La Résurrection de Jésus-Christ

1.2 — Témoignage des trois premiers Évangiles

Ces Évangiles nous semblent confirmer le témoignage de l’Évangile selon St. Jean, au moins dans l’ensemble de leur récit et dans plusieurs des nouveaux détails qui leur appartiennent exclusivement.

Quant à l’ensemble du récit, il est évidemment le même que celui du quatrième Évangile et nous pouvons par conséquent lui appliquer les mêmes considérations que nous venons d’exposer.

Quant aux détails, signalons :

Mais ces passages ne sont pas les seuls ; il en est d’autres qui, envisagés à part, conduiraient à une autre conclusion, et tels sont surtout les versets : Matthieu 26.17-20 ; Marc 14.12-18 ; Luc 22.7-16.

Or le premier jour des pains sans levain, dit Matthieu, — (Marc : Et le premier jour de la fête des pains sans levain, époque où l’on immolait la pâque ; Luc : Cependant le jour des pains sans levain arriva, dans lequel il fallait immoler la pâque) — les disciples vinrent à Jésus en disant : Où veux-tu que nous fassions les préparatifs pour que tu manges la pâque ? Et il dit : Allez dans la ville auprès d’un tel, et dites-lui : Le Maître dit : Mon temps est proche ; je vais faire la pâque chez toi avec mes disciples. Et les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit, et ils préparèrent la pâque. Or quand le soir fut venu, il était à table avec les douze.

Marc et Luc donnent plus de détails sur la manière dont les disciples devaient reconnaître l’hôte qui les recevrait : Allez à la ville, dit le Seigneur, et vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau, suivez-le, et où que ce soit qu’il entre, dites au chef de famille : Le Maître dit : Où est la chambre où je dois manger la pâque avec mes disciples ? Et lui-même vous montrera une grande salle à manger garnie de lits, toute prête ; faites-y les préparatifs pour nous.

Luc est seul à transmettre les remarquables paroles suivantes, adressées par le Seigneur à ses disciples, lorsque le moment du repas fut arrivé : J’ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant ma passion ; car je vous déclare que je n’en mangerai certainement plus, jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu.

Il semble bien ressortir de tous ces versets que le dernier repas de Jésus avec ses disciples eut lieu au commencement du 15 Nisan et que Jésus y mangea l’agneau pascal en même temps que tous ses compatriotes assemblés à Jérusalem. Et cependant cela ne suffit point pour nous convaincre que Jésus ne soit pas mort le 14, au moment où l’on immolait l’agneau. Cette indication nous paraît trop clairement donnée par l’Évangile selon St. Jean et par l’ensemble du récit des Synoptiques aussi bien que du quatrième Évangile.

Comment donc envisager ces versets ?

a) Malgré le sens qu’ils présentent au premier aspect, nous ne pensons pas qu’ils puissent être en contradiction réelle avec l’indication générale fournie par les Évangiles dont ils font partie. Indépendamment même de toute question d’inspiration, chacun de ces Évangiles nous apparaît trop comme une œuvre personnelle, toute empreinte de l’individualité de son auteur, et leurs auteurs sont trop bien au fait des idées et des coutumes répandues en Judée au temps du Seigneur Jésus, pour que nous puissions admettre une pareille contradiction.

b) Bien que jusqu’à présent ces versets ne nous semblent pas avoir été expliqués de manière à cadrer parfaitement avec les autres données des Évangiles, déjà cependant on peut approcher du but, si ce n’est l’atteindre.

Le premier jour des pains sans levain est incontestablement ici le 14 ; or comme ce jour, ainsi que tous les autres, commençait alors pour les Juifs avec le coucher du soleil, on peut admettre que lorsque les disciples dirent à Jésus : Où veux-tu que nous fassions les préparatifs pour que tu manges la pâque ? c’était proprement dans l’après-midi du 13, quelques heures avant que commençât réellement le 14 — Et cette hypothèse est d’autant plus plausible que la question des disciples semblerait bien tardive, si on la plaçait, comme le texte semble l’indiquer, près du moment où l’on immolait l’agneau. N’oublions pas la multitude qui se trouvait alors à Jérusalem et la difficulté d’y trouver des logements, si l’on ne s’y prenait d’avance.

Godet et Bleek relèvent également ce que Jésus fait dire à son futur hôte, d’après Matthieu 26.18 : Le Maître dit : Mon temps est proche : je vais faire (ou plus exactement encore : que je fasse) chez toi la pâque avec mes disciples, Jésus semblant ainsi justifier par la proximité de ses souffrances son intention d’anticiper d’un jour la fête pascale. La même justification peut se retrouver dans la parole de Jésus adressée à ses disciples au commencement du repas : J’ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant ma passion, car je vous déclare que je n’en mangerai certainement plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu (Luc 22.15-16).

Il est certain que le dernier repas que prit Jésus avec ses disciples fut un repas pascal, mais jusqu’à quel point le fut-il ? Voilà ce qu’il est difficile de préciser. L’agneau pascal fut-il mangé ? Peut-être, et alors on se le serait procuré de telle manière que nous ignorons ; certes Celui qui était le Maître, même du sabbat, pouvait bien, en ce moment suprême, se mettre au-dessus de la loi de Moïse en célébrant la pâque de l’Ancienne Alliance, sans se soumettre aux prescriptions rituelles dont la stricte observation l’aurait empêché de souffrir comme l’Agneau de Dieu, à l’heure fixée par la volonté du Père céleste — D’autre part, si les textes le permettent, nous ne craindrions pas d’admettre qu’il n’y eut point d’agneau pascal, mais mieux encore, à savoir la représentation symbolique par le pain et le vin de la sainte Cène du véritable Agneau préfiguré par l’agneau pascal. La sainte Cène aurait donc formé un seul tout avec la célébration de la pâque Israélite, suppléant admirablement à tout ce qu’il y aurait eu d’incomplet dans cette célébration.

Il vaut la peine de remarquer que dans ce qui est rapporté du dernier repas de Jésus avec ses disciples, il n’y a pas trace de pain sans levain, d’azymes, qu’il y est seulement question de pain, c’est-à-dire, semble-t-il, de pain ordinaire, de pain levé. Et cette remarque acquiert une nouvelle valeur lorsque nous apprenons que l’Église grecque employa toujours du pain levé pour la communion et que l’Église romaine elle-même ne se servit de pain sans levain que depuis le ixe siècle.

Reprenons encore les versets Luc 22.15-16. Nous serions disposé à les paraphraser ainsi : J’ai ardemment désiré de prendre part avec vous à ce repas pascal. Car je vous dis que je ne prendrai plus part à aucun de ces repas, jusqu’au repas pascal parfait, qui aura lieu au ciel dans le royaume de Dieu, ou : jusqu’à ce que la vraie Pâque, c’est-à-dire la Rédemption (dont la pâque juive n’était qu’une imparfaite image) soit accomplie dans le ciel. Jésus aurait dit alors à ses disciples non seulement qu’il ne célébrerait plus avec eux d’autre fête de Pâques sur la terre, mais encore qu’il n’achèverait pas même la célébration de la fête qui commençait. Il leur aurait dit que désormais il ne prendrait plus avec eux de repas pascal ni pendant cette fête, ni en en célébrant une autre — Cette interprétation est confirmée par les deux versets suivants, 17 et 18, qui semblent bien former le pendant des v. 15 et 16 : Puis, ayant pris une coupe, il dit, après avoir rendu grâces : Prenez ceci et distribuez-le entre vous, car je vous déclare que je ne boirai certainement plus désormais du produit de la vigne, jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu. Il est évident, en effet, que dans ces versets Jésus ne voulait pas dire seulement qu’il ne célébrerait plus d’autre fête de Pâques, mais bien que ce repas était le dernier qu’il prenait avec ses disciples.

Nous ne pouvons poursuivre davantage ces explications, et si elles ne nous satisfont pas complètement nous-même.

c) Nous espérons de l’avenir une solution plus satisfaisante. A un certain point de vue, l’étude historique de la vie de Jésus ne fait que commencer, et nous ne doutons pas que sur cette difficile question, comme sur beaucoup d’autres, une discussion loyale et approfondie ne produise en fin de compte plus de certitude et d’accord.

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