Histoire des Dogmes II — De saint Athanase à saint Augustin

6.8 — Mariologie. — Culte des saints. — Pratiques chrétiennes.

On a dit souvent que les définitions du concile d’Ephèse de 431 donnèrent surtout l’impulsion à la dévotion à Marie dans l’Église. Cela peut être vrai ; la théologie grecque cependant n’attendit pas ce moment pour s’occuper des prérogatives de la Mère de Dieu. Saint Justin et saint Irénée lui avaient déjà assigné une part dans l’œuvre de la rédemption. Cette idée fut reprise et développée par Amphiloque et saint Épiphane. Le mot de ϑεοτόκος devint, nous l’avons vu, assez courant au ive siècle pour désigner Marie. Sa perpétuelle virginité surtout attira l’attention. Parallèlement à l’erreur d’Helvidius en Occident, saint Épiphane a signalé en Orient une erreur contemporaine d’antidicomarianites qui affirmaient que la Vierge, après avoir mis au monde Jésus, avait eu commerce avec saint Joseph. Il proteste contre cette opinion, en proclamant à son tour la virginité de Marie in partu et post partum. Même protestation de la part de Didyme, qui salue en Marie l’ἀειπαρϑένος, ἀεὶ καὶ διὰ παντὸς ἄμωμος παρϑένοςb. Bien plus, il se trouva des dévots exagérés, les collyridiens, qui offrirent à la Vierge des sacrifices. Saint Épiphane, qui nous les fait connaître, blâme leur zèle ignorant, et remarque que Marie étant une créature sainte doit être honorée, mais non point adorée : Τὴν Μαρίαν μηδεὶς προσκυνείτω ––– καὶ εἰ καλλίστη ἣ Μαρία καὶ ἁγία, καὶ τετιμημένη, ἀλλ᾽ οὐκ εἷς τὸ προσκυνεῖσϑαι.

bHaer. LXXVIII. A remarquer que saint Épiphane observe incidemment que, en somme, nous ignorons si Marie est jamais morte. (ibid., 24).

Cet honneur rendu à la Vierge on le rend également aux saints ; et saint Épiphane encore formule le principe que « Qui honore Dieu honore aussi le saint ; qui méprise le saint méprise son Seigneur ». Des panégyriques sont prononcés pour rappeler leurs vertus, le jour de leur fête ; les fidèles sont exhortés à les invoquer ; car leur pouvoir, remarque saint Chrysostome, est grand auprès de Dieu (πολλὴν ἔχοντας παρρησίαν) d’autant plus, ajoute saint Grégoire de Nazianze, qu’ils sont actuellement plus rapprochés de Dieu que pendant leur vie terrestre. On ne vénère pas seulement leur âme bienheureuse : on vénère encore leurs reliques, et saint Chrysostome, en relevant la vertu et l’efficacité surnaturelle de ces restes précieux, nous montre les fidèles empressés autour des saints tombeaux.

Des autres pratiques chrétiennes je ne signalerai, comme se rattachant plus étroitement au dogme, que la prière pour les morts. On la trouve mentionnée et pratiquée universellement en Orient, au ive siècle. Saint Grégoire de Nazianze, saint Cyrille de Jérusalem et saint Chrysostome en témoignent. Saint Épiphane écrit contre les aériens qui niaient l’utilité des suffrages pour les défunts : « La prière faite pour eux leur est profitable, encore qu’elle n’efface pas tous les péchés, mais parce qu’il nous arrive souvent, étant en ce monde, de chanceler involontairement ou volontairement pour marquer ce qui est plus parfait (Haer. 75.7 ; cf. Expositio fidei, 22). » L’euchologe de Sérapion et les Constitutions apostoliques contiennent des formules pour le service des funérailles.

A ce moment, du reste, comme tout le culte se développe, se développent aussi les diverses formes de la vie ascétique, le monachisme et le célibat. Saint Epiphane, dans un passage intéressant, après avoir indiqué quel est, dans l’Église, l’ordre hiérarchique officiel, propose une autre hiérarchie mystique, fondée non plus sur les privilèges et les pouvoirs mais sur la sainteté de la vie. Au premier rang vient la virginité, qui est comme la base et le gond de l’Église ; puis la vie solitaire (les anachorètes) ; ensuite la continence (ἐγκράτεια) ; au-dessous le veuvage, et enfin l’état des personnes mariées.

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