Précis de Patrologie

3. Principales collections patrologiques.

On peut distinguer, dans le travail d’édition des Pères et écrivains ecclésiastiques, comme trois moments successifs. Un premier moment qui est celui des éditions princeps par les érudits du xvie siècle, les Estienne, Froben, Erasme, etc. Plusieurs de ces éditions, devenues rares, ont acquis la valeur des manuscrits qu’elles ont reproduits, et qui depuis se sont perdus. Un second moment est celui des éditions des xviie et xviiie siècles par les bénédictins de Saint-Maur, les jésuites, les oratoriens, etc. Ce sont les plus souvent citées. Enfin, depuis une trentaine d’années, de nouvelles découvertes et de nouvelles facilités pour consulter les manuscrits ont provoqué un nouveau travail d’éditions. On en verra ci-dessous les résultats.

La première grande collection qui ait été faite des anciens écrivains ecclésiastiques est celle de Marguerin de la Bigne, chanoine de Bayeux († 1589). Sa Bibliotheca sanctorum Patrum, en neuf volumes infolio (Paris, 1575-1579), contenait le texte de plus de 200 auteurs de l’antiquité et du moyen âge. Cette œuvre qui, en se développant, devint la Maxima Bibliotheca veterum Patrum de Lyon, en 27 volumes in-folio (1677), fut complétée, corrigée ou même supplantée par les collections analogues de Fr. Combéfis, O. P. († 1679), en 1648 et 1672 ; de J. B. Cotelier († 1686), en 1677-1686 ; de Bernard de Montfaucon († 1741), en 1706, et surtout de l’oratorien Andr. Gallandi († 1779), en 1765-1781 et 1788. La collection toutefois qui les a pratiquement toutes remplacées est celle de J.-P. Migne, Patrologiae cursus completus. Elle comprend deux séries : la série des Pères latins, qui va des origines à Innocent III (1216) et compte 217 volumes (Paris, 1844-1855) ; la série des Pères grecs, qui va jusqu’au concile de Florence (1439) et compte 162 volumes (Paris, 1857-1866)a. Que dans une œuvre aussi colossale il y ait des points faibles et des parties à refaire ; qu’on y trouve çà et là quelques lacunes, et aussi quelques répétitions ou hors-d’œuvre, on n’en saurait être surpris. L’ensemble n’en reste pas moins fort remarquable. Venant après Mai, Routh, et conseillé par Pitra, Migne profitait des travaux et des connaissances de ces grands érudits. Le choix qu’il a fait des éditions anciennes à reproduire est presque toujours excellent : il les a améliorées encore par les dissertations et études de date plus récente qu’il y a jointes. Sa collection est à peu près complète, d’un format commode, d’un prix relativement modéré ; la langue latine, partout adoptée pour les traductions et les notes, en favorise l’emploi universel. Malgré les critiques dont elles ont été l’objet, les Patrologies de Migne se sont imposées et s’imposeront encore longtemps comme ouvrage fondamental.

a – Il y faut joindre quatre volumes de tables pour la série latine (Paris, 1862-1864). Migne n’a pu donner les tables de la série grecque. Elles ont été rédigées et publiées par F. Cavallera, Paris, 1912.

Depuis Migne cependant, trois grandes collections ont été publiées ou sont en cours de publication pour améliorer et compléter son œuvre.

D’abord les Monumenta Germaniae historica, Auctores antiquissimi, Berolini, 1877-1898, 13 vol. in-4°. Puis, Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, editum cons. et impens. Academiae litterarum Caesareae Vindobonensis, Vindobonae, 1866 et suiv. Éditions très soignées, bien que de valeur inégale ; format in-8° commode ; tout est en latin. La publication se poursuit sans ordre chronologique. Enfin, Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte, publiés par l’Académie de Berlin, Leipzig, 1897 et suiv. ; une trentaine de vol. parus. Editions critiques très savantes, sans traduction. Les introductions et l’apparat critique sont en allemand.

Les collections que nous venons de mentionner ne comprennent que les auteurs grecs et latins. Pour les écrivains des langues orientales, on ne possédait guère jusqu’ici que le grand ouvrage de J. S. Assemani, Bibliotheca orientalis clementino-vaticana, Romae, 1719-1728, 4 vol., qui est moins une collection qu’un catalogue développé d’auteurs et de manuscrits. De nos jours, deux ou trois grandes collections ont commencé à combler cette lacune :

R. Graftin, Patrologia syriaca, Paris, 1894 et suiv. (2 vol. seulement), continuée pratiquement par R. Graffin et F. Nau, Patrologia orientalis, Paris, 1903 et suiv., 14 vol. parus. Les textes syriaques, coptes, arabes, éthiopiens, etc. sont accompagnés d’une traduction latine, française ou anglaise. Aucun ordre chronologique n’est suivi, et le même volume contient des ouvrages de langues différentes.

J. B. Chabot, I. Guidi, H. Hyvernat, B. Carra de Vaux, Corpus scriptorum christianorum orientalium, Paris, 1903 et suiv. La collection est divisée en quatre séries : écrivains syriens, coptes, arabes, éthiopiens, distingués par la couleur de la couverture. Les traductions sont éditées (et vendues) à part du texte.

Indépendamment de ces grands et coûteux ouvrages, on a du reste, à l’usage surtout des étudiants, publié ou commencé à publier des collections plus modestes et d’une évidente utilité. Tels, en France, les Textes et documents pour l’étude historique du christianisme de MM. H. Hemmer et P. Lejay, Paris, 1904 et suiv. ; format in-16 commode, textes accompagnés d’une traduction française. En Allemagne, outre la collection de H. Hurter, SS. Patrum opuscula selecta, Œniponti, 1868-1885 (48 vol.), 2e série, 1884-1892 (6 vol.), on a les collections de G. Krueger, Sarnmlung, etc., Fribourg-en-Br., 1891-1896, 2e série, 1901 et suiv. ; de H. Lietzmann, Kleine Texte, etc., Bonn, 1902 et suiv. ; de G. Rauschen, Florilegium patristicum, Bonnae, 1904 et suiv. En Angleterre, on a les Cambridge patristic texts d’A. J. Mason, Cambridge, 1899, suiv. ; en Italie, la Bibliotheca SS. Patrum de J. Vizzini, Romae, 1902 et suiv.

Signalons enfin, comme comprenant à la fois des textes et des études critiques, trois publications importantes :

Plusieurs de ces publications permettent aux lecteurs même non spécialisés de prendre contact avec la littérature patristique, et d’en lire les productions les plus remarquables. Si la plupart de ces productions ne peuvent lutter avec les œuvres classiques pour la pureté de la langue et l’élégance de la forme, en revanche elles les dépassent sûrement par l’intérêt du but poursuivi, par l’élévation de l’idéal moral, et par l’intensité de foi et de zèle qui animait leurs auteurs.

L’histoire de l’ancienne littérature chrétienne se partage naturellement en trois périodes :

  1. la période qui va des origines au concile de Nicée (325) ou mieux à la paix de Constantin (313) ;
  2. la période d’épanouissement et d’apogée, qui va de la paix de Constantin à la mort de saint Léon le Grand (461) ;
  3. enfin la période d’affaiblissement et de décadence, jusqu’en 636 en Occident, jusqu’en 750 en Orient.

Nous suivrons cette division.

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