Le Réveil dans l’Église Réformée

1.2 La seconde période du Réveil.

1.2.1 La fondation de la Société Évangélique.

Situation nouvelle. — La Société des missions. — Gaussen et le catéchisme. — Discussions avec la Compagnie. — Mesures disciplinaires prises contre Gaussen. — Fondation de la Société évangélique. — Polémique. — Le Protestant de Genève. — Les Essais de Chenevière. — Création de l’École de théologie. — Irritation de la Compagnie. — Révocation de Gaussen ; suspension de Galland et de Merle d’Aubigné. — Mémoires de Gaussen au Conseil d’État.

L’année 1830 est une date importante dans l’histoire du Réveil. Les premières luttes avec la Compagnie ont pris fin. L’Église du Bourg-de-Four a vu aussi s’apaiser dans son sein les controverses ecclésiastiques qui l’avaient agitée. D’autre part, l’Église du Témoignage, d’abord florissante, a été abandonnée par un grand nombre de ses membres à la suite, du vote de confiance demandé par Malan. Si celui-ci continue son œuvre pastorale, il va cependant se tourner de plus en plus vers l’évangélisation.

Il semble donc que c’est l’Église du Bourg-de-Four qui recueillera presque tous les résultats de la première période du Réveil et groupera parmi ses fidèles la grande majorité des âmes éclairées.

C’était peut-être ce qu’eût souhaité l’Église nationale : c’eût été l’apaisement définitif de ces luttes durant lesquelles la Compagnie avait affirmé, il est vrai, son autorité, mais non sans perdre aux yeux de beaucoup une grande partie de son prestige.

Comme nous l’avons remarqué déjà, le Réveil avait eu une influence indirecte sur cette Église elle-même. La chaire de professeur honoraire de critique biblique avait été fondée en 1824 ; en 1830, les chaires de l’Académie avaient pour titulaires les hommes les plus distingués de la majorité de la Compagnie, tous dans la force de l’âge. Cellérier fils s’y occupait activement de la nouvelle école de critique biblique de l’Allemagne, et ses connaissances, comme aussi ses « adresses » sérieuses aux étudiants, imprimaient déjà à toute l’Académie un nouvel élan de vie intellectuelle. Munier, distingué par de réels talents d’administrateur, contribuait, de son côté, à étendre l’influence de la Compagnie.

La prédication s’était aussi relevée. Les sermons de Bouvier, de Munier, de Martin se faisaient remarquer, non seulement par la vigueur de la composition, mais par une plus grande profondeur et par plus de sérieux dans la pensée.

Du côté des partisans du Réveil, dans la Compagnie, il faut noter Gaussen, Diodati et Coulin, chapelain de l’hôpital.

Evidemment, la situation n’était plus la même qu’en 1817. De part et d’autre, les convictions étaient plus arrêtées, les positions mieux assises.

Aussi l’Église du Bourg-de-Four, retirée de la scène bruyante des premières luttes, écrasée dédaigneusement par la Compagnie sous l’épithète de « méthodiste », ne portait-elle à celle-ci aucun ombrage.

Toutefois, ce n’était pas seulement à la surface qu’il fallait regarder, mais au fonds des choses. L’attitude non équivoque de la Compagnie, son opposition à tout élément pieux et vivant dans l’Église, ses querelles et procès avec Malan et avec Bost lui avaient fait plus de tort qu’elle n’était disposée à le croire. On avait réfléchi, dans la masse du public ; on avait médité sur l’acquittement de Bost ; on avait lu les pièces, brochures, documents, publiés depuis 1817, et, grâce au travail silencieux que l’historien n’aperçoit que lorsqu’il a porté ses fruits et produit ses résultats, la situation n’était plus la même. Les principes évangéliques avaient recruté des adhérents dans tous les pays de langue française. Les classes élevées, le monde de la science et de la pensée voyaient leurs rangs s’ouvrir aux influences du Réveil.

Une seconde période commence alors, différente par certains côtés de la première, lui ressemblant par d’autres.

Elle débute tout au moins de la même manière, par une lutte avec la Compagnie, lutte qui aboutit à la fondation de la Société évangélique.

Ce fut un incident, minime en apparence, qui engagea les hostilités.

En 1821, s’était formée à Genève, sous les auspices de Gaussen, de Coulin et de Diodati, une Société des missions, en relations avec celle de Bâle. Elle remplaçait une société du même genre fondée par l’Église du Bourg-de-Four en 1819. Des témoignages de sympathie nombreux lui avaient été donnés à Genève, et, somme toute, l’œuvre était en excellente voie.

Il est facile de supposer dans quel esprit elle avait été établie et à quelle tendance appartenaient les membres de son Comité.

Or, en 1828, désirant célébrer une fête dans l’un des temples, on crut bon, afin d’avoir l’assentiment indispensable de la Compagnie, d’adjoindre à ce Comité un ou deux pasteurs de la tendance opposée. Gaussen et quelques-uns de ses amis, désapprouvant cette mesure, se retirèrent alors, et furent remplacés par quatre pasteurs appartenant plus ou moins franchement au parti antiévangélique. Depuis lors, il est vrai, la Compagnie se mit à protéger la Société, et institua même bientôt une réunion mensuelle consacrée aux missions. Un autre membre du Comité primitif donna encore sa démission, parce qu’on refusa d’accorder la parole aux dissidents dans l’assemblée générale.

L’ère des difficultés se rouvrait ainsi et cette fois c’était Gaussen qui allait être le principal adversaire de la Compagnie.

D’ailleurs, depuis qu’il avait publié la « Confession helvétique, » il n’avait eu que des rapports d’opposition avec la majorité de ses collègues. Il assistait très rarement aux séances de la Compagnie, ne donnait sa voix qu’à des pasteurs orthodoxes, et entretenait des relations fraternelles avec les dissidents.

En 1827, il avait abandonné le catéchisme officiel de l’Église, le remplaçant par des questions et des réponses lesquelles étaient exclusivement des passages de l’Écriture. En 1830, il le laissa absolument de côté, aussi bien dans l’école que dans l’enseignement public des enfants, et y substitua une instruction purement biblique. Il en avertit d’ailleurs la Compagnie.

Celle-ci, en automne 1830, au grabeau annuel, dans lequel les pasteurs exerçaient mutuellement la censure les uns sur les autres, interrogea Gaussen sur les raisons qui l’avaient poussé à briser ainsi l’ordre établi dans l’Église.

Il répondit qu’il avait trouvé qu’on avait enlevé du catéchisme les quatre vérités fondamentales de l’Évangile : la divinité de Jésus-Christ, la chute morale de l’homme, la justification du pécheur par la foi au sang de Christ et la régénération par le Saint-Esprit. Il ajoutait que ce catéchisme était incompréhensible pour des enfants, que les pasteurs de la ville ne s’en servaient plus dans leurs instructions, et qu’on avait dispensé les ministres d’en faire usage dans les « catéchismes » publics.

Le modérateur déclara alors au pasteur de Satigny « que la Compagnie, convaincue des nombreux défauts de son catéchisme, s’occupait à le renouveler ; mais qu’en attendant qu’on l’eût ainsi corrigé, elle lui enjoignait d’en rétablir l’usage, et dans l’école de sa paroisse et dans ses propres instructions »a.

a – De Goltz, op. cit., p. 364.

Gaussen se réserva de répondre par écrit à cette sommation. Au bout d’un mois, il déclara que, quant à l’école et à ce que le régent devait y faire, il laissait à la Compagnie le soin d’y prendre telle disposition qu’elle jugerait convenable ; quant à son activité pastorale personnelle, il soutenait que la Compagnie outrepassait ses pouvoirs : il appuyait sa protestation par un mémoire dans lequel il montrait comme quoi la substitution de la Bible au catéchisme avait été à la fois son droit et son devoir.

La question était, en effet, clairement posée : d’abord, au point de vue constitutionnel et légal, l’Église de Genève était une Église presbytérienne, et une Église presbytérienne ne saurait subsister sans confession de foi ; d’autre part, elle était une Église nationale, et il ne fallait pas oublier que la discipline ecclésiastique de Calvin, sanctionnée encore en 1791 par le Conseil général, était pleinement subsistante en droit ; or, dans cette discipline, le catéchisme de Calvin est mis en avant comme le symbole de l’Église (la discipline ecclésiastique a pour but de tenir éloignées les opinions mauvaises et de conserver la doctrine dont nous avons un sommaire dans notre catéchisme). Si, depuis lors, il y avait eu quelques modifications apportées à cette manière de voir et d’agir, c’étaient purement et simplement des illégalités et des abus de pouvoir de la Compagnie ; et quoique, en 1788, le Conseil d’État eût approuvé après coup l’introduction de nouveaux catéchismes, cette introduction n’était pas légale, puisque ni le grand Conseil, ni le Conseil général n’avaient été consultés et n’avaient donné leur sanction. En réalité, le catéchisme de Calvin était donc le seul catéchisme légal de l’Église de Genève.

Mais supposons que ce point, inattaquable en droit, soit abandonné : quelle est, de l’aveu même de la Compagnie, la première règle de sa conduite actuelle, sinon la liberté d’examen ? Et alors, pourquoi interdire à un pasteur le bénéfice de ce principe ?

Gaussen enfermait donc la Compagnie dans un dilemme : ou l’on se plaçait sur le terrain du droit, et alors il fallait en revenir au catéchisme de Calvin, ou l’on admettait que les faits accomplis constituaient une sorte de prescription ; et comme ces faits avaient eu précisément pour principe la liberté d’examen, on ne pouvait refuser à Gaussen d’user à son tour d’une semblable liberté.

La Compagnie jugea ce mémoire absolument subversif de toute autorité légale, et on agita sérieusement la question de savoir si l’on ne casserait pas Gaussen de ses fonctions de pasteur. Si l’on accueillait ses prétentions, n’allait-on pas introduire l’anarchie dans l’Église ?

Au fond, c’était la même question que celle qui s’était posée en 1817, et le conflit était aussi insoluble qu’alors. Là où Gaussen voyait une affaire de doctrine, la Compagnie s’obstinait à ne voir qu’une question d’ordre extérieur. Elle ne prétendait pas empêcher Gaussen de professer ses convictions religieuses, mais elle soutenait que le catéchisme n’était ni un symbole ni une confession de foi. On ne pouvait donc en appeler, pour en supprimer l’usage, à la liberté d’examen. C’est ainsi qu’elle espérait sortir de l’alternative où l’enfermait le pasteur de Satigny : ou notre Église possède un texte officiel de sa doctrine, et, dans ce cas, c’est le catéchisme de Calvin ; ou elle n’en possède pas, et alors on ne saurait imposer à personne le catéchisme de la Compagnie.

Bientôt les attaques par la voie des journaux reprirent de plus belle. Le Journal de Genève publia des articles très violents contre Gaussen et demanda sa destitution : il n’était pas difficile de deviner l’origine directe ou indirecte de ces articles, puisqu’on y racontait tout au long ce qui s’était dit contre Gaussen dans le sein même de la Compagnie. On essayait aussi de montrer que l’abolition des symboles était parfaitement légale ; à quoi répondit un ami de Gaussen en publiant simplement des documents historiques tirés des « Actes » mêmes du Conseil d’État, qui attestaient que l’autorité des symboles était loin d’être abolie légalement.

[Examen de quelques assertions du Journal de Genève relatives à M. le pasteur Gaussen. Brochure de 16 pages in-8°. Genève, 9 décembre 1830. (Ce sont des extraits des Registres du Petit Conseil qui montrent que des catéchismes contenant ; des modifications dogmatiques au catéchisme de Calvin, et imprimés sans l’approbation des trois conseils, ont été supprimés.)]

Gaussen jugea bon, de son côté, d’éclairer sa paroisse sur les accusations dont il était l’objet, et il adressa à son Église une lettre qu’il communiqua à la Compagnie. Le résultat de cette lettre fut que, sans qu’il s’en mêlât et même sans qu’il en eût auparavant connaissance, la Compagnie reçut une adresse signée de presque tous les pères de famille de Satigny, dans laquelle ceux-ci déclaraient qu’ils étaient absolument satisfaits de l’instruction religieuse que donnait leur pasteur et qu’ils ne pouvaient qu’y applaudir, en voyant lès bons résultats dont cette instruction était accompagnée chez leurs enfants.

La Compagnie comprit alors qu’il fallait faire quelques concessions et elle expliqua sa première décision en ce sens : que les enfants de Satigny devaient apprendre le catéchisme de la Compagnie : 1° dans l’école ; 2° dans le catéchisme du dimanche. Quant à l’instruction religieuse, tout ce qu’elle exigeait encore, c’était qu’on y prît, pour sujet de l’enseignement du jour, la portion du catéchisme qui venait d’être récitée à l’école. En fait, toute liberté était ainsi laissée à Gaussen soit pour son école du dimanche, soit pour l’instruction de ses catéchumènes ; c’était le régent, et non le pasteur, qui devait faire réciter le catéchisme soit à l’école, soit à l’instruction publique du dimanche ; pour le catéchisme du dimanche lui-même, Gaussen n’était astreint qu’à suivre le plan, et non le texte, du manuel officiel.

Mais la Compagnie demandait à Gaussen de retirer son mémoire, et déclarait que tous les points du décret rendu par elle demeureraient inséparables les uns des autres.

Gaussen refusa, par raison de dignité pastorale, de retirer sa lettre ; la Compagnie ne céda pas non plus : des négociations réitérées n’amenèrent aucun résultat.

La Compagnie se décida alors à prendre des mesures disciplinaires. La majorité de la commission chargée du rapport proposa la destitution. Après de longs débats, on décida que Gaussen serait seulement exclu des séances de la Compagnie pendant une année. Quant au catéchisme, celle-ci donna elle-même au régent de Satigny l’ordre de le faire apprendre et réciter. Mais sans que Gaussen de nouveau y ait eu aucune part, les parents refusèrent d’envoyer leurs enfants au régent, et, pendant deux mois, des cent vingt enfants de la paroisse, il ne s’en présenta que trois pour apprendre le catéchisme.

Cette lutte était infiniment plus grave que la première : l’attaque venait d’un membre de la Compagnie, entouré de la considération générale ; les amis du Réveil devenaient de plus en plus nombreux dans les classes supérieures de la société ; par suite des mesures prises par la Compagnie contre Gaussen, deux de ses amis avaient encore quitté le comité de la Société des missions.

Les anciens membres de ce comité, réunis à quelques hommes appartenant aux familles les plus honorables de l’aristocratie genevoise, lesquels étaient décidés à appuyer du secours de leur nom, de leurs moyens, de leurs lumières et de leur expérience, l’œuvre de la dissémination de l’Évangile, s’assemblèrent alors autour du pasteur de Satigny, et, peu à peu, vers la fin de 1830, on arriva à la décision de former, dans le sein même de l’Église, une Société évangélique telle qu’il en existait déjà dans d’autres portions de la Suisse française.

Le premier point qui nous frappe, c’est qu’il ne s’agissait pas de fonder une Église séparée : au début, on n’avait en vue que la reconstitution de l’ancien comité de la Société des missions et la dissémination des Traités et des Écritures ; mais, au bout de peu de temps, la prédication des vérités évangéliques à Genève fut mise au premier rang des préoccupations de la nouvelle Société.

Une déclaration, par laquelle la résolution de fonder une Société évangélique était publiquement annoncée, fut publiée le 24 janvier 1831 et signée de neuf personnes, parmi lesquelles deux membres du clergé genevois, Gaussen et Galland ; les sept autres appartenaient aux premières familles de la République, et, dans leur nombre, il s’en trouvait quatre qui étaient membres du Conseil représentatif.

On établit bientôt des assemblées d’édification, qui se tenaient, le dimanche soir, dans la maison de Gaussen ; ce local ne tarda pas à devenir trop petit. La Société loua alors un lieu de culte rue des Chanoines, où l’on institua une prédication du soir régulière, d’abord chaque dimanche, et bientôt aussi le jeudi, à des heures différentes de celles du culte public. A côté de ces services, on établit, le premier lundi du mois, une séance de missions ; on ouvrit une école du dimanche, dans laquelle, au bout d’une année, le nombre des enfants s’accrut de vingt-six jusqu’à cent. On fonda aussi une école de jeunes filles établie sur des principes évangéliques. Enfin, le nombre des auditeurs du culte fut bientôt si considérable que l’on songea à bâtir une chapelle.

La Compagnie songea alors à sa défense : la majorité de ses membres considérait, en effet, l’Église nationale comme directement attaquée par l’établissement de la Société évangélique. On ne pouvait plus en appeler au gouvernement, ses principes consacrant à présent la liberté religieuse la plus entière : il fallait donc combattre avec les seules armes spirituelles.

On fonda un journal, le Protestant de Genève, paraissant tous les quinze jours, à partir de juin 1831, et auquel collaborèrent tous les professeurs, à l’exception de Duby, et une grande partie des pasteurs.

Comme programme, le Protestant professait ouvertement l’intention de combattre, par tous les moyens, le méthodisme et ses entreprises. Comme principes, on posait d’abord celui « d’avancer le règne de la liberté religieuse, » de « combattre les efforts de l’exclusivisme… — Le christianisme, y était-il dit, est la religion de la liberté ! … Les chrétiens peuvent réclamer le droit d’examiner toutes choses… La Réforme doit faire aujourd’hui un pas de plus…, et la tâche de notre époque est dans ce grand fait, que les pasteurs de Genève ont admis et proclamé les premiers, la variété des doctrines comme compatible avec l’unité de l’Église et avec celle de la discipline. » En outre, le Protestant se proposait de chercher à intéresser toujours davantage les laïques aux affaires ecclésiastiques et annonçait aussi la publication de fragments de pure édification.

En somme, ce qui était écrit sur le drapeau du Protestant, c’était la liberté illimitée d’enseignement dans l’Église. Par contre, on s’efforçait de confondre les partisans du Réveil avec les théologiens dogmatistes du dix-septième siècle : on insérait des anecdotes tirées de l’histoire de cette époque et tendant à mettre dans tout leur jour les dangers et les excès du dogmatisme. Jusque dans les méditations et dans les articles d’édification, on revenait sur cette pensée fondamentale que le protestantisme ne saurait admettre l’autorité de dogmes positifs. Le piétisme allemand y était défini comme une tendance mystique produisant l’exaltation et quelquefois le fanatisme.

D’autre part, la Compagnie accordait une importance toujours plus grande à ce qui touchait la constitution de l’Église. Elle modifia légèrement sa propre organisation, en conférant à ses modérateurs une présidence d’une année, tandis que, jusqu’alors, la présidence avait changé toutes les semaines. Aujourd’hui, disaient les considérants de la décision, aujourd’hui que, dans tous les corps, le principe de l’individualité et de l’indépendance tend à dominer, il est urgent de recourir aux moyens de force et de concentration qui assurent le maintien de la discipline. La Compagnie ne veut point de confession de foi, point de violence aux consciences : elle cherche sa force dans les mesures disciplinaires d’ordre et d’unité, en même temps que dans les améliorations du culte et les encouragements à la piétéb. »

bLe Protestant de Genève, I, p. 38.

Des réformes furent en effet proposées, la fondation d’une « association protestante » qui aurait eu pour but de concourir, par des secours pécuniaires, à l’établissement d’Églises nouvelles, à la création de concours et de prix, pour donner plus de vie aux études scientifiques, — l’institution, demandée au gouvernement, du grade de docteur en théologie, — l’établissement d’un culte le soir pour le dimanchec.

c – On se rappelle qu’autrefois on avait violemment attaqué les dissidents précisément à cause de leurs réunions tenues après le coucher du soleil.

Cependant, la Compagnie se voyait enlever certaines de ses prérogatives : c’est ainsi qu’on la priva de la direction supérieure de l’instruction publique, qui fut confiée désormais aux soins d’un corps académique spécial. L’autoritarisme de la Compagnie ne trouvait plus en effet des volontés prêtes à se soumettre, comme dans les premières années du siècle ; son langage cassant déplaisait à beaucoup.

On le comprit, et, pour obvier à l’avenir à de semblables accusations, le Protestant se mit à insister sur la nécessité de donner aux laïques une plus grande part d’activité dans la vie de l’Église et de les faire concourir avec les pasteurs à l’édification du troupeau. En réalité, ce prétendu relèvement de l’élément laïque consistait, non dans une participation à la direction de l’Église, mais dans un appui moral donné aux pasteurs par la piété, la vie chrétienne, les bons exemples des anciens. Plus que jamais, la Compagnie gardait avec jalousie ses privilèges et demeurait cléricale.

Vis-à-vis de la Société évangélique, le Protestant se livrait à des attaques directes, soutenant que l’orthodoxie avait conservé au sein de l’Église nationale toute sa liberté, et que si l’on s’opposait au méthodisme anglais, ce n’était qu’à cause de son prosélytisme orgueilleux et indiscret. En fait, de 1819 à 1829, on n’avait nommé que deux pasteurs orthodoxes (l’un pour l’hôpital et l’autre pour les prisons), tandis qu’il y avait eu une vingtaine de nominations dans le sens opposé.

Notons enfin que la Compagnie avait commencé la révision de la traduction de la Bible et celle du catéchisme.

Les choses en étaient là, lorsqu’un incident fit faire un pas de plus au mouvement évangélique. Ce fut la publication du cours de Chenevière, en 1831. Dans le premier de ces « Essais, » le professeur examinait le système théologique de la Trinité ; dans le second, la doctrine du péché originel ; dans le troisième, l’usage de la raison dans les choses de la foi et l’autorité des confessions de foi dans l’Église réformée. Dans les années qui suivirent, il ajouta à ces premières études d’autres morceaux sur les points principaux de la doctrine chrétienne. On comprend le sens dans lequel ces essais étaient conçus.

Le parti de la majorité de la Compagnie se décidait donc à préciser ses opinions et à les avouer.

Comme réponse, la Société évangélique résolut de fonder une École de théologie.

A peine le comité eut-il pris cette décision, qu’un de ses membres mit pour cet objet la somme de 10 000 francs à sa disposition. On put donc commencer tout de suite à exécuter le plan qui venait d’être formé.

La situation était très grave, et l’on sentait le besoin de faire appel aux hommes les plus marquants du parti évangélique, afin de pouvoir lutter efficacement contre la Compagnie.

On s’adressa d’abord à Merle d’Aubigné, qui en 1830 se trouvait, comme prédicateur, à la cour du roi des Belges : il accepta immédiatement la vocation de la Société.

[Merle d’Aubigné était né aux Eaux-Vives, près Genève, le 16 août 1794. Il fit d’excellentes études à l’Académie de cette ville ; devenu ministre du saint Évangile, le 3 juillet 1817, il partit pour l’Allemagne, où il fut, pendant cinq ans, pasteur de l’église française de Hambourg. Le 21 octobre 1823, il fut appelé à Bruxelles comme chapelain du roi des Pays-Bas, et y remplit

en même temps les fonctions de président du Consistoire des églises française et allemande.]

On écrivit ensuite à Adolphe Monod, qui était justement alors sur le point d’être destitué par le consistoire de Lyon. Il vint passer quelques jours à Genève, prêcha à Satigny, au Bourg-de-Four, à la rue des Chanoines, mais crut qu’il était de son devoir de ne pas priver de ses soins pastoraux les fidèles de Lyon qui venaient, à cause de lui, de quitter l’Église nationale.

On adressa alors vocation à Vinet, professeur de littérature française à Bâle. Voici ce qu’il répondit : « Il vous faut pour cette lutte (car c’en est une) des hommes forts, des hommes préparés, des hommes qui joignent à la vertu la science ; il vous faut des théologiens, des savants, armés de toutes pièces, suffisant non seulement pour une sphère assignée, mais pour une foule de besoins et de circonstances qu’on ne saurait prévoir. Je ne suis point cet homme-là : mes forces intellectuelles et physiques sont au-dessous de ces conditions. Mais il vous faut surtout des hommes de foi, des chrétiens complets, des serviteurs éprouvés. Oh ! cherchez-les ailleurs ! Vous ne savez pas que celui que vous appelez à votre sainte guerre est à peine un chrétien commencé : qu’il y a dans sa foi et surtout dans sa vie de profondes lacunes ; qu’il ne marche pas, qu’il chancelle ; qu’il ne parle pas, qu’il balbutie ; qu’il ne veut pas, mais seulement qu’il voudrait. Il lui en coûte de se développer ainsi à vos regards ; mais voudriez-vous que dans une œuvre où il faut de la décision, de l’énergie, une couleur franche, il vous affligeât par sa faiblesse, vous retardât par ses lenteurs, ou que, pour paraître un avec vous, il se prescrivit un langage qu’il peut admirer en vous, qu’il vous envie, mais qui serait pour à présent une expression exagérée, et, par conséquent, infidèle de sa vie intérieure ? Ne versez pas cette eau insipide dans le vin que vous avez pressé ; cherchez de plus dignes compagnons d’œuvre… Vous en jugeriez encore mieux peut-être par les sermons que je fais imprimer et que je voudrais déjà pouvoir mettre sous vos yeux. Vous y reconnaîtriez un homme gravissant avec la foule les degrés du temple, se retournant pour inviter à le suivre ceux qui tardent encore, et ne connaissant encore du sanctuaire qu’un peu de lumière et de parfum que la porte entr’ouverte a laissés s’échapper jusqu’à lui. C’est en sincérité de cœur et devant Dieu que je déclare mon incapacité. J’ose vous assurer que ce ne sont pas des vues humaines qui déterminent mon refus. Encore moins y a-t-il dans ce refus un signe d’indifférence pour votre œuvre ; personne ne l’a saluée à son apparition avec plus d’espéranced ».

dExtrait de l’assemblée générale de la Société évangélique, 25e rapport, 1856, p. 127. Compte rendu du jubilé de 25 ans.

On regarda alors vers l’Allemagne, et grâce à l’entremise de Tholuck et d’Hengstenberg, on réussit à s’adjoindre Steiger pour l’exégèse du Nouveau Testament, et Hævernick pour celle de l’Ancien.

Merle d’Aubigné se chargea de l’histoire ecclésiastique, Galland de la théologie pratique, et Gaussen fit espérer qu’il dirigerait l’enseignement de la dogmatique.

En septembre 1831, la Société évangélique publia son projet dans une Communication respectueuse à Messieurs les syndics et Conseil d’État de la république de Genève, et aux citoyens protestants de ce canton, sur l’établissement d’une École de théologie évangélique dans l’Église de Genève ; elle publia aussi une lettre intitulée : La Société évangélique de Genève aux Églises, aux Universités et à tous les fidèles de la chrétienté protestante.

Une décision si grave ne pouvait laisser la Compagnie indifférente. Elle aurait infiniment préféré que Gaussen se détachât lui-même ouvertement de l’Église nationale : elle avait déjà fait l’expérience, avec l’Église du Bourg-de-Four, de la tranquillité qu’elle avait à gagner à de semblables séparations. Ces Églises indépendantes recrutaient bien des adhérents pendant quelque temps, mais bientôt leurs progrès s’arrêtaient. Gaussen, au contraire, qui défendait la cause de l’orthodoxie, tout en restant dans l’Église nationale, pouvait étendre son, action beaucoup plus loin que s’il s’en était séparé.

Mais la Compagnie allait se considérer comme forcée d’agir disciplinairement. A l’occasion d’une lettre par laquelle Gaussen, Galland et Merle d’Aubigné lui donnaient communication de leurs projets, elle résolut de proposer au Consistoire, à l’égard de Gaussen, le rappel de sa charge de pasteur à Satigny, et à l’égard de tous les trois, la suspension des fonctions ecclésiastiques. Elle motivait sa proposition sur ce fait, que la fondation d’une École de théologie était une attaque directe et offensante contre le gouvernement actuel de l’Église et contre sa propre autorité. Il était impossible, disait-elle, qu’aucune autorité subsistât dès que l’on permettait que ses « fonctionnaires » déversassent publiquement sur elle le mépris. Une telle infraction à leurs devoirs, de la part de « fonctionnaires publics », rendait leur cassation chose absolument indispensable.

Le consistoire décréta la démission forcée, puis soumit sa décision à la sanction du Conseil d’État.

Gaussen fut interrogé par ce Conseil, et l’on y fit des deux mémoires qu’il présenta l’objet d’une discussion approfondiee.

e – Voir Mémoires adressés au Conseil d’État de la République de Genève, par M. Gaussen. Genève, 1832.

Dans le premier mémoire, Gaussen examine la question de droit. Il prouve de trois manières la nullité de la décision prise contre lui : le tribunal qui l’a condamné n’était pas compétent ; son mode de procédure était illégal ; les motifs qu’il a allégués, illusoires.

Gaussen montre d’abord que la position prise par la Compagnie est contraire aux institutions fondamentales de Genève elle-même. D’après la constitution, l’attribut de la Compagnie consiste dans son initiative ; celui du consistoire, dans son office de rapporteur ; le Conseil d’État seul a le droit de prononcer un jugement. Dans le cas actuel, au contraire, c’est la Compagnie qui prononce le jugement ; c’est le consistoire, un dans le fond avec la Compagnie, qui formule un décret d’après ce jugement, en sorte qu’il ne reste plus au gouvernement que la seule fonction exécutive. En même temps, Gaussen fait ressortir l’injustice qu’il y a à ce que l’accusateur soit aussi le juge.

Quant à la procédure, il se plaint de ce que la Compagnie a pris sa décision sans l’avoir entendu, et même sans lui en avoir donné connaissance. Bien plus, il remarque que le consistoire, lors de sa comparution, s’est contenté de lui demander si ceux dont il s’agissait avaient réellement signé les deux adresses ; puis il avait estimé que l’interrogatoire était par là complètement terminé. Ce n’était que sur la demande expresse des accusés qu’il leur avait été accordé communication des motifs du décret rendu contre eux, et qu’on avait consenti à écouter ce qu’ils avaient à répliquer à cet égard. Pendant cet interrogatoire, Gaussen avait demandé si, comme il l’avait appris par la voie des journaux, il était vrai que la Compagnie eût décrété de proposer sa démission. Après quelques réponses évasives, on avait avoué ce fait, mais on s’était refusé, malgré les instances de Gaussen, à donner connaissance de l’acte d’accusation, alléguant que le consistoire n’était pas un tribunal, et que, dans le cas présent, il n’agissait absolument que comme autorité administrative. En vain les trois accusés avaient-ils protesté contre la manière dont on procédait à leur égard.

Après avoir ainsi discuté la procédure, Gaussen passe à l’exposé des motifs du jugement. Il prouve que ce jugement ne repose sur aucune loi existante ; que, bien au contraire, dans le cas où une loi quelconque devrait être appliquée ; dans le cas où la majorité, essentiellement flottante, de la Compagnie à telle ou telle époque cesserait de vouloir être regardée comme la seule loi de l’Église de Genève ; dans le cas où une loi arriverait à remplacer le caprice de l’autorité administrative, il se trouverait que lui, Gaussen, était demeuré dans les plus strictes limites du droit. Il concluait en déclarant que lui et ses amis étaient de fait les véritables représentants de l’Église de Genève.

Dans son second mémoire, Gaussen traite la question à un point de vue plus élevé. Voici comment Vinet résume l’argumentation de ce document : « 1° La Bible, l’histoire et l’état actuel des Églises attestent également que le dogme de la divinité de Jésus-Christ est inséparable du christianisme ; 2° La divinité du Sauveur étant publiquement combattue dans la chaire théologique de Genève, il fallait réparer les effets du mal ; 3° Nos institutions ont confié plus spécialement ce devoir à deux classes de personnes : les magistrats et les ministres ; 4° La Société évangélique a mis en usage le moyen le plus convenable de maintenir, dans l’Église de Genève, des doctrines pour lesquelles nos chaires de théologie ont été fondées. — Conclusion : le Conseil d’État, par la sentence qu’il va porter sur ces faits, décidera si l’Église de Genève est orthodoxe, ou libre, ou ariennef. »

f – Vinet, Liberté religieuse et questions ecclésiastiques, p. 118.

Le Conseil d’État fit sentir à la Compagnie qu’elle avait empiété sur ses pouvoirs. Il abandonna au consistoire, comme étant de son ressort, la question de la suspension de Gaussen, de Galland et de Merle d’Aubigné ; quant à ce qui concernait la démission forcée de Gaussen de sa charge de pasteur à Satigny, il n’admit le décret qu’avait formulé le consistoire qu’à titre de préavis, et, en décernant cette mesure de sa propre autorité, il la motiva par le fait que Gaussen contribuait à l’institution d’un culte libre, et qu’il avait pris part à la fondation d’une école de théologie ; manière d’agir, disait-il, qui était incompatible avec la paix de l’Église, et qui devait être regardée comme un acte d’insubordination tendant à déconsidérer l’autorité ecclésiastique.

Le Protestant de Genève, qui s’était beaucoup occupé, ainsi que les autres journaux, de cette lutte, triompha donc, et cela d’autant plus qu’on avait toujours ignoré quelle serait la décision du gouvernement.

La destitution de Gaussen fut prononcée par le Conseil d’État, le 30 novembre 1831.

Son successeur à Satigny, M. le pasteur Humbert, fut installé dans sa paroisse le 18 décembre, au milieu d’un concours de pasteurs inaccoutumé en pareille circonstance. Au-dessus de la porte de la cure, ornée de couronnes et de guirlandes, était suspendue cette inscription : Restauration de l’Église nationale dans la paroisse de Satigny. Le Journal de Genève attribua cette indignité aux paroissiens de Satigny. Cela n’était pas : elle ne pouvait être l’œuvre que de quelques individus aussi étrangers à l’Évangile qu’aux sentiments les plus communs de décence sociale…

Le Protestant de Genève avait annoncé en ces termes la cérémonie du 18 décembre : « L’installation se fera le 18 décembre, et des voix amies seront entendues de nouveau dans cette chaire d’où elles se voyaient exclues depuis plusieurs années. » (Archives du Christianisme, 1er janvier 1832, p. 29 et suiv.).

Voir : Lettres de M. le pasteur Gaussen à la vénérable Compagnie des pasteurs de Genève, broch. de xv et 93 pages in-8°. Genève, 1831.

Exposé historique des discussions élevées entre la Compagnie des pasteurs de Genève et M. Gaussen, l’un de ses membres, à l’occasion d’un point de discipline ecclésiastique, adressé par la Compagnie à l’Église de Genève, et accompagné de pièces justificatives. Genève, chez Cherbuliez ; Paris, même maison.

Mémoires adressés au Conseil d’État de la République de Genève par M. Gaussen. 122 pages in-8°. Genève, 1832.

Archives du Christianisme : 1er décembre 1831, p. 561 ; 1er janvier 1832, p. 29 ; 1er décembre 1830, p. 559 ; 1er novembre 1831, p. 514 ; 1er octobre 1831, p. 433 ; 1er février 1831, p. 92 ; 1er mars 1831 ; 1er juin 1831, p. 274 ; 1er juillet 1831, p. 308, 326 et 327.

Mais les amis de la Société évangélique ne furent pas découragés par cette défaite : « La joie des adversaires de M. Gaussen, écrivait Vinet, est mélancolique ; la tristesse de ses amis rayonne d’espérance. Tous conviennent que la destitution d’un tel homme et l’interdiction des deux hommes distingués qui sont frappés avec lui, n’est qu’un simple déplacement, qu’elle ne fait que leur ouvrir une autre sphère d’activité ; que les institutions nationales avaient plus besoin d’eux qu’ils n’avaient besoin d’elles, et que leur puissance individuelle est un foyer dont l’action ne peut qu’augmenter dans la position isolée et indépendante qu’on vient de leur assignerg. »

g – Vinet, Liberté et questions ecclésiastiques, p. 94.

Entre cette seconde phase de la lutte et la première, il y a à la fois des ressemblances et des contrastes.

Comme, en 1817, les deux partis en présence parlaient un langage différent : la Compagnie s’efforçait de ramener le conflit à une question disciplinaire, à une atteinte portée à l’ordre extérieur, à l’autorité administrative qu’elle gardait avec un soin jaloux. Gaussen et ses amis voyaient, au contraire, dans les questions en jeu des questions vitales pour l’Église, des questions dogmatiques sur lesquelles il n’était pas possible de transiger ou de se taire.

Mais, d’autre part, la Compagnie faisait des concessions qu’elle n’avait pas accordées à Malan ; par exemple, au sujet du catéchisme, elle laissait Gaussen libre d’en abandonner le texte, pourvu qu’il en conservât le plan. On ne prétendait pas entraver, comme on l’avait fait en 1817, la libre profession des doctrines dans l’Église : on ne voulait, somme toute, que le maintien de l’autorité ecclésiastique.

Mais alors, sous cette question purement formelle, il y avait une opposition de plus en plus avouée aux doctrines elles-mêmes. Sans vouloir publier de confession de foi, la Compagnie ne protestait pas contre le reproche d’arianisme, et la publication des leçons de théologie de Chenevière était comme une sorte de manifeste de la majorité de ses collègues.

La question était ainsi posée sur son véritable terrain, et Gaussen était pleinement dans son droit lorsqu’il revendiquait, pour lui et ses amis, l’héritage dogmatique de la Réformation.

« On a souvent répété, écrivait-il dans le cours de ce différend, que, suivant les résolutions par lesquelles on y mettrait un terme, c’était, pour notre église nationale, une question de vie ou de mort. — On disait vrai, sans doute ; mais dans quel sens ? — Ce n’est pas dans la discipline qu’est la vie d’une Église, parce que ce n’est pas dans la discipline qu’est son âme. — L’âme d’une Église est tout entière dans la vérité qui l’unit à Jésus-Christ. Jésus-Christ est sa tête, et c’est Jésus-Christ qui est sa vie.

L’Église existe ou n’existe pas, suivant qu’on y adore ou qu’on n’y adore pas Celui que « tous les anges de Dieu adorent » dans le ciel ; — suivant que Jésus-Christ y est Dieu ou qu’il n’y est pas Dieu !

Et l’Église est debout, ou elle est renversée (c’est un mot de Luther), suivant qu’on y annonce ou qu’on n’y annonce pas que l’homme pécheur est sauvé par grâce, quand il croit à l’efficace du sang de la croix ; que « cela ne vient pas de nous ; » que « c’est un don de Dieu » Hic est, disait le réformateur allemand, hic est articulus stantis aut cadentis Ecclesiæh ! »

hLettres à la vénérable Compagnie, Avertissement, p. xiii.

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