Le Ciel

3. LE CIEL ET SA FÉLICITÉ

Ce sont des choses que l'œil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui ne sont point montées au cœur de l'homme ; des choses que Dieu a préparés pour ceux qui l'aiment. (Esa 44.4 ; 1Co 11.9.)

S'il existe un nom, qui mieux que tout autre, puisse ouvrir toutes grandes les portes éternelles, c'est certainement celui de Jésus. Ici-bas il ne manque pas de mots d'ordre et de convention, mais ce nom sera pour nous l'unique consigne pour pénétrer dans le ciel. Jésus en est lui-même la porte. Quiconque cherche à y entrer par un autre endroit, est un larron et un voleur. Mais nous éprouverons en y entrant une joie qui surpassera toutes nos autres joies, ce sera celle de voir Jésus lui-même et d'être constamment auprès de lui.

Esaïe donne à ceux qui sont sauvés par la foi cette promesse divine : « Tes yeux verront le Roi dans sa magnificence, ils contempleront le pays dans toute son étendue. » (Esa 33.17) Nous ne pouvons pas tous faire le tour du monde, ni même peut-être voir une contrée étrangère ; mais tous les chrétiens verront cette terre éloignée, la véritable terre promise. John Milton dit des bienheureux qui y sont déjà, qu'ils marchent avec Dieu sur les plus hautes cimes du salut et de la félicité.

C'est une atmosphère bénie que celle du ciel. Ici-bas, on s'agite pour aller trouver des climats tempérés où l'on ne rencontrera ni peine ni douleur. Eh bien ! dans la sereine atmosphère du paradis, ni peine ni douleur ne saurait exister ; elles ne peuvent y entrer ; nous les laisserons derrière nous, et nous jouirons là-haut d'une santé éternelle inconnue sur cette terre.

Mais vous savez que nos faibles yeux ne pourraient contempler la gloire de notre céleste Roi dans les cieux : « Christ est le bienheureux et seul souverain, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, qui seul possède l'immortalité, qui habite une lumière inaccessible que nul homme n'a vue ni ne peut voir, à qui appartiennent l'honneur et la puissance éternelles. » Nos regards éblouis seraient incapables de soutenir la vue d'une telle gloire pendant que nous sommes encore sur la terre.

Le prophète Ezéchiel eut une vision des choses célestes : « Tel l'aspect de l'arc qui est dans la nue en un jour de pluie, ainsi était l'aspect de cette lumière éclatante qui l'entourait. C'était une image de la gloire de l'Éternel. A cette vue, je tombai sur ma face. » (Eze 1.28.) Ici-bas bien des choses nous éblouissent ; aucun de nous ne peut regarder le soleil en face. Mais, lorsque ce qui est corruptible aura revêtu l'incorruptibilité, ainsi que le dit Paul, nos facultés auront acquis une plus grande puissance, et nous pourrons contempler Christ dans sa gloire.

Nous le verrons tel qu'il est quand le soleil sera obscurci et que la lune ne donnera plus sa lumière. C'est là ce qui fera du ciel un séjour de pure félicité ; mais nous savons tous qu'une telle félicité ne se trouve point sur cette terre. La raison, la Bible et une expérience de six mille années, tout nous l'assure ; aucune créature ne peut nous procurer le bonheur. L'accomplissement du devoir ne le donne même pas entièrement, car le péché étant dans ce monde, les meilleurs des hommes ne peuvent y vivre parfaitement heureux. Pour être heureux, ils doivent attendre d'être dans le ciel ; parfois il peut leur sembler que ce ciel est si près d'eux, qu'ils peuvent déjà en apercevoir quelque avant-coureur, comme lorsque Colomb vit de magnifiques oiseaux voltiger autour des mâts de son navire, avant même d'avoir pu discerner les rivages de l'Amérique.

Toutes les joies que nous goûterons dans les cieux n'auront d'autre source que la présence de Dieu ; c'est l'idée dominante qui traverse les Écritures. La vie éternelle sans cette présence serait semblable à la vie terrestre sans la santé c'est cette présence qui sera la lumière et la vie même des rachetés. On a dit que ce mot pourrait se traduire ainsi : « Une vue qui rend heureux. » Cette vue nous remplira d'une joie pareille à celle que cause le retour vers sa mère d'un fils depuis longtemps perdu, ou le premier aperçu de notre demeure après un long temps d'absence. Plusieurs savent combien un rayon de soleil par une journée sombre, ou le visage bienveillant d'un ami au jour de l'épreuve, peut relever notre courage. Eh bien ! notre bonheur sera encore mille fois plus grand, car nous verrons le Seigneur face à face et c'est ce qui nous le fera aimer d'autant plus.

Nous l'aimons ici-bas à proportion de la connaissance que nous avons de lui ; aussi plusieurs auraient pour lui une bien plus grande affection s'ils le connaissaient plus intimement. Puisque déjà, sur cette terre, nous éprouvons tant de joie en pensant aux perfections de Christ, que sera-ce quand nous le verrons tel qu'il est !

Nous serons semblables à Christ.

On demandait à un chrétien ce qu'il pensait faire à son arrivée dans le ciel. Il répondit qu'il passerait les mille premières années à contempler son Sauveur et, qu'après cela, il chercherait à voir Pierre, puis Jacques, puis Jean, et emploierait joyeusement tout son temps à regarder ces grands personnages. Mais il me semble qu'un regard sur Jésus sera pour nous un dédommagement suffisant pour tous les sacrifices que nous aurons pu faire pour lui ; il nous suffira de le voir. Nous lui deviendrons semblables dès que nous le verrons, parce que nous serons remplis de son Esprit. Jésus, le Sauveur du monde, sera là dans le paradis, et nous le contemplerons face à face.

Les portes de perles, les murs de jaspe et les rues pavées d'or transparent comme du cristal, ne constitueront pas pour nous le ciel. Toutes ces glorieuses choses ne sauraient nous satisfaire, elles seules ne nous feraient pas désirer d'y vivre éternellement. Une petite fille, qui avait sa mère très malade, fut emmenée par une voisine qui la prit en attendant que la mère se trouvât mieux. La maladie empira et la mère mourut. Les voisins ne voulurent rien dire d'abord à l'enfant, et ne la reconduisirent chez elles qu'après l'enterrement. La petite fille alla dans un salon, puis dans l'autre en répétant : « Où est maman ? » Elle parcourut ainsi toute la maison sans la trouver. Et lorsqu'on lui eut dit qu'elle était morte, la pauvre enfant voulut retourner chez la voisine, car sa propre demeure n'avait plus aucun attrait pour, elle. Ni les murs de jaspe, ni les portes de perles ne rendront pour nous le ciel attrayant, mais ce sera la présence du Rédempteur et le bonheur d'être pour jamais avec lui.

Il fut un temps où je pensais davantage à Jésus-Christ qu'à Dieu le Père. Christ me semblait plus rapproché de mon âme, parce qu'il était devenu le Médiateur entre le Père et moi. Mon imagination reléguait Dieu bien loin sur un trône, le considérant comme un Juge sévère, tandis que Jésus étant intervenu comme Médiateur entre nous, je le voyais beaucoup plus près de moi. Je changeai de manière de voir lorsque j'eus un fils. Pendant dix ans je n'eus que ce fils et, quand je le voyais grandir, la pensée me vint que Dieu nous avait montré un plus grand amour en donnant son Fils que le Fils en mourant pour nous. Je sentis qu'il me serait plus facile de partir pour être mis à mort moi-même, que de voir mon unique enfant, le fils de mes entrailles, livré pour être crucifié. Voyez donc quel amour Dieu a eu pour un monde coupable puisqu'il lui a donné Jésus-Christ

Lisez au chapitre VII des Actes. Vous verrez qu'avant d'être lapidé, Etienne leva les yeux alors Dieu souleva le voile, et lui permit de jeter un regard dans la cité céleste pour y contempler Christ debout à la droite du Père. Quand le Sauveur, au jour où son œuvre fut accomplie, fit son ascension en emmenant en haut des captifs, il s'assit sur son trône, nous est-il dit. Mais comme Etienne le vit debout, je me représente Jésus se levant pour souhaiter la bienvenue au premier des martyrs qui luttait seul et désarmé.

Déjà vous auriez pu entendre les pas fermes des millions qui ont marché sur ses traces en donnant leur vie pour le Fils de Dieu. Etienne formait l'avant-garde. Comme il mourait, il regarda vers le ciel ; son Sauveur alors se leva pour l'accueillir, et le Saint-Esprit fut envoyé pour témoigner que Christ était bien là-haut. Comment pourrions-nous en douter maintenant ?

Un mendiant n'a pas de plaisir à contempler un palais ; la beauté de son architecture ne lui dit rien. Un homme affamé ne sera pas rassasié en assistant à un banquet royal. Mais voir le ciel, c'est y avoir une part. Ce regard ne nous communiquerait aucune joie, si nous ne savions qu'une portion de ce ciel nous appartient. Dieu s'unit à notre âme, et nous devenons « ainsi participants de la nature divine. » (2Pi 1.4.) Si vous placez un morceau de fer dans un foyer allumé, il perdra bientôt sa couleur sombre et deviendra rouge et brûlant comme le feu lui-même, sans perdre cependant sa nature métallique ! Ainsi l'âme, au contact de Dieu devient brillante comme lui, belle de sa beauté, pure de sa pureté, brûlante en réfléchissant la gloire de son parfait amour, mais sans cesser pourtant de rester une âme humaine. Nous serons faits semblables à lui tout en conservant notre humanité.

Un bon roi, — ceci est une fable, — chassant un jour dans une forêt, rencontra un jeune aveugle orphelin qui vivait là à la manière des bêtes. Touché de compassion, le monarque adopta ce pauvre garçon et lui fit apprendre tout ce que l'on peut enseigner à un aveugle. Lorsque celui-ci eut atteint sa majorité, le roi, qui était aussi un habile médecin, rendit la vue au jeune homme ; après quoi, il le prit avec lui dans son palais au milieu des nobles qui composaient sa cour ; avec tous les honneurs possibles il déclara qu'il le recevait au nombre de ses fils, et ordonna à tous de lui rendre amour et obéissance. L'orphelin délaissé devint un prince : il eut sa part de toutes les dignités, des félicités et de la gloire qu'on peut trouver dans le palais d'un roi. Qui pourrait exprimer la joie qui dut remplir son cœur lorsqu'il put contempler de ses propres yeux pour la première fois, la magnificence, la grande puissance et l'excellence du monarque qu'il avait entendu vanter si souvent ? Et qui dira son bonheur lorsqu'il se vit revêtu d'un habit de prince et qu'il entra dans la famille royale avec le titre de fils adoptif, honoré et aimé de tous ?

Et maintenant, Christ est le Roi puissant qui trouve nos âmes égarées dans ce monde de péché comme dans un désert ; il nous y trouve « malheureux, misérables, pauvres, aveugles et nus ; mais il nous lave de nos péchés par son sang, il nous revêt des vêtements du salut, il nous couvre du manteau de la délivrance, comme le fiancé s'orne d'un diadème, comme la fiancée se pare de ses joyaux. » (Apo 3 ; Esa 41.10.)

Le Sauveur explique à Paul (Act 26) la mission que devait remplir l'Evangile à l'égard des pécheurs ; il était destiné à leur « ouvrir les yeux pour qu'ils passassent des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu, pour qu'ils reçussent par la foi en Jésus, le pardon des péchés et l'héritage avec les sanctifiés. » Voilà ce que Christ opère dans le cœur de tout chrétien ; il lui fait don de sa grâce et l'adopte pour être son enfant. C'est pourquoi il nous est dit dans 1Co 3.24-33 : « Tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit les choses présentes, soit les choses à venir, tout est à vous, et vous à Christ, et Christ à Dieu. » Il vous a donné sa parole pour vous former pour le ciel, il a ouvert vos yeux, et vous voyez maintenant. Par le moyen de sa grâce qui agit en vous et par vous, votre âme se développe graduellement et arrive à lui ressembler toujours davantage.

Un jour, votre Père céleste vous rappellera auprès de lui. Là vous verrez les anges et les saints revêtus de la beauté de Christ, qui se tiennent debout autour de son trône, et vous entendrez cette parole du Maître au moment où il vous introduira au milieu d'eux : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur ! Entre dans la joie de ton Seigneur. Jésus a dit (Jean 16) : « Tout ce que le Père a est à moi ; c'est pourquoi j'ai dit qu'il prendra de ce qui est à moi et qu'il vous l'annoncera. » Toutes choses seront donc à vous. Ah ! combien les plaisirs terrestres paraissent mesquins et insignifiants en comparaison !

Ici-bas, tout est froid et sombre,
Ici-bas tout va se flétrir.
Brise qui passe, une vaine ombre...
Mon cœur se glace, il faut partir !

Viens donc, mon âme, sur tes ailes
Jusqu'au beau pays du soleil,
Car c'est aux rives immortelles
Qu'on goûte un bonheur sans pareil.

A l'autre bord.

Il y a de la joie dans le ciel quand un pécheur se convertit sur la terre, « plus de joie même pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentance. » (Luc 15.7) Lorsqu'on est sur le point d'élire un président aux Etats-Unis, la surexcitation est intense ; c'est un choc terrible pour la nation. Dans tous les journaux et sur presque chacune de leurs pages, depuis le Maine jusqu'en Californie, il est question des candidats. Le pays tout entier est en fermentation mais je ne crois guère que dans le ciel on y prenne garde ! Si la reine Victoria abdiquait, le monde entier serait dans l'agitation ; toutes les nations prendraient un grand intérêt à cet événement ; on télégraphierait partout ; mais peut-être la chose passerait-elle inaperçue clans le paradis ? Tandis que si un petit garçon ou une petite fille, un homme ou une femme, se repentait de ses fautes en ce moment même, le ciel tout entier en serait ému. Des circonstances qui nous semblent considérables, paraissent très petites là-haut ; d'autres qui nous semblent peu de chose sont regardées comme très importantes dans les cieux. Pensez à ceci, qu'un simple acte de votre part peut causer une grande joie dans les célestes demeures ! Cette idée nous paraît presque trop magnifique pour y croire et, pourtant, le repentir du plus pauvre des pécheurs peut faire tressaillir de joie les habitants du ciel.

« Il y a de la joie devant les anges de Dieu, » dit l'Ecriture ; ce qui ne signifie pas que les anges se réjouissent, mais que devant eux, en leur présence, on se réjouit. Je me suis souvent demandé ce que ces mots voulaient dire et je les ai longtemps médités. Eh bien, je fais ici des conjectures, je l'avoue,— elles peuvent être oui ou non fondées, — mais les chers amis qui ont franchi le seuil de ce monde avant nous et qui ont été accueillis dans le bercail céleste, regardent sans doute vers la terre ; et lorsqu'ils voient se repentir et se donner à Dieu un de leurs bien-aimés pour lequel ils ont longtemps prié avant de mourir, leur cœur frémit d'une sainte allégresse. En ce moment même, une mère considère de là-haut peut-être son fils ou sa fille, et si elle entend l'un d'eux dire en son cœur : — Je veux aller où est ma mère et me repentir. Oui, mère ! je viendrai te rejoindre ! cette nouvelle, rapide comme un rayon de soleil, atteint les régions célestes et la mère se réjouit « devant les anges de Dieu. »

Après un de nos services à Dublin un homme entra dans la salle où on allait tenir la seconde réunion d'entretiens et de prières (inquiry room) ; il amenait sa fille unique, de qui la mère était partie de ce monde peu de temps auparavant : « Ô Dieu ! dit-il dans sa prière, fais pénétrer jusqu'au fond du cœur de cette enfant les vérités qu'elle vient d'entendre, afin que les prières de sa mère soient exaucées aujourd'hui même et qu'elle soit sauvée ! » En se relevant, la jeune fille entoura de ses bras le cou de son père en le baisant et dit : « Je veux retrouver là-haut ma mère ! je veux appartenir à Christ. » Ce jour-là, elle accepta le salut. Cet homme est maintenant pasteur dans le Texas, et sa fille, morte là-bas depuis peu, est allée rejoindre sa mère dans le ciel. Quel doux et joyeux revoir !

A l'abri des douleurs, en paix elle repose
Dans le sein de Jésus. En ces bas lieux, la rose
Fleurit sur son tombeau.
On peut lire aux rayons du soleil qui le dore,
Effacé par des pleurs, ce mot visible encore :
« Elle a monté plus haut ! »

Seigneur ! ah ! monte aussi mon âme sur des ailes !
Montre-moi les beautés des rives éternelles
Avant mon dernier jour.
Qu'en élevant les yeux jusqu'à toi dans l'espace,
Je puisse voir les miens, ton sourire et ma place,
Dans ton divin séjour...

Peut-être un frère, peut-être une sœur vous attend là-haut ? Qui que vous soyez répondez à son appel

Un père rentrait un soir très tard avec sa petite fille. La nuit était sombre ; après avoir traversé un bois épais, ils arrivèrent au bord d'une rivière. Bien loin, sur la rive opposée, scintillaient des lumières dans quelques maisons éparses et, plus loin encore, brillaient celles de la ville où ils se rendaient. L'enfant était fatiguée et assoupie ; le père la prit alors dans ses bras en attendant le batelier qui arrivait de l'autre bord. Ils aperçurent enfin une faible lueur ; le bruit des rames se rapprochait peu à peu, et bientôt ils furent installés sains et saufs dans la barque.

— Père ! dit la petite fille, il fait bien sombre ! Je ne vois pas le rivage ; où allons-nous ?

— Le batelier connaît le chemin, mon enfant : nous serons bientôt à l'autre bord.

— Oh ! je voudrais bien y être !

Quelques instants après, ceux qui l'aimaient accueillaient la petite fille dans leurs bras à la maison paternelle, et toutes ses craintes avaient disparu.

Peu de mois s'écoulèrent ; cette même enfant se trouvait alors sur les rives d'une autre rivière plus profonde, plus sombre, plus effrayante que la première. C'était la rivière de la mort. Le même tendre père se tenait auprès d'elle, tout désolé de ne pouvoir l'accompagner. La mère et lui veillèrent à son chevet bien des jours et bien des nuits en priant pour leur précieux trésor. Parfois, l'enfant paraissait sommeiller, inconsciente comme si son esprit allait s'envoler doucement. Mais un matin elle se réveilla soudain, l'œil brillant, en pleine possession de ses facultés.

— Père, dit-elle en souriant, je suis de nouveau au bord de la rivière ! J'attends que le batelier arrive pour me faire passer.

— Fait-il froid et sombre comme lorsque nous étions ensemble au bord de l'autre rivière, mon enfant ?

— Oh ! non. Il n'y a point ici d'obscurité. La rivière est toute argentée. Le bateau qui vient me prendre est solide et brillant, et je n'ai pas peur du batelier.

— Peux-tu voir l'autre côté de la rivière ?

— Oh ! oui. Il y a là-bas une grande et belle ville étincelante de lumière, et j'entends des concerts comme ceux des anges.

— Peux-tu distinguer quelqu'un à l'autre bord ?

— Oh ! oui, oui ! Je vois un personnage si beau ! Il me fait signe de venir maintenant. Oh batelier, hâte-toi ! Je comprends qui il est. C'est Jésus, mon adorable Sauveur. Il me prendra dans ses bras ; je reposerai sur son sein. Je viens ! je viens !

Ce fut ainsi qu'elle traversa la rivière de la mort, rendue semblable à un ruisseau d'argent, grâce à la douce présence du Rédempteur.

Quelque chose de plus.

Vous trouverez à peine un homme au monde, quelles que soient sa puissance ou ses richesses, qui ne finisse par vous avouer, quand vous aurez gagné sa confiance, qu'il n'est pas heureux. Il a encore des désirs qui ne sont pas satisfaits ou quelque chose qui l'embarrasse. On peut mettre en doute que le tsar de toutes les Russies, qui possède tout ce qu'il est possible d'avoir, soit un homme parfaitement content de son sort. On peut aussi se demander si la reine Victoria avec des palais et des milliers d'hommes à son service, et de plus, — ce que tous les souverains n'ont pas, — l'attachement de ses sujets, a une position qui lui donne beaucoup de jouissances. Quand les souverains aiment le Seigneur Jésus et sont sauvés, alors seulement ils peuvent être heureux ; s'ils sont assurés d'aller au ciel, ils peuvent dormir en pleine sécurité aussi bien que le plus humble de leurs sujets. Paul, le faiseur de tentes, aura une place plus honorable dans le ciel que le plus grand et le meilleur des monarques de ce bas monde. Si le tsar rencontre dans le ciel John Bunyan, il trouvera sans doute le pauvre étameur plus élevé que lui.

Une vie vraiment chrétienne est la seule qui puisse être heureuse ; dans toutes les autres se trouve toujours quelques lacunes. Quand nous sommes jeunes, nous entreprenons de grandes choses que nous compromettons par notre témérité. Nous manquons alors d'expérience. Quand nous avons l'expérience, nous avons perdu la force d'exécuter nos desseins. « Heureux est le peuple dont l'Éternel est le Dieu ! » La piété est le seul moyen d'être heureux. Celui qui dérobe parce qu'Il a faim, dérobe pour atténuer sa souffrance, mais il oublie à ce moment-là combien son péché aura de pénibles conséquences. Malgré sa mauvaise nature, l'homme est encore ce qu'il y a sur la terre de plus noble ; il est aisé de comprendre dès lors qu'il ne puisse trouver le vrai bonheur dans les choses qui sont moins élevées que lui. Dieu seul est meilleur que nous, et c'est en lui seulement que nos âmes seront satisfaites. L'or, cette scorie tirée de la terre, ne saurait nous suffire, ni les honneurs, ni les louanges des hommes ; il nous faut plus, et ce qu'il nous faut, nous ne l'obtiendrons que dans le ciel. Je ne dois plus m'étonner que les anges qui voient continuellement la face de Dieu, soient si heureux !

Les publicains s'en allèrent trouver Jean-Baptiste au désert pour savoir ce qu'ils devaient faire ; d'autres, parmi les plus considérables du pays, le consultèrent pour savoir où se trouvait le bonheur. Il est écrit : « Heureux est quiconque se confie en l'Éternel. » C'est donc parce qu'ici-bas nous ne pouvons avoir de bonheur réel, qu'il ne vaut pas la peine de vivre pour la terre ; et c'est parce que le vrai bonheur est tout entier là-haut qu'il vaut la peine de mourir pour aller au ciel. Au ciel, c'est la vie et jamais la mort. En enfer, c'est la mort et jamais la vie. Sur la terre, il y a des mourants et des vivants. Si nous sommes morts au péché, nous vivrons dans le ciel, et si nous vivons ici dans le péché, nous pouvons attendre après cette vie une mort éternelle.

Savez-vous bien que tout pécheur meurt deux fois ? D'abord il meurt spirituellement au péché ; il est alors régénéré et commence à goûter les joies célestes ; ces joies-là parviennent jusqu'à notre monde aussi nombreuses, aussi réelles que les rayons du soleil. Puis, la mort physique introduit notre âme dans les cieux, car nous ne pouvons emporter là-haut notre vieux corps de péché, il faut auparavant qu'il soit transformé ; ce corps de péché, quand il ressuscitera, sera glorifié à la ressemblance de celui de Christ.

Nous n'aurons point de tentations là-haut. S'il n'y en avait point ici-bas, Dieu ne pourrait nous mettre à l'épreuve pour connaître si nous sommes sincères. C'est dans ce but qu'il plaça l'arbre de la science du bien et du mal dans l'Eden, et les Cananéens dans la terre promise.

Lorsque nous mettons une semence en terre, elle disparaît, puis pousse et produit une autre semence semblable mais qui n'est pourtant pas la même. Ainsi nos corps et ceux de nos bien-aimés ressusciteront avec une certaine ressemblance sans être pourtant les mêmes corps. Christ a emporté dans les cieux le corps même qu'il avait livré à la mort de la croix, à moins qu'il n'ait été transfiguré quand une nuée le déroba aux yeux des disciples à mesure qu'il montait. La forme de son corps devait avoir déjà subi un changement après la résurrection, car Marie-Madeleine, qui fut la première à le revoir, ne le reconnut pas ; les disciples qui cheminèrent et parlèrent avec lui jusqu'à Emmaüs, ne comprirent que c'était Jésus que lorsqu'il eut béni le pain. Pierre lui-même ne le reconnut pas sur le rivage, et Thomas ne put croire qu'après avoir vu la marque des clous et la blessure de son côté percé. Mais au ciel nous le connaîtrons tous.

Il y a dans la Bible deux vérités aussi clairement enseignées que l'existence d'une vie éternelle. La première, c'est que nous verrons le Christ, la seconde, c'est que nous lui serons semblables. Alors Dieu ne nous voilera plus sa face et Satan ne nous montrera plus la sienne.

Après tout, la différence entre la grâce et la gloire n'est pas tellement grande ! La grâce, c'est le bouton, et la gloire c'est la fleur. La grâce, c'est l'aurore, et la gloire c'est la pleine lumière. Ceux qui servent le Seigneur ici-bas ne trouveront pas difficile de le servir là-haut ; ils changeront de résidence, mais non d'occupation.

Plus haut.

Dès l'instant où une personne tourne vers les choses célestes ses pensées et ses affections, sa vie acquiert une beauté réelle ; la lumière des cieux brille sur son sentier ; elle ne passe plus son temps à s'accuser et à se flageller parce qu'elle ne ressemble pas davantage à Christ. Un Ecossais à qui l'on demandait s'il était sur le chemin du ciel, répondit : « Mais, c'est dans le ciel que je vis ! je ne suis pas sur le chemin qui y mène. » C'est là qu'il vivait ! Oui, il nous faut vivre dans le ciel tandis que nous sommes encore ici-bas ! notre privilège c'est d'avoir nos affections en haut. Une dame de Londres trouva un jour une pauvre chrétienne couchée sur un lit de douleur mais très heureuse. Puis elle visita une dame riche qui passait tout son temps à murmurer et à se plaindre de son sort. Je pense quelquefois que ceux à qui Dieu accorde le plus de biens temporels, pensent le moins à lui, l'oublient le plus complètement et travaillent le moins pour son service. Cette dame dont je parle, en allant visiter les pauvres, avait l'habitude de se rendre chez la chrétienne malade pour être elle-même encouragée et réjouie. Il se trouve à Chicago un certain quartier où, depuis des années, les chrétiens qui désirent être fortifiés dans leur foi vont visiter l'une de ces âmes d'élite. Une amie me disait que le Seigneur avait placé de ces âmes-là dans la plupart des villes, afin que les anges qui passent pour accomplir leurs messages de miséricorde, s'arrêtent pour les consoler, car elles ont l'air d'avoir souvent leur visite. La chrétienne qui voyait la pauvre malade, invita la dame riche à l'y accompagner ; celle-ci finit par y consentir. Elles montèrent ensemble un escalier obscur et mal tenu jusqu'au premier.

— Que c'est horrible ! dit la dame riche. Pourquoi m'avez-vous conduite ici ?

— C'est mieux plus haut ! répondit son amie. Elles montèrent jusqu'au second étage, et la première se plaignant toujours, l'autre lui dit encore — C'est mieux plus haut !

Et ainsi elle répéta la même réponse à chaque étage, jusqu'à ce qu'elles eussent atteint le cinquième. La chambre où elles entrèrent était fort belle, garnie de tapis, avec des pots de fleurs sur la croisée et un petit oiseau qui chantait dans une cage. Là se trouvait la bonne chrétienne avec un visage tout souriant.

— Ce doit être bien dur pour vous d'être retenue ici et de souffrir ? lui demanda la dame riche.

— Oh ! c'est peu de chose ! et ce n'est pas dur du tout, car je sais que je serai mieux plus haut.

Ainsi, quand tout ne va pas à notre gré dans ce bas monde, que bien des choses nous contrarient. répétons : « Ce sera mieux plus haut ! » Nous pouvons élever nos cœurs vers les cieux et nous réjouir tout en cheminant vers la patrie.

Le revoir.


Bientôt ira fleurir ta corolle fanée
Sous un ciel toujours bleu, sous un soleil plus pur,
A la place qu'en haut Jésus t'a destinée,
Où jamais la tempête, en fureur déchaînée,
N'ébranle les échos lointains, les flots d'azur.
Là, brille le matin d'un jour exempt d'orages,
Là, d'un parfum divin les cours sont embaumés ;
Amis ! dans ce lieu saint, sans voiles, sans nuages,
Nous nous rencontrerons avec nos bien-aimés.

Alors seront finis nos sombres jours d'alarmes !
Vains plaisirs d'ici-bas, fantômes d'un moment,
Et vous, rêves trompeurs, qui coûtez tant de larmes,
Vous aurez fui ! — Dépris pour jamais de vos charmes,
Nos cœurs libres n'auront ni péché, ni tourment.
Plus de veilles ; de pleurs, plus de charges pesantes !
La mère a retrouvé les fils qu'elle a bercés....
Amis, c'est le revoir ! Nos âmes triomphantes,
Reconnaîtront tous ceux qui nous ont devancés.
Là, se refermeront nos blessures cachées,
Là, nos cœurs rajeunis pourront s'épanouir ;
Pauvres fleurs d'ici-bas, tremblantes, desséchées,
Vos soifs seront là-haut pour jamais étanchées
Aux sources d'un bonheur qui ne doit point tarir.
Aimant d'un saint amour, qu'un autre amour partage,
Sans honte, sans regret, tous en Dieu consommés,
Amis ! dans des flots purs, profonds et sans rivage,
Nous nous abreuverons avec nos bien-aimés.

Mais, avant que des cieux la splendeur éphémère,
Se soit évanouie avec la terre en pleurs,
Le monde rajeuni dans sa vile poussière,
Revêtu de beauté, de parfum, de lumière,
Sortira libre et pur de toutes ses douleurs,
Alors, le Roi divin, dans sa pourpre et sa gloire,
Tiendra ses ennemis sous son pied désarmés,
Amis ! saluons-le par des chants de victoire,
Car nous allons régner avec nos bien-aimés.

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