Explication du Psaume 51

Verset 12

Rends-moi la joie de ton salut, et que l’Esprit d’affranchissement me soutienne.

Voici le troisième fruit de l’Esprit que David demande dans ce verset, et le prophète tient un ordre admirable dans sa doctrine. Il veut dire ici : Je suis, il est vrai, juste devant Dieu par sa grâce et par sa miséricorde, parce que je suis assuré de la rémission de mes péchés ; je suis aussi sanctifié, car je marche dans la sainteté et dans l’obéissance aux volontés et aux commandements de Dieu, et tous les jours le don de l’Esprit de sanctification s’accroît en moi ; maintenant j’ai encore besoin d’un troisième don qui est ce courage et ce cœur fort et magnanime, qui ne craint point de confesser devant le monde ce Dieu justificateur et sanctificateur de mon âme, sans qu’aucun danger soit capable de le détourner de cette confession. De sorte qu’il est évident qu’il demande un esprit d’allégresse qui méprise tous les dangers et toutes les oppositions du Diable et des hommes. Car ici la joie ou l’allégresse signifie proprement la constance, la hardiesse d’un cœur qui ne s’épouvante de rien, et qui ne craint ni le Diable, ni le monde, ni la mort. C’est cet Esprit que Paul avait quand il disait avec un cœur rempli d’une sainte allégresse et d’une divine assurance : Qui est-ce qui nous séparera de l’amour de Christ ? C’est cet Esprit de hardiesse et de force que David demande ici pour pouvoir confesser et glorifier son Dieu, malgré tous les dangers de ce monde et des enfers.

La chose même nous marque que c’est là l’ordre qu’il faut observer dans ces paroles du prophète, comme il nous l’enseigne en un autre endroit, quand il dit : J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. Car la confession suit d’abord la connaissance réelle de la vérité, et cette confession rejette et confond les doctrines contraires. Mais la confession est ordinairement suivie de ce qui suit, quand David ajoute : Mais j’ai été grandement affligé (Psaumes 116.10). C’est pourquoi on a besoin de cette confirmation et de cette corroboration de l’Esprit franc, de peur que nous ne soyons trop abattus, et que nous ne perdions courage dans les afflictions et les humiliations qui suivent ordinairement l’aveu et la confession de la vérité, mais qu’étant fortifiés par cet Esprit, nous les méprisions généreusement. Car il est impossible que le monde ne s’élève et ne s’oppose à cette sentence universelle de l’Esprit de Dieu, quand il témoigne par ses enfants que tout homme est menteur, surtout quand ils dévoilent des mensonges que le monde veut faire passer et tient pour des vérités, comme sont beaucoup de cultes et de doctrines de la Papauté : une telle confession leur est si abominable, qu’ils la regardent comme un horrible blasphème, et qu’ils tâchent de l’extirper par le fer et par le feu. C’est pourquoi aussi nous sommes exposés non seulement à leur haine, mais même aux plus durs supplices à cause de cette confession de foi que nous faisons : mais qu’importe. Nos connaissances et notre assurance ne permettent pas que nous nous taisions, et le monde ne veut point permettre que nous parlions ; c’est pourquoi il est bien nécessaire que nous soyons fortifiés par cet Esprit franc, de peur que nous n’abandonnions cette confession de la vérité, par la crainte des dangers et des persécutions du monde.

§ 75. Troisième don : l’allégresse.

Quand donc David dit : Rends-moi la joie, il veut insinuer par là qu’il était presque entièrement découragé par la grandeur de ces dangers ; c’est pourquoi il demande que l’allégresse lui soit rendue, une allégresse du salut de Dieu ; c’est-à-dire, qu’il demande que son âme soit tellement fortifiée et confirmée dans la vérité qu’il ne doute point au milieu même de tous les plus grands dangers que cette confession de la vérité pourrait lui attirer, que Dieu est avec lui et qu’il veut le sauver et le délivrer de tout mal. Une telle confiance rassure si bien le cœur, qu’il est en état de rejeter toute frayeur et de se moquer de tout danger. Comme par la grâce de Dieu, j’ai aussi expérimenté cet admirable don de l’Esprit, lorsque enseignant et publiant la vérité tant par paroles que par écrits, malgré les contradictions des Empereurs, des Pontifes, des Princes et des Rois, j’ai confessé mon Seigneur Jésus, mon glorieux Rédempteur, au milieu même de mille périls et de mille dangers qui m’étaient suscités par mes ennemis et par le Diable. C’est ainsi que Dieu disait à Jérémie : Je t’ai aujourd’hui établi comme une ville munie, et comme des murailles d’airain, et comme une colonne de fer contre tout ce pays ; ils combattront contre toi, mais ils ne seront pas les plus forts. Et sans doute que la charge d’enseigner dans l’Église demande un pareil cœur qui méprise tous les dangers ; et même tous les vrais fidèles doivent être munis de cet Esprit, et ne doivent pas refuser de devenir des martyrs de Dieu, c’est-à-dire des témoins et des confesseurs de la vérité. Car Jésus-Christ ne veut point que son Évangile demeure caché et enseveli dans le monde, mais il veut qu’il soit prêché et annoncé, non entre des murailles seulement, mais sur les toits : il veut que son Évangile reluise dans le monde comme un flambeau sur une haute montagne, ou dans quelques lieux haut élevés. Or, quand cela est, les dangers ne manquent pas de se manifester de tous côtés, de sorte que nous sommes, comme on dit en proverbe, entre l’enclume et le marteau ; et dans cet état notre unique consolation, ce sont les promesses que Dieu nous fait de ne point nous abandonner.

Ce troisième don de l’Esprit est donc quand Dieu remplit ses enfants d’un saint orgueil, non pour s’élever contre Dieu, mais pour s’élever et se roidir contre l’orgueil du Diable et du monde, de sorte que plus ceux-ci sont audacieux et furieux, plus aussi les disciples de Jésus sont courageux et généreux pour leur résister. Il est vrai que quand cela arrive, le monde et le Diable crient que nous sommes opiniâtres, et nous ne le nions point ; mais notre devoir et notre charge veulent que nous soyons ainsi. Tu es donc un malheureux damné, ajoutent-ils ; cela ne s’ensuit pas, car il faut savoir distinguer. Devant mon Dieu, je m’humilie tellement, que je tremble à la seule pensée de son grand nom, et que je le prie sans cesse de me donner son Esprit et de m’accroître la foi. Ici je ne vois rien en moi qu’une extrême pauvreté, que je reconnais et que je déplore. Mais quand je me tourne et que je regarde vers le monde, je vois que je possède une infinité de richesses. Comme donc je m’humilie devant Dieu, ainsi me haussai-je avec un esprit de mépris contre le monde, condamnant toutes ses doctrines comme des mensonges, et toute sa vie comme des péchés. De là viennent ces combats, ces contradictions, ces supplices, ces excommunications, contre lesquels David demande ici d’être fortifié par l’Esprit franc de son Dieu, comme s’il voulait dire : ô Dieu, si tu ne me soutiens et ne me fortifies toi-même contre ces dangers, je serai accablé de craintes et de terreurs. Pour ce qui concerne la connaissance grammaticale des mots, le mot que notre interprète tourne franc, dans l’original, signifie fort bien ce terme et ce mot de franc, volontaire, libre, ingénu, qui, sans doute, signifie un état de liberté, de franchise, où il n’y a point de contrainte, de violence et de servitude : un esprit qui se porte de soi-même à quelque chose, et qui entreprend toujours avec courage et avec allégresse. Un tel cœur c’est sans doute un don de Dieu, lorsqu’il fortifie si bien un cœur, qu’il n’est point épouvanté par le Diable et par le monde, et qu’il entreprend ce qu’il fait non par une contrainte légale, mais par une pure et bonne inclination de sa volonté. Quoiqu’on pourrait aussi appeler cet esprit franc et libre, un esprit qui est donné de la pure grâce et bonne volonté de Dieu.

Voilà comment notre prophète nous propose dans ces trois versets, trois différents dons de l’Esprit qui sont donnés aux âmes justifiées. Le premier, c’est une divine certitude, et une confiance assurée en la miséricorde de Dieu ; le second, c’est la sanctification par laquelle le vieil homme est mortifié avec ses convoitises et ses affections, et le nouvel homme se produit dans une nouvelle obéissance, et dans une vie conforme à la volonté de Dieu ; le troisième, c’est une confession ingénue de ce qu’on sait et de ce qu’on sent, par laquelle tout ce qui s’oppose à la saine doctrine et à la vérité est condamné, quand ce serait les empereurs, les princes, les rois et tout l’univers. Maintenant notre Prophète va se tourner vers les choses qui viennent de cet esprit franc et volontaire.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant