À L'Œuvre !

5. L'ENTHOUSIASME

« Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d'entre les morts, et Christ t'éclairera. » Je désire appliquer ces paroles aux enfants de Dieu. Le monde se perd, et il ne sera sauvé par l'Evangile du Fils de Dieu que si les chrétiens se donnent plus de peine pour le lui porter. Quand, secouant notre torpeur, nous irons travailler dans la vigne de notre Père céleste, alors ceux qui vivent dans le mal tout autour de nous, entendront parler du salut, mais pas autrement. C'est très bien de former des comités et de rechercher le meilleure manière d'atteindre les masses, mais quand vous aurez fini de discuter, il faudra recourir de nouveau aux efforts personnels. Quiconque aime le Seigneur Jésus-Christ doit se rendre compte de ce fait qu'il a une mission à remplir dans le monde, qu'il a une part dans cette grande œuvre du salut.

On peut parler en dormant, et il me semble que nous en voyons souvent des exemples parmi les ouvriers du Seigneur. On peut même prêcher en dormant. Un de mes amis a prononcé une fois tout un sermon pendant son sommeil. Sa femme lui raconta le lendemain tout ce qu'il avait dit, et le Dimanche suivant, dans son église, il prêcha le même sermon d'un bout à l'autre. Il l'a fait imprimer, et c'est un très bon sermon. On peut donc, non seulement parler, mais prêcher, pendant son sommeil. Il y a bien des prédicateurs aujourd'hui qui sont profondément endormis.

Mais il est une chose, cependant, qu'il faut se garder d'oublier : on ne peut pas travailler en dormant. Il n'y a pas de meilleur moyen de réveiller une Église que de la mettre à l'œuvre. En se réveillant soi-même, on réveille les autres. Il va sans dire que dès que nous déclarerons la guerre au monde, au péché, au diable, les sages du siècle hocheront la tête, et s'écrieront : « Votre zèle est sans connaissance. » Depuis que je suis entré dans la vie chrétienne, je n'ai pas cessé d'entendre cette objection. L'autre jour, on parlait devant moi d'un nouveau projet d'évangélisation, et quelqu'un exprima l'espoir que le zèle serait accompagné de modération. Un autre ami répondit avec beaucoup de sagesse qu'il espérait que la modération serait accompagnée de zèle. S'il en était ainsi, le christianisme serait comme une flamme s'étendant sur toute la surface de la terre. Il n'y a pas de puissance au monde qui puisse résister à la marche en avant des enfants de Dieu quand ils sont résolus à vaincre.

Dans tous les siècles, Dieu s'est servi de ceux dont le cœur était tout entier dans leur œuvre. Satan appelle toujours à son service les gens paresseux. Dieu, au contraire, n'accepte que les hommes actifs et courageux. Quand nous serons bien réveillés et prêts au travail, alors Dieu se servira de nous. Vous vous rappelez où Elie trouva Elisée : dans un champ qu'il labourait. Quand Dieu l'appela, Gédéon était occupé à battre son blé. Moïse gardait les troupeaux dans la montagne d'Horeb. Aucun de ces grands serviteurs de Dieu n'était paresseux ; ce qu'ils faisaient, ils le faisaient de toute leur force. Nous avons besoin aujourd'hui d'hommes et de femmes de cette trempe. Si nous ne pouvons pas mettre au service de Dieu autant de talents, autant de connaissances, que nous le voudrions, apportons-y au moins tout le zèle qu'il nous a donné.

M. Taylor dit quelque part : « Voici comment le zèle des apôtres s'est manifesté : ils annonçaient l'Evangile en public et en particulier ; ils priaient pour tous les hommes ; ils suppliaient Dieu avec larmes de fondre les cœurs endurcis des hommes ; ils se faisaient tout à tous afin d'en sauver au moins quelques-uns ; ils parcouraient les terres et les mers ; ils s'exposaient aux ardeurs du soleil de Syrie et à la violence du vent Euroclydon ; ils ne craignaient ni les tempêtes, ni la prison, ni la moquerie, ni la persécution, ni le jeûne, ni la pauvreté, ni les travaux, ni les veilles ; ils supportaient tout, et ne faisaient de tort à personne. Rien ne leur coûtait, ni effort à faire, ni souffrance à endurer, s'ils pouvaient espérer de gagner une âme ; ils persuadaient les hommes avec douceur, ils les pressaient avec humilité, ils leur déclaraient le conseil de Dieu avec puissance ; ils veillaient sur leurs âmes, mais ne se mêlaient pas de leurs intérêts. C'est là le zèle chrétien, le zèle de la douceur, le zèle de l'amour, le zèle de la patience. »

Beaucoup du gens ont peur du mot ENTHOUSIASME. Savez-vous ce que veut dire ce mot ? Il veut dire : en Dieu. L'homme qui est « en Dieu » sera certainement rempli d'enthousiasme. Quand on entreprend une affaire avec ardeur et zèle, on manque rarement de réussir. Un général d'armée qui est plein d'enthousiasme, enflammera ses hommes et accomplira de bien plus grandes choses que celui qui n'est pas animé du même esprit. On nous dit que si nous sommes si enthousiastes nous commettrons beaucoup d'erreurs. C'est probable. Avez-vous jamais vu un apprenti qui ne commit pas d'erreurs en apprenant son métier ? Si vous ne vous mettez pas à l'œuvre par crainte de commettre des erreurs, il y a une grande erreur, au moins, que vous n'éviterez pas, la plus grande erreur de votre vie, celle de ne rien faire. Si chacun de vous fait ce qu'il peut, soyez sûrs qu'il y aura de bons résultats.

Que de fois nous voyons des moniteurs de l'école du Dimanche se mettre à l'œuvre sans aucun enthousiasme. J'aimerais tout autant avoir des mannequins dans mon école que certains moniteurs que j'ai connus. Si j'étais charpentier, je pourrais en fabriquer autant que je voudrais. Regardez un de ces moniteurs qui n'ont ni cœur, ni feu, ni enthousiasme. Il arrive à l'école, plus souvent en retard qu'en avance. Il va se mettre à sa place ; puis, sans échanger aucune parole avec ses élèves, il commence à faire réciter la leçon, et tire de sa poche un petit livre avec questions et réponses. Il ne s'est pas donné la peine d'étudier lui-même la leçon du jour, et il est obligé d'avoir recours à ce que d'autres ont écrit sur le sujet.

— Un moniteur de ce genre-là ouvre son questionnaire : — Jean, dis-moi qui fut le premier homme — jetant un regard sur son livre : Oui, c'est bien la question. Jean répond : Adam. — Nouveau regard du moniteur sur son livre. — Oui, c'est bien. Puis il passe à un autre élève, et toujours avec l'aide de son livre : — Charles, qui était Lot ? — C'était le neveu d'Abraham. — Très bien, mon garçon. — Et ainsi de suite. Vous me direz que j'exagère. C'est évident, et je ne prétends pas que cette description soit rigoureusement exacte, mais elle n'est pas aussi fantaisiste que vous pourriez le croire. Vous imaginez-vous que c'est en s'y prenant de la sorte qu'on pourra faire grand bien à des enfants pleins de vie et d'ardeur ?

J'aime à voir un moniteur arriver de bonne heure dans son groupe et donner des poignées de main à tous ses élèves : — Bonjour, Jean ; comment cela va-t-il ? — Ah ! te voilà, Charles ! Cela me fait plaisir de te voir. Comment va le bébé ? Et ta mère ? J'espère que tout le monde se porte bien chez toi. Voilà le genre de moniteur que j'aime. Quand il commencera à expliquer la leçon, tous les élèves écouteront ce qu'il dira. Il saura fixer l'attention du groupe tout entier, et il pourra diriger leurs cœurs vers le ciel et vers Dieu. Citez-moi une seule personne qui ait fait de grandes choses pour Dieu et qui n'ait pas été remplie d'enthousiasme. Si c'est là l'esprit dans lequel nous travaillons, Dieu nous bénira et nous donnera le succès.

Avant mon départ d'Amérique, en 1867, un de mes amis vint me dire : « J'espère que vous irez à Édimbourg et que vous assisterez à l'assemblée générale de l'Eglise d'Ecosse. J'y étais l'année dernière, et j'y ai reçu une impression qui ne s'effacera jamais. Le Dr Duff prononça un discours qui nous électrisa tous. Jamais je n'oublierai l'heure que j'ai passée dans cette assemblée. »

Je suivis le conseil de mon ami, j'allai passer huit jours à Edimbourg dans l'espoir d'entendre le Dr Duff. Je me procurai le discours dont on m'avait parlé, et j'en fus profondément ému. Le Dr Duff avait été missionnaire aux Indes. Au bout de vingt-cinq années passées à annoncer l'Évangile et à fonder des écoles, il avait complètement perdu la santé, et était revenu en Ecosse. Il avait demandé la permission de parler à une des séances de l'assemblée générale, afin d'adresser un appel en faveur des Missions. — Après avoir parlé pendant un certain temps, il fut si épuisé qu'il perdit connaissance. On l'emporta de la salle. Dès qu'il revint à lui, il voulut y retourner : « Je n'ai pas fini mon discours, dit-il ; je veux le finir. » On lui dit qu'il ne pourrait le faire qu'au péril de sa vie. « N'importe, répondit-il. Dussé-je en mourir, je finirai mon discours. » On dut le laisser retourner dans la salle, et mon ami me dit que ce fut un des spectacles les plus solennels qu'il avait jamais vus.

Quand le vieillard aux cheveux blancs parut à la porte de la salle, tous les membres de l'Assemblée se levèrent, et bien des yeux devinrent humides à la vue de cet imposant vétéran. D'une voix tremblante d'émotion : « Pères et mères de l'Écosse, leur dit-il, est-il vrai que vous n'ayez plus de fils à envoyer aux Indes au service du Seigneur Jésus-Christ ? La voix de ceux qui demandent du secours s'élève de plus en plus, mais personne n'y répond. Vous avez dans vos banques les fonds nécessaires, mais où sont les travailleurs qui iront cultiver la vigne du Seigneur ? Quand la reine Victoria demande des volontaires pour son armée des Indes, vous donnez vos fils en grand nombre. Vous ne parlez pas alors de la perte de leur santé ou du climat dangereux. Mais quand le Seigneur Jésus-Christ demande des travailleurs, l'Écosse lui répond : « Nous n'avons plus de fils à donner. »

Se tournant alors vers le président de l'Assemblée : « Monsieur le Président, dit-il, s'il est vrai que l'Ecosse n'a plus de fils à donner pour le service de Jésus-Christ aux Indes ; si personne ne veut aller porter à ces païens la bonne nouvelle du salut, bien que j'aie perdu ma santé dans ce pays, je repartirai demain, et ils sauront qu'il reste encore sur la terre un vieil Écossais prêt à mourir pour eux. Je retournerai sur les bords du Gange et j'y sacrifierai ma vie en témoignage pour le Fils de Dieu. »

Bénissons Dieu de nous avoir donné un homme comme celui-là ! Il nous faut aujourd'hui des hommes prêts, s'il le faut, à déposer leur vie pour le Fils de Dieu. Quand nous les aurons, nous ferons une impression profonde sur le monde. Quand les hommes verront que nous sommes absolument sincères, leurs cœurs seront touchés, et nous pourrons les conduire à Jésus-Christ.

Je n'approuvais pas Garibaldi en toutes choses, mais j'avoue que j'admirais son enthousiasme. Jamais je ne voyais son nom dans les journaux ou dans un livre sans lire tout ce que je trouvais sur son compte. Il y avait quelque chose en lui qui m'enthousiasmait à mon tour. Je me rappelle entre autres une lettre qu'il écrivait,en 1867,à ses compagnons d'armes. Il avait été arrêté pendant sa marche sur Rome. « Quand même cinquante Garibaldis seraient jetés en prison, écrivait-il, il faut que Rome soit libre ! » — Peu lui importait son propre bien-être, pourvu que la liberté de l'Italie fût assurée. Si notre amour pour notre Maître et pour sa cause est assez profond pour nous porter à faire n'importe quel sacrifice, soyez-en sûrs, le Seigneur se servira de nous pour établir son royaume.

J'ai lu l'histoire d'un chef barbare du neuvième siècle qui vint attaquer un roi. Ce roi avait une armée de trente mille hommes, et quand il apprit que le chef n'avait que cinq cents hommes avec lui, il lui fit dire que, s'il consentait à se rendre, il le traiterait avec miséricorde, ainsi que ses soldats.

Dès que le chef barbare eut entendu cette proposition, il se tourna vers un des hommes de sa suite, et lui dit : « Prends ce poignard, et enfonce-le toi dans le cœur. » Le soldat obéit immédiatement et tomba mort aux pieds de son chef. Puis se tournant vers un autre : « Jette-toi dans ce précipice, » lui dit le barbare. Sans hésiter, le second soldat s'élança dans le vide, et l'on vit son corps rebondir et se briser sur les pierres. Le chef barbare s'adressa alors au messager du roi : « Retourne vers ton maître, et dis-lui que j'ai cinq cents hommes tels que ceux-ci. Nous pourrons mourir, mais nous ne nous rendrons jamais. Dis à ton roi que dans quarante-huit heures je le ferai enchaîner à côté de mes chiens. » Lorsque le roi sut de quelle trempe étaient les hommes qui marchaient contre lui, il eut peur. Son armée fut tellement démoralisée qu'elle fut bientôt dispersée comme de la paille devant le vent. Selon la prédiction du chef, avant que les quarante-huit heures fussent écoulées, le roi fut fait prisonnier et enchaîné à côté des chiens de son vainqueur.

Quand on verra que nous n'avons d'autre but au monde que de travailler pour Dieu, on se sentira ému, et l'on viendra nous demander ce qu'il faut faire pour être sauvé.

La tempête était à son comble quand un cri retentit : « Un homme à la mer ! » On put voir distinctement une forme humaine luttant courageusement contre les éléments en furie et se dirigeant vers le rivage ; mais les vagues l'entraînaient au large, et avant qu'on eût pu descendre les embarcations, une effroyable distance séparait déjà le nageur du secours qu'on voulait lui porter. Il poussa un cri qui domina le bruit de la tempête. Ce fut un moment d'inexprimable angoisse. Tous les regards étaient tendus vers le malheureux naufragé. Les braves rameurs raidissaient leurs muscles et se courbaient sur leurs rames avec toute l'énergie dont ils étaient capables ; mais tous leurs efforts furent inutiles. Encore un cri de désespoir, et la victime disparut sous les flots. Alors on entendit un autre cri, non moins perçant : Sauvez-le ! Sauvez-le ! et l'on vit un homme se précipiter sur le bord du navire, levant les bras au ciel dans sa détresse « J'offre vingt mille francs à celui qui le sauvera ! » mais son œil hagard n'eut rien d'autre à contempler que la place où les vagues s'agitaient sans remords au-dessus de l'homme qu'elles avaient englouti. Celui dont le cri perçant avait ému tous les cœurs était le capitaine du navire, et le noyé était son propre frère. Ce désir passionné de sauver son frère doit se retrouver chez quiconque s'est enrôlé sous la bannière du grand Capitaine de notre salut. « Sauvez-le ! c'est mon frère ! »

Le fait est que beaucoup d'hommes rejettent le christianisme parce qu'ils trouvent que nous ne sommes pas suffisamment convaincus, que nous ne nous prenons pas nous-mêmes assez au sérieux. Dans cette même épître aux Ephésiens, où j'ai pris mon texte, l'Apôtre dit « que nous devons être des épîtres vivantes, lues et connues de tous les hommes. » Jamais, à ma connaissance, les chrétiens ne se sont mis résolument à l'œuvre dans le champ du Seigneur sans que Dieu leur ait accordé une abondante moisson. Hier soir, je suis venu à la réunion qu'on avait convoquée dans cette salle pour les hommes qui sont adonnés à la boisson, et je vous assure que nous avons eu de quoi nous occuper jusqu'à minuit. Il y avait là des hommes qui avaient été les esclaves de la boisson, et qui étaient venus dans l'espoir d'obtenir la victoire sur leur terrible penchant. De quelque côté que vous mettiez la faucille, vous verrez que la moisson est blanche, toute prête à être moissonnée.

Ce que Dieu demande, ce sont des hommes et des femmes de bonne volonté. C'est infiniment plus précieux que les plus excellentes institutions. Si un homme ou une femme sont tout-à-fait résolus à travailler pour Dieu, ils n'attendront pas de faire partie de quelque comité. Si je vois un homme tomber à la rivière et en danger de se noyer, je n'attends pas de faire partie d'un comité pour essayer de le sauver. Bien des personnes me disent qu'elles ne peuvent rien faire en fait d'évangélisation parce que personne ne les en a chargées. La semaine dernière, j'ai demandé à quelqu'un de nous aider dans nos réunions intimes. « Je n'appartiens pas à ce quartier de Londres, » m'a-t-il répondu, Habituons-nous à regarder le monde entier comme notre paroisse, comme notre champ de travail. Si Dieu a placé quelqu'un à portée de notre influence, n'hésitons pas à lui parler de Christ et du ciel. Peut-être le monde se lèvera-t-il contre nous et nous traitera-t-il d'insensés. Je suis porté à croire que nul n'est propre pour le service de Dieu s'il n'est disposé à passer pour fou aux yeux du monde.

On a bien dit que Paul était fou. Plût à Dieu qu'il y eût parmi nous un grand nombre d'hommes atteints de la même folie. Comme quelqu'un l'a dit: Si nous sommes des fous, nous avons un bon gardien pendant que nous sommes en route, et un bon asile au terme de notre voyage.

Ce qui me fait beaucoup de peine c'est qu'après être venu à des réunions comme celles-ci et avoir été ému, on reste plein de zèle pendant deux ou trois semaines, peut-être ; puis tout cela s'éteint. Cela me fait penser à un tas de copeaux sur lequel on a versé de l'essence de térébenthine. Vous y mettez le feu, une flamme brillante s'élève, mais bientôt il ne reste plus rien. Notre zèle ne doit jamais se ralentir, ni jour ni nuit. J'ai entendu parler, en Amérique, d'un certain puits qu'on disait très bon ; il n'avait que deux défauts : il gelait en hiver et il se desséchait en été. C'était un puits bien extraordinaire, n'est-ce pas ? mais je crains qu'il ne soit pas le seul. Il y a beaucoup de personnes qui sont pleines de zèle et de dévouement par moments. Cela ne suffit pas ; il faut que notre ardeur ne se refroidisse jamais. N'attendez pas qu'on vienne vous demander votre collaboration. On dit souvent qu'il faut battre le fer pendant qu'il est chaud ; et c'est Cromwell, je crois, qui a dit que lorsque le fer n'est pas chaud, il faut le battre jusqu'à ce qu'il s'échauffe. Restons à notre poste, et notre zèle ne tardera pas à s'enflammer au service du Seigneur.

Je voudrais, en terminant, m'adresser particulièrement aux moniteurs des Ecoles du Dimanche. Ne vous contentez pas, je vous en supplie, d'indiquer aux enfants la croix du Seigneur Jésus-Christ. Tant de moniteurs sèment le bon grain Dimanche après Dimanche, avec le vague espoir d'une moisson lointaine ; ils ne comptent pas sur une moisson immédiate. J'ai fait comme eux, autrefois, et il s'est passé des années sans que je visse aucune conversion. Je crois que l'intention de Dieu est que nous semions d'une main et moissonnions de l'autre. Les deux opérations doivent marcher ensemble. Croire que les enfants ne peuvent être amenés à Christ que quand ils seront devenus des hommes ou des femmes est une idée fausse. On peut les amener à Christ dès leur enfance, et Christ les gardera, de telle sorte qu'ils deviendront des membres utiles de la société. Ils seront en bénédiction à leurs parents, à l'Église et au monde. Si vous les laissez grandir, au contraire, sans devenir chrétiens, beaucoup d'entre eux seront entraînés par les mauvais exemples ; et au lieu d'être une bénédiction, ils seront un fléau pour la société.

Quelle est aujourd'hui la grande préoccupation de tous ceux qui s'occupent des écoles du Dimanche ? C'est le sort des jeunes gens et des jeunes filles qui quittent l'école du Dimanche. Vers l'âge de quinze ou seize ans, ils disparaissent tout-à-coup, et nous n'en entendons plus parler. Il y a en ce moment même dans vos prisons beaucoup de jeunes gens qui ont été élèves des écoles du Dimanche. Ce lamentable état de choses tient à ce que si peu de moniteurs croient à la conversion des enfants. On ne s'efforce pas de les amener à une connaissance personnelle de Jésus-Christ ; on se contente de répandre la bonne semence. Je voudrais que chaque moniteur prit la ferme résolution, avec l'aide de Dieu, de ne s'accorder ni trêve ni repos jusqu'à ce que son groupe tout entier soit entré dans le royaume de Dieu. Celui qui prendra une telle résolution verra des signes et des prodiges d'ici un mois.

Jamais je n'oublierai la circonstance qui vint réveiller ma conscience sur ce point. Je dirigeais une grande école du Dimanche, contenant un millier d'enfants. Ce chiffre élevé me faisait le plus grand plaisir. S'il se maintenait ou s'il était dépassé, j'étais ravi. Si, au contraire, il diminuait, je m'attristais beaucoup. Je ne pensais toujours qu'au nombre des enfants. Parmi les groupes, il y en avait un qui donnait plus de peine que tous les autres. Il était composé de jeunes filles et se tenait dans un des coins de la grande salle. Il n'y avait dans toute l'école qu'un seul moniteur qui pût le diriger et y maintenir le bon ordre et la discipline. C'était tout ce qu'on pouvait espérer, pensais-je, et l'idée qu'aucune de ces jeunes filles pût être convertie ne me venait pas même à l'esprit.

Un certain Dimanche, ce moniteur était absent, et ce fut à grand'peine que son remplaçant put maintenir l'ordre dans le groupe. Dans le courant de la semaine, le moniteur vint me voir à mon bureau. Je le trouvai très pâle, et m'informai aussitôt de sa santé : « Je viens d'avoir un crachement de sang, me dit-il ; le médecin m'a prévenu que les poumons sont pris et que je n'ai plus pour longtemps à vivre. Je vais retourner chez ma mère dans l'état de New-York, et il faut que je renonce à mon groupe. »

Il était convaincu, évidemment, que ses jours étaient comptés, et pendant qu'il parlait ses lèvres tremblaient, ses yeux se remplissaient de larmes. — J'en fus frappé, et lui dis. « Vous n'avez pas peur de mourir, n'est-ce pas ? » — « Oh ! non, je n'ai pas peur de mourir, me répondit-il, mais je vais paraître devant Dieu, et il n'y a pas une seule de mes élèves de l'école du Dimanche qui soit convertie. Que lui dirai-je ? »

Comme il envisageait toutes choses sous un nouvel aspect, maintenant qu'il sentait qu'il allait rendre compte de son administration !

Je gardai le silence. C'était une chose absolument nouvelle pour moi d'entendre parler de la sorte. Je lui dis enfin : « Voulez-vous que nous allions voir vos élèves et leur parler de Christ ? » — « Je suis bien faible, me répondit-il, trop faible pour marcher. » — « Eh bien, nous irons en voiture. » Nous commençâmes notre tournée. Il avait à peine la force d'entrer dans chaque maison, tout en s'appuyant sur mon bras ; mais il rassemblait toute son énergie pour parler à son élève ; pour prier avec elle, pour la supplier de se donner à Christ. C'était une grande leçon pour moi. J'apprenais à voir les choses sous un jour tout à fait nouveau. Quand il fut à bout de forces, je le ramenai chez lui. Le lendemain, et les jours suivants, il continua ses visites. Parfois, il allait seul ; parfois, je l'accompagnais. Enfin, au bout de dix jours, il revint me trouver à mon bureau. Sa figure était rayonnante. « La dernière de mes élèves, dit-il, a donné son cœur à Christ. Je puis partir maintenant ; j'ai fait tout ce que j'ai pu ; mon œuvre est terminée. »

Je lui demandai quel jour il comptait partir. « Demain soir, » répondit-il. « Seriez-vous content, lui dis-je alors, si j'invitais ces jeunes filles, à se réunir chez moi pour vous revoir encore une fois avant votre départ ? » Il accepta avec empressement, et je me hâtai de faire mes invitations. Pas une des jeunes filles ne manqua au rendez-vous. Jamais je n'avais passé de soirée comparable à celle-là ; jamais je ne m'étais trouvé avec autant de personnes récemment amenées à Christ par ses efforts et les miens. Nous priâmes pour chacune des élèves du groupe, pour le moniteur, pour le directeur. Chacune des jeunes filles pria à son tour. Quel changement s'était opéré en elles dans ce court espace de temps. Nous essayâmes de chanter, mais nous ne pûmes pas très bien y réussir. Tout le monde prit congé du moniteur à la fin de la soirée; mais j'avais besoin de le revoir encore une fois. Le lendemain soir, j'allai à la gare, et à ma grande surprise, toutes les élèves de son groupé s'y trouvaient déjà ; sans s'être concertées, chacune avait voulu lui dire adieu une dernière fois. Nous étions tous sur le quai; quelques personnes se réunirent autour de nous : des ouvriers du chemin de fer, des voyageurs. C'était une belle soirée d'été ; le soleil se couchait derrière les prairies de l'Ouest.

Enfin le train se mit en marche ; notre ami alla se placer sur la plate-forme extérieure — les wagons, en Amérique, sont faits autrement que les vôtres, — et montrant le ciel du doigt : « Au revoir là-haut, » nous dit-il, et il disparut.

Quelle œuvre avait été accomplie pendant ces dix jours ! Quelques-unes des élèves de ce groupe ont été pendant des années parmi les monitrices les plus dévouées de l'école. Plusieurs d'entre elles y travaillent encore aujourd'hui. Il y a quelques années, j'ai rencontré une autre de ces anciennes élèves travaillant avec zèle pour le Seigneur sur les côtes de l'Océan Pacifique. L'été qui suivit le départ de notre ami, il se fit dans notre école un réveil religieux ; sous cette influence bénie, je renonçai aux affaires pour me consacrer tout entier à l'œuvre du Seigneur. Sans les événements de ces dix jours, il est probable que je ne serais pas ici aujourd'hui.

Moniteurs des écoles du Dimanche, permettez moi de vous supplier encore une fois de chercher le salut de vos élèves. Prenez la résolution de ne rien négliger, pendant les dix jours qui vont suivre, pour amener à Christ chacun des enfants de votre groupe. Pères et mères, n'ayez pas de repos avant que tous vos enfants soient entrés dans le royaume de Dieu. Oseriez-vous dire qu'il ne bénira pas de pareils efforts ! Ce qu'il nous faut aujourd'hui, c'est un esprit de consécration et de concentration. Dieu veuille répandre son Esprit sur chacun de nous, et nous remplir d'un saint enthousiasme !

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant