Histoire de la Réformation au temps de Calvin

Chapitre 11
Hardiesse des deux huguenots dans la prison et devant la cour de Lyon

(Mai à juin 1534)

7.11

Le Nouveau Testament dans le jardin de la prison – Débats – La procession et les rogations – Fausses dépositions – Tristesse de Janin – On cherche des dépositions plus concluantes – Enquête à Genève par M. de Simieux – Fierté de Baudichon devant la cour – Il est mis au secret – L’accusé prend ses juges à partie – Une résistance héroïque

Au milieu de ces dangers et de ces luttes, les huguenots ne pouvaient se consoler de l’emprisonnement de la Maisonneuve. Tant que l’intrépide capitaine des luthériens était menacé du dernier supplice, le triomphe des évangéliques ne pouvait être complet. On craignait généralement une fâcheuse issue, car Baudichon et Janin, loin de céder quelque chose à leurs adversaires, répandaient avec courage dans leur prison la connaissance de l’Évangile. Janin ne se gênait pas plus que s’il eût été dans les rues de Genève ; à la table du geôlier, dans les salles, les corridors, le jardin et ailleurs par les dites prisons, l’armurier faisait disputation concernant la foi. Rencontrant chaque jour un prêtre du diocèse du Mans, Jacques Desvaux, âgé de 28 ans, Janin l’avait pris à partie et voulait le convertir à l’Évangile. Il lui parlait des apôtres et des autres saints, et lui montrait qu’ils avaient tous enseigné des doctrines opposées à celles de Rome. Il faisait plus. Un jardin était attenant à la prison, et les prisonniers s’y promenaient à certaines heures. Un jour, peu avant la fête des Rogations, Janin s’y rendit, ayant à la main son Nouveau Testament français, et se mit à le lire. Sa lecture finie, il posa le livre, non sans dessein, sur un petit mur, et passa outre. Un prêtre, nommé Delay (il ne manquait pas d’ecclésiastiques dans la prison archiépiscopale) passant près de là, remarqua le livre, le prit et l’ayant ouvert, lut : Le Nouvel Testament. Un Testament en français ! Delay se mit à l’examiner ; un certain nombre de prisonniers, prêtres ou autres se groupèrent autour de lui ; il feuilletait le volume, il y cherchait la première épître de saint Jean « pour ce que ce jour-là, l’Église en faisait mention, » mais sans réussir à la trouvern.

n – Msc. du procès inquisitionnel de Lyon. Déposition Desvaux, p. 99, 100. Déposition Delay, p. 112, 113.

De la place du jardin où il s’était retiré, Janin voyait Delay chercher quelque chose ; s’approchant, il lui demanda ce qu’il voulait. Sur sa réponse, il prit le livre, trouva aussitôt l’épître (ces laïques de Genève connaissaient mieux leur Bible que les prêtres), et se mit à en lire à haute voix le premier chapitre, appuyant sur ces mots : Le sang de son Fils Jésus-Christ nous nettoie de tout péché. » Il s’arrêta et s’adressant aux prisonniers, leur expliqua ces paroles, et leur signala deux enseignements que jamais, disait-il, on ne pourrait mettre d’accord : celui de la Bible d’après lequel nous sommes nettoyés par le sang de Christ et celui de Rome selon lequel nous le sommes par nos œuvres méritoires. « Vous expliquez mal ce passage, s’écrièrent quelques-uns des assistants ; il ne faut pas suivre la lettre mais le sens moral. » C’est un argument qu’on a vu reparaître dans des temps plus modernes ; ces détenus, condamnés pour divers délits, réclamaient le sens moral. « Vous ne pouvez entendre cette épître, dit un prêtre ; puisque mêmement vous devez la lire en français. — Il faut bien que je la lise dans ma langue, répondit Janin, puisque je n’entends pas le latin. Dieu a commandé aux apôtres que son Évangile fût prêché à toute créature, — donc dans toutes les langues. — C’est vrai, répondirent les prêtres à Janin, Prœdicate Evangelium omni creaturœ ; mais il est aussi vrai que les bons chrétiens se retirent vers notre mère la sainte Eglise, pour ouïr l’explication de l’Écriture, par la voix de Messieurs les prêtres et docteurs qui en ce monde tiennent la place des apôtres. » Janin qui, tout en honorant le ministère spécial de la Parole, croyait fermement au sacerdoce universel enseigné par saint Pierreo, s’écria hardiment : « Je suis, moi, prêtre aussi bien qu’un autre et je puis bailler l’absolution ; Dieu nous a tous faits prêtres. Je puis dire les paroles sacramentelles, comme les autres prêtres. » Et selon ses dénonciateurs, il ajouta : « On peut, voire, les prononcer dans la maison, dans la cuisine. » Puis il se mit à dire à haute voix dans le jardin : Hoc est corpus meump. Janin était de ces natures aventureuses, qui, plus elles secouent leurs auditeurs, plus s’imaginent leur faire de bien. Du reste, les ministres, Farel, Viret et d’autres n’avaient pas de meilleur ami.

o – 1Pierre.2.9.

p – Msc. du procès inquisitionnel de Lyon. Déposition Devaux, p. 100 à 103. Déposition Delay, p. 114, 115, 124.

Les prisonniers qui l’écoutaient, voulant prolonger peut-être une dispute qui les amusait, relancèrent le huguenot. « La Vierge Marie…, dit l’un : Marie, dit aussitôt Janin, a été la plus noble femme qui ait jamais été au monde, pour autant qu’elle a porté en son sein celui qui nous a lavés de son sang. Mais on ne doit prier ni elle, ni les saints et saintes du paradis. — Et les prières pour les morts ? dit un autre. N’en est besoin, dit le Colonnier, car dès qu’ils sont décédés, ils sont ou sauvés, ou condamnés à perpétuité, et il n’y a pas de purgatoireq. »

q – Msc. du procès inquisitionnel de Lyon. Déposition Desvaux, p. 104, 105. Déposition Delay, p. 116, 117.

Le lundi 11 mai, la fête des Rogations offrait aux prisonniers un spectacle propre à rompre l’uniformité de leur vie ; ils se rendirent au jardin. Bientôt le bruit et la foule annoncèrent une procession magnifique, qui, partie de l’église de Saint-Jean, attenante à la prison archiépiscopale, y revenait alors. Les prêtres marchaient les premiers, portant des croix et des bannières, récitant des prières ou chantant des cantiques ; après eux venait le peuple. De la Maisonneuve et Janin dirent qu’un tel culte était un abus et qu’il eût mieux valu avoir baillé aux pauvres l’argent que ces belles bannières avaient coûté. La procession étant enfin rentrée dans l’église Saint-Jean, les chants, les cris, le bruit devinrent insupportables, même dans le jardin. Baudichon, (selon le témoignage de ses dénonciateurs) se retira en disant : « Ces gens sont-ils fous, enragés, ou pensent-ils que Dieu soit sourdr ? »

r – Msc. du procès inquisitionnel. Déposition Desvaux, p. 106, 107. Déposition Delay, p. 118, 119.

Le lendemain la fête continuait, et à l’heure du dîner, comme on était à table, on entendit des psalmodies ; c’était une nouvelle procession. « D’où viennent-ils ? » dit de la Maisonneuve ; la femme du geôlier répondit : « De l’église de Saint-Cler. — Et qu’ont-ils à y faire ? reprit Baudichon ; ont-ils été chercher Saint-Cler ? Ils ne le trouveront pas, ni Dieu avec, car ils sont en paradis ; et c’est grande folie de les aller chercher làs. »

sIbid., Déposition Galla, p. 148-151. Déposition de Gynieux dit Nego, p. 154-156.

Le 28 mai, les dépositions faites par des prisonniers sur les propos tenus le jour des Rogations, furent lues : « J’aimerais mieux être mis en pièces, dit de la Maisonneuve, que d’avoir dit les paroles contenues en cette dépositiont. » Et la cour ayant fait comparaître le prêtre Delay, celui-ci déclara qu’il maintenait l’essentiel, hormis les paroles attribuées à Baudichon. « Il a seulement dit, poursuivit-il, qu’il eût mieux valu bailler aux pauvres l’argent dont les bannières ont été achetées. Et ne lui ouïs dire les autres parolesu. »

tIbid., p. 121.

uIbid., p. 124.

Janin, qui avait été jusqu’alors le plus ardent des deux prisonniers, commençait à s’abattre, comme il arrive à de tels tempéraments. Sa condamnation à mort lui paraissait certaine ; et la pensée qu’il ne reverrait plus Genève l’accablait. Le jour de Pentecôte, un guichetier étant venu le chercher dans son crotton pour entendre une messe que les autres prisonniers faisaient dire, Janin loin de s’y refuser, ne donna pas durant le culte le moindre signe d’opposition ; il s’y comporta en bonne sorte, « ce qu’il n’avait accoutumé de faire auparavant, » dit l’un des assistants ; il en sortit, mais morne et silencieux. Au moment où l’on venait de le faire rentrer « dans sa petite chambrette, » de la Maisonneuve survint ; il connaissait l’état d’âme de son ami et désirait le relever. S’appuyant contre la porte de la cellule, il dit à Janin qui était déjà dedans : « Ne te soucie ; tiens bon et ne réponds rien. Il m’en coûtera plutôt cinq cents écus et beaucoup à Messieurs de Berne, avant que toi ou moi ayons aucun mal. Ces Messieurs ne souffriront pas qu’on nous fasse aucun déplaisirv. »

v – Msc. du procès inquisitionnel. Déposition de Billiet, p. 127 à 129. Déposition de Mochon, p. 130, 131.

Les alarmes de Janin n’étaient pourtant pas sans fondement ; les faux témoignages se multipliaient. Louis Joffrillet accusa de la Maisonneuve de lui avoir dit à la porte de la boutique de son maître, Manicier : « Va, si tu étais cheux nous, je te donnerais des reliques un cheval chargé, pour une douzaine d’aiguillettes… On vend les reliques à Genève sur le banc de la boucheriew. » A l’ouïe des paroles inconvenantes qui lui étaient prêtées, de la Maisonneuve s’écria : « Ce témoin n’est qu’un petit brigandeau, un larranneau, qui a menti. Je requiers qu’il soit détenu céans, et (ajouta-t-il, ce en grande colère) je le ferai pendre ! » Manicier, patron de Joffrillet, déclara qu’il n’était recors de tels propos et paroles de B. de la Maisonneuvex.

wIbid. Déposition de Joffrillet, p. 136, 137.

x – Il ne se rappelait pas qu’elles avaient été dites. (Msc. du procès inquisitionnel, p. 138,139.140. Déposition de Manicier, p. 144.)

Toutes ces dépositions, le courage de la Maisonneuve, la part que l’on prenait en haut lieu à sa cause agitaient toujours plus les esprits dans la seconde ville de France. C’était grand bruit dans Lyon de ces deux luthériens de Genèvey. » Les uns prenaient vivement leur parti ; les autres, qui les détestaient, s’attendaient de jour en jour à ce qu’ils fussent brûlés. Mais comme les deux protestants avaient de puissants protecteurs, on n’osait procéder contre eux sans charges suffisantes. Les chanoines de Saint-Jean envoyèrent à Genève un gentilhomme du Dauphiné, M. de Simieux, parent de l’un d’entre eux, afin de trouver quelque accusation capitale contre Baudichon. De Simieux descendit à la Corraterie, devant l’hôtel de la Grue, et entra aussitôt en conversation avec l’hôte, qui lui promit de lui faire faire la connaissance de gens de bien, dont il recevrait des informations exactes sur ce malheureux Baudichonz.

y – Froment, Gestes de Genève, p. 241.

zIbid. L’auberge de la Grue était, à ce qu’il semble, la maison qui fait un coin saillant, à gauche en venant du Rhône, avant le Musée.

En attendant, le gentilhomme se promenait en long et en large devant son logis. Il vit bientôt paraître quinze personnages, « des plus apparents de la ville, » qui le saluèrent et lui dirent : « Nous avons appris que vous venez de Lyon, est-il vrai que Baudichon est près d’être relâché ? » De Simieux demanda ce que ces Messieurs eux-mêmes pensaient du prisonnier. « Ah, dit l’un d’eux, s’il est relâché, moi et tous les catholiques de Genève, nous sommes toutellement perdus et ruinés. Les luthériens de cette ville, ses complices, ont préparé leur entreprise, et la seule chose qu’ils attendent pour la mettre à exécution, c’est le relâche de Baudichon. — Oui, oui, dirent tous les quinze, nous le savonsa ! »

a – Msc. du procès inquisitionnel, p. 194 à 196.

De Simieux demanda quelque fait. « Ah ! dit l’un des quinze, le jour de la fête de Dieu, comme la procession passait devant la maison de Baudichon, sa femme était près de la fenêtre avec sa chambrière, et elles filaient toutes deux leurs quenouilles. Madame de la Maisonneuve voyant défiler les prêtres tous en blanc, s’écria : « Voilà de belles chèvres !… » comme si des chèvres blanches, marchant deux à deux, eussent passé devant elleb. Ce propos de la femme ne suffisant pas pour brûler le mari, de Simieux demanda plus. « Il est notoire, lui dit-on, que le dit Baudichon est celui qui s’est le plus employé à réduire la ville de Genève aux hérésies luthériennes, que c’est lui qui a fait venir les prêcheurs, et que, s’il est relâché, chacun se rangera à sa croyancec. »

bIbid., p. 197, 198.

cIbid., p. 198, 200.

Tandis que cette conversation se tenait dans une rue solitaire, une entrevue officielle, tout autrement importante, avait lieu. Deux ambassadeurs du roi de France venaient d’arriver à Genève, et les syndics se rendant vers euxd, déclarèrent trouver fort étrange que Messieurs de Lyon prétendissent leur imposer la loi. Les ambassadeurs promirent d’en parler au roie.

d – On a demandé si ces deux ambassadeurs dont parlent les registres d’Etat du 10 juin n’étaient pas les deux ambassadeurs dont parlent les registres du 17 septembre, aussi à l’occasion de la captivité de M. de la Maisonneuve. Mais ce document officiel appelle les premiers Ambassadeurs du roi de France, et les seconds Ambassadeurs de Berne.

e – Registres du Conseil de Genève du 10 juin 1534.

Pendant ce temps l’affaire empirait à Lyon. Le jeudi matin, 18 juin, le marchand Florimond Pécoud assaisonna sa déposition de mots piquants qu’il attribuait faussement à Baudichon. « Lui ayant dit un jour que je venais de la messe, dit Pécoud, Baudichon m’a répondu : Et qu’avez-vous vu ?… Une tranche de rave… voilà toutf. » A ces mots, de la Maisonneuve indigné se leva et dit aux juges : « Je ne veux rien répondre, je n’ai que trop répondu ; » et il se mit en demeure de quitter la salle. « Nous vous sommons de demeurer, lui dirent les juges. » Mais de la Maisonneuve sortit. « Vraiment, dirent les juges en se regardant, il s’enfuit de notre présence. » Le geôlier envoyé vers lui, l’ayant sommé de revenir, il répondit fièrement : « Je ne suis pas à présent dispos, qu’on attende après dîner. » L’après-midi Baudichon reparut, mais sa colère n’était pas apaisée. « Je connais ce Pécoud, dit-il, il a trompé les marchands, il a fait banque route et sa femme et lui vivent de la débauche des autres. J’offre de prouver ce que dessus. »

f – De la Maisonneuve aurait comparé l’hostie à un morceau de rave, à ce qu’il y ade plus commun. (Msc. du procès inquisitionnel, p. 162.)

Le lendemain, scène non moins vive. De la Maisonneuve ayant contredit un témoin : « Je vous ordonne, dit le président, de vous asseoir sur cette sellette. — Je ne m’y assiérai pas, répondit le citoyen de Genève, je ne m’y suis que trop assis. » C’était trop pour les juges. Le procureur fiscal ordonna que Baudichon fût emmené et mis au secret ; nul ne devait plus lui parler. Le prisonnier fut donc reconduit et restreintg.

g – Msc. du procès inquisitionnel, p. 182 à 191.

Aussitôt la Cour multiplia les témoins à charge ; inutile de les nommer. De la Maisonneuve, toujours plus indigné, se contenta de dire : « Ce sont de faux témoins, apostés pour me faire mourirh. »

hIbid., p. 222 à 228.

Telle était bien l’intention de la Cour, et, vu la puissance des tribunaux ecclésiastiques, il semblait impossible que ce but ne fût pas atteint. De la Maisonneuve n’était pas encore prêt pour la mort. La connaissance qu’il avait de l’Évangile l’avait dépouillée à ses yeux de ses épouvantements, mais l’œuvre de sa vie n’était pas terminée ; la réformation de Genève n’était pas accomplie, il y avait encore à livrer de rudes combats pour la liberté. Il fallait à Genève un homme de résolution, qui lançât avec énergie la barque vers les rives fortunées qu’elle devait atteindre. Cet homme était de la Maisonneuve.

Voyant l’acharnement de ses adversaires, il demanda, le 1er juillet, que la Cour lui accordât un avocat. Les juges ne s’en souciaient pas ; la poursuite était déjà assez difficile. La matière n’y est sujette, dit le procureur fiscal, l’accusé doit répondre par sa bouche. Le dit Baudichon n’est homme ignorant, il est même prudent et astut en ses affairesi. »

i – Msc. du procès inquisitionnel, p. 246.

De la Maisonneuve pouvait, en effet, parler librement dans la droiture de son cœur ; mais une plaidoierie l’effrayait. Cependant, prévoyant le refus inique de ses juges, il s’était dit qu’il devait faire une protestation. Exhibant donc certains feuillets : « Ce papier, dit-il en les montrant, a été écrit de ma propre main ; je requiers qu’il soit inséré au présent procès, et je m’offre d’en faire lecture de mot à mot. » On le lui permit. Alors Baudichon, debout devant ses juges, son papier à la main, rappela le fait de son injuste captivité, qui durait depuis trois mois environ, insista sur ce qu’il était interdit aux juges de prendre connaissance de ce qu’il avait fait hors du royaume, et ajouta : « Je requiers que vous me fassiez prompte justice ; si vous vous y refusez, je vous prends à partie en vos propres noms, je réclame de vous mes dommages et intérêts, avec reparation d’injures… J’en appelle à Sa Majestéj. »

jIbid., p. 247 à 250.

Les vicaires généraux ne pouvaient en croire leurs oreilles. Quelle audace ! L’accusé prétend poursuivre les membres de la Cour, et ce sont ses juges qui doivent se défendre… N’étaient-ils pas les représentants de l’Église ? « Vous n’avez pas matière à vous doloir de votre longue détention, dirent-ils. Elle ne procède que de ce que vous avez refusé de nous répondre. Nous ne pouvons vous renvoyer aux syndics de Genève, vu qu’étant laïcs, ils n’ont aucune connaissance en semblable matière. Du reste le roi entend que vous répudiez touchant les délits commis par vous au royaume de France. » Puis accumulant les questions : « Etes-vous chrétien ? lui dirent-ils ; quelle est votre foi ? Croyez-vous en la sainte Église catholique ? Obéissez-vous à notre saint père le pape ? Nous sommes juges de votre foi et nous vous sommons de répondre, sous peine d’excommunication et autres peines de droit. — Je ne le veux faire, » dit de la Maisonneuve, tout aussi décidé qu’eux, et j’en appelle de votre commandement, à qui je puis et dois au royaume de France. » Après cette réponse, Baudichon n’était plus aux yeux de la Cour qu’un hérétique obstiné. L’inquisiteur Morini prit donc la parole et le conjura de se réduire à la foi catholique. Tout fut inutilek.

k – Msc. du procès inquisitionnel, p. 251 à 259.

Un homme qui luttait avec tant de courage contre des juges insensés, dont le despotisme prétendait lui défendre de s’acquitter envers Dieu de la foi, de l’hommage, de l’obéissance que sa conscience lui imposait, un homme qui, dans la première partie du seizième siècle, tenait tête aux inquisiteurs en présence du bûcher, comme si son front avait été rendu semblable à un diamant et plus fort qu’un caillou, mérite quelque respect d’un siècle plus facile, qui n’est plus appelé à de tels combats et qui serait peut-être incapable de les soutenir.

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