Explication du Psaume 51

§ 73. Premier don : un cœur pur, un esprit bien remis.

Voici le sommaire de ce que le prophète veut dire ; il reconnaît cette grâce de Dieu en lui, qu’il a la rémission de ses péchés, et un Dieu propice et favorable, et il prie contre les dangers dans lesquels il pourrait encore être exposé par la ruse du Diable de tomber dans l’erreur, mais que Dieu lui donne d’être de plus en plus fortifié et avancé dans la connaissance de la miséricorde et delà bénignité de Dieu, afin que par ce moyen dans tout ce que nous faisons et que nous souffrons, nous ayons toujours un cœur joyeux et assuré, dans la certitude que nous avons un Dieu réconcilié en Jésus-Christ, et que tout ce que nous faisons est agréable à Dieu, même lorsque nous mangeons, que nous buvons, et que nous faisons les choses de la vie, et qu’ainsi le cœur demeure pur dans une continuelle et pure connaissance de Dieu, et dans une confiance filiale envers lui par Christ, s’assurant que toutes ses entreprises et ses œuvres sont agréables à Dieu, non à cause de leur mérite et de leur dignité (car d’elles-mêmes elles ne sont qu’impureté), mais à cause du don de la foi qui embrasse Jésus-Christ.

Il n’est sans doute pas en notre pouvoir d’avoir un tel cœur, mais il faut que ce soit Dieu qui le crée ; c’est pourquoi le Saint-Esprit se sert du mot de créer ; et comme il n’est pas dans les forces humaines de se donner un tel cœur, mais que c’est l’œuvre de la toute puissante grâce de Dieu, aussi un tel cœur ne peut-il pas se conserver contre les assauts du démon sans cette même grâce : c’est pourquoi nous voyons avec combien de facilité nous sommes souillés par des craintes et des frayeurs subites et des tristesses. Ainsi donc on ne doit jamais se lasser de dire à Dieu : Crée en moi un cœur net, pour demander non seulement la création, mais aussi la conservation d’un cœur net.

Ce qui est ajouté : et renouvelle au dedans de moi un esprit bien remis, est quant au sens la même chose que la demande qu’il fait d’un cœur net ; mais cette épithète bien remis, est dans l’hébreu exprimé par qhhnakOnzhh qui signifie stable, solide, accompli, ferme, certain, indubitable ; et ce qu’il y a à remarquer, c’est que ce terme est toujours opposé aux doutes et aux changements d’opinions ; ainsi proprement cet esprit bien remis, c’est un esprit certain, assuré et droit, qui affermit le cœur contre les doutes, et les doctrines différentes, même contre les suggestions du Diable, qui tâche sans cesse de nous ôter cette assurance que Dieu est miséricordieux et propice. Jésus-Christ semble entendre la même chose que notre prophète, quand il nomme cet esprit, un esprit de vérité : qui n’affecte rien qui ne soit tel dans le fond, et qui fait et enseigne toujours des choses certaines et assurées. Il est dit dans le livre des rois : Et le règne de Salomon fut affermi, c’est-à-dire qu’il fut entièrement ratifié et reconnu de tous : on dit aussi, un esprit certain, c’est-à-dire une foi assurée, qui ne soit point changeante et emportée par toute sorte d’opinions, comme celle des enfants, mais qui se fortifie et qui croisse de plus en plus dans l’assurance, comme Saint-Paul qui disait, je suis persuadé et je suis assuré : car quand il s’agit de la rémission des péchés, il faut bannir et rejeter tout doute ; or cela ne vient pas de nous, mais de la force puissante d’un Dieu qui doit le faire et le créer en nous.

Ceci peut aussi servir à réfuter la fausse et hypocrite doctrine des œuvres, qui laisse le cœur dans ses impuretés et l’esprit dans ses incertitudes : car qu’un homme fasse tout ce qu’il voudra de meilleur et de plus régulier dans les choses qu’il s’est proposé par ses propres forces, il ne parviendra jamais par là à cette divine certitude. Ainsi quand on a une fois la connaissance de la miséricorde de Dieu, la première chose qu’il faut demander, c’est que cette connaissance soit assurée et ferme de plus en plus, et que le cœur ne se laisse point aller à des doutes sur la miséricorde de Dieu, qu’il ne se laisse point emporter par de vaines pensées ou de son propre fond, ou suggérées par quelque mauvaise doctrine du dehors. Pour cela une nouvelle création est sans doute nécessaire, ou une invocation continuelle qui soit un perpétuel exercice dans le combat spirituel, contre les différentes tentations. Car nous avons des exemples parmi nous de gens qui recevaient cette saine doctrine avec applaudissement ; mais qui peu à peu ou se sont laissés emporter par les sectes à des opinions étrangères, ou sont tombés dans un mépris et une haine ouverte de la doctrine Évangélique : la cause de leur malheur, c’est qu’ils n’avaient point cet esprit certain et assuré ; se croyant assez grands théologiens, ils ont été poussés par l’esprit malin à chercher des nouveautés, ou à tâcher par envie de nous opprimer. Il est donc bien nécessaire d’avoir cette certitude de l’Esprit, non seulement contre les tentations du Diable, mais contre les séductions de notre chair et du monde. Car ces ennemis joignent leurs forces pour nous arracher, s’ils peuvent, cette divine certitude : mais d’autres traitent ces matières beaucoup mieux que nous ne pourrions le faire.

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