Explication du Psaume 51

Verset 19

Alors tu prendras plaisir aux sacrifices justement faits, à l’holocauste et aux sacrifices qui se consument entièrement par le feu, alors on offrira des jeunes taureaux sur ton autel.

C’est-à-dire, ce sera alors que les sacrifices que nous avons auparavant rejetés et condamnés, te seront agréables. Car il faut entendre ici toutes sortes de sacrifices ou cérémonies qui se faisaient selon la Loi, aussi bien que le culte spirituel qui se célèbre sous l’Évangile ; les uns et les autres sont des sacrifices de justice ou justement faits, lorsqu’ils sont uniquement fondés sur la bonté de Dieu, et sur sa grâce, car si les hommes en se confiant en la miséricorde de Dieu, offrent et sacrifient un bœuf comme il était alors commandé, il était agréable et c’était un sacrifice de justice. S’ils sacrifient les bouveaux des lèvres, dont parle Osée, ils sont aussi recevables. Donc, j’entends ici toutes sortes de sacrifices ; ils sont appelés des sacrifices de justice, non qu’ils justifient, parce que la personne qui les offre est déjà juste par la foi en la miséricorde de Dieu, mais ils sont ainsi appelés, parce qu’ils viennent d’un cœur justifié, ou de la source de la justice même dont ces cœurs sont participants. Car lorsque une âme est une fois juste par la véritable justice de Dieu, alors tout ce qu’elle fait selon la volonté de Dieu, peut être appelé un sacrifice ou une œuvre de justice, même les choses qui concernent le corps, comme quand elle boit du vin, elle boit du vin de justice ; quand elle met son vêtement, elle met un vêtement de justice ; quand elle conduit sa famille, elle conduit une famille de justice ; si elle fait la guerre, elle fait une guerre de justice ; si elle conduit un état, si elle vit, si elle meurt, toutes ces choses sont une œuvre de justice à une âme qui est juste devant Dieu.

Expliquez de la même manière l’autel dont il parle, tant celui qui était à Jérusalem, que ce temple spirituel qui est aujourd’hui dans tout le monde.

§ 82. Deux sortes de sacrifices.

Le prophète nous propose donc deux sortes de sacrifices ; l’un qu’il a nommé un cœur contrit et froissé, qui combat contre les pensées et les craintes de la colère et du jugement de Dieu ; ici, prends garde, chère âme, que tu ne te laisses aller au découragement, mais espère outre espérance et contre espérance, car Jésus-Christ est le médecin des cœurs contrits qui veut relever ceux qui sont tombés, et qui ne veut point éteindre le lumignon fumant. Si donc tu es un lumignon fumant, ne t’éteins point toi-même par le désespoir et par le découragement. Si tu es un roseau brisé ou cassé, ne te brise pas tout-à-fait toi-même, ou ne te laisses pas entièrement briser par Satan, mais donne-toi à Jésus qui est le doux ami des âmes, qui aime les cœurs brisés, froissés et étonnés. Voilà le premier et le principal sacrifice que Dieu demande.

Ensuite, quand tu connais ainsi Dieu, que tu sais qu’il est celui qui te justifie, si tu viens à lui adresser un seul mot d’actions de grâces, voilà le second sacrifice, voilà le sacrifice d’actions de grâces et de reconnaissance pour les bienfaits et les grâces que ton Dieu t’a faites : lequel sacrifice n’est pas un mérite, mais seulement une confession et un témoignage que tu rends à la grâce que Dieu t’a faite de sa pure miséricorde. Les holocaustes que les saints et les justes offraient sous l’ancienne Loi, ils les offraient, non pour obtenir par là la justice et la grâce, mais afin de témoigner qu’ils avaient reçu et trouvé la miséricorde de Dieu, et en elle leur consolation. Un bœuf qui était immolé, était le témoin de la grâce ou la voix visible de la reconnaissance, il était la voix de la main, par laquelle il témoignait sa gratitude par des paroles réelles et effectives.

Voici l’autre sorte de sacrifice. Le premier sacrifice est un sacrifice de mortification, par lequel nous apprenons à ne nous point abattre dans l’adversité ; et dans la prospérité, à ne point nous élever ni tomber dans la sécurité, mais à réveiller notre sécurité par la crainte de Dieu, et à modérer le sentiment de sa colère et de ses jugements par l’espérance de sa miséricorde, de peur que nous ne heurtions de la tête contre le ciel, ou des pieds contre quelque pierre d’achoppement en la terre. Le second sacrifice, c’est l’action de grâces, qui ne consiste pas seulement en paroles par lesquelles nous fassions une naïve confession de notre foi, et annoncions la gloire du nom de notre Dieu, mais qui consiste dans toutes les actions et dans tous les mouvements de notre vie. Or il est appelé un sacrifice de justice, qui est agréable à Dieu, parce que la personne qui l’offre est justifiée, et parce que le premier sacrifice d’un cœur brisé a précédé, lequel fait garder le milieu entre la présomption et le désespoir.

Mais ce milieu qu’une âme garde entre le désespoir et la présomption, n’est pas un point de mathématique ou de physique : car quoiqu’il ne soit pas possible dans cette infirmité de n’être pas emporté quelquefois ou trop à droite, ou trop à gauche, cependant il faut combattre, afin que quand nous nous sentons pencher d’un côté ou d’un autre, nous résistions et ne nous laissions point aller. Comme il arrive à celui qui tire au but, quand même celui qui tire n’atteint pas précisément le point central, il ne laisse pas que d’avoir pourtant place entre les tireurs ; ainsi Dieu se contente de nous voir combattre contre notre sécurité et contre notre orgueil spirituel, et contre nos mouvements et nos inclinations au désespoir. Que si nous n’avons pas autant de courage et de joie dans les afflictions que nous en devrions avoir, ou que nous n’ayons pas assez de précaution et de vigilance dans la prospérité, Dieu ne l’impute point à ses saints, parce qu’ils ont en Jésus-Christ un médiateur par lequel et pour l’amour duquel, ils sont regardés et tenus pour saints, malgré leurs infirmités : car ils ont en Jésus une parfaite sainteté dont ils n’ont en eux-mêmes que les prémices et les commencements.

Voici donc le sommaire de la céleste doctrine enseignée dans ce psaume : que les âmes affligées se consolent et se relèvent dans la vue des mérites de Jésus et de la miséricorde de Dieu, et que ceux qui sont hors de l’affliction et de la tentation, marchent en crainte devant Dieu et se gardent de la sécurité. Pour avoir la réalité et l’expérience d’une telle doctrine, il faut sans doute de la prière, et demander à Dieu ce que David demande dans ce psaume, que Dieu édifie son église, afin que des sacrifices agréables lui soient offerts par Jésus, pour l’amour duquel ce grand Dieu nous fasse aussi la grâce de lui offrir des sacrifices qui lui soient souverainement agréables. Amen.

A Dieu soit gloire éternellement. Amen !

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