Des hommes nouveaux

4. LA VIE DANS L’ESPRIT

Le quatrième privilège du chrétien est la vie dans l'Esprit. Jusqu'ici il n'a guère été question du Saint-Esprit de façon bien marquée. Il n'est même pas nommé au chapitre 6. Il est mentionné une fois au chapitre 5, comme celui qui répand l'amour de Dieu dans nos coeurs (v. 5), et une fois au chapitre 7, où il est écrit que, chrétiens, nous sommes esclaves, non d'un code extérieur, mais d'un Esprit qui habite en nous (v. 6). Au chapitre 8, au contraire, le Saint-Esprit vient au premier plan.

La vie chrétienne, la vie de celui qui est justifié par la foi, est envisagée essentiellement comme une vie dans l'Esprit, c'est-à-dire une vie animée, soutenue, dirigée et enrichie par le Saint-Esprit. Ce chapitre nous décrit l'action de l'Esprit en particulier dans quatre domaines. Premièrement, en relation avec notre chair, notre nature déchue. Deuxièmement, en relation avec notre appartenance filiale, l'adoption qui fait de nous des fils de Dieu. Troisièmement, en relation avec notre héritage à venir qui comprend la rédemption de nos corps au dernier jour. Quatrièmement, en relation avec nos prières où nous devons reconnaître notre faiblesse.

L'action bienfaisante du Saint-Esprit dans ces quatre domaines peut se résumer ainsi : il soumet notre chair (v. 5-13) ; il atteste que nous sommes fils (v. 14-17) ; il garantit notre héritage (v. 18-25) ; il vient au secours de notre faiblesse dans la prière (v. 26-27). Puis, le chapitre s'achève par cette affirmation, inégalée en majesté : les desseins de Dieu sont invincibles et, par conséquent, le peuple de Dieu est absolument et éternellement en sécurité (v. 28-39).

I. LE MINISTERE DU SAINT-ESPRIT (8.5-27)

« En effet, sous l'empire de la chair, on tend à ce qui est charnel, mais sous l'empire de l'Esprit, on tend à ce qui est spirituel : la chair tend à la mort, mais l'Esprit tend à la vie et à la paix. Car le mouvement de la chair est révolte contre Dieu; elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle ne le peut même pas. Sous l'empire de la chair on ne peut plaire à Dieu. Or vous, vous n'êtes pas sous l'empire de la chair mais de l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. Si Christ est en vous, votre corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l'Esprit est votre vie à cause de la justice. Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous.

Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la chair pour devoir vivre de façon charnelle. Car si vous vivez de façon charnelle, vous mourrez ; mais si, par l'Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez. En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l'Esprit de Dieu : Vous n'avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de nous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père. Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu . Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.

J'estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu : livrée au pouvoir du néant — non de son propre gré, mais par l'autorité de celui qui l'y a livrée —, elle garde l'espérance, car elle aussi sera libérée de l'esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet : la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l'enfantement. Elle n'est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l'adoption, la délivrance pour notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c'est en espérance. Or, voir ce qu'on espère n'est plus espérer : ce que l'on voit, comment l'espérer encore ? Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c'est l'attendre avec persévérance.

De même, l'Esprit aussi vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut ; mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en gémissements inexprimables, et Celui qui scrute les coeurs sait quelle est l'intention de l'Esprit : c'est selon Dieu en effet que l'Esprit intercède pour les saints. »

1. L'Esprit soumet notre chair (v. 5 -13)

Le verset 4 étudié dans le chapitre précédent dit que « la justice exigée par la loi » ne peut être réalisée en nous, croyants, que si nous « ne marchons pas sous l'empire de la chair mais de l'Esprit », en suivant ses incitations et en nous soumettant à son autorité.

A présent, l'apôtre Paul explique pourquoi il en est ainsi. Dans tout cela notre pensée joue un rôle important. En effet, notre marche dépend de notre pensée, notre manière de vivre est commandée par notre façon de voir les choses ; « comme l'homme pense en son âme, ainsi il est » (Proverbes 23.7, trad. litt.), et ainsi il se conduit. Au fond, ce sont nos pensées qui régissent nos comportements.

C'est bien ce que l'apôtre écrit au verset 5 : « En effet » — c'est-à-dire voilà pourquoi nous pouvons accomplir la loi, à condition de marcher selon l'Esprit — « ceux qui vivent (littéralement « sont ») selon la chair, s'attachent aux choses de la chair, mais ceux qui vivent selon l'Esprit s'attachent aux choses de l'Esprit » (version Synodale). Or « s'attacher » (phroneo, en grec*) aux choses charnelles ou spirituelles, cela signifie avoir ses pensées tournées vers elles. Il s'agit des préoccupations ou des désirs qui nous poussent, des intérêts qui nous captivent. C'est la manière dont nous employons notre temps, notre argent et nos forces. Il s'agit de toutes les choses auxquelles nous nous adonnons, vers lesquelles nous tendons.

* D'autres traductions donnent : désirer, s'affectionner à, avoir la pensée de, se préoccuper de.

Le verset 6 décrit les résultats de ces deux points de vue : « Tendre à ce qui est charnel », dit Paul, « c'est la mort. » Non pas « ce sera » mais « c'est », dès à présent, la mort, parce que cela conduit au péché, donc à la séparation d'avec Dieu, qui est la mort. Mais « tendre à ce qui est spirituel, ... c'est la vie », dès maintenant, parce que cela conduit à la sainteté, donc à une communion constante avec Dieu, qui est la vie. Bien plus, cela n'apporte pas seulement la vie, mais « la paix » : la paix avec Dieu, qui est la vie ; et la paix en nous-mêmes, c'est-à-dire l'équilibre et l'harmonie. Beaucoup d'entre nous rechercheraient la sainteté avec bien plus d'ardeur et de zèle, s'ils étaient persuadés que le chemin de la sainteté mène à la vie et à la paix. Et c'est absolument vrai : il n'y a pas d'autre moyen de parvenir à la vie et à la paix.

Au contraire, s'attacher à ce qui est charnel entraîne la mort et la guerre. « Car le mouvement (littéralement : la pensée) de la chair est révolte contre Dieu ; elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle ne le peut même pas. Sous l'empire de la chair (littéralement : « ceux qui sont dans la chair ») on ne peut plaire à Dieu » (v. 7-8). « On ne peut plaire à Dieu », parce que le seul moyen de lui plaire est de se soumettre à sa loi et d'y obéir. Les préoccupations de la chair sont hostiles à la loi de Dieu et ne veulent pas s'y soumettre, tandis que la pensée de l'esprit est favorable à la loi de Dieu et y prend plaisir.

Ainsi, deux catégories de personnes sont décrites ici : « celles qui sont dans la chair », et « celles qui sont dans l'Esprit ». Elles ont chacune leur mentalité ou façon de voir les choses : « la pensée de la chair » et « la pensée de l'Esprit ». Ceci les conduit à deux types de comportements : « la marche selon la chair » et « la marche selon l'Esprit », lesquels ont pour aboutissement deux états spirituels : « la mort » et « la vie ». Si nous sommes dans la chair, nous nous préoccupons des choses de la chair, nous marchons selon elle, et donc nous mourons. Mais si nous sommes dans l'Esprit, nous nous préoccupons des choses de l'Esprit, nous marchons selon l'Esprit, et donc nous vivons. Ce que nous sommes détermine notre manière de penser ; notre manière de penser détermine notre comportement ; et notre comportement détermine notre relation avec Dieu : la mort, ou la vie. Une fois de plus nous nous rendons compte de l'importance de notre pensée, en conséquence de nos dispositions et préoccupations, ainsi que des choses sur lesquelles nous concentrons notre attention et notre activité.

Cela nous amène au verset 9, où l'apôtre fait l'application personnelle à ses lecteurs des vérités exposées jusqu'ici en termes généraux. Ayant écrit que ceux qui sont sous l'empire de la chair ne peuvent plaire à Dieu, il poursuit : « Or vous, vous n'êtes pas sous l'empire de la chair mais de l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, il ne lui appartient pas. » Remarquez les expressions synonymes dans ce verset : d'abord, l'Esprit de Dieu et l'Esprit de Christ, ensuite être sous l'empire de (littéralement « dans ») l'Esprit et avoir l'Esprit en nous ; enfin l'Esprit qui habite en nous et Christ qui est en nous (v. 10). Il s'agit chaque fois de deux façons de décrire la même chose ou la même expérience.

Mais en dehors de ces synonymes significatifs, le verset 9 est d'une grande importance. Il nous dit clairement que la caractéristique du véritable chrétien, qui le distingue de l'incroyant, c'est que le Saint-Esprit habite en lui. A deux reprises l'apôtre a parlé du « péché qui habite en nous ». Le péché qui habite en nous est le lot de tous les fils d'Adam. Mais le grand privilège des enfants de Dieu, c'est d'avoir en eux l'Esprit pour combattre et soumettre le péché qui est en eux. Et « si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, il ne lui appartient pas ».

Les versets 10 et 11 nous montrent la conséquence capitale de la présence de l'Esprit en nous. Les deux versets commencent par une proposition conditionnelle : « Si Christ est en vous. », et : « Si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous... » Quel est donc l'effet de la présence de Christ par son Esprit en nous ? C'est « la vie » : la vie pour notre esprit maintenant, et la vie pour notre corps au dernier jour, pour la bonne raison que le Saint-Esprit est l'Esprit de vie. Il est le Seigneur, celui qui donne la vie. C'est pourquoi, « si Christ est en vous, le corps est mort à cause du péché, mais l'esprit est vivant à cause de la justice » (version Synodale). Ainsi, bien que notre corps soit mortel, notre esprit cependant est vivant, parce que le Saint-Esprit lui a donné la vie. A cause du péché d'Adam nous mourons physiquement, à cause de la justice de Christ nous vivons spirituellement.

De plus, bien qu'à présent seul notre esprit soit vivant et que notre corps qui est mortel doive mourir, pourtant, au dernier jour, notre corps vivra aussi. « Si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous » (v. 11). Remarquez la référence aux trois personnes de la Trinité. Le Dieu qui a ramené Christ de la mort à la vie, nous ressuscitera, ressuscitera notre corps. Pourquoi ? Parce que l'Esprit qui habite en nous sanctifie aussi notre corps. Comment ? Par la puissance du même Esprit qui habite en nous. Donc le Saint-Esprit, qui a déjà donné la vie à notre esprit, donnera aussi la vie à notre corps mortel au dernier jour.

« Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la chair pour devoir vivre de façon charnelle » (v. 12). Il semble que l'apôtre n'ait pas achevé sa phrase. S'il l'avait fait, il aurait sans doute dit que nous avons, par contre, une dette envers l'Esprit, pour vivre selon l'Esprit.

L'idée que nous sommes « débiteurs » du Saint-Esprit requiert toute notre attention. Elle signale que nous avons une obligation envers la sainteté. Nous avons le devoir « d'être » ce que nous sommes, de mener une vie en rapport avec notre position et notre privilège de chrétiens, et de ne rien faire qui soit en contradiction avec elle. En particulier, si nous vivons dans l'Esprit, nous avons l'obligation de marcher selon l'Esprit.

Le raisonnement est le suivant : si le Saint-Esprit est la source de notre vie et demeure en nous, il ne nous est pas peignis de marcher selon la chair, parce que cela conduit à la mort. Une telle contradiction entre ce que nous sommes et ce que nous faisons, entre posséder la vie et jouer avec la mort, voilà qui est impensable. Nous sommes vivants ! Notre esprit est vivant. Le Saint-Esprit nous a donné la vie. Par conséquent, nous sommes débiteurs de l'Esprit qui nous a donné la vie ; et par sa puissance nous devons mettre à mort tout ce qui menace cette nouvelle vie, en particulier « les actions du corps » (version Segond). Ce n'est que par leur mort que nous vivrons, c'est-à-dire que nous continuerons à jouir de la vie que le Saint-Esprit nous a donnée.

Telle est l'alternative solennelle du verset 13. Paul dit en quelque sorte : « Si vous laissez vivre la chair, lui permettant de prospérer et de s'épanouir, certainement vous mourrez. Mais si vous faites mourir les actions de votre chair, si vous les mettez à mort, si vous les crucifiez, certainement vous vivrez. » A chacun de nous le choix entre ce chemin de la vie et ce chemin de la mort. Mais le propos de Paul, c'est que nous n'avons pas vraiment à hésiter. Nous sommes débiteurs, nous sommes dans l'obligation de faire le bon choix. Si l'Esprit a donné la vie à notre esprit, alors nous devons faire mourir les actions de notre chair, afin de pouvoir continuer à vivre la vie que l'Esprit nous a donnée.

En reprenant ce passage dans son ensemble, nous voyons de quelle manière progresse la pensée de l'apôtre. Au départ, il y a essentiellement deux catégories de personnes — celles qui sont dans la chair, les « irrégénérés », et celles qui sont dans l'Esprit, les « régénérés ». « Quant à vous, écrit-il aux Romains, vous êtes de la dernière catégorie. Vous êtes, non dans la chair, mais dans l'Esprit si, comme je le crois, l'Esprit de Dieu habite en vous. Bien plus, puisque Christ habite en vous, vous vivez par son Esprit » (cf. v. 9 et 10).

Ces deux faits sont les marques authentiques et certaines de tout chrétien : premièrement, le Saint Esprit demeure en nous, et deuxièmement, notre esprit est vivant parce que cet Esprit nous a vivifiés. Pour cette raison, à cause de ce que nous sommes, nous avons une dette, non envers la chair, mais envers l'Esprit. Nous avons l'impérieuse obligation « d'être » ce que nous sommes, de conformer notre conduite à notre personnalité, de ne rien faire qui soit en contradiction avec la vie de l'Esprit en nous, mais bien plutôt de nourrir cette vie et de la développer.

Plus précisément, si nous voulons être honnêtes et nous acquitter de notre dette, nous serons engagés dans un double processus. Les termes théologiques qui s'y rapportent sont « la mortification » et « l'aspiration » — termes qui expriment la bonne attitude à adopter à l'égard de la chair, d'une part, et de l'Esprit, d'autre part. La mortification, c'est faire mourir les actions de notre corps, notre chair. L'aspiration, c'est s'attacher aux choses de l'Esprit.

La mortification (mettre à mort les actions du corps par la puissance de l'Esprit)* signifie le rejet sans indulgence de toutes les oeuvres que nous savons être mauvaises. C'est une repentance de chaque jour, c'est rompre avec tout péché manifeste dans nos habitudes, nos actions, nos pensées, nos relations. Ce que l'Evangile traduit par arracher un oeil, couper une main ou un pied, si la tentation vient à nous par ce que nous voyons ou faisons, là où nous allons (cf. Marc 9.45-47). La seule attitude à adopter envers la chair est de la faire mourir.

* Bien entendu, il ne faudrait pas confondre cette notion avec des exercices ascétiques. (N.D.T.)

L'aspiration (se préoccuper des choses de l'Esprit, s'attacher à elles) est un don sans réserve de nous-mêmes — pensées, forces, désirs — à « tout ce qu'il y a de vrai, tout ce qui est noble, juste, pur, digne d'être aimé, d'être honoré » (voir Philippiens 4 .8), y compris la pratique régulière des « moyens de grâce » : la prière, la lecture de la Bible, la communion fraternelle, l'adoration, la Sainte Cène. C'est tout cela qui est englobé dans le fait de tendre aux choses de l'Esprit.

La « mortification » et l'« aspiration » sont exprimées par des verbes au présent, parce qu'elles sont des attitudes qu'il s'agit d'adopter et de maintenir avec persévérance et sans relâche. Nous ne devons pas cesser de faire mourir les actions de notre corps : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix chaque jour, et qu'il me suive » (Luc 9.23). Nous ne devons pas cesser de nous préoccuper des choses de l'Esprit.

La « mortification » et l'« aspiration » ont encore un autre point commun. Ensemble elles détiennent le secret de la vie dans le plein sens du terme. Il n'y a pas de vraie vie sans la mort qui est la mortification, et il n'y pas de vraie vie sans la discipline qu'est l'aspiration. C'est en faisant mourir les actions du corps que nous vivrons (v. 13), c'est en nous préoccupant des choses de l'Esprit que nous trouvons la vie et la paix (v. 6). Ainsi, le Saint-Esprit soumet la chair tandis que nous la mortifions par sa puissance et que nous nous attachons aux choses de l'Esprit.

2. L'Esprit atteste notre qualité de fils (v.14-17)

Dans ce paragraphe l'accent porte encore sur l'oeuvre de l'Esprit, mais notre position et notre privilège de chrétiens sont décrits en termes différents.L'apôtre disait à l'instant : « Si, par l'Esprit, vous faites mourir les actions du corps, vous vivrez. » Il dit maintenant : « En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l'Esprit de Dieu » (v.14). Ces deux phrases sont tout à fait parallèles. Les deux parlent de l'activité de l'Esprit, la première en relation avec notre vie, la deuxième en relation avec notre qualité de fils.

Quelles perspectives d'intimité avec Dieu exprime ce mot de « fils » ! S'approcher de Dieu et être en communion avec lui, le Père, telles sont les grâces qu'il accorde à ses enfants.

Tous les êtres humains ne sont cependant pas enfants de Dieu. C'est à dessein et de manière précise que le verset 14 limite cet état à ceux qui sont conduits par l'Esprit, qui sont rendus capables par l'Esprit de marcher sur l'étroit sentier de la justice. Etre conduit par l'Esprit et être fils de Dieu sont des expressions pratiquement synonymes. Tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu et, réciproquement, tous ceux qui sont fils de Dieu sont conduits par l'Esprit de Dieu.

Cela ressort encore plus clairement du verset suivant où il est question de la nature de l'Esprit que nous avons reçu (à l'aoriste, par référence à notre conversion passée) : ce n'est pas un esprit de servitude, mais d'adoption ou de fils. Le Saint-Esprit — qui nous est donné quand nous croyons — fait de nous des fils et non des esclaves. Il ne nous ramène pas à notre ancien esclavage faussé par la peur. Il nous fait entrer dans une relation nouvelle par laquelle nous nous approchons de Dieu comme de notre Père. Bien plus, il est le garant permanent de la position qu'il nous donne. Quand nous crions : « Abba, Père ! » — les mots mêmes du Seigneur Jésus dans son ultime prière à Dieu — , c'est l'Esprit lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu (cf. v. 15 et 16). Cette expression montre que le témoignage intérieur de l'Esprit nous est donné quand nous prions. C'est en nous approchant de Dieu dans la prière que nous faisons l'expérience de notre relation filiale avec lui et que nous nous reconnaissons enfants d'un Père céleste. Et quand notre esprit est en communion avec Dieu, le Saint-Esprit rend témoignage à notre esprit (de telle sorte qu'il y a deux témoignages convergents) que nous sommes, en vérité, enfants de Dieu.

« Nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire » (v. 17). Comme au chapitre 5, la souffrance nous est de nouveau présentée comme le chemin de la gloire. Et, remarquez-le, c'est « avec Christ ». Toute la vie chrétienne est une identification à Christ. Si nous partageons sa position de fils, nous partagerons son héritage dans la gloire ; mais si nous sommes appelés à partager sa gloire, nous devons d'abord partager sa souffrance.

3. L'esprit est le garant de notre héritage (v.18-25)

Cette partie du texte a pour thème le contraste déjà évoqué au verset 17, entre la souffrance présente et la gloire à venir. Paul commence par dire que les deux ne sont pas comparables (v. 18) : elles doivent plutôt être mises en contraste, parce que la gloire à venir dépassera de loin toute souffrance présente. Et il va le développer dans le reste du passage en le plaçant dans une grandiose perspective cosmique. En effet, il montre comment, dans la souffrance présente et dans la gloire à venir, la création tout entière et la nouvelle création c'est-à-dire l'église, sont engagées ensemble. Les deux créations — l'ancienne et la nouvelle, la physique et la spirituelle, la nature et l'église —, souffrent ensemble maintenant et seront glorifiées ensemble à la fin des temps. Comme la nature a partagé la malédiction de l'homme (voir Genèse 3) et partage maintenant ses tribulations, de même elle partagera sa gloire. « Car la création attend avec impatience » — comme dans une attente fiévreuse — « la révélation des fils de Dieu » (v. 19), parce que ce sera le temps où elle sera rachetée, elle aussi.

a) La création (v.19-22). En quatre versets elle est citée quatre fois. Puis, remarquez la description de ses souffrances présentes : « Elle est livrée au pouvoir du néant — non de son propre gré, mais par l'autorité de celui qui l'y a livrée —«  (v. 20). Elle est tenue dans « l'esclavage de la corruption » (v. 21). Elle « gémit maintenant encore dans les douleurs de l'enfantement » (v. 22). Le pouvoir du « néant » signifie l'échec ou la vanité. C'est le même mot utilisé par la version grecque du livre de l'Ecclésiaste, dont C.J. Vaughan a écrit « qu'il est tout entier un commentaire de ce verset ». Vanité des vanités, dit l'Ecclésiaste, ... tout est vanité. Cette futilité ou frustration, à laquelle Dieu a soumis la création, est expliquée au verset suivant comme un « esclavage de la corruption ». C'est le cycle ininterrompu de la naissance, de la croissance, de la mort et de la décomposition ; toute la dégradation progressive dans un univers qui semble dépérir. Bien plus, cette évolution est accompagnée de douleur au sens propre et au sens figuré. Néant, corruption et douleur, voilà les mots utilisés par l'apôtre pour dépeindre la souffrance présente de la création.

Mais ce n'est que temporaire, car les souffrances présentes de la création aboutiront à la gloire à venir. Cela est souligné dans chaque verset. S'il est vrai que la création a été assujettie à la vanité, elle l'a été « dans l'espérance », c'est-à-dire avec la perspective d'un avenir plus lumineux (v. 20). « Elle aussi sera libérée de l'esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu » (v. 21). L'esclavage cèdera le pas à la liberté, la destruction ou la corruption, à la gloire incorruptible. Si nous devons partager la gloire de Christ (v. 17), la création elle, partagera la nôtre. Puis au verset 22, les gémissements et les douleurs de la création sont comparés aux douleurs de l'enfantement. Autrement dit, ce ne sont pas des souffrances sans signification ni but, mais des souffrances qu'elle éprouve nécessairement pour donner le jour à un nouvel état de choses (cf. Matthieu 24.8).

b) L'église (v. 23-25). Après la création, nous passons à l'église qui est la nouvelle création de Dieu. Observez la transition de l'une à l'autre. « La création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l'enfantement » (v.  22). « Elle n'est pas la seule : nous aussi, ... nous gémissons intérieurement » (v. 23). Quels sont ces gémissements intérieurs que nous partageons avec le reste de la création ? Quelles sont ces souffrances présentes de l'église dont parle l'apôtre ? Il n'est pas question ici de persécution, mais simplement du fait que nous ne sommes sauvés qu'à moitié !

Effectivement, personne d'entre nous n'est encore sauvé entièrement. Notre âme est rachetée, c'est vrai, mais pas notre corps. Et c'est notre corps non racheté qui provoque nos gémissements. Pourquoi cela ? D'un côté, ce corps est faible, fragile et mortel, sujet à la fatigue, à la maladie, à la souffrance et à la mort. C'est la pensée de l'apôtre quand il écrit en 2 Corinthiens 5.2 et 4 que « nous gémissons » dans ce corps. Mais d'un autre côté, « la chair », notre nature pécheresse et déchue, habite dans notre corps mortel (7 .17 et 20). En vérité, c'est ce même péché présent en nous qui provoque notre cri : « Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui appartient à la mort ? » C'est à ce cri d'angoisse que Paul pense en parlant de nos gémissements intérieurs actuels, sauf qu'en Romains 7 ils sont exprimés de manière intelligible.

Ce qui nous pousse à gémir intérieurement, c'est donc d'une part la fragilité de notre corps, d'autre part notre nature déchue. C'est pourquoi nous attendons ardemment la gloire à venir, où nous serons délivrés de ces deux fardeaux.

Cette gloire à venir est définie de deux façons. Premièrement, c'est la « rédemption de notre corps » (cf. versions Segond, Jérusalem). En effet, au dernier jour, un nouveau corps nous sera donné, libéré du double fardeau de sa fragilité et de sa « chair ». Notre corps de résurrection aura des pouvoirs nouveaux et insoupçonnés, et le péché ne l'habitera plus.

Deuxièmement, la gloire à venir est aussi notre « adoption ». Le même mot est déjà employé au verset 15 où il est dit que nous avons reçu un Esprit d'adoption. D'une certaine manière, nous avons déjà reçu notre adoption, mais par ailleurs, nous l'attendons encore, parce que notre condition présente de fils, bien que glorieuse, reste imparfaite. Nous ne sommes pas encore conformes, ni dans notre corps, ni dans notre être, à l'image du Fils de Dieu (cf. v. 29). Notre état de fils n'a pas encore été révélé et reconnu publiquement. Mais le dernier jour sera le témoin de ce que le verset 19 appelle « la révélation des fils de Dieu ». Le monde ne nous connaît pas encore comme enfants de Dieu, mais cela sera manifeste au dernier jour (cf. 1 Jean 3 .1 -2). Alors nous obtiendrons ce qui est appelé « la liberté et la gloire des enfants de Dieu » (v. 21). Et la création l'obtiendra avec nous.

Nous sommes absolument sûrs de ce glorieux héritage à venir. Comment cela? Pour la bonne raison quemaintenant déjà "nous possédons les prémices de l'Esprit" (v. 23). Nous n'avons pas encore reçu notre adoption définitive comme fils. Nous n'avons pas encore reçu « la délivrance pour notre corps ». Mais nous avons reçu le Saint-Esprit, le garant donné par Dieu de notre complet héritage à venir. En vérité, il en est plus que la garantie, il en est l'avant-goût. Employant une image du commerce, Paul appelle aussi le Saint-Esprit les « arrhes », le premier acompte dans un acte de vente à crédit, la somme versée qui garantit que le solde sera payé plus tard (2 Corinthiens 1.22 et 5.5). Ici, par contre, l'image est tirée de l'agriculture, il est les prémices de la récolte, la promesse de l'abondante moisson à venir.

Ainsi, le Saint-Esprit, qui est l'Esprit d'adoption, qui fait de nous des enfants de Dieu (v. 15), et qui rend témoignage à notre esprit que nous le sommes (v.16), est aussi la promesse de notre adoption totale comme fils de Dieu, lorsque notre corps sera délivré.

Les versets 24 et 25 viennent encore appuyer cette pensée, affirmant que c'est en espérance que nous avons été sauvés. Sauvés, oui, mais à moitié seulement, en attendant notre plein salut, y compris pour notre corps, à la fin des temps ! L'objet de cette attente est invisible, nous ne le voyons pas encore. Mais nous l'attendons avec une patience et une fermeté (hupomone) que les dures souffrances du moment présent ne pourront ébranler.

4. L'Esprit vient au secours de notre faiblesse dans la prière (v. 26 et 27)

Voilà encore un autre ministère du Saint-Esprit. Celui-ci est nommé quatre fois dans l'espace de ces deux versets. Il « vient en aide à notre faiblesse », et la faiblesse visée particulièrement ici est notre ignorance dans la prière : « Nous ne savons pas prier comme il faut. » Mais l'Esprit « vient en aide à notre faiblesse ».

On néglige souvent le ministère habituel du Saint-Esprit dans la prière. Pourtant l'Ecriture nous dit très clairement que nous avons accès auprès du Père non seulement par le Fils, mais aussi par l'Esprit (Ephésiens 2.18). L'inspiration du Saint-Esprit est tout aussi nécessaire que la médiation du Fils pour pouvoir s'approcher du Père dans la prière. Mais ici Paul relève un aspect plus particulier du ministère du Saint-Esprit dans notre vie de prière.

Voici ce qu'il en est. Parfois, quand les croyants ne savent pas comment prier avec des paroles, ils gémissent sans paroles. Quelques fois, comme le dit le commentateur E.F. Kevan, « nous nous trouvons réduits au silence par l'intensité même de nos aspirations profondes ». D'autres fois, nous nous sentons si accablés par notre nature mortelle ou par le péché présent en nous, que nous pouvons seulement gémir avec des soupirs que les mots ne peuvent rendre. Ces gémissements inexprimables, ces soupirs d'agonie que des mots ne peuvent contenir, ne doivent pas être méprisés, comme si nous étions obligés de prier avec des paroles. Au contraire, quand nous soupirons ainsi des demandes inexprimées, c'est le Saint-Esprit lui-même qui intercède à notre place, suscitant ces gémissements. Nous ne devrions pas avoir honte de telles prières muettes. Dieu le Père comprend aussi bien les prières soupirées que celles qui sont exprimées, parce qu'il sonde nos coeurs et lit nos pensées. Il sait également quelle est la pensée de l'Esprit, parce que le Saint-Esprit prie toujours selon la volonté de Dieu. Ainsi le Père qui est au ciel répond aux prières suscitées dans nos coeurs par le Saint-Esprit.

La prière est l'appel sincère de l'âme,

    prononcé ou muet,

La montée d'un feu caché

    qui frissonne en notre sein.

La prière est le poids d'un soupir,

    une larme qui tombe,

L'éclair d'un regard vers le ciel

    quand nul autre que Dieu n'est proche.

(d'après James Montgomery)

Voilà donc les quatre faces de l'oeuvre du Saint-Esprit : il soumet notre chair, il atteste notre qualité de fils, il garantit notre héritage, et il vient au secours de notre faiblesse dans la prière.

II. LE DESSEIN INVINCIBLE DE DIEU (8.28-39)

« Nous savons d'autre part que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein. Ceux que d'avance il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né d'une multitude de frères ; ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n'a pas épargné son propre Fils mais l'a livré pour nous tous, comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout ? Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu justifie ! Qui condamnera ? Jésus-Christ est mort, bien plus il est ressuscité, lui qui est à la droite de Dieu et qui intercède pour nous ! Qui nous séparera de l'amour du Christ ? La détresse, l'angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ? Selon qu'il est écrit : A cause de toi nous sommes mis à mort tout le long du jour, nous avons été considérés comme des bêtes de boucherie. Mais en tout cela, nous sommes phis que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. Oui, j'en ai l'assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur. »

Ceci nous amène à la conclusion du message de l'apôtre et à son sommet. Dans ces douze derniers versets du chapitre, il s'élève jusqu'à des hauteurs sublimes, rarement égalées dans le Nouveau Testament. Après avoir décrit quelques-uns des privilèges du croyant justifié — la paix avec Dieu, l'union avec Christ, la libération de la loi, la vie dans l'Esprit — son génie conduit par l'Esprit Saint embrasse maintenant tout le dessein de Dieu, de l'éternité passée à l'éternité à venir, de la prescience et de la prédestination divines à l'amour divin dont jamais rien ne nous séparera.

Le thème principal du développement final de l'apôtre est le dessein de Dieu, immuable, irrésistible et invincible, et, dans ce plan, la sécurité éternelle du peuple de Dieu. Paul exprime ces vérités extraordinaires, trop grandes pour être assimilées par nos esprits si limités, d'abord sous la forme de cinq affirmations incontestables, puis sous la forme de cinq questions irréfutables, par lesquelles il défie quiconque de contre dire les affirmations qu'il vient d'énoncer.

1. Cinq affirmations incontestables (v. 28-30)

Il introduit ses affirmations par un verset bien connu de tous les croyants, où nous avons souvent trouvé du soulagement pour notre coeur et notre esprit troublés : « Nous savons que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu » (version Segond). La traduction suivante est préférable : « Nous savons que Dieu travaille en tout pour le bien de ceux qui l'aiment » (version BNA). En effet, ce ne sont pas les choses qui s'organisent pour former un cadre favorable, c'est Dieu qui travaille en tout, y compris dans les souffrances et dans les gémissements, comme nous l'avons vu plus haut, pour le bien « de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein ».

Ensuite viennent les affirmations (v. 29 et 30) qui expliquent à la fois le but de l'appel divin et la manière dont Dieu fait concourir toutes choses au bien. Cette collaboration pour le bien, qui est le plan de Dieu dans le salut des pécheurs, on peut la suivre depuis son origine dans la pensée divine, jusqu'à son apogée dans la gloire éternelle. Les cinq étapes en sont la prescience, la prédestination, l'appel, la justification et la glorification.

a) et b) Il a connu d'avance et il a prédestiné. La différence entre la prescience et la prédestination tient peut-être dans le fait que le choix a d'abord été conçu dans la pensée de Dieu avant d'être proclamé. La décision a précédé le décret. Il ne s'agit pas ici de creuser les mystères de la prédestination. Pourtant, quelques paroles justes et sages du commentateur C. J. Vaughan méritent d'être citées : « Tous ceux qui seront finalement sauvés pourront attribuer leur salut, du début àla fin, uniquement à la grâce et à l'action de Dieu. Tout mérite de l'homme doit être exclu. Et cela n'est possible que si l'on remonte bien au-delà de l'obéissance qui rend le salut manifeste, ou même de la foi qui le saisit, jusqu'au libre acte de grâce de ce Dieu qui, de toute éternité, prévoit et ordonne à l'avance chacune de ses actions. » Remarquez aussi que le but de la prédestination n'est pas un quelconque favoritisme, mais la sainteté, la ressemblance à Christ. Elle vise notre conformité à l'image de son Fils, afin que celui ci soit le premier-né d'une multitude de frères. Tout comme au commencement, par un acte de grâce souveraine, Dieu créa l'homme à son image, cette fois encore, dans sa grâce souveraine, Dieu prédestine les hommes à être rendus conformes à l'image de son Fils.

c) et d) Il a appelé et il a justifié. L'appel de Dieu est la réalisation dans l'histoire de sa prédestination éternelle. Ceux que Dieu appelle répondent par la foi, et ceux qui croient, il les justifie, en les acceptant en Christ comme les siens.

e) Il a glorifié, en les ressuscitant et les élevant au ciel, ceux qu'il a prédestinés, appelés et justifiés, leur donnant un corps nouveau dans un monde nouveau. Le chemin de la sanctification n'est pas mentionné ici, mais comme le souligne F.F. Bruce, il est compris dans la glorification : « La sanctification est le commencement de la gloire : la gloire est le couronnement de la sanctification. » L'étape finale de la glorification est tellement certaine que Paul va jusqu'à l'exprimer par l'aoriste, comme si elle était passée, de la même façon que les autres étapes qui sont du passé. C'est ce qu'on appelle un « passé prophétique ».

Voilà donc la série des cinq affirmations qui sont comme les cinq anneaux inséparables d'une chaîne : « Ceux qu'il a connus d'avance, il les a aussi prédestinés ; ... ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés. » Dieu est dépeint comme celui qui avance résolument d'une étape à l'autre — d'une prescience et d'une prédestination éternelles, en passant par un appel et une justification inscrites dans l'histoire, à une glorification finale de son peuple dans le ciel.

2. Cinq questions irréfutables (v. 31-39)

« Que dire de plus ? » C'est la formule, déjà employée trois fois dans les chapitres étudiés jusqu'ici, par laquelle l'apôtre introduit une conclusion. Il entend par là : « Compte tenu de ce que je viens de dire, qu'allons-nous dire maintenant ? » Quelle sera, à la lumière des cinq affirmations des versets 29 et 30, notre conclusion ? En guise de réponse Paul pose cinq questions, auxquelles on ne peut répondre ! « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » — « S'il a donné son Fils pour nous tous, ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ? » — « Qui accusera les élus de Dieu ? » — « Qui condamnera ? » — « Qui nous séparera de l'amour de Christ ? » (v.  31-35).

C'est comme si l'apôtre lançait ces questions de toutes ses forces à la face de l'univers, avec un accent de défi et de triomphe, en sommant toute créature dans le ciel, sur la terre ou en enfer d'y répondre ou de nier la vérité qu'elles renferment. Mais il n'y a pas de réponse, car rien ni personne ne peut nuire au peuple racheté de Dieu. Si nous voulons comprendre ces questions, il est important de voir pourquoi elles sont irrécusables. La raison en est que l'affirmation supposée en chacune d'elles est fondée . sur quelque vérité immuable. Ainsi, explicitement ou implicite ment, chaque question est liée à une proposition introduite par « si ». Cela est particulièrement clair dans la première des cinq.

a) Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? (v. 31). Si Paul avait simplement posé la question : « Qui sera contre nous ? », sans la proposition conditionnelle, il y aurait eu beaucoup de réponses. De formidables ennemis se dressent contre nous : les incroyants s'opposent à nous ; le péché qui habite en nous est une force puissante qui nous assaille ; la mort est un ennemi. Sans oublier celui qui a la puissance de la mort, le diable ! Oui, le monde, la chair et le diable sont tous trop forts pour nous.

Or, Paul ne dit pas seulement : « Qui sera contre nous ? » Mais : « Si Dieu est pour nous » — le Dieu qui nous a connus d'avance, prédestinés, appelés, justifiés et même glorifiés, si ce Dieu est pour nous, « qui sera contre nous ? » A cette question-là il n'y a pas de réponse. Le monde, la chair et le diable peuvent certes se déployer contre nous, mais si Dieu est de notre côté, jamais ils ne pourront l'emporter sur nous.

b) Lui qui n'a pas épargné son propre Fils mais l'a livré pour nous tous, comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout ? (v. 32). Ici encore, si l'apôtre avait simplement demandé : « Dieu ne nous donnerait-il pas tout ? », nous aurions sans doute bredouillé quelque réponse incertaine. Nous avons besoin de tant de choses, des choses grandes et difficiles. Comment pourrions-nous être sûrs que Dieu satisfera tous nos besoins ? Cependant, la façon dont Paul exprime sa question bannit nos plus faibles doutes. Le Dieu, auquel nous demandons s'il nous donnera toutes choses, est le Dieu qui nous a déjà donné son propre Fils. Avec ce don comment peut-il manquer de nous prodiguer tout ce qu'il lui plait de nous donner ? S'il nous a fait un don extraordinaire et indicible — en livrant son Fils unique pour des pécheurs — ne nous donnera-t-il pas des présents plus faciles à décrire ? C'est la croix qui est la démonstration de la générosité de Dieu !

c) Qui accusera les élus de Dieu ? (v. 33). Selon la remarque des commentateurs, il semble qu'avec les deux questions qui suivent nous nous trouvions dans un tribunal. L'idée, en effet, c'est qu'aucune poursuite ne pourra aboutir, dès lors que Jésus-Christ est l'avocat qui plaide notre cause, et que Dieu est le juge qui nous a déjà justifiés. Qui nous accusera ? Une fois de plus, si cette question s'arrêtait là, il ne serait pas du tout difficile d'y répondre : notre conscience nous accuse ; le diable ne cesse de nous accuser. La Bible l'appelle « l'accusateur des frères » (Apocalypse 12.10) et son nom même signifie « diffamateur » ou « calomniateur ». Mais les accusations du diable tombent à côté, elles ne peuvent pas nous blesser, elles sont comme des flèches qui ricochent sur un bouclier. Pourquoi ? Parce que nous sommes « les élus de Dieu », ceux qu'il a justifiés, et si Dieu lui-même nous a justifiés, aucune accusation ne peut tenir contre nous.

d) Qui condamnera ? (v. 34). Oui, nombreux sont ceux qui cherchent à le faire. Parfois c'est notre coeur qui nous condamne, ou voudrait le faire (1 Jean 3.20 et 21). Ou bien ce sont nos détracteurs et nos ennemis, sans oublier tous les démons de l'enfer. Mais leurs condamnations sont nulles et vaines. Pourquoi ? A cause de Jésus-Christ. Tout d'abord, il est mort, et c'est pour nos péchés qu'il est mort, autrement nous serions condamnés à cause d'eux. Puis, il est aussi ressuscité des morts, afin de prouver l'efficacité de sa mort. Enfin, ayant été élevé, il est assis désormais à la droite du Père; là, il est notre Avocat céleste et il intercède pour nous. Avec un Sauveur tel que Jésus-Christ — crucifié, ressuscité, élevé, intercédant pour nous — nous pouvons dire avec confiance : « Il n'y a donc, maintenant, plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (v. 1). Nous pouvons même interroger les démons de l'enfer : « Qui de vous me condamnera ? » Et il n'y aura pas de réponse.

e) Qui nous séparera de l'amour de Christ ? (v. 35). Avec cette cinquième et dernière question, Paul fait ce que nous avons essayé de faire avec les quatre autres. Il cherche autour de lui une réponse éventuelle. Il passe en revue toutes les adversités auxquelles il peut penser, dont on pourrait s'attendre qu'elles nous séparent de l'amour de Christ. Nous aurons peut-être à endurer « la détresse », « l'angoisse » et « la persécution », c'est-à-dire les pressions d'un monde sans Dieu. Nous aurons peut-être à passer par « la faim » et « le dénuement », c'est-à-dire le manque de nourriture ou de vêtements nécessaires, ce qui pourrait laisser croire, du moment que Jésus les a promis aux enfants du Père céleste, que Dieu ne prend plus soin des siens. Nous aurons peut-être à affronter « le danger » et « le glaive », c'est-à-dire la menace de mort ou la mort elle-même, par la méchanceté des hommes, le martyre qui est l'épreuve suprême de notre foi. Et il s'agit là d'une épreuve bien réelle, car l'Ecriture nous avertit au Psaume 44.23 que le peuple de Dieu est à cause de lui « tué tous les jours ». Cela signifie que nous sommes constamment exposés au risque de la mort, comme des agneaux d'abattoirs (cf. v. 36).

Voilà des adversités, à n'en point douter ! Ce sont des souffrances bien réelles, douloureuses et dangereuses, difficiles à supporter. Mais peuvent-elles nous séparer de l'amour de Christ ? Non ! Car loin de nous séparer de l'amour de Christ, « en tout cela » — dans ces souffrances mêmes que nous éprouvons et endurons « nous sommes plus que vainqueurs » (v. 37). Ces cinq mots n'en font qu'un dans le grec (hupernikomen, littéralement « hyper-conquérants »). Oui, nous sommes super-conquérants, « par celui qui nous a aimés ». Notez bien cette courte proposition. Elle semble dire : Christ a prouvé son amour par ses souffrances, c'est pourquoi nos souffrances ne peuvent pas nous séparer de son amour.

Maintenant Paul atteint le sommet de son exposé (v. 38 et 39). Il commence par : « J'ai l'assurance... » — voici, dit-il, ma conviction ferme et inébranlable : ni l'épreuve de la mort, ni les malheurs de la vie, ni les forces surnaturelles, bonnes ou mauvaises (anges, dominations, puissances), ni le temps (présent ou avenir), ni l'espace (hauteur ou profondeur), ni quoi que ce soit dans toute la création, ne seront capables, même au prix des plus grands efforts, « de nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur ». Cet amour, Dieu l'a manifesté historiquement dans la mort de Christ, et il l'a versé dans nos coeurs par l'Esprit de Christ.

Dans cette assurance de l'amour de Dieu, et au travers de toutes les peines et de toutes les incertitudes de la vie, que nous aussi, nous puissions vivre et mourir !

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