Histoire des Dogmes III — La Fin de l’Âge Patristique

9.10 — La pénitence.

La période du ve au viiie siècle a vu se produire dans la discipline pénitentielle des transformations profondes que nous devons étudier de près. Aussi n’est-il pas inutile de rappeler brièvement quel était exactement l’état de cette discipline à la mort de saint Augustin, moment où commence notre enquête.

On peut le résumer ainsi : la pénitence est due pour les péchés plus graves commis après le baptême ; non seulement pour les trois fautes ad mortem (apostasie, adultère, homicide), mais généralement pour les fautes que nous qualifions actuellement de mortelles, pour celles, dit saint Augustin, dont l’apôtre affirme que leurs auteurs n’entreront point au royaume des cieux.

L’actio paenitentiae comporte d’abord une accusation secrète et détaillée de ces fautes, — puis l’accomplissement d’une expiation (exomologèse) imposée par le confesseur, et proportionnée à la nature des fautes et aux dispositions du pénitent. Cette expiation a deux degrés. Tantôt elle est plénière, solennelle, publique, quand les fautes d’ailleurs très graves (ita gravia) ont un caractère scandaleux : c’est celle qui est imposée notamment pour les trois péchés ad mortem. Le pénitent, revêtu du cilice et ayant reçu l’imposition de la main in paenitentiam, associe par ses larmes et ses prières la communauté chrétienne à sa pénitence. D’autres fois, pour les péchés moins graves ou restés plus ou moins secrets, l’expiation s’accomplit par des exercices privés et moins durs (quibusdam correptionum medicamentis).

La troisième partie de l’actio paenitentiae est la réconciliation. Toute réserve ayant cessé, la réconciliation est accordée à tous les pécheurs, mais pas à tous dans les mêmes conditions. Il en est, comme les vierges consacrées à Dieu et les moines incontinents, dont la pénitence doit durer toute la vie, et à qui, à la fin, on n’accorde que la communion. D’autres, devenus apostats et idolâtres puis repentants, sont réconciliés, mais seulement aussi au moment de la mort. D’autres enfin, moins coupables, sont absous le jeudi saint. Il reste bien entendu d’ailleurs que les pécheurs peuvent toujours demander la pénitence même à leurs derniers moments, et qu’alors, quelque courte ou même nulle qu’ait été leur expiation, on ne leur refuse pas l’absolution et la communion.

Sauf à Rome où, depuis le pape Marcel (304-309), les simples prêtres des paroisses étaient chargés d’entendre la confession des pénitents, de leur enjoindre la pénitence convenable et d’en surveiller l’accomplissement, et sauf le cas de nécessité en danger de mort, toutes les parties de l’actio paenitentiae étaient, en Occident, au commencement du ve siècle, réservées à l’évêque. C’est l’évêque qui entendait la confession du pénitent, qui fixait sa pénitence et en surveillait l’exécution, enfin qui le réconciliait à Dieu et à l’Église par l’absolution.

Les clercs ne sont pas soumis à la pénitence. S’ils commettent des fautes graves qui soient publiques et scandaleuses, ils sont directement déposés. Si leurs fautes n’ont pas ce caractère, ils les expient privément, mais en aucun cas ils ne sont rangés dans la catégorie des pénitents ni ne reçoivent l’imposition de la main, puisque d’ailleurs le fait d’avoir été pénitents les priverait de l’exercice de leur cléricature.

D’autre part, l’actio paenitentiae n’est accordée qu’une fois ; et elle a pour effet d’interdire au pénitent même réconcilié le mariage ou l’usage du mariage antécédent, le négoce et le service militaire. Si donc le pénitent enfreint ces défenses ou retombe dans ses anciennes fautes, il ne sera plus admis à renouveler le cursus de la pénitence : il devra seulement pleurer et expier privément ses rechutes. On lui permettra d’assister avec les fidèles aux offices de l’Église ; mais on lui refusera la communion jusqu’au moment de la mort, moment où on lui donnera le viatique, et le viatique seul.

Tel était, vers 430, dans l’Église latine, l’état de la discipline pénitentielle. Or à cet état les siècles suivants devaient apporter des changements sensibles, qu’il faut maintenant étudier.

Le premier est l’introduction ou du moins l’usage rendu plus fréquent de la pénitence privée, et la pratique rendue de plus en plus rare au contraire, la disparition graduelle de la pénitence publique ou plénière.

Celle-ci présentait en effet des inconvénients qui devaient forcément en éloigner les fidèles. Ce n’est pas, comme on l’a cru et répété longtemps, qu’elle dût être précédée d’une accusation publique des fautes à expier, puisque saint Léon, dans une lettre datée de 459, interdit absolument, comme contraire à la « règle apostolique », de lire publiquement la confession écrite des pénitents, « cum reatus conscientiarum sufficiat solis sacerdotibus indicari confessione secreta… Sufficit enim illa confessio quae primum Deo offertur, tum etiam sacerdoti, qui pro delictis, paenitentium precator accedit » ; mais elle débutait d’abord par une humiliation très dure. Le pénitent, revêtu du sac ou du cilice, en présence de toute l’assemblée des fidèles, recevait l’imposition des mains de l’évêque et était séparé au moins moralement de la communauté chrétienne : il devait couper ses cheveux, et porter pendant tout le temps que durait son expiation des vêtements de deuil. Cette expiation elle-même était rigoureuse et souvent fort longue ; et surtout la pénitence plénière entraînait des conséquences infiniment gênantes : le pénitent même réconcilié, on l’a dit plus haut, ne pouvait plus ni porter les armes, ni se livrer au négoce, ni se marier s’il ne l’était pas ou user du mariage s’il était déjà marié. Ajoutons que cette pénitence, comme on l’a remarqué, ne pouvait pas se renouveler et laissait les relaps dans une situation plutôt dangereuse pour leur salut. Toutes ces circonstances expliquent bien la répugnance que les pécheurs, et surtout les barbares convertis, éprouvaient à s’y soumettre, et la tendance de plus en plus marquée, que l’on constate au ve et au vie siècle, à en retarder l’acceptation jusqu’à la dernière maladie.

Pour obvier à ces inconvénients et enrayer le relâchement dont ils étaient l’occasion, on usa généralement de palliatifs ; dans quelques provinces on préféra des mesures d’une rigueur outrée.

Les palliatifs eurent pour objet d’atténuer les conséquences de la discipline en vigueur. Par exemple, on ne donnait la pénitence à un sujet marié que moyennant le consentement de l’autre partie. On ne devait point la donner aux jeunes gens, trop exposés par la ferveur de leur âge à violer leurs engagements et à rechuter. De ces engagements on accordait même des sortes de dispenses. Saint Léon, dans sa lettre clxvii, examine le cas de ceux qui, après avoir reçu la pénitence, soutiennent des procès, font du négoce, rentrent dans l’armée ou prennent un service public, ou enfin se marient. Il ne veut absolument pas qu’après l’actio paenitentiae on revienne « ad militiam saecularem » ; mais il tolère, bien qu’avec répugnance, que l’on soutienne, surtout devant le for ecclésiastique, un procès nécessaire, et que l’on exerce un commerce honnête, s’il en est où l’on puisse éviter le péché. Quant aux jeunes gens qui, se trouvant en danger de mort ou devenus captifs, ont accepté la pénitence, puis qui, délivrés du péril, se sont mariés pour éviter l’incontinence, il ne voit dans leur cas qu’une faute légère sur laquelle il convient de fermer les yeux. « In quo tamen, ajoute-t-il, non regulam constituimus, sed quid sit tolerabilius aestimamus. » Saint Léon apercevait donc les vices du système pratiqué jusque-là, et son défaut d’adaptation aux conditions nouvelles de la vie chrétienne ; mais lié par des règles vénérables et par son respect du passé, il avait peine à passer outre.

D’autres évêques d’ailleurs étaient moins clairvoyants et plus sévères. Dans la Viennoise et la Narbonnaise, quelques rigoristes, pour empêcher qu’on ne renvoyât au moment de la mort de demander la pénitence, refusèrent de l’accorder aux mourants qui la sollicitaient. Le pape Célestin protesta au nom de la miséricorde divine et de la puissance de la grâce ; et saint Léon, tout en blâmant la négligence de ces chrétiens qui retardent leur pénitence jusqu’au moment « quo vix inveniat spatium vel confessio paenitentis vel reconciliatio sacerdotis », décida cependant qu’on ne devait leur refuser ni l’actio paenitentiae, ni la réconciliation (nec satisfactio interdicenda est nec reconciliatio deneganda) ; et cela même quand, les ayant demandées une première fois, ils les avaient ensuite refusées, à la suite d’une amélioration de leur état. Le concile d’Orange de 441 donna une première satisfaction à la doctrine romaine en déclarant que l’on accorderait le viatique, mais le viatique seulement, aux moribonds qui auraient demandé la pénitence, à charge pour eux s’ils revenaient à la santé, de compléter leur expiation (can. 3). Le canon 20 des Statuta Ecclesiae antiqua alla plus loin, et établit qu’on leur donnerait l’absolution avant le viatique. Mais la résistance rigoriste ne fut point vaincue pour autant. Ses fauteurs discutèrent la valeur de la pénitence ainsi entreprise in extremis, et Fauste de Riez, entre autres, déclara tout net que cette pénitence ne lui inspirait aucune confiance, qu’elle était une insulte plus qu’un hommage à Dieu, que la seule pénitence salutaire était la pénitence faite et accomplie, et non pas seulement reçue. L’opinion de Fauste fit scandale. Gennade se déclara contre elle ; de même saint Avit de Vienne ; saint Césaire la discuta et, tout en admettant qu’il y avait, à la mort, des pénitences fausses et inutiles, il enseigna cependant qu’il y en avait aussi de sincères et de fructueuses. Mais il insista sur le péril que courait le pécheur, en renvoyant sa pénitence au dernier moment, de n’avoir ni le temps ni la possibilité de se convertir, et de périr misérablement. C’est un thème qu’il a souvent repris, preuve que sa parole ne trouvait pas tout l’écho qu’il aurait voulu. Contre la pénitence plénière, telle qu’elle était pratiquée, on élevait toujours la difficulté de l’accomplir, les suites qu’elle entraînait, et aussi sans doute l’impossibilité de la renouveler en cas de rechute. Ne pouvait-on, tout en la conservant pour les fautes d’une gravité vraiment exceptionnelle, organiser à côté d’elle, pour les fautes plus communes et, hélas ! trop fréquentes bien que graves encore, une actio paenitentiae d’un usage plus commode ?

Oui, on le pouvait, et il semble bien que, lentement, cette organisation fut ébauchée ça et là dans le courant des ve et vie siècles pour être complètement achevée au viie. La pénitence privée conserva tel qu’elle le trouvait le rite de la confession qui était déjà secrète : elle conserva également, du moins pendant un certain temps, le rite de l’absolution publique du jeudi saint : le pénitent privé recevait son absolution mêlé aux pénitents publics ; mais elle se distingua de la pénitence plénière ou solennelle en ce que le pénitent, sa confession faite, accomplit privément et en son particulier, sans qu’aucune cérémonie le mît à part de la communauté des fidèles, les œuvres satisfactoires que le confesseur lui avait imposées. De plus, elle n’entraîna pas, pour celui qui s’y était soumis, les interdictions qu’entraînait la pénitence publique et dont il a été question plus haut ; et enfin nous verrons qu’elle devint assez vite renouvelable. C’était le remède trouvé aux inconvénients que présentait l’ancienne discipline.

On en rencontre, en Occident, les premiers vestiges dans saint Augustin. Comme nous l’avons déjà remarqué, celui-ci distinguait deux sortes de satisfaction pénitentielle, l’une plus douce pour les péchés secrets, qui s’opère « quibusdam correptionum medicamentis », l’autre luctuosa, lamentabilior, gravior, quand les péchés sont énormes, connus et scandaleux (ita gravia). Vers le même temps, le pape Innocent Ier, écrivant à l’évêque d’Eugubio, Decentius, lui mande que tous les pénitents sont, à Rome, sauf urgence et nécessité, absous le jeudi saint ; mais il les partage en deux catégories, ceux qui font pénitence ex gravioribus, et ceux qui font pénitence ex levioribus commissis. Un peu plus tard, en 458 ou 459, saint Léon juge le cas d’enfants baptisés, devenus captifs des païens, et qui, rendus à la liberté, sollicitent la communion. Il décide que ceux d’entre eux qui se sont rendus coupables d’idolâtrie, d’homicide ou de fornication ne seront admis à la communion que moyennant la pénitence publique ; mais que ceux qui ont simplement mangé des viandes immolées aux idoles « possunt ieiuniis et manus impositione purgari ». En même temps, et tout en déclarant que l’économie établie par Dieu pour le pardon des péchés après le baptême est que ce pardon ne peut être obtenu que par les supplications des prêtres, saint Léon ne cesse de presser de faire pénitence, et cela chaque année surtout aux approches de Pâques, ces chrétiens que l’on ne voit pas dans les rangs des pénitents. publics, et qui ont vécu cependant toute l’année dans la négligence de leurs devoirs. Il n’a pas l’intention pourtant de leur imposer la pénitence plénière, et leurs fautes — fautes d’omission surtout et de relâchement moral — ne l’exigent probablement pas ; et c’est donc qu’il leur demande une pénitence privée dans laquelle interviennent cependant les « supplicationes sacerdotum ».

Et la chose est bien plus claire encore dans les sermons de saint Césaire d’Arles. Le saint distingue très nettement, comme toute l’antiquité chrétienne, des peccata minuta qui ne tuent pas l’âme, mais qui la défigurent et qu’il faut expier par les bonnes œuvres, et des peccata capitalia qui méritent l’enfer, et dont il faut absolument faire pénitence sous peine de damnation. Quelle sera cette pénitence ? demande-t-il. Elle pourra être publique ; mais cela n’est pas nécessaire au salut. Saint Césaire met une différence entre accipere paenitentiam, ce qui représente la pénitence plénière, et agere paenitentiam, ce qui est accomplir privément la pénitence. Or il est requis, dit-il, que l’on fasse pénitence, mais non pas qu’on reçoive la pénitence : « Qui haec (opera paenitentiae) implere voluerit, etiamsi paenitentiam non accipiat, quia semper illam fructuose et fideliter egit, bene hinc exiet. » « Et ille quidem qui paenitentiam publice accepit poterat eam secretius agere : sed, credo, considerans multitudinem peccatorum suorum, videt se contra tam gravia mala solum non posse sufficere, ideo adiutorium totius populi cupit expetere. » Il est impossible d’être plus clair, et de marquer plus précisément l’existence, à côté de la pénitence publique ou plénière, d’une pénitence privée. Et cette distinction permet à Césaire de répondre aux difficultés de ses auditeurs : « Ego iuvenis homo uxorem habens, quomodo possum aut capillos minuere aut habitum religionis assumere ? » Ce n’est pas ce que l’on vous demande, répond le prédicateur : on peut faire pénitence utilement sans cela : « Vera enim conversio sine vestimentorum commutatione sufficit sibi. »

Maintenant, cette pénitence privée, dont parle saint Césaire, consistera-t-elle uniquement en des œuvres expiatoires et un changement de vie, sans aucun recours aux préposés de l’Église soit pour la confession, soit pour l’absolution ? Non : la confession s’impose. Saint Césaire en formule très généralement la loi au Sermo ccliii, 1 : La volonté de Dieu est que nous confessions nos péchés non seulement à lui, mais aux hommes ; et il continue : « Quomodo enim nobis peccatorum vulnera nunquam deesse possunt, sic et confessionis medicamenta deesse non debent. » Au Sermo ccl, après avoir expliqué l’Alligate per fasciculos ad comburendum des pécheurs que les anges lieront ensemble pour les jeter au feu, « rapaces cum rapacibus, adulteros cum adulteris, fornicatores cum fornicatoribus, homicidas cum homicidis, avaros cum avaris, iracundos cum iracundis, falsos testes cum falsis testibus, fures cum furibus, derisores cum derisoribus, similes cum similibus », il exhorte les coupables à éviter cette condamnation par la pénitence, par la confession et les œuvres satisfactoires imposées par les prêtres : « Confessionem quaeramus puro corde, et paenitentiam donatam a sacerdotibus perficiamus » ; et ailleurs, « confitendo et paenitentiam agendo ». Et il semble bien qu’il veuille parler, en ces occasions, de pénitence simplement privée.

Quant à l’absolution pour la pénitence privée, saint Césaire, il est vrai, ne la mentionne nulle part explicitement ; mais aussi allait-elle de soi, puisqu’elle se confondait avec l’absolution publique du jeudi saint ; et ce n’est pas d’ailleurs sur quoi il avait à exhorter ses auditeurs.

Saint Avit, en tout cas, en parle nettement dans sa lettre xvi, et pour un cas où sa doctrine se révèle absolument semblable à celle de saint Césaire. Un vieillard du diocèse de Grenoble est engagé dans un commerce incestueux, et paraît peu disposé à expier sa faute. L’évêque Victorius demande à saint Avit ce qu’il pense de ce cas difficile. Après avoir vu le coupable, saint Avit répond que, puisque le vieillard s’engage à éloigner sa complice, il est prudent de ne pas lui imposer la pénitence plénière : « De caetero quod ad paenitentiam exspectat, moneatur interim agere, accipere non cogatur. » C’est un esprit ombrageux (homo crudus), qu’une trop grande sévérité ferait s’obstiner dans sa résistance ; la suppression de l’occasion du péché lui servira de pénitence, et on pourra le réconcilier après ce sacrifice : « Excussus ab scelere, suscipiatur ad veniam ; patiatur paenitentiam cum perdit peccandi occasionem ; profiteatur, cum amiserit voluntatem. »

Il est donc avéré que, au plus tard au temps de Césaire et de saint Avit, c’est-à-dire dans la première moitié du vie siècle, la pénitence privée était pratiquée dans le midi de la Gaule et probablement en Italie. Deux faits contribuèrent à étendre et confirmer cette pratique.

Le premier est la fondation de l’ordre et la rédaction de la règle de saint Benoît (vers 480-543). L’influence de cette règle se fit certainement sentir en dehors des monastères pour lesquels elle avait été écrite. Or, elle demandait aux moines des coulpes et des confessions fréquentes. Les fautes publiques étaient publiquement amendées ; « si animae vero peccati, continue la règle, causa latens fuerit, tantum abbati aut spiritualibus senioribus patefaciat, qui sciant curare sua et aliena vulnera non detegere et publicare ».

L’autre fait, d’une influence plus directe, fut l’importation en France et en Italie, par saint Colomban, des usages bretons sur la pénitence privée. A l’extrémité nord-ouest du monde chrétien d’Occident en effet, en Irlande et en Angleterre, vivaient des chrétientés qui paraissent avoir ignoré ou du moins laissé tomber très tôt chez elles la pratique de la pénitence publique, et ne connaissaient que la pénitence privée. A la fin du ve ou au début du vie siècle, une littérature commence à s’y former, la littérature des pénitentiels, dont les monuments, se rattachant aux noms vénérés de saint David († 564), de saint Vennian († 552), de saint Gildas († 565 ou 570) et plus tard de Cumméan († 661), fixent pour chaque espèce de péché l’expiation à imposer au pénitent. L’emploi de ces petits livrets, d’abord restreint aux églises celtiques et bretonnes, se répandit, au viie siècle, après la conquête anglo-saxonne, dans les églises établies chez les vainqueurs par saint Augustin de Cantorbéry et ses successeurs. Théodore de Cantorbéry († en 690) écrivit lui aussi un pénitentiel ; de même Bède et son disciple Ecgbert d’York (év. de 735 à 766). Or le pénitentiel de Théodore déclare explicitement que « Reconciliatio ideo in hac provincia publice statuta non est, quia et publica paenitentia non est ». C’est précisément cet usage breton de la pénitence exclusivement privée que saint Colomban avait apporté sur le continent, vers 590 à Luxeuil, puis à Bobbio en 613. Malgré l’opposition que rencontrèrent d’abord en général saint Colomban et ses coutumes, la pénitence privée et l’usage des pénitentiels se firent d’autant mieux accepter qu’ils trouvaient des antécédents ou correspondaient à des nécessités réelles. Les disciples de saint Colomban d’ailleurs ne se renfermèrent pas dans les cloîtres : devenus évêques, abbés, missionnaires et pasteurs ayant charge d’âmes, beaucoup d’entre eux introduisirent naturellement et d’autorité, dans l’exercice de leurs fonctions et de leurs charges, les usages de leur ordre. Et c’est ainsi que la pénitence privée, que l’on voit paraître au ve siècle en France et en Italie, s’organisa définitivement au viie comme la pénitence ordinaire et normale. La pénitence publique demeura l’exception pour certaines fautes scandaleuses et révoltantes. Au viiie siècle, les pénitentiels étaient partout répandus.

L’adoption de la pénitence privée conduisait naturellement à admettre comme possible la réitération de la pénitence, puisque le principe fermement maintenu de l’unicité de la pénitence n’en visait que la forme solennelle. Ces pénitents, que le pape Innocent Ier nous montre expiant pendant le carême leurs commissa leviora, devaient évidemment renouveler cette pénitence au moins de temps en temps, sinon chaque année. Mais nous avons d’ailleurs de cette époque, en cette matière, une donnée doctrinale précise. Ce sont les paroles d’un évêque africain du milieu du ve siècle, Victor de Cartenna. Dans son traité De paenitentia, l’auteur insiste d’abord sur la grande loi de la confession des péchés : « Age igitur, paenitens, propria scelera confitere, pande Deo tuae iniquitatis arcana, denuda secreta pectoris tui ». Cet aveu est nécessaire, non pas que Dieu ignore les fautes qu’on lui confesse, mais parce que cette confession révèle le pénitent à lui-même et est déjà un remède ; parce que, aussi, le médecin a besoin qu’on lui fasse connaître le mal, sinon il ne saurait appliquer le remède convenable : « Tunc enim poteris perfectum consequi beneficium medicinae si non celes mediço tuae vulnera conscientiae. Caeterum qualiter curandus eris qui ea quae sunt in te absconsa non pandis ? ». Puis l’évêque répond successivement aux excuses que cherche le coupable. Celui-ci, entre autres choses, prétexte qu’il est un relaps, que relevé une première fois de ses fautes, il y est retombé et s’y est en quelque sorte enlisé : « Peccata peccatis adieci, et qui iam cadens erectus fueram, iterum cecidi, et conscientiae meae vulnus iam pene curatum peccati exulceratione recruduit ». Que répond l’auteur ? Qu’il faut encore recourir au même médecin, au même remède : « Quid trepidas ? Quid vereris ? Idem semper est, qui ante curavit, medicum non mutabis… noto te sanabit antidoto… Unde dudum curatus fueras, inde iterum curaberis ».

La règle de conduite tracée ici par Victor de Cartenna fut sans doute goûtée, en Espagne, d’un certain nombre de pécheurs ; car nous trouvons en 589 un concile de Tolède qui, dans son canon 11, se plaint qu’en plusieurs églises, des chrétiens font de leurs péchés une pénitence détestable, « ut quotienscumque peccare libuerit, totiens a presbytero reconciliari expostulent ». Le concile condamne cette pratique, mais il la constate ; et elle devait être plus forte que ses proscriptions. L’influence des moines et l’usage des pénitentiels ne tardèrent pas à rendre ordinaire la réitération de la pénitence privée. Au milieu du viiie siècle, la loi commence à se dessiner qui impose l’obligation de se confesser une ou plusieurs fois par an. Un concile de Bavière de 740-750 ne fait que conseiller la confession pure et simple ; mais saint Chrodegand, évêque de Metz (742-764), l’impose à son clergé au moins deux fois par an : « Constituimus ut in anno vel binas vices clerus noster confessiones suas ad suum episcopum pure faciat, eis temporibus, una vice in initio quadragesimae ante Pascha, illa alia vice a medio mense augusto usque kalend. novembris. »

Il est dit dans ce texte que les clercs doivent se confesser à l’évêque : un peu plus loin cependant, saint Chrodegand ajoute que, si les clercs en éprouvent le besoin, ils se confesseront, en dehors de ces temps, « ad episcopum, velad alium sacerdotem cui episcopus decreverit ». Le sacerdos ici n’est plus l’évêque, mais un simple prêtre. Et c’est encore un des changements que la période dont nous nous occupons a introduits dans la discipline pénitentielle : l’attribution aux prêtres, comme ministres ordinaires, du pouvoir de recevoir les confessions et d’absoudre les pénitents. Sans doute, on ne le leur avait jamais complètement refusé. On a vu qu’à Rome, dès le ive siècle, des prêtres pénitentiers recevaient la confession des pécheurs et leur imposaient la pénitence à accomplir ; et les conciles mêmes qui interdisaient aux prêtres de réconcilier publiquement les pénitents, leur reconnaissaient en même temps le droit et leur imposaient le devoir de les absoudre, avec l’agrément de l’évêque et en cas de nécessité pressante, si l’évêque était absent. Mais il était naturel que, la pénitence devenant plus fréquente et moins solennelle, les simples prêtres en devinssent aussi plus souvent les ministres. C’est bien de quoi se plaint le concile de Tolède de 589, cite plus haut. On en vient à réitérer la pénitence aussi souvent que l’on tombe, et c’est à un prêtre (presbytero) que l’on demande la réconciliation. Mais ces plaintes ne pouvaient rien contre un développement en somme légitime. L’évêque ne pouvant plus suffire à la tâche d’entendre les pénitents et de les absoudre, il fallait bien qu’il déléguât à cet effet des prêtres pour le remplacer. L’évolution qui aboutit au nouvel état de choses s’acheva dans le courant du vue siècle, où l’on vit, en France, les moines de saint Colomban s’adonner au ministère de la confession. Dans le premier tiers du viiie siècle, le vénérable Bède ne met aucune différence entre l’évêque et le prêtre, au point de vue qui nous occupe : « Etiam nunc in episcopis ac presbyteris omni Ecclesiae officium idem ita committitur, ut videlicet, agnitis peccantium causis, quoscumque humiles ac vere paenitentes aspexerit, hos iam a timore perpetuae mortis miserans absolvat ; quos vero in peccatis quae egerint persistere cognoverit, illos perennibus suppliciis obligandos insinuet. »

Cette introduction des prêtres comme ministres ordinaires de la pénitence ne dut pas être étrangère à la diffusion rapide des pénitentiels en France, en Allemagne et dans la Haute-Italie. Il est certain, en effet, que la pénitence tarifée telle qu’ils la représentaient constituait un recul sur ce qui s’était pratiqué antérieurement. Jusque-là, le grand principe sur lequel reviennent constamment les papes et les conciles, c’est que la satisfaction à imposer au coupable doit sans doute être proportionnée à la nature des fautes qu’il a commises, mais aussi à ses dispositions, à sa condition, à son âge : le confesseur reste juge, en définitive, de ce qu’il doit exiger, et les canons pénitentiaux n’ont qu’une valeur d’indication. Il n’y a pas de péchés abstraits, il y a seulement des pécheurs qu’il faut juger et surtout relever : « Tempora paenitudinis, habita moderatione tuo constituente iudicio, écrit saint Léon, prout conversorum animos perspexeris esse devotos : pariter etiam habens senilis aetatis intuitum, et periculorum quorumque aut aegritudinis respiciens necessitates. » Dans la pénitence tarifée, ce point de vue est changé. Et sans doute, les pénitentiels n’oublient pas complètement les recommandations anciennes. Celui de Bède, par exemple, commence par rappeler au confesseur qu’il doit considérer le sexe, l’âge, la condition, l’état, les dispositions intimes du pénitent, et y attempérer son jugement ; mais les diverses sortes de fautes n’en sont pas moins classées en catégories, auxquelles on assigne en particulier une pénitence fixe : « Adulescens, si cum virgine peccaverit, annum I paeniteat. » Or il est clair que ce mode simpliste de procéder convient à des confesseurs peu instruits, peu soucieux et peu capables d’analyse psychologique, tels qu’étaient bon nombre de prêtres aux vie-viiie siècles. A ce clergé les pénitentiels fournissaient des recettes tout indiquées pour chaque genre de maladies morales, des comptes faits pour chaque péché commis : sa médiocrité devait nécessairement les trouver commodes.

Il ne semble pas qu’avec eux la coutume ait été universellement changée, qui exigeait qu’en principe et en dehors d’une nécessité urgente, la pénitence fût accomplie avant que l’absolution fût accordée. Cette nécessité existait surtout lorsque le coupable demandait la pénitence dans sa dernière maladie ; et c’est pourquoi saint Léon pressait les pécheurs de ne pas attendre, pour revenir à Dieu, le moment « quo vix inveniat spatium vel confessio paenitentis vel reconciliatio sacerdotis ». Mais si le malade revenait à la santé, il était mis au nombre des pénitents. Il était inévitable cependant que l’instabilité et les périls multiples créés par les invasions barbares et les querelles continuelles entre les princes rendissent plus nombreux les cas où l’on devait absoudre immédiatement le pénitent. C’est cette situation que vise le statut xxxi de saint Boniface de Mayence († 755) : « Et quia varia necessitate praepedimur canonum statuta de conciliandis paenitentibus pleniter observare ; propterea omnino non dimittantur. Curet unusquisque presbyter statim post acceptam confessionem paenitentium singulos data oratione reconciliari. Morientibus vero sine cunctamine communio et reconciliatio praebeatur. » On gardera autant que possible les prescriptions canoniques, mais, en cas de nécessité, on n’hésitera pas à réconcilier immédiatement les pénitents.

Quoi qu’il en soit, c’est par une formule déprécatoire que l’absolution est donnée : supplicationibus sacerdotum… sacerdotali supplicatione, dit saint Léon. Saint Grégoire, reproduisant saint Augustin, l’interprète en ce sens qu’elle délie des nœuds du péché ceux à qui la grâce de Dieu a déjà intérieurement rendu la vie spirituelle. La confession fait sortir le pénitent du tombeau : « Prius mortuum Dominus vocavit et vivificavit dicens, Lazare, venis foras » ; l’absolution fait ensuite tomber ses liens : « Et postmodum is qui vivens egressus fuerat a discipulis est solutus… Ecce illum discipuli iam viventem solvunt quem magister resuscitaverat mortuum. » D’où l’auteur tire la conclusion : « Ex qua consideratione intuendum est quod illos nos debemus per pastoralem auctoritatem solvere quos auctorem nostrum cognoscimus per suscitantem gratiam vivificare. » Saint Grégoire a, comme on le voit, présenté comme successifs deux effets en réalité simultanés, et qui ont l’un et l’autre leur source immédiate dans l’absolution. Mais il n’a pas, pour autant, donné à celle-ci une portée purement déclaratoire. La délivrance et la réconciliation du pécheur sont bien l’œuvre de la « pastoralis auctoritas » ; c’est bien la « pastoralis sententia » qui l’absout. Bien plus, le pape en fait la remarque, même lié injustement par son pasteur, le pénitent reste lié ; et si les confesseurs doivent veiller à ne porter que des sentences justes, les fidèles doivent craindre de mériter, par leurs péchés, d’être l’objet de décisions fausses.

Reste à dire un mot du clergé. Les changements de la discipline pénitentielle à l’époque que nous examinons se résument, en ce qui le concerne, en deux points : 1° des gens ayant fait pénitence sont admis dans les rangs du clergé ; 2° les clercs des ordres supérieurs, comme les autres, sont admis à la pénitence. Sur le premier point, la discipline du ive siècle était très ferme : un homme qui avait reçu la pénitence canonique ne pouvait entrer dans le clergé. Mais il semble que la règle fléchisse d’abord pour les ordres inférieurs, puis même pour les supérieurs au vie siècle, à voir les protestations que ces infractions soulèvent : « Ex paenitentibus quamvis bonus clericus non ordinetur », portent les Statuta antiqua. Les causes de ce fléchissement sont d’ailleurs aisées à comprendre. C’était, d’une part, la difficulté de trouver pour le clergé des recrues convenables ; c’était surtout l’usage, qui tendait manifestement à se généraliser, de demander la pénitence en danger de mort. Les sermons de saint Césaire supposent que c’était là une pratique fréquente, et saint Isidore, écrivant moins d’un siècle après, déclare que, tout le monde étant pécheur, la pénitence s’impose à tous, et que tous doivent s’y soumettre. Or, il arrivait de temps à autre que ces pénitents de la dernière heure ne mouraient pas. C’étaient des chrétiens réguliers, pieux même, qui avaient sollicité la pénitence comme un remède à des fautes quotidiennes, et sans lequel on ne devait point paraître devant Dieu, mais qui d’ailleurs auraient pu s’en passer. Fallait-il les exclure du clergé au cas où ils désireraient y entrer ? Un concile de Girone de 517 ne le pensa pas, et décréta que, si le malade n’avait pas accusé de faute notoire, et n’avait pas été, une fois revenu à la santé, soumis à la pénitence publique, on pouvait l’admettre dans la cléricature. Cette décision fut confirmée par le concile de Tolède de 633, et par un autre concile de la même ville de 683. Entre temps, un concile de Lérida, de 524, avait admis qu’un clerc servant à l’autel, et ayant fait pénitence pour une faute charnelle, pouvait être réintégré dans ses fonctions, tout en restant inhabile à monter à un ordre supérieur.

Le fait d’avoir reçu la pénitence, si d’ailleurs on n’avait pas accusé de faute méritant la pénitence plénière, et si l’on n’avait pas effectivement subi cette pénitence, ne fut donc plus, à partir du vie siècle et au moins en Espagne, une cause qui empêchât d’entrer dans le clergé. Une évolution analogue et parallèle fit que l’on admit aussi et peu à peu que les clercs supérieurs pussent faire pénitence sans déchoir de leurs fonctions. Il existe sur ce point un canon d’un concile d’Orange de 441, d’une interprétation difficile à cause de sa brièveté : « Paenitentiam desiderantibus clericis non negandam. » Peut-être ne s’agit-il ici que d’une pénitence absolument privée, accomplie en dehors de toute intervention de l’autorité épiscopale, et pour laquelle le clerc demande qu’on l’exempte, pour un temps, de son service liturgique. Cependant la discipline à cette époque était formelle : un prêtre ou diacre coupable d’une faute grave et scandaleuse ne pouvait pas, restant en fonctions, être soumis à la pénitence canonique. Il devait être déposé ; et, même déposé, le concile de Carthage de 401 ne veut pas qu’on le soumette, comme les laïcs, à la pénitence publique. C’est ce que répond saint Léon à la question de Rusticus de Narbonne : « Alienum est a consuetudine ecclesiastica ut qui in presbyterali honore aut in diaconii gradu fuerint consecrati, ii pro crimine aliquo suo per manus impositionem remedium accipiant paenitentiae… Unde huiusmodi lapsis ad promerendam misericordiam Dei privata est expetenda secessio, ubi illis satisfactio, si fuerit digna, sit etiam fructuosa. » Le prêtre et le diacre [et l’évêque] coupables de fautes capitales, publiques ou secrètes, devront faire privément pénitence, mais ils ne seront pas mis au rang des pénitents. Le pape parle généralement d’une privata secessio, mais nous savons que cette retraite consista bientôt et pratiquement dans l’internement plus ou moins long dans un monastère. Or c’est cette coutume qui devint précisément une des causes qui introduisirent dans le clergé l’usage de la pénitence canonique. Dans les monastères en effet, les clercs coupables furent soumis, au viie siècle, comme les moines avec qui ils vivaient, à l’imposition de la main et à la réconciliation sacramentelle : ils reçurent la pénitence. D’autre part, le clergé ne resta pas étranger au mouvement qui portait les fidèles à demander la pénitence au lit de mort ; et de cette pratique naquirent parfois des cas embarrassants. Le concile de Tolède de 683 eut précisément à trancher un cas de ce genre, à propos de l’évêque de Valeria, Gaudentius, « quod incommodae valetudinis nimietate praeventus, per manus impositionem subactus fuisset paenitentiae legibus ». Gaudentius, revenu à la santé, demandait s’il pouvait conserver ses fonctions épiscopales. Le concile décida qu’il le pouvait, parce qu’il n’avait pas d’ailleurs accusé de faute grave et scandaleuse. Ainsi, au viie siècle, la discipline tombait qui interdisait aux clercs supérieurs le bénéfice de la pénitence canonique. Au viiie siècle, saint Chrodegand, on l’a vu plus haut, enjoignait par sa règle à son clergé de se confesser au moins deux fois l’an ; et les livres pénitentiels contiennent, aussi bien pour les clercs des différents ordres que pour les laïcs, les tarifs des diverses fautes qu’ils peuvent commettre.

Voici donc le terme auquel avait abouti le développement du dogme et de la discipline pénitentiels vers le milieu du viiie siècle. L’actio paenitentiae comprend toujours trois parties : la confession, l’expiation, l’absolution.

La confession est secrète : elle a pour objet tous les peccata capitalia, c’est-à-dire tous les péchés qui méritent l’enfer et qu’actuellement nous appelons mortels.

L’expiation est publique et plénière pour certains crimes énormes et scandaleux : plus ordinairement, elle est privée. Cette pénitence privée se substitue de plus en plus à l’ancienne pénitence publique, et devient à peu près la seule pratiquée. Mais de plus, elle tend à se tarifier par l’usage des pénitentiels, chaque catégorie de fautes ayant sa peine fixée d’avance.

L’absolution reçue d’abord publiquement le jeudi saint, en dehors du cas de maladie, se donne maintenant privément et à tout moment de l’année. En principe cependant, elle n’est accordée qu’après l’accomplissement de la satisfaction pénitentielle ; mais on constate déjà des exceptions à cette règle, et ces exceptions ont tendance à se multiplier de plus en plus.

La pénitence plénière et solennelle ne se réitère pas ; mais la pénitence privée peut se réitérer. De celle-ci le simple prêtre devient le ministre ordinaire : il reçoit la confession, fixe la satisfaction, et réconcilie le pénitent.

Enfin le fait d’avoir reçu la pénitence même plénière, si d’ailleurs on n’a point confessé de crime scandaleux et si l’on n’a pas de fait accompli la pénitence publique, n’est plus un obstacle à l’entrée dans le clergé et à la réception des ordres supérieurs. Réciproquement, les clercs même des ordres supérieurs sont admis à la pénitence canonique, et ils conservent néanmoins leurs fonctions, si d’ailleurs les fautes commises par eux n’exigent pas qu’ils fassent publiquement pénitence et n’ont pas entraîné leur déposition.

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