La foi évangélique

Conclusion
Le défi de la foi évangélique

Nous nous sommes intéressés à la forme trinitaire de la foi évangélique, à savoir l'initiative de Dieu qui se révèle lui-même à nous, l'amour du Christ qui meurt pour nos péchés, et le ministère du Saint-Esprit qui rend possibles tous les aspects de notre vie chrétienne de disciple. Disons-le plus simplement : nous avons insisté sur la Parole, sur la croix et sur l'Esprit, trois points essentiels de la mouvance évangélique.

Mais pour être chrétien évangélique, il ne suffit pas simplement de souscrire à une formuler aussi orthodoxe et aussi trinitaire soit-elle. La foi évangélique dépasse le niveau de la doctrine pour atteindre celui du comportement. Elle lance à ses adeptes un défi aux multiples facettes : vivre conformément à ses principes.

Paul en donne un exemple frappant à la fin du premier chapitre de sa lettre aux Philippiens. Il fait référence à « l'Évangile du Christ » (v. 27a) et à « la foi de l'Évangile » (v. 27b), autrement dit à la foi évangélique, et il supplie ses lecteurs de mener une vie conforme à cette foi.

Seulement, conduisez-vous d'une manière digne de l'Évangile du Christ, afin que, soit que je vienne vous voir, soit que je reste absent, j'entende dire de vous que vous demeurez fermes dans un même esprit, combattant d'une même âme pour la foi de l'Évangile sans vous laisser aucunement intimider par les adversaires. C'est pour eux une preuve de perdition, mais pour vous de salut, et cela de la part de Dieu ; car il vous a été fait la grâce non seulement de croire en Christ, mais encore de souffrir pour lui, en soutenant le même combat que vous m'avez vu livrer et que, vous l'apprenez, je livre encore maintenant (Philippiens 1.27-30).

Cet appel a quelque chose de profondément émouvant. L'apôtre est prisonnier soit à Rome (comme le veut la tradition), soit à Éphèse (comme quelques-uns le pensent). Quoi qu'il en soit, il est incarcéré, privé de liberté et donc incapable de visiter les églises qu'il a fondées, et de faire œuvre de pionnier en évangélisant. De plus, son avenir est des plus incertains. Il sait fort bien qu'il est peut-être à la veille de sa mort. D'ailleurs, il est tiraillé entre la vie et la mort. Il a le désir personnel de s'en aller et « d'être avec Christ, ce qui est de beaucoup le meilleur ». Mais les églises ont encore besoin de lui ; aussi a-t-il l'assurance d'être bientôt relâché et de poursuivre son ministère apostolique. Quel que soit son sort, l'apôtre veut qu'il serve avant tout à la gloire du Christ : « Mais maintenant comme toujours, le Christ sera exalté dans mon corps, avec une pleine assurance, soit par ma vie, soit par ma mort ». (Philippiens 1.20-26)

« Seulement », quoi qu'il arrive, c'est-à-dire qu'il vive ou qu'il meure, ce n'est pas son sort qui le préoccupe, mais celui de l'Évangile. Il ne se soucie pas de lui-même ni de sa survie, mais de la survie et de la propagation de l'Évangile. C'est dans cette perspective qu'il adresse aux Philippiens (et à nous par voie de conséquence) une quintuple exhortation.

L'appel à l'intégrité évangélique

(où mener une vie digne de l'Évangile)

Le verbe politeuomai, qui n'apparaît que deux fois dans le Nouveau Testament, signifiait à l'origine « vivre en tant que citoyen (polites) d'une ville-état (polis) ». Paul a peut-être intentionnellement choisi ce mot grec parce que Philippes était une colonie romaine (comme le rapporte effectivement Luc dans Actes 16.12) et, en tant que citoyens romains, ses habitants jouissaient de responsabilités et de privilèges spéciaux. Les chrétiens de Philippes doivent donc s'assurer que leur façon de vivre en tant que citoyens était digne de l'Évangile. Mais Paul va plus loin et fait allusion à leur citoyenneté céleste. « Notre cité est dans les cieux », leur rappelle-t-il en 3.20. Cette situation leur conférait des privilèges plus grands et des responsabilités plus lourdes.

Les chrétiens sont effectivement citoyens de deux patries. Une apologie anonyme du christianisme, datant du milieu du deuxième siècle et connue sous le nom de Lettre à Diognète exprime bien ce paradoxe de la vie chrétienne, en particulier notre double citoyenneté :

Car les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements... Ils se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s'acquittent de tous leurs devoirs, et supportent toutes les charges comme des étrangers... Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel... En un mot, ce que l'âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde.1

1 Lettre à Diognète, V.5.8.

J'ai intitulé cette exhortation « l'appel à l'intégrité évangélique », parce que dans le texte de Paul l'adjectif « digne » n'a pas le sens indiqué en premier dans le Petit Robert, à savoir « qui mérite », mais le deuxième sens, « en accord avec ». Notre conduite doit être en accord avec notre vocation, notre repentance, notre Seigneur, et avec le Dieu qui nous appelle à son royaume et à sa gloire. (Éphésiens 4.1 ; Luc 3.8 ; Matthieu 10.37 ; Colossiens 1.10 ; 1 Thessaloniciens 2.12) Il ne doit y avoir aucune dichotomie entre ce que nous professons et ce que nous pratiquons, entre ce que nous disons et ce que nous sommes, mais un accord parfait.

Dans sa lettre à Tite, Paul expose l'alternative avec une grande clarté. Une conduite chrétienne inconséquente donne au monde des raisons de calomnier la Parole de Dieu, et donc de freiner l'évangélisation. (Tite 2.5, 10) En revanche, le comportement chrétien cohérent fera « honorer en tout la doctrine de Dieu notre Sauveur » et favorisera l'évangélisation. Bref, une mauvaise conduite discrédite l'Évangile, tandis qu'une bonne conduite l'honore et en fait l'éloge.

Nos ancêtres évangéliques recherchaient activement ce qu'ils appelaient la sainteté « scripturaire » ou « pratique ». Ils prenaient très au sérieux le commandement divin fréquemment répété au peuple de l'alliance : « Vous serez saints, car je suis saint. » Hélas, de nos jours, certains évangéliques se contentent de vivre dans une médiocrité morale qui ne les différencie plus du monde. D'autres ont remplacé la quête de sainteté par la quête de justice sociale ou d'expériences religieuses. Ce sont certes des sujets importants, mais ils ne peuvent l'être au détriment de la faim et soif de justice.

L'appel à la fermeté évangélique

(ou demeurer ferme dans l'Évangile)

« ... afin que, soit que je vienne vous voir, soit que je reste absent, j'entende dire de vous que vous demeurez ferme dans un même esprit... » (Philippiens 1.27b) Nous dirons quelques mots sur cette référence à l'unité un peu plus loin. Pour l'instant, fixons notre attention sur l'exhortation à la fermeté. C'était le grand souci de Paul. Il attendait avec impatience de savoir (de vive voix ou par ouï-dire) si les chrétiens de Philippes tenaient bon.

La stabilité est importante dans tous les domaines. Nous avons besoin d'un gouvernement stable et d'une économie stable, de bâtiments stables et de caractères stables. La stabilité ou la fermeté des chrétiens importait beaucoup aux apôtres. Luc rapporte que les apôtres visitaient les villes qu'ils avaient évangélisées, « affermissant tous les disciples » (Actes 18.23). Ils savaient combien l'opposition satanique était forte sur les plan intellectuel (fausse doctrine), moral (tentation) et physique (persécution). Mais dans sa présentation de l'Évangile, Paul n'omettait jamais de parler de Dieu qui a le pouvoir d'affermir son peuple (Romains 16.25). C'est pourquoi il exhorte les chrétiens à demeurer fermes. Il emploie le même verbe à propos des chrétiens appelés à revêtir toutes les armes de Dieu et à combattre contre les principautés et les puissances du mal. L'expression « tenir ferme » revient quatre fois dans Éphésiens 6.10ss.

Or, cette fermeté doctrinale et éthique fait défaut aujourd'hui. Nous ressemblons à de frêles embarcations au milieu d'une tempête, « flottants et entraînés à tout vent de doctrine » (Éphésiens 4.14). Il est plus facile d'aller dans le sens du courant que d'aller à contre-courant. Cela demande moins d'efforts de se courber comme les roseaux sous les vents de l'opinion publique versatile et de l'opportunisme politique, que de rester fermes et immuables comme les rochers dans un torrent de montagne. L'appel à la fermeté est un cri qui s'impose aujourd'hui pour les évangéliques. La foi évangélique repose sur un fondement solide, l'Écriture Sainte, la vérité de l'Évangile que nous allons examiner maintenant.

L'appel à la vérité évangélique

(ou lutter pour la foi de l'Évangile)

Nous ne devons évidemment pas nous contenter de demeurer personnellement fermes en la foi ; il nous appartient également de combattre publiquement pour elle. Les mots de Paul « la défense de l'Évangile » (Philippiens 1.7, 16) donnent à penser qu'il s'agit à la fois d'évangélisation et d'apologétique. Il ne suffit pas de proclamer la bonne nouvelle, il faut aussi prendre fermement position pour elle et la justifier. Les apôtres ne dissociaient pas ces deux tâches. Ne le faisons pas non plus. Leur évangélisation s'accompagnait d'une forte note apologétique. L'apôtre Paul pouvait même résumer son ministère par deux mots grecs qui sont traduits par « nous cherchons à convaincre » (Cf. 2 Corinthiens 5.11). Luc décrit précisément Paul s'efforçant d'argumenter à propos de l'Évangile, de persuader les gens à partir de l'Écriture, de les convaincre de sa véracité et de sa vérité.

L'Église contemporaine a besoin de suivre l'exemple apostolique. Nous devrions être capables de faire nôtres les paroles de Paul à Festus : « Je ne suis pas fou, très excellent Festus... ce sont, au contraire, des paroles de vérité et de bon sens que j'exprime. » (Actes 26.25)

De plus, n'opposons jamais le raisonnement humain à la confiance dans le Saint-Esprit en déclarant que si nous avons pleine confiance dans les directives de l'Esprit, nous n'aurons jamais besoin de réfléchir, et en craignant que si nous raisonnons, nous aurons tendance à nous fier à notre raisonnement plus qu'à l'Esprit Saint. Cette façon de voir les choses est complètement fallacieuse. En effet, le Saint-Esprit est l'Esprit de vérité ; il est soucieux de la vérité, il enseigne la vérité et rend témoignage à la vérité. Par conséquent, vérité et Saint-Esprit sont parfaitement compatibles. Il est donc tout à fait possible de faire simultanément confiance aux deux. L'Esprit conduit les hommes à la foi en Jésus-Christ par le moyen de nos paroles et de nos raisonnements, lorsqu'il illumine l'intelligence des chercheurs afin qu'ils perçoivent la vérité et la force de nos arguments.

L'appel à l'unité évangélique

(ou travailler ensemble pour l'Évangile)

L'unité est l'un des principaux thèmes de la lettre de Paul aux Philippiens. L'église de Philippes semble avoir souffert de profonds désaccords entre ses membres. Nous ne savons lesquels, mais peut-être les remarquables conversions opérées à Philippes lors du passage de Paul dans cette ville (Cf. Actes 16.11ss) donnent-elles quelques indices à ce sujet. Il serait difficile d'imaginer un trio de convertis plus disparate que celui que rapporte le récit de Luc. Les trois personnes en question n'étaient pas de même nationalité, ni de même rang social, et probablement pas non plus de même tempérament. Lydie était une riche femme d'affaires originaire de la province d'Asie ; la servante anonyme venait de l'autre extrémité de l'échelle sociale, tandis que le geôlier romain, probablement un soldat à la retraite, appartenait à la classe moyenne. Tels étaient les trois membres fondateurs de l'église de Philippes ! C'est déjà un prodige qu'ils aient pu être admis par le baptême dans la communauté locale sans aucune discrimination. On imagine sans peine qu'il y avait encore d'autres membres avec des contextes différents. Ne se pourrait-il pas que les tensions qui existaient autrefois entre des personnes de race différente, de niveau social différent et de personnalité différente aient resurgi après la conversion et alimenté des conflits dans l'église locale ?

Quoi qu'il en soit, nous constatons que Paul insiste beaucoup sur la nécessité de l'unité. L'apôtre supplie ses destinataires de demeurer « fermes dans un même esprit, combattant d'une même âme pour la foi de l'Évangile » (v. 27). Il poursuit : « Mettez le comble à ma joie afin d'avoir un même sentiment ; ayez un même amour, une même âme, une seule pensée » (Philippiens 2.2).

Il est toutefois important d'examiner la nature de l'unité que Paul recommande. Il ne s'agit pas d'atteindre l'unité à n'importe quel prix, ni de compromettre les vérités fondamentales pour y parvenir, ni de promouvoir l'unité dans tous les domaines en excluant de la communauté ceux qui ne pensent pas et n'agissent pas en tout point comme nous. C'est l'unité de l'Évangile, des vérités évangéliques fondamentales, c'est demeurer « fermes, unis dans une même intention » et combattre « ensemble d'un même cœur pour la foi » (Philippiens 1.27, BFC).

Malheureusement, trop d'évangéliques cèdent facilement aujourd'hui à la tendance pathologique au morcellement. Nous nous réfugions dans notre conviction que l'unité de l'Église est invisible comme si la manifestation visible de cette unité ne comptait pas. Le diable continue de remporter de nombreux succès en mettant en œuvre l'ancienne stratégie « diviser pour régner ». Nos divisions constituent le principal obstacle à l'évangélisation.

Nous avons donc besoin d'un plus grand discernement pour différencier les fondements évangéliques sur lesquels nous ne pouvons transiger des adiaphora, ces choses indifférentes et d'importance secondaire pour lesquelles il serait insensé de nous quereller. Pour savoir ce qui est fondamental et ce qui ne l'est pas, il convient d'appliquer le principe véritablement évangélique suivant, parce qu'il concerne la suprématie de l'Écriture. Chaque fois que les chrétiens qui ont le même souci de bien comprendre l'enseignement de la Bible et de se soumettre à son autorité parviennent à des conclusions différentes, ils doivent en déduire que l'Écriture n'est pas aussi limpide qu'ils le pensent sur le sujet en question et qu'ils doivent par conséquent, laisser une certaine liberté dans l'interprétation. Mais ils peuvent aussi espérer, par la prière, l'étude et la discussion, arriver à une meilleure compréhension et donc à un accord.

Que devons-nous considérer aujourd'hui comme appartenant à la catégorie des adiaphora ? Nous pourrions certainement dresser une liste longue. Je me contente des douze suggestions suivantes, sous forme de question.2

2 Rob Warner prolonge cette liste dans le chapitre « Fractures Points » du livre Together We Stand qu'il a écrit avec Clive Calver, Hodder et Stoughton, 1996, pp. 60-93.

  1. Le baptême : devons-nous baptiser seulement les croyants adultes ou également leurs enfants ? Par immersion ou par aspersion ?
  2. La Cène : quelles règles appliquer à notre participation au corps et au sang du Christ (1 Corinthiens 10.16) ?
  3. Le gouvernement de l'église : opterons-nous pour la forme épiscopale, presbytérienne ou congrégationaliste ?
  4. Le culte : y a-t-il place pour la liturgie, ou bien toutes les prières publiques doivent-elles être spontanées ? Pouvons-nous combiner les aspects formels et informels ?
  5. Les dons spirituels : certains sont-ils encore d'actualité ? Parmi les charismes actuels, quels sont les plus importants ?
  6. Le rôle des femmes : quels sont les ministères qui leur sont accessibles ? Lesquels leur sont fermés ? Que signifie « l'homme est la tête de la femme », et comment l'appliquer aujourd'hui ?
  7. L'œcuménisme : jusqu'à quel point pouvons-nous collaborer avec des églises non évangéliques ?
  8. Les prophéties de l'Ancien Testament : comment interpréter leur accomplissement ?
  9. La sanctification : quel est le degré de sanctification que le peuple de Dieu peut atteindre sur la terre ?
  10. L'État : quelles doivent être les relations de l'Église avec l'État ?
  11. La mission : les termes « mission » et « évangélisation » sont-ils synonymes ? Quelle est la place de la lutte en faveur de la justice sociale ?
  12. L'eschatologie : comment concevons-nous la tribulation, l'enlèvement, le millénium, la parousie et notre destinée finale ?

Cette liste pourrait être considérablement allongée et inclure toutes les doctrines et les pratiques sur lesquels les chrétiens évangéliques ne partagent pas la même compréhension de l'enseignement biblique et de ses implications.

Mais ces sujets secondaires, sur lesquels nous pouvons reconnaître une certaine liberté de conscience, ne portent aucune atteinte aux vérités chrétiennes essentielles, notamment celle qui concernent la personne et l'œuvre du Christ, telles que les définissent le Symbole des apôtres et celui de Nicée, l'insistance des Réformateurs à propos de l'autorité suprême de l'Écriture, la mort expiatoire du Christ, la justification des pécheurs par la grâce seule au moyen de la foi, et l'indispensable ministère du Saint-Esprit. Voilà les points fondamentaux sur lesquels nous devons être intransigeants. Car, selon les apôtres eux-mêmes, nier la double nature humaine et divine de Jésus-Christ, c'est se ranger du côté de l'antichrist (1 Jean 2.18ss ; 4.1ss) et nier l'Évangile de la grâce souveraine, c'est s'exposer au jugement de Dieu (Galates 1.6ss).

La défense de l'unité sur les vérités primordiales et le respect de la liberté dans les questions secondaires, deux attitudes chapeautées par l'amour en toutes choses, ont souvent été résumées sous une forme proverbiale comme : « unité pour ce qui est de la vérité, liberté pour ce qui est des questions incertaines, charité en tout. » Cette formule est souvent attribuée (à tort) à Augustin. Son véritable auteur semble avoir été Rupert Meldenius, un anagramme du nom Petrus Meuderlin, la forme latinisée de Peter Meiderlin, un théologien du seizième siècle. Dans un traité latin datant de 1620 environ, où il prenait la défense du luthéranisme tout en plaidant en faveur de la paix, l'auteur écrivit : « Si seulement nous pouvions adopter le principe de “l'unité dans les choses essentielles, la liberté dans les choses non essentielles et la charité en tout”, nos relations seraient certainement meilleures. »

C'est cependant le pasteur puritain Richard Baxter qui a popularisé ce proverbe dans les pays anglophones en l'incluant dans son ouvrage The Reformed Pastor (1656). On prétend que c'était sa « citation favorite ».3 Elle pourrait devenir la nôtre également. Elle nous aiderait certainement à cultiver un esprit de plus grande civilité, une qualité en faveur de laquelle le Dr Alister MacGrath plaide au sein du mouvement évangélique. « Ne pourrions-nous pas, écrit-il, renoncer au culte de la personnalité, aux rivalités mesquines, aux querelles historiques et aux rituels personnels pour le plus grand bien du mouvement ? »4 J'espère que nous saurons répondre par l'affirmative à cette question.

3 Ce que fait John T. Wilkinson dans son essai The Reformed Pastor, Epworth, 1993, p. 31. La version latine originale du proverbe était : in necessariis unitas, in non-necessariis libertas, in omnibus caritas.

4 Church of England Newspaper, du 17 avril 1998.

L'appel à la persévérance évangélique

(ou souffrir pour l'Évangile)

L'exhortation que Paul adresse aux Philippiens de combattre pour l'Évangile suppose l'existence d'adversaires. C'est à eux qu'il pense maintenant. Il encourage ses lecteurs qui combattent pour la vérité à ne pas se laisser « intimider » par leurs opposants. L'apôtre utilise ici un terme très fort, « unique dans le grec biblique et évoquant la débandade incontrôlable de chevaux effrayés »5. En découvrant l'opposition à l'Évangile et en refusant de se laisser intimider, les Philippiens transmettront un double message. Pour eux, ce sera la preuve divine irréfutable de leur salut, et pour leurs adversaires la preuve de leur perdition (Philippiens 1.28).

5 R. P. Martin, Philippians, Tyndale New Testament Commentary, IVP et Eerdmans, 1959, p. 86.

Paul explique en effet aux chrétiens de Philippes que Dieu leur a accordé les privilèges « non seulement de croire en Christ, mais encore de souffrir pour lui » (Philippiens 1.29). L'apôtre ne pense pas à la souffrance et à la peine en général, mais à celles qui sont liées à l'Évangile. N'est-il pas remarquable que la foi et la souffrance (foi en Christ et souffrance pour Christ) soient ainsi associées comme deux dons de la grâce divine ? Certes tous les chrétiens ont la foi. Mais sont-ils appelés à souffrir ? Et peut-on envisager la souffrance comme un don ou un privilège au même titre que la foi ? Certainement, car tel est bien l'enseignement du Nouveau Testament.

Chacune des huit béatitudes par lesquelles Jésus a commencé son sermon sur la montagne dépeint une caractéristique différente du citoyen du royaume des cieux, si bien qu'ensemble, les huit décrivent le disciple chrétien parfaitement équipé. La huitième promet la bénédiction divine sur « ceux qui sont persécutés à cause de la justice » (Matthieu 5.10ss ; cf. Jean 15.18ss). Les premiers chrétiens n'étaient donc pas surpris par l'opposition qu'ils rencontraient. Au contraire, ils se réjouissaient même « d'avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom » du Seigneur (Actes 5.41). Paul écrivit que « tous ceux qui veulent vivre pieusement en Christ-Jésus seront persécutés » (2 Timothée 3.12), tandis que Pierre indique à ses destinataires que la souffrance est inhérente à la vocation chrétienne et qu'ils devraient même se réjouir du privilège de prendre part aux souffrances du Christ (1 Pierre 2.21 ; 4.13). Il n'y a donc rien d'étonnant au fait que Paul ait vu les Philippiens soutenir « le même combat » que lui lorsqu'il était à Philippes (battu de verges, emprisonné, les fers aux pieds), un combat que ses destinataires savaient encore actuel pour l'apôtre (1.30). Les disciples sont appelés à partager les souffrances de leur Maître, et aussi celles des apôtres. C'est un aspect inévitable de la succession apostolique, non d'une succession dans le domaine du titre, de l'autorité, de la doctrine ou de la mission, mais dans celui de la souffrance.

Cette noble succession se poursuit jusqu'à nos jours. Ceux d'entre nous qui vivent en Occident peuvent ne pas être appelés à souffrir beaucoup, en tout cas pas physiquement, bien que la fidélité à l'Évangile suscite toujours de l'opposition car elle condamne l'orgueil et l'égoïsme de l'homme. Mais dans d'autres parties du monde, des chrétiens sont en butte à la persécution à cause de la vérité et de la justice. On estime d'ailleurs que le nombre de chrétiens qui ont été martyrisés pour leur foi a été plus élevé au vingtième siècle qu'à toute autre période de l'histoire de l'Église.

Il est bon, par conséquent, que les dix niches au-dessus de la porte occidentale de l'Abbaye de Westminster à Londres, vides depuis plus de 500 ans, aient été comblées en juillet 1998 par les statues de martyrs chrétiens du vingtième siècle de différentes dénominations et de différents continents. Parmi elles se trouvent des chrétiens très connus comme Dietrich Bonhoeffer (victime de la tyrannie nazie), Martin Luther King (défenseur acharné des droits civils) et l'archevêque Janani Luwum (assassiné par Idi Amin, le dictateur ougandais) ; d'autres, en revanche, sont des martyrs relativement inconnus, comme Esther John, une Pakistanaise musulmane qui s'était converties au christianisme et qui fut sauvagement tuée dans son lit, et Wang Zhiming, un pasteur chinois exécuté sous la révolution culturelle6. A chaque martyr, Jésus dit certainement : « Sois fidèle jusqu'à la mort, et je te donnerai la couronne de vie. » (Apocalypse 2.10)

6 Dans The Terrible Alternative, Cassel, 1998, Andrew Chandler raconte l'histoire détaillée de ces dix martyrs.

Nous pouvons difficilement rester insensibles à l'exhortation de Paul, à la fin de Philippiens 1, car elle est aussi actuelle pour nous que pour les premiers destinataires de la lettre. L'apôtre nous incite à mener une vie digne de l'Évangile, à demeurer fermes, à combattre ensemble, à ne pas nous laisser intimider par les adversaires et à être prêts à souffrir pour lui. Voilà le défi lancé pour le maintien de la foi évangélique aujourd'hui.

Bibliographie

Dietrich Bonhoeffer, Le Prix de la grâce, Éditions Delachaux et Niestlé.
Michael Griffiths, Belle, mais délaissée, Éditions Grâce et Vérité.

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