Explication du Psaume 51

§ 27. Les sentiments que la nature a de Dieu, conviennent avec ce qu’en dit la loi, mais non avec ce qu’en enseigne la foi.

Ensuite il faut remarquer ces mots, aie pitié de moi. Car si vous considérez les personnes, savoir Dieu et David pécheur, il ne s’y peut trouver qu’une épouvantable dissemblance et qu’une contradiction insurmontable. Car c’est une chose que la nature avoue que Dieu hait le péché, comme cet aveugle-né le disait, (Jean ch. 9) : Nous savons que Dieu n’exauce point les pécheurs, mais si quelqu’un le sert et fait sa volonté, il l’exauce ; comme il est aussi dit dans le décalogue : Je suis un Dieu jaloux ; et dans tout Moïse, on ne voit presque que des menaces contre les méchants et ceux qui sont désobéissants à sa volonté.

Et même les sentiments de la nature conviennent à ce qu’en dit la loi, et nous ne pouvons en aucune manière, détruire ce principe que nous sentons en nous, et ce jugement que nos lumières mêmes portent dans nos consciences ; tu es pécheur, et Dieu est juste et saint ; ainsi il te hait, il te punira, il ne t’exaucera point. Toute la nature avoue ces conséquences et les approuve ; de là est venu que presque tous les Pères de l’Église, qui ont écrit sur les Psaumes, ont expliqué ce titre de Juste, que l’Écriture donne à Dieu, par sa justice, en vertu de laquelle il juge et punit le péché, et non par cette justice en vertu de laquelle il justifie et absout. C’est pourquoi je me souviens que dans mon jeune âge, je ne pouvais souffrir, et je haïssais même cette épithète de Juste, et même encore maintenant, par les craintes que j’en ai contractées dans ma jeunesse, je frémis quand j’entends nommer un Dieu juste, tant sont fortes les impressions qu’une mauvaise doctrine fait sur les esprits, surtout s’ils en sont imbus dès le jeune âge.

Mais si Dieu est juste de cette manière, qu’il punisse selon les mérites, qui pourra subsister devant la face d’un tel Dieu juste, puisque nous sommes tous pécheurs, et que nous apportons tous devant Dieu de suffisants sujets d’en être punis ? Ah ! éloignez de nous une telle justice et un tel Dieu ; il nous consumerait tous, comme un feu consume la paille ; comme donc Dieu a envoyé Jésus son Fils pour Sauveur, ce n’est plus de cette manière qu’il veut être juste ; savoir, afin de punir selon les mérites, mais il veut se faire voir juste en justifiant et en ayant pitié et compassion du pécheur qui reconnaît ses péchés.

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