromis ». Ce n'était certainement pas parce qu'il entretenait des doutes ou des hésitations à l'égard de son Évangile et avait donc besoin d'être rassuré par les autres apôtres de Jérusalem, car il le prêchait depuis quatorze ans ; mais plutôt par peur que son ministère passé et présent ne soit compromis à cause des judaïsants. C'était pour renverser l'influence de ces derniers, et nullement pour renforcer ses propres convictions, que Paul exposa son Évangile aux apôtres de Jérusalem.

Voici donc les deux traits essentiels de sa visite à Jérusalem : il prend avec lui un compagnon d'origine non-juive et un Évangile destiné aux non-Juifs. C'est une situation tendue et critique, une occasion pleine de périls et pourtant porteuse d'immenses possibilités pour l'avenir de l'Église. Comment réagiront les apôtres de Jérusalem face au compagnon d'origine non-juive de Paul et à sa mission auprès des non-Juifs ? Recevront-ils Tite comme un frère, ou le rejetteront-ils parce qu'il est incirconcis ? Approuveront-ils l'Évangile de Paul ou chercheront-ils à le modifier d'une façon ou d'une autre ? Voici les questions qui agitaient tous les esprits. Derrière elles demeurait la question fondamentale : la liberté par laquelle le Christ nous a rendus libres subsistera-t-elle, ou l'Église sera-t-elle condamnée à l'esclavage et à la stérilité ? Les judaïsants disposent-ils de preuves suffisantes pour affirmer l'existence d'une scission dans les rangs des apôtres ?

Paul raconte à ses lecteurs ce qui se passa lors de cette consultation historique. Non seulement, son compagnon non-Juif (Tite) ne fut pas obligé d'être circoncis (vv. 3-5), mais son Évangile non-juif ne fut ni contredit ni même modifié d'aucune manière (vv. 6-10). Au contraire, son compagnon fut accepté et son Évangile également. Ainsi une victoire éclatante fut gagnée pour la vérité de l'Évangile. De plus, la scission dans les rangs des apôtres était une pure invention dénuée de tout fondement.

Ayant présenté le fil essentiel de l'argument développé dans ces versets, il nous faut maintenant les examiner plus en détail.

1. LES COMPAGNONS DE PAUL (vv. 3-5)

Or Tite, mon compagnon, était d'origine païenne. Eh bien, on ne l'obligea même pas à se soumettre au rite de la circoncision. Et cela, malgré la pression de faux-frères, des intrus qui s'étaient infiltrés dans nos rangs pour espionner la liberté dont nous jouissons dans notre union avec Jésus-Christ. Ils voulaient faire de nous des esclaves. Mais nous ne leur avons pas cédé un seul instant ni fait la moindre concession afin que la vérité de l'Evangile soit maintenue pour vous.

La décision de Paul de se faire accompagner par Tite était certes téméraire. En effet, introduire ainsi un non-Juif dans le quartier général de l'Église de Jérusalem aurait pu être interprété comme un acte de provocation délibéré. En un sens, il en était probablement ainsi, même si les motifs de Paul ne comportaient aucun élément provocateur. Ce n'était certainement pas pour susciter des querelles qu'il avait emmené Tite avec lui à Jérusalem, mais dans le but d'établir une vérité contenue dans l'Évangile. Cette vérité était le fait que les Juifs et les non-Juifs sont acceptés par Dieu sur la même condition, à savoir par la foi en Jésus-Christ, et devaient par conséquent être acceptés par l'Église sans aucune discrimination entre eux.

Voici donc l'enjeu de cette visite. Et, en l’occurrence, cette vérité fut effectivement établie : « Tite... était d'origine païenne. Eh bien, on ne l'obligea même pas à se soumettre au rite de la circoncision ». Cependant la victoire ne fut pas remportée sans bataille, car de fortes pressions s'exerçaient sur Paul afin de circoncire Tite. Ces pressions provenaient de « faux-frères », (c'est-à-dire des « chrétiens hypocrites » (New English Bible), des « pseudo-chrétiens » (Phillips). Comme John Brown commente de façon judicieuse : « Ces personnes étaient des frères, c'est-à-dire, des chrétiens de nom, mais ils étaient de ‘faux-frères’, car en réalité c’étaient des Juifs ».17 C’étaient très probablement des judaïsants, et Paul emploi des mots sévères à leur endroit. C'était « des intrus qui s'étaient infiltrés dans nos rangs », expression qui signifie soit dans l'Église, soit dans l'entretien privé avec les apôtres. (Phillips la traduit ainsi : « .... s'étaient faufilés dans notre rencontre ». De toute manière, aux yeux de Paul ils étaient des espions, « infiltrés dans nos rangs pour espionner la liberté dont nous jouissons dans notre union avec Jésus-Christ. Ils voulaient faire de nous des esclaves ». En particulier, ils insistèrent pour que Tite soit circoncis. Nous savons que l'obligation de la circoncision constituait le programme du parti des judaïsants, car leur slogan apparaît dans Actes 15.1 : « Si vous ne vous faites pas circoncire comme Moïse l'a prescrit, vous ne pouvez être sauvés ».

17 Brown, p. 75.

Paul comprit clairement l'enjeu. Ce n'était pas seulement une question de circoncision ou d'incirconcision, de coutumes juives ou non-juives. Il s'agissait au contraire d'un enjeu capital : la vérité de l'Évangile, à savoir la liberté chrétienne et non l'esclavage. Le chrétien a été libéré de la Loi, au sens où son acceptation devant Dieu dépend entièrement de la grâce de Dieu, car elle se fonde sur la mort de Jésus-Christ reçue par la foi.

Introduire les oeuvres de la Loi et rendre notre acceptation dépendante de notre obéissance à ses statuts et ses règlements revenait à faire de nouveau d'un homme libre un esclave. Tite établit la preuve de ce principe. Il était certes un non-Juif incirconcis, mais il était aussi un chrétien converti. Ayant cru en Jésus, il avait été accepté par Dieu en Christ, et ce fait, affirmait Paul, était suffisant pour son salut. Rien d'autre n'était nécessaire, comme la Conférence de Jérusalem le confirma plus tard (cf. Actes 15).

Aussi Paul demeura-t-il ferme. « La vérité de l'Évangile » était en jeu, et il était résolu à la maintenir à tout prix. Il affronta avec succès la pression des judaïsants, et les apôtres n'obligèrent pas Tite à se faire circoncire. Quant aux faux-frères, « nous ne leur avons pas cédé un seul instant » (v. 5) ; (cf. Parole Vivante : « nous n'avons reconnu aucune autorité, ni n'avons fait la moindre concession à ces intrus ».)

Il faut ajouter qu'il n'est pas impossible d'interpréter ces versets comme le font certains commentateurs, qui pensent qu'en réalité Paul céda et que Tite fut circoncis. Lightfoot se réfère à ce paragraphe comme « le naufrage de la grammaire ».18 Paul écrit de toute évidence sous le coup d'une forte émotion, et d'un embarras considérable. Au v. 4, il laisse sa phrase inachevée (cf. la Colombe), et nous pouvons seulement deviner de quelle façon il aurait pu la terminer. En outre, même si les grands manuscrits grecs comportent la forme négative au v. 5 (« nous ne leur avons pas cédé »), il existe une ou deux versions latines qui l'omettent. Si cette leçon est juste, alors nous devons comprendre que Paul circoncit Tite, comme il circoncit plus tard Timothée, comme une concession aux Juifs (Actes 16.3). En effet, une fois qu'un principe vital de la vérité de l'Évangile avait été établi, Paul était prêt à faire des concessions. Il insiste ici sur le fait qu'il agit de façon délibérée, et non en cédant à des pressions. Que Tite ait été circoncis ou pas, le v. 3 déclare : on ne l'obligea même pas... De même le verset 5b affirme que le motif de Paul consistait à préserver « la vérité de l'Évangile ».

Néanmoins, à mon avis les manuscrits grecs selon lesquels Tite ne fut pas circoncis sont exacts. Comme Lightfoot le souligne à juste titre, les personnes auxquelles Paul avait l'habitude de faire des concessions étaient des frères faibles dans la foi (cf. Romains 14), et non des faux-frères.19

18 Lightfoot, p. 104.

19 Ibid., p 106.

2. L'ÉVANGILE DE PAUL (vv. 6-9a)

Comme nous l'avons déjà vu, Paul eut un entretien privé avec les apôtres de Jérusalem (v. 2). Nous savons qui étaient ces hommes devant lesquels Paul exposa son Évangile, parce qu'ils sont nommés plus tard au v. 9. Ce sont Jacques, le frère du Seigneur, Pierre et Jean.

Dans d'autres versets de ce paragraphe, toutefois, Paul emploie des expressions indirectes pour les décrire : les « dirigeants les plus considérés » (v. 2), « les plus influents » (v. 6), et ceux « considérés comme les “colonnes” de l'Église » (v. 9). Dans chaque cas, Paul parle d'eux selon leur réputation. Il ne le fait pas de façon péjorative, car il vient de reconnaître lui-même leur valeur dans Galates 1.17 comme étant « déjà apôtres avant moi », et il dira au v. 9 qu'ils lui « ont serré la main... en signe d'accord et de communion ».

Pourquoi alors fait-il allusion aux apôtres de façon si détournée ? Sa façon de s'exprimer fut certainement influencée par le fait que les judaïsants exagéraient la position des apôtres de Jérusalem au dépens de la sienne. Comme Lightfoot l'exprime, Paul « rabaisse non les Douze eux-mêmes, mais les affirmations exagérées faites à leur endroit par les judaïsants ».20

Ibid., p. 108.

Peut-être les faux-frères attiraient-ils l'attention sur ce qu'ils considéraient comme les qualifications supérieures de Jacques, de Pierre et de Jean. Car Jacques était l'un des frères du Seigneur, et Pierre et Jean avaient appartenu au cercle intime des trois. En outre, contrairement à Paul, ils avaient connu Jésus au cours de sa vie sur terre. C'est peut-être à cette différence que Paul se réfère dans la parenthèse du v. 6 : «  En fait, ce qu'ils étaient alors m'importe peu, car Dieu ne fait pas de favoritisme ». Les paroles de Paul n'expriment ni un refus ni un manque de respect de leur autorité apostolique, mais indiquent seulement que, même s'il reconnaît tout à fait leur fonction d'apôtres, il n'est nullement subjugué par l'importance personnelle que leur attribuait les judaïsants.

3. LE RÉSULTAT DE L'ENTRETIEN (vv. 9b, 10)

Ainsi Paul exposa son Évangile devant les apôtres de Jérusalem. Que fut l'issue de cet entretien ? Les apôtres contredirent-ils son Évangile ? Le modifièrent-ils en supprimant ou en ajoutant quelque chose ? Pas du tout. Paul mentionne deux résultats, l'un négatif et l'autre positif.

Le résultat apparaît à la fin du v. 6 : ils ne m'ont pas imposé d'autres directives. En d'autres termes, ils ne trouvèrent aucun défaut à l'Évangile de Paul. Ils n'essayèrent nullement d'y ajouter la circoncision, ni de l'embellir d'une toute autre manière. Ils ne déclarèrent pas à Paul : « Ton Évangile est certes vrai, mais il est incomplet ». En fait, ils ne changèrent absolument rien.

Il est significatif que Paul décrive l'Évangile qu'il exposa devant les apôtres comme « l'Évangile que je prêche » (à présent). C'est comme s'il écrivait : « l'Évangile que j'ai soumis aux autres apôtres est celui que je continue à prêcher. L'Évangile que je prêche aujourd'hui ne fut pas modifié par eux. C'est le même que je prêchais avant de les voir. C'est celui que je vous ai prêché et que vous avez reçu. Je n'y ai rien ajouté, rien retranché, et rien changé. C'est vous, Galates, qui abandonnez l'Évangile ; ce n'est, sur le plan négatif, pas moi ». Voici donc négatif le résultat de l'entretien de Paul avec les autres apôtres : « ces gens très influents ne m'ont pas imposé d'autres directives » (v. 6).

Le résultat positif de cet entretien fut que les apôtres « nous ont serré la main... en signe d'accord et de communion » (v. 9). Ils reconnurent qu’il avait reçu le même Évangile qu'eux. La seule différence est que Paul avait été chargé de le prêcher dans d'autres endroits qu'eux. La version Darby est un peu trompeuse lorsqu'elle traduit le v. 7 : « l'Évangile de l'incirconcision m'a été confié, comme celui de la circoncision l'a été à Pierre », comme s'il existait un Évangile pour les Juifs et un autre pour les non-Juifs, ce qui n'est pas le cas. En réalité, les apôtres réalisèrent que Dieu était à l'oeuvre dans sa grâce à la fois par Pierre et par Paul (vv. 8, 9), mais que leur champ d'évangélisation était différent. Aussi les apôtres « donnèrent-ils la main droite » (Colombe) à Barnabas et à Paul « en signe d'accord et de communion ». Ils reconnurent simplement que nous irions vers les peuples païens tandis qu'eux se consacreraient aux Juifs (v. 9).

Les apôtres ajoutèrent aussi la demande que Paul et Barnabas se souviennent des pauvres, c'est-à-dire de ceux appartenant aux Églises de la Judée frappées par la pauvreté, ce que Paul eut bien soin de faire (v. 10). En effet, c'était essentiellement dans le but de soulager la famine que Paul et Barnabas se trouvaient à Jérusalem à cette époque, comme nous l'avons déjà vu. Et Paul continua dans les années à venir à s'occuper des pauvres en organisant sa célèbre collecte. Il exhorta les Églises plus prospères de la Macédoine et de l'Achaïe formées de non-Juifs à soutenir les Églises plus pauvres de la Judée, et il considérait leurs dons comme le moyen d'entretenir et de démontrer la solidarité entre les Juifs et les non-Juifs dans la communion de l'Église.

En résumé, au premier paragraphe de Galates chapitre 2, nous avons appris que, lors de sa seconde visite à Jérusalem, Paul rencontra deux groupes, dont l'attitude envers lui s'avéra très différente. D'une part, les « faux-frères », en désaccord avec son Évangile et avec sa façon d'évangéliser, essayèrent d'obliger Tite à se faire circoncire ; Paul refusa de se soumettre. D'autre part, les apôtres reconnurent la vérité de l'Évangile prêché par Paul et lui serrèrent la main en signe d'accord et de communion.

CONCLUSION

Certains lecteurs seront sans nul doute tentés de céder à l'impatience face à ce qui leur paraîtra comme rien de plus qu'une procédure bien compliquée. Une visite de Paul à Jérusalem au 1er siècle après J.C., la question de savoir si Tite fut circoncis ou pas, un entretien entre Paul et les apôtres de Jérusalem tout ceci apparaît très éloigné et sans aucun rapport avec les problèmes du 20e siècle. Or il n'en est rien. Au moins deux principes d'une importance capitale ressortent de ce paragraphe.

a. La vérité de l'Évangile est unique et immuable

Quand nous avons considéré le passage de Galates 1.6-10, nous avons vu qu'il n'existait qu'un seul Évangile. A présent, nous pouvons aller plus loin et affirmer que l'ensemble du Nouveau Testament présente cet Évangile unique de façon constante. Dans certains milieux, il est courant de parler de l'Évangile « de Paul » ou « de Pierre » ou « de Jean », comme s'ils étaient tout à fait différents. Certains se réfèrent au « paulinisme », comme s'il s'agissait d'une variété distincte du christianisme, ou même d'une autre religion. Parfois l'on oppose Paul et Jacques l'un à l'autre comme s'ils se contredisaient.

Or cette façon de parler est complètement erronée. Dans le Nouveau Testament, les apôtres de Jésus-Christ ne se contredisent nullement. Certes, des différences de style existent entre eux, car l'inspiration divine n'effaça aucunement leur personnalité individuelle. De même, il existe entre eux des différences dans l'accent mis sur certains problèmes : appelés à oeuvrer dans des sphères différentes et à prêcher et à écrire à différents milieux, ils insistent sur divers aspects de l'Évangile. Ainsi Paul écrivait contre les légalistes et Jacques contre les antinomiens. Cependant, leurs écrits sont en réalité complémentaires.

Il existe un seul Évangile, la foi apostolique, un corps de doctrine reconnaissable enseigné par les apôtres de Jésus-Christ et conservé pour nous dans le Nouveau Testament. Dans ce passage, Paul s'efforce de montrer qu'il était en plein accord avec les apôtres de Jérusalem et eux avec lui. Il procède à la même affirmation dans 1 Corinthiens 15.11 : « Bref, que ce soient eux ou que ce soit moi, voilà le message que nous proclamons et voilà aussi ce que vous avez cru ». Dans le Nouveau Testament, il existe un seul Évangile et un seul christianisme, et non plusieurs alternatives tout aussi valables les unes que les autres.

Il en est de même aujourd'hui. S'il existe un seul Évangile dans le Nouveau Testament, il existe également un seul Évangile pour l'Église. L'Évangile n'a pas changé avec le passage du temps. Qu'il soit prêché aux jeunes ou aux personnes âgées, à l'Est ou à l'Ouest, aux Juifs ou aux non-Juifs, aux instruits ou aux ignorants, aux scientifiques ou aux non-scientifiques, même si sa présentation peut varier, son contenu demeure exactement le même. Paul et Pierre remplissaient certes une mission différente, mais leur message était identique.

b. La vérité de l'Évangile doit être maintenue

Voici le second principe illustré dans Galates chapitre 2. Paul était déterminé à résister à ces judaïsants. Il était même prêt, comme nous le verrons dans le paragraphe suivant (vv. 11-14), à s'opposer ouvertement à Pierre quand sa conduite contredisait l'Évangile. Paul était très doux avec les frères mal affermis dans la foi et dont la conscience était exagérément scrupuleuse. Il était prêt à faire des concessions, comme plus tard dans le cas de la circoncision de Timothée. En revanche, sur une question de principe où la vérité de l'Évangile était en jeu, il tenait ferme et refusait la moindre concession.

Ce mélange de douceur et de fermeté est bien exprimé par Martin Luther :

« Tirons tous cette conclusion : nous nous laisserons certes dépouiller de nos biens, de notre réputation, de notre vie, et de tout ce que nous possédons ; mais nous ne supporterons jamais que nous soient arrachés l'Évangile, notre foi, et Jésus-Christ lui-même ! Maudit soit toute humilité qui s'abaisserait et se soumettrait dans ce domaine-là ! Au contraire, que tout chrétien soit fier et sans pitié de peur de renier le Christ.

« C'est pourquoi, avec l'aide de Dieu, je serai plus fort que tout. Je fais mien ce proverbe : cedo nulli – je ne céderai à personne. Dans ce domaine je me réjouis même de tout mon coeur de paraître rebelle et obstiné. En ce jour, je déclare que je suis, que je serai inébranlable, et que je ne céderai pas un pouce à quiconque. L'amour cède certes, car il “pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout” (1 Cor 13.7) ; en revanche, la foi ne cède jamais...

« Ainsi, dans le domaine de la foi nous devrions nous montrer invincibles : si possible plus durs encore que le diamant ; mais dans le domaine de l'amour, nous devrions nous montrer doux : plus souples qu'une feuille ou un roseau secoués par le vent, prêts à céder en tout ».21

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