Précis de Patrologie

2.7 — L’Épître à Diognète.

Aucun auteur ancien n’a parlé de l’Épître à Diognète. L’unique manuscrit qui la contenait — et qui a péri en 1870 — l’attribuait à saint Justin ; mais cet écrit n’est certainement pas de lui, et, en l’absence de tout autre témoignage, on ne peut faire sur son auteur que des conjectures plus ou moins vraisemblables. La forme de lettre donnée à l’opuscule peut n’être qu’un artifice de composition.

En somme toutes nos lumières sur cet ouvrage viennent de son contenu même. Il comprend dix chapitresa. Diognète avait demandé à l’auteur pourquoi les chrétiens n’adorent pas les dieux du paganisme ou n’observent pas le culte des juifs, quelle morale ils pratiquent entre eux, et pourquoi le christianisme a paru si tard dans le monde. L’auteur répond successivement à ces questions. Les chrétiens n’adorent pas les dieux des païens, parce que ces dieux ne sont que du bois, de la pierre ou du métal (ch. 2) ; ils n’imitent pas non plus le culte des juifs, parce que ce culte, bien que rendu au vrai Dieu, est puéril et indigne de lui (3-4). Suit un tableau idéal des mœurs chrétiennes. Les chrétiens sont, dans le monde, ce que l’âme est dans le corps : un principe supérieur et vivifiant (5-7). Si le christianisme a paru si tard, c’est que Dieu a voulu faire sentir aux hommes leur impuissance et leur corruption avant de leur envoyer le Rédempteur (8-9). La lettre s’achève par une exhortation à se convertir (10).

a – Les chapitres 11 et 12 n’appartiennent point à la lettre. Certains critiques y voient un fragment de quelque ouvrage de S. Hippolyte.

L’Épître à Diognète est certainement un des morceaux les plus achevés que nous ait légués l’ancienne littérature chrétienne. L’auteur est un apôtre sympathique, bienveillant comme l’était saint Justin ; mais il est bien meilleur écrivain que saint Justin. A la solidité du fond et à l’élévation de la pensée il joint l’art de développer ses idées d’une façon claire, harmonieuse, progressive, de mettre dans son exposé de l’élan et de la vie sans en briser la trame. C’était évidemment un esprit large et très cultivé.

Sa lettre est postérieure au ier siècle et antérieure au ive : la mention des persécutions présentes (5-6) le prouve suffisamment. Renan, Zahn, Harnack la mettraient au iiie siècle ; Kihn, Krueger, Bardenhewer au iie, ce dernier parce que le christianisme y est présenté comme quelque chose de récent, et que la vie chrétienne y est dépeinte dans sa première ferveur.

Tout différent de l’Épître à Diognète est l’écrit d’Hermias le philosophe, intitulé Moquerie des philosophes païens (Διασυρμὸς τῶν ἔξω φιλοσόφων). En dix chapitres, l’auteur veut montrer que les philosophes païens ne s’entendent pas ou même se contredisent entre eux dans leur enseignement sur la nature de l’âme (1-2) et sur le premier principe des choses (3-10). Il le prouve en faisant défiler devant son lecteur les principaux philosophes et leurs écoles, et en rapportant les solutions qu’ils donnent aux deux problèmes susdits.

L’écrit est superficiel et de peu de valeur : ce n’est pas une apologie, c’est un persiflage (διασυρμός), persiflage aisé et sans mérite, car les systèmes philosophiques allégués ne sont ni étudiés, ni sérieusement critiqués.

On ne sait qui était Hermias : les auteurs anciens n’en ont point parlé non plus que de son ouvrage. Plusieurs critiques (Diels, Wendland, Harnack) ne le mettent pas avant le ve ou le vie siècle, à un moment où le paganisme avait perdu sa popularité ; Bardenhewer le mettrait au iiie, parce que Hermias paraît ne pas connaître le néoplatonisme.

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