La foi évangélique

Post-scriptum
La prééminence de l'humilité

J'ai l'audace d'affirmer dans ce post-scriptum que l'humilité est la suprême vertu que la foi évangélique engendre (ou devrait engendrer). J'imagine déjà les sourire grimaçants sur le visage de mes lecteurs. Nous devons en effet confesser que telle n'est pas la réputation qui nous colle à la peau. Les évangéliques passent souvent pour des orgueilleux, des arrogants et des présomptueux.

Je tiens cependant à dire que si les principales doctrines que les évangéliques chérissent sont bien comprises, elles incitent inévitablement à l'humilité. Comme le déclare Cranmer dans son homélie sur le salut, les convictions évangéliques font ressortir la vraie gloire de Dieu et sont donc obligées de rabaisser la vaine gloire des êtres humains. Je m'explique.

Je me suis efforcé de montrer que le christianisme évangélique est trinitaire. Nous tenons aux trois « R » : révélation, rédemption et régénération. Nous avons associé la révélation au Père, la rédemption au Fils et la régénération au Saint-Esprit. Nous désirons avant tout rendre témoignage à l'autorité suprême de la Parole de Dieu, à l'expiation efficace opérée à la croix et au ministère indispensable du Saint-Esprit.

Or, plus les trois personnes de la trinité sont glorifiées, plus l'orgueil humain est rabaissé. Faire l'éloge de la révélation personnelle de Dieu, c'est reconnaître notre ignorance totale en dehors d'elle. Faire l'éloge de la croix du Christ, c'est reconnaître que sans elle nous serions perdus. Faire l'éloge du rôle régénérant et sanctifiant de l'Esprit qui demeure en nous, c'est reconnaître que sans lui nous serions encore centrés sur nous-mêmes.

Comme nous l'avons vu, la Parole, la croix et l'Esprit occupent une place d'honneur dans notre pensée. Nous nous agenouillons devant Dieu le Père, la Bible ouverte devant nous, non parce que nous sommes des bibliolâtres, mais parce que nous désirons humblement écouter la Parole de Dieu. En pensée, nous nous prosternons devant le Seigneur crucifié et ressuscité (notamment lorsque nous prenons le repas du Seigneur), parce que nous désirons humblement recevoir le pardon gratuit que lui seul peut donner. Nous nous courbons également devant le Saint-Esprit, parce que nous désirons humblement lui demander de combler notre vide et de faire mûrir son fruit dans notre vie.

Sans la Bible, nous marcherions à tâtons et en trébuchant constamment dans d'épaisses ténèbres. Sans la croix, nous pataugerions dans les eaux profondes de la culpabilité et de l'aliénation ; sans miséricorde, sans rédemption, sans pardon et sans espoir. Sans l'Esprit à demeure en nous, nous serions les victimes impuissantes du péché qui nous asservit, astreints à des efforts personnels pathétiques et en butte à des échecs incessants.

Nous comprenons alors mieux pourquoi Jésus s'est servi d'un enfant pour nous donner une leçon d'humilité.

A ce moment, les disciples s'approchèrent de Jésus et dirent : Qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux ? Alors Jésus appela un petit enfant, le plaça au milieu d'eux et dit : En vérité je vous le dis, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux. C'est pourquoi, quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux. (Matthieu 18.1-4)

Beaucoup de gens sont troublés par cette référence à l'humilité d'un enfant. Notre fréquentation des enfants nous prouve qu'ils ne sont pas si humbles que cela. Ils sont plutôt têtus et vantards. Jésus n'a pas souligné le caractère ou le comportement de l'enfant, mais son statut. Tout ce que l'enfant possède lui a été donné, et tout de qu'il sait lui a été enseigné. De ce point de vue c'est un être vraiment totalement « dépendant ».

Tout comme l'enfant dépend de ses parents pour tout, nous dépendons de Dieu, en particulier dans les trois domaines que nous avons rappelés plus haut.

Reprenons le cas de la révélation. Jésus dit un jour : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents et de ce que tu les as révélées aux enfants. » (Matthieu 11.25) Ce n'est pas faire preuve d'obscurantisme que d'affirmer cela. Nous reconnaissons que Dieu se cache devant les intellectuels orgueilleux et qu'il se révèle aux « bébés » (c'est le sens exact du mot utilisé ici), c'est-à-dire à ceux qui sont sincères et humbles dans leur approche.

Pour ce qui est de la rédemption, Jésus a invité les petits enfants à venir à lui en ajoutant : « Quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n'y entrera point. » (Marc 10.13-16) Autrement dit, le royaume de Dieu, qui, dans le langage de Jésus est synonyme de salut ou de vie éternelle, ne peut être gagné ni mérité. Il ne peut que se « recevoir », comme l'enfant qui accepte un cadeau sans rien offrir en échange, sinon sa reconnaissance, et non comme un adulte qui insiste fièrement pour payer en retour.

Enfin, en ce qui concerne notre troisième dépendance, celle de la sainteté, Jésus ne s'est pas servi de l'exemple d'un enfant. Il a emprunté une image au monde de la vigne. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » a-t-il dit (Jean 15.5). Nous ne pouvons conférer un sens absolu à ce « rien », car il y a quantité de choses que les gens peuvent faire sans être unis au Christ ou sans compter sur le Saint-Esprit. Les non-croyants se lèvent le matin, font leur toilette et s'habillent, prennent leur petit déjeuner et se rendent à leur travail, sans avoir le moins du monde conscience de dépendre du Christ ou de son Esprit. Le « rien » de Jésus doit donc s'interpréter dans le contexte de la fécondité. Il est logiquement impossible de porter le fruit de l'Esprit si nous ne sommes pas habités par l'Esprit.

A cet égard, il existe un conflit fondamental entre le christianisme libéral et le christianisme évangélique. Dans les années 1960, sous l'influence des libéraux extrémistes comme l'évêque John Robinson (Royaume-Uni) et Paul van Buren (États-Unis), naquit une théologie séculière qui prétendit que l'homme était devenu adulte et qu'il pouvait désormais se passer des notions traditionnelles concernant Dieu et le salut. Mais il est impossible de concilier cet appel à l'indépendance avec l'enseignement de Jésus qui insiste sur notre dépendance de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.

A défaut de proclamer notre humble dépendance de la trinité, nous la chantons.

Voici un exemple de cantique qui traduit notre dépendance de Dieu et de sa Parole :

Divine Parole
Qui soutient ma foi,
Ta clarté console,
Viens briller en moi,
Lorsqu'un voile sombre
S'étend sur mon cœur,
Tu dissipes l'ombre
D'un rayon vainqueur.

Le cantique suivant met davantage en relief notre dépendance du Christ et de sa croix :

Rédempteur adorable,
Sur la croix attaché,
Traité comme un coupable,
Brisé pour mon péché,
Ton angoisse suprême,
Ta douleur, ton tourment,
Me disent : Vois, je t'aime,
J'ai pris ton châtiment.

Enfin, les paroles de ce chant expriment surtout notre dépendance du Saint-Esprit et de son œuvre :

Esprit divin, Esprit de flamme,
Viens des cieux embraser notre âme !
Esprit de consolation,
Répands sur nous ton onction ;
Dans notre cœur, ton sanctuaire,
Verse la vie et la lumière.

L'adoration que nous apportons à Dieu sur la terre nous prépare à l'adorer dans le ciel. Car pendant toute l'éternité, les rachetés attribueront leur salut à celui qui est assis sur le trône et à l'Agneau. Il n'y a pas de place pour l'exaltation de l'homme. « Que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur. » (1 Corinthiens 1.31) Une seule attitude nous convient : prosternés devant Dieu, face contre terre, et notre cantique le plus approprié sera le Gloria :

Gloire soit au Père et au Fils et au Saint-Esprit,
Hier, aujourd'hui et éternellement. Amen.

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