À L'Œuvre !

6. LA PUISSANCE DES PETITES CHOSES

Nous lisons au chapitre vingt-cinquième du livre de l'Exode : « L'Éternel parla à Moïse, et dit : Parle aux enfants d'Israël. Qu'ils m'apportent une offrande ; vous la recevrez pour moi de tout homme qui la fera de bon cœur. Voici ce que vous recevrez d'eux en offrande : de l'or, de l'argent et de l'airain ; des étoffes teintes en bleu, en pourpre, en cramoisi ; du fin lin et du poil de chèvre ; des peaux de béliers teintes en rouge et des peaux teintes en bleu ; du bois d'acacia ; de l'huile pour le chandelier, des aromates pour l'huile d'onction et pour le parfum odoriférant ; des pierres d'onyx et d'autres pierres pour la garniture de l'éphod et du pectoral. Ils me feront un sanctuaire, et j'habiterai au milieu d'eux; vous ferez le tabernacle et tous ses ustensiles d'après le modèle que je vais te montrer. »

Je suis très heureux que ceci ait été rapporté pour notre instruction. Comme cela devrait nous encourager à croire que chacun de nous peut contribuer en quelque mesure à élever les murs de la Sion céleste ! Dans tous les âges, Dieu a pris plaisir à se servir des faibles et des petits. Dans son épître aux Corinthiens, saint Paul parle de cinq choses dont Dieu se sert : « Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; et Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes ; et Dieu a choisi les choses viles du monde, et les plus méprisées, même celles qui ne sont point, pour anéantir celles qui sont, afin que personne ne se glorifie devant lui. »

Remarquez ces cinq choses : les choses folles, les choses faibles, les choses viles, celles qui sont méprisées et celles qui ne sont point. Et pour quel but les a-t-il choisies ? « Afin que personne ne se glorifie devant lui. » Quand nous sommes faibles, c'est alors que nous sommes forts. Nous sommes souvent portés à croire que nous n'avons pas assez de force ; le fait est que nous avons trop de force, au contraire. C'est quand nous reconnaissons que nous n'avons pas de force par nous-mêmes, que nous consentons à devenir des instruments dociles dans la main de Dieu. Si nous nous appuyons sur Dieu, nous sommes plus forts que le monde.

Ce n'est pas l'intelligence humaine qui sauvera le monde. Quand nous renoncerons à avoir confiance en nous-mêmes, Dieu nous remplira de sa plénitude. Nous serons puissants auprès de Dieu et auprès des hommes.

Dans le livre de l'Apocalypse, Jean nous raconte qu'il eut un jour une vision qui le fit beaucoup pleurer. Il vit un livre scellé, et il n'y avait personne qui pût ouvrir le livre ni lire dedans. Abel, ce saint homme de Dieu, n'était pas digne de l'ouvrir; ni Enoch, qui avait été transporté au ciel sans passer par la mort ; ni Elie, qui avait été enlevé dans un chariot de feu ; ni même Moïse, ce grand législateur ; ni Esaïe, ni aucun des prophètes ; personne n'en était digne. Et comme Jean pleurait beaucoup, un des vieillards lui dit : Ne pleure point : voici, le Lion de la tribu de Juda et de la race de David a vaincu pour ouvrir le livre et délier ses sept sceaux. — Et quand Jean regarda pour voir qui était le Lion de la tribu de Juda, il vit que ce Lion était un agneau ! Le Lion de Dieu est un agneau ! Lorsque nous aurons la douceur des agneaux, rien ne s'opposera à ce que Dieu nous emploie, et nous deviendrons forts à son service. Nous avons tous nos moments de faiblesse, n'est-il pas vrai ? Eh bien, appuyons-nous sur la puissante force de Dieu.

Je vous ferai observer qu'au point de vue humain, tous les hommes appelés par Jésus-Christ étaient des faibles et des petits. Ils n'avaient ni rang, ni titre, ni fortune, ni instruction. Presque tous étaient des pêcheurs et des gens illettrés ; cependant, Jésus les a choisis pour fonder son royaume.

Lorsque le moment fut venu de faire sortir d'esclavage les Israélites, Dieu n'envoya pas une armée à leur secours : il envoya un seul homme. A toutes les époques, Dieu s'est servi des choses faibles du monde pour accomplir ses desseins.

J'ai lu il y a quelque temps le récit d'un fait qui montre la puissance d'un simple traité. Il existe une société qui s'est fondée dans le but d'envoyer par la poste des traités religieux aux personnes qui, par leur position sociale, ne sont pas exposées à en recevoir autrement. Un de ces traités, intitulé : Prépare-toi à la rencontre de ton Dieu, fut mis sous enveloppe, et envoyé par la poste à un monsieur bien connu par son incrédulité et par son opposition à la religion. Il était assis dans son cabinet de travail quand cette enveloppe lui fut remise avec ses autres lettres. « Qu'est-ce que cela ? dit-il. Prépare-toi à la rencontre de ton Dieu ? Qui a pu avoir l'impertinence de m'envoyer cette insanité ! » Et prononçant une imprécation contre son correspondant anonyme, il allait jeter au feu la petite feuille, quand il se ravisa subitement :

— Non,se dit-il, au lieu de la brûler, je vais l'envoyer à mon ami B. C'est une bonne farce à lui jouer, et ce sera drôle d'entendre ce qu'il en dira.

Il mit aussitôt le petit traité dans une nouvelle enveloppe, et prenant soin de contrefaire son écriture, il l'adressa à son ami qui partageait ses opinions et sa manière de vivre.

Le petit traité ne fut pas mieux accueilli que la première fois. M. B. lança un juron contre toutes ces fadaises méthodistes, et son premier mouvement, à lui aussi, fut de jeter le papier au feu ; mais ses yeux furent arrêtés par le titre : Prépare-toi à la rencontre de ton Dieu. — Il se mit à lire, sa conscience fut réveillée, il rentra en lui-même, et finit par se convertir. Dès que ce grand changement se fut fait dans son cœur, il songea à ses amis incrédules. « Pourrais-je garder pour moi seul la lumière et la vérité que j'ai reçues ? » se dit-il. A son tour, il mit le petit traité sous enveloppe et l'envoya à l'un de ses anciens compagnons. Chose merveilleuse, la flèche toucha le but. Cet ami lut la petite feuille et fut converti. Tous les deux sont restés de fidèles disciples du Sauveur qui les a rachetés.

Nous lisons dans l'Évangile selon saint Matthieu : « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui, s'en allant en voyage, appela ses serviteurs, et leur remit ses biens. Il donna cinq talents à l'un, à l'autre deux, et à l'autre, un à chacun selon ses forces ; et il partit aussitôt.

Remarquez ceci : il donna à chacun selon ses forces. Il confia à chaque serviteur le nombre de talents qu'il était capable de faire valoir. J'entends souvent des personnes se plaindre un peu des talents qu'elles ont reçus ; mais nous avons chacun de nous le nombre de talents dont nous pouvons tirer parti. Si nous sommes soigneux de ce que nous avons, Dieu nous en confiera davantage. Il y avait huit talents à distribuer entre trois serviteurs. Le maître en donna cinq à l'un, deux à un autre et un seul au troisième. Puis il s'en alla, et les serviteurs comprirent fort bien qu'ils étaient chargés de faire valoir leurs talents. Dieu n'est pas déraisonnable. Il ne nous demande pas ce que nous ne pouvons pas faire; mais il nous donne des talents selon nos forces, et il s'attend à ce que nous les mettions à profit.

« Celui qui avait reçu cinq talents, s'en alla et en trafiqua ; et il gagna cinq autres talents. De même, celui qui en avait reçu deux, en gagna aussi deux autres ; mais celui qui n'en avait reçu qu'un, s'en alla, et creusa dans la terre, et y cacha l'argent de son maître. »

Le serviteur qui n'avait reçu que deux talents obtint exactement les mêmes éloges que celui qui en avait reçu cinq. Celui-ci avait doublé son capital, et son maître lui dit : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur. » Celui qui n'avait reçu que deux talents, les doubla aussi, de sorte qu'il eut quatre talents, et son maître lui dit, comme au premier : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton seigneur. »

Si le serviteur qui n'avait reçu qu'un talent l'avait mis à profit, il aurait été approuvé comme les autres. Mais que fît-il? Il le cacha dans la terre: ce fut sa manière de comprendre son devoir. Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint, et il leur fit rendre compte. Que lui apporta ce troisième serviteur ? Le talent qui lui avait été confié, et voilà tout.

Ceci me rappelle l'histoire d'un homme, en Amérique, qui possédait une somme de mille dollars. Il la serra dans une cachette, croyant que c'était la meilleure manière d'en prendre soin, et que cet argent serait une ressource pour ses vieux jours. — Au bout de vingt ans, il retrouva ses mille dollars tels qu'il les avait déposés dans sa cachette. S'il les avait placés à intérêt, au contraire, comme il aurait dû le faire, cette somme aurait été doublée et même triplée. Il avait commis l'erreur que tant de chrétiens commettent aujourd'hui : il n'avait pas mis ses talents à profit. Une expérience mainte fois renouvelée m'a appris que ceux qui critiquent les autres le plus volontiers sont ceux qui n'ont rien à faire. Si vous êtes très occupés à faire valoir les talents que Dieu vous a confiés, vous aurez trop à faire pour critiquer et blâmer ce que font les autres.

Dieu nous a donné beaucoup d'occasions de le servir, et il veut que nous les mettions à profit. Nous sommes beaucoup trop portés à croire que notre temps et notre fortune nous appartiennent. Rien n'est plus fréquent que d'entendre dire :

« J'ai le droit de faire ce que je veux avec ce qui m'appartient. »

Un de mes amis se trouvait près du lit de mort d'un officier supérieur qui avait exercé avec succès un commandement important pendant la guerre des Indes ; il lui demanda s'il avait peur de mourir.

— Nullement, fut la réponse. — Comment cela se peut-il, demanda mon ami. — Je n'ai jamais fait de mal, répondit l'officier. — Si vous alliez être traduit devant un conseil de guerre pour y rendre compte de vos actions comme militaire, je pense que vous vous attendriez à être acquitté, reprit mon ami.

Le mourant se redressa avec une énergie dont on ne l'aurait pas cru capable, tant il était affaibli par la maladie, et s'écria : « Je le crois bien ! » — Mais ce n'est pas devant un conseil de guerre que vous allez comparaître, — c'est devant le tribunal de Christ ; et quand Jésus vous demandera : Qu'as-tu fait pour moi ? que répondrez-vous ? — La physionomie du vieil officier changea d'expression. Il regarda fixement son ami, et lui répondit avec angoisse :

« Rien ; je n'ai jamais rien fait pour Christ. »

Il comprit alors la terrible méprise de ceux qui vivent en ne s'occupant que de leurs rapports avec leurs semblables, et qui oublient leurs rapports avec Dieu et avec Christ. De là, cette erreur qu'il suffit de faire du bien à ceux qui nous entourent, ou même de ne pas leur faire de mal, pour que cela nous tienne lieu d'avoir vécu pour Dieu. Qu'avez-vous fait pour Christ ? Voilà la grande question.

Au bout de quelques jours, mon ami retourna chez le vieil officier, et lui demanda où il en était. « Je sens que je suis un grand pécheur ; répondit-il, et que j'ai besoin du Sauveur des pécheurs. » Peu de temps après, il quitta cette vie, s'appuyant uniquement, selon toute apparence, sur les mérites de Jésus-Christ. Quelles terribles suites aurait eues la fausse sécurité dans laquelle il se reposait ! Pourtant, cette sécurité est celle d'une multitude de gens, qui ne comprendront la vérité que devant le tribunal de Christ.

Je suis de plus en plus convaincu que les hommes qui agiront sur les masses de la manière la plus durable seront des hommes d'une capacité moyenne. Après tout, c'est le petit nombre seulement qui a reçu de grands talents. Voici un homme qui possède un talent ; son voisin en a trois ; peut-être n'ai-je reçu qu'un demi-talent. Mais qu'importe ? si nous nous mettons tous à l'œuvre et si nous utilisons les dons que nous avons reçus, Dieu nous bénira ; nous pourrons ainsi doubler ou tripler notre capital. Ce qui importe, c'est que nous soyons occupés aux affaires de notre Maître, chacun à la place où il nous a mis. Plus nous mettrons à profit nos ressources actuelles, plus nos facultés se développeront, plus les occasions de faire le bien se multiplieront.

Une allégorie orientale nous parle d'un marchand qui avait deux amis. Avant de partir pour un pays lointain, il leur remit à chacun deux sacs de blé, en les priant d'en prendre soin jusqu'à son retour. Les années s'écoulèrent. Il revint enfin, et demanda à ses amis les sacs qu'il leur avait confiés. Le premier le conduisit dans un grenier et lui montra ses sacs; ils étaient couverts de moisissure et ne valaient plus rien.

L'autre, au contraire, le mena dans la plaine et lui montra plusieurs champs dont la riche moisson ondulait sous le souffle du veut. C'était le produit de ses deux sacs. « Tu as été un ami fidèle, lui dit le voyageur. Donne-moi deux sacs de ce blé, tout le reste est à toi. »

Une dame se plaignait à moi un jour de n'avoir pas l'assurance de son salut. En réponse à une question que je lui fis, elle me dit qu'elle était chrétienne depuis bien des années : « Qu'avez vous fait pour Christ ? » lui demandai-je. « Je ne crois pas, me dit-elle, avoir jamais eu l'occasion de faire quelque chose pour Christ. » Je plains ceux qui se disent chrétiens et qui ne trouvent pas, de nos jours, l'occasion de faire quelque chose pour Christ. Je me demande dans quel milieu ils peuvent bien vivre. Comment peut-on connaître le Seigneur Jésus-Christ, en plein dix-neuvième siècle, et dire qu'on n'a pas l'occasion de lui rendre témoignage ! Il est certain qu'on n'a pas à chercher loin des occasions de parler et de travailler pour le Maître, pour peu qu'on ait envie de le faire. « Levez les yeux, et regardez les campagnes ; elles sont déjà blanches et prêtes à être moissonnées. » Si vous ne pouvez pas faire de grandes choses, contentez-vous d'en faire de petites.

J'ai reçu il y a quelque temps un petit traité intitulé : « Qu'y a-t-il dans ta main ? » et je suis très reconnaissant à la personne qui me l'a envoyé. Ces paroles furent adressées par Dieu à Moïse lorsqu'il l'appela pour aller en Égypte délivrer les Israélites de la maison de servitude. Vous vous rappelez toutes les excuses de Moïse. Il n'était pas éloquent, il n'était pas ceci, il n'était pas cela; en un mot, il ne pouvait pas aller en Égypte. Comme Esaïe, il voulait que le Seigneur envoyât quelqu'un d'autre. Enfin l'Éternel dit à Moïse : « Qu'y a-t-il dans ta main ? » Il y avait une verge. Peut-être quelques jours auparavant, ayant besoin d'une baguette pour conduire son troupeau, avait-il taillé une branche dans ce but. Il est probable que cette baguette n'avait absolument rien de remarquable ; et pourtant ce fut cette baguette-là qui devint l'instrument de la délivrance des Israélites. Il plut a Dieu d'y joindre sa puissance, et cela suffit.

Je crois voir Moïse en route pour l'Égypte. Chemin faisant, il rencontre quelqu'un des philosophes ou des libres-penseurs de son temps qui lui demande où il va. « Je vais en Égypte. » — « Vraiment, tu retournes vivre en Égypte ? »

« Non, je vais faire sortir mon peuple de la maison de servitude. » — « Comment ! Tu veux le délivrer de la main de Pharaon, le plus puissant souverain de notre temps. Tu crois que tu vas affranchir trois millions d'esclaves de la puissance des Égyptiens ? » — « Oui. » — « Quels moyens vas-tu employer ? » — « Cette verge. »

Que cette verge dut paraître méprisable aux yeux de ce libre-penseur égyptien ! Quelle idée de vouloir délivrer trois millions d'esclaves au moyen d'une baguette ! Nous avions trois millions d'esclaves aux Etats-Unis ; et il a fallu qu'un demi-million d'hommes fussent étendus sur les champs de bataille avant que ces esclaves fussent rendus libres. La fleur de la nation américaine a dû descendre dans la tombe pour rendre la liberté à nos esclaves.

Voilà donc cet homme, faible, isolé, se rendant en Égypte pour se présenter devant un Pharaon qui avait droit de vie et de mort surtout ceux qui l'approchaient; et le seul instrument qu'il eût pour délivrer son peuple de l'esclavage, c'était cette baguette. Mais voyez les merveilles qu'elle opéra. Lorsque Moïse voulait faire venir les plaies sur le pays d'Égypte, il n'avait qu'à étendre sa verge, et les fléaux annoncés couvraient le pays. C'est par elle que l'eau avait été changée en sang, et plus tard, lorsque les Israélites arrivèrent au bord de la Mer Rouge et voulurent la traverser, Moïse n'eut qu'à lever sa verge ; aussitôt, les eaux se séparèrent, et le peuple passa à pied sec. Dans le désert, lorsque le peuple se mourait de soif, Moïse leva de nouveau sa verge, il en frappa le rocher, l'eau jaillit et le peuple put se désaltérer. Cette insignifiante petite verge était devenue toute-puissante. Seulement la puissance venait du Dieu de Moïse qui daignait se servir de ce faible instrument.

Il faut tirer de cette histoire une leçon pratique. Dieu veut que nous nous servions de ce que nous avons, et non de ce que nous n'avons pas. Quels que soient vos dons et vos talents, déposez-les aux pieds du Maître. Moïse se servit de ce qu'il avait, et vous savez quelles grandes choses il a accomplies. Si nous sommes disposés à dire : « Me voici, je suis prêt, fais de moi ce qu'il te semblera de bon, » — le Seigneur se servira de nous. Il joindra sa force à notre faiblesse, et nous pourrons faire de grandes choses pour lui.

Voyez aussi Josué sous les murs de Jéricho. Si vous lui aviez demandé avec quoi il comptait renverser les murailles de la ville, il vous aurait montré quelques cornes de béliers. Ces cornes devaient paraître bien ridicules aux yeux des habitants de Jéricho. Peut-être y avait-il quelques géants dans la ville ; dans ce cas, comme ils devaient prendre en pitié ces Israélites qui faisaient le tour de la ville en soufflant dans ces cornes. Mais Dieu peut se servir des choses viles, même des choses méprisées.

Quelque méprisables que fussent ces cornes de béliers aux yeux des hommes, le peuple continua à faire ce que Dieu lui avait commandé ; et lorsque le moment fut venu, les murailles s'abattirent et la ville fut prise. Les Israélites n'avaient ni catapultes, ni armes de siège d'aucun genre. Ils se servirent tout simplement de ce qu'ils avaient en leur possession, et Dieu les bénit.

Voyez Samson allant à la rencontre d'un millier de Philistins. Qu'a-t-il avec lui ? Une mâchoire d'âne ! Si Dieu peut se servir d'un instrument pareil, il peut aussi se servir de nous, n'est-il pas vrai ? Oseriez-vous prétendre qu'il ne peut pas utiliser les services de cette femme, de ce petit garçon ? Il n'y a pas une seule personne dans cette salle dont Dieu ne puisse utiliser les services, si elle les lui offre.

Lors de ma première visite en Angleterre, j'entendis un jour un Écossais dire que probablement chacun des soldats de l'armée de Saül était convaincu que Dieu pourrait, s'il le voulait, se servir de lui pour aller tuer le géant Goliath. Un seul homme crut que Dieu se servirait réellement de lui. David alla à la rencontre de Goliath, et nous savons quel en fut le résultat. Tous, nous croyons que Dieu peut se servir de nous ; il faut faire un pas de plus et croire que Dieu va se servir de nous à présent. Si nous lui offrons nos services, il les acceptera. Les petits cailloux que David avait ramassés dans le torrent durent paraître bien méprisables aux yeux de Goliath. Saül lui-même avait voulu que David prît son armure, et s'en revêtit. David fut sur le point de céder ; mais il reprit sa fronde avec les cinq petits cailloux, et partit. Le géant de Gath tomba devant lui. Faisons comme David. Marchons en avant au nom du Dieu des armées, servons-nous des ressources qu'il nous a confiées, et il nous donnera la victoire.

J'entends souvent dire : Si telle ou telle personne haut placée se convertissait, quel bien ne pourrait-elle pas faire grâce à son influence ou à sa fortune. — C'est vrai, mais il se peut que Dieu choisisse quelque pauvre vagabond, et en fasse l'instrument le plus puissant de sa grâce. John Bunyan n'était qu'un pauvre chaudronnier de la ville de Bedford ; pourtant il fit plus pour la cause de Dieu que tous les nobles et tous les riches de son temps. Dieu le prit par la main, et lui communiqua sa puissance, si bien que cet homme ignorant put écrire le merveilleux petit livre qui n'a pas cessé, depuis deux cents ans, de consoler, de fortifier les cœurs affligés et découragés. Ne l'oublions pas, — si nous sommes disposés à travailler pour Dieu, Dieu est encore plus disposé à se servir de nous.

J'ai entendu un jour un prédicateur anglais parler de la multiplication des cinq pains d'orge et des deux poissons. Il se peut, disait-il, que Jésus ait commencé par casser un des pains, et qu'il en ait donné un morceau à l'un de ses disciples pour qu'il le distribuât au peuple. Je me figure que le disciple a dû donner d'abord de tout petits morceaux, de peur d'en manquer ; mais quand il vit que sa provision ne diminuait pas, il a dû donner de plus gros morceaux. Plus il donnait, plus le pain se multipliait, jusqu'à ce que tout le monde fût rassasié.

Les cinq pains et les deux poissons auraient facilement pu tenir dans une seule corbeille ; mais après que le peuple eut fini de manger, les disciples remplirent douze corbeilles des morceaux qui restaient. Ils étaient plus riches à la fin qu'au commencement. Apportons aussi au Maître nos petits pains d'orge afin qu'il les multiplie.

Vous dites que vous ne possédez pas grand'chose ; eh bien ! raison de plus pour mettre à profit ce que vous avez. Plus je travaille dans la vigne du Seigneur, plus je suis convaincu qu'un grand nombre de chrétiens se privent du bonheur de travailler pour Dieu parce qu'ils cherchent à faire quelque grande chose. Consentons à faire de petites choses, et souvenons-nous que rien n'est vraiment petit quand Dieu s'y trouve. Le serviteur d'Elie vint lui dire qu'il voyait s'élever de la mer un petit nuage, grand comme la paume de la main d'un homme. Ce fut assez pour Elie : « Monte, dit-il à son serviteur, et dis à Achab : Attelle ton chariot, et descends, de peur que la pluie ne te surprenne. » Elie savait que le petit nuage allait amener une grande pluie. Rien de ce que nous faisons pour Dieu n'est petit.

Il y a quelques années, j'étais allé tenir des réunions dans une certaine ville. Chez les amis où je demeurais, je fis la connaissance d'une jeune fille qui me raconta qu'elle faisait un groupe tous les Dimanches après-midi dans une école populaire. Le Dimanche suivant, à notre réunion de l'après-midi, je remarquai cette jeune fille sur l'un des premiers bancs ; elle avait même dû venir de bonne heure pour être bien placée. Après le service, j'eus occasion de la voir, et je lui dis : « Je vous ai vue à la réunion aujourd'hui ; je croyais que vous aviez un groupe à l'école populaire. » — « Oui, c'est vrai. » — « Vous étiez-vous fait remplacer ? » — « Non. » — « Le Directeur était-il prévenu de votre absence ? » — « Non. » — « Savez-vous au moins s'il y aura eu quelqu'un pour se charger de votre groupe ? » — « Non, et même je crains qu'il n'y ait eu personne, car j'ai vu un grand nombre de moniteurs à votre réunion de cet après-midi. » — « Est-ce ainsi que vous travaillez pour le Seigneur ? » — « Je croyais que cela n'aurait pas d'importance ; je n'ai que cinq petits garçons ! » — « Cinq petits garçons ! Qui sait si dans ce nombre il n'y a pas un nouveau John Knox, ou un Wesley, ou un Bunyan. Vous ne pouvez pas deviner ce que deviendront ces enfants. Peut-être l'un d'eux est-il destiné à devenir un second Luther et à opérer une nouvelle réformation. C'est une grande chose pour n'importe qui d'avoir charge de cinq petits garçons, et de les amener à Dieu. Vous pouvez faire jaillir une source qui continuera à répandre ses eaux longtemps après que vous aurez disparu de la terre. »

La mère des Wesley ne se doutait guère de l'avenir réservé à ses fils, lorsqu'elle les élevait pour Dieu et pour son règne. Voyez les résultats magnifiques de ces deux vies. On estime le nombre des Méthodistes à environ vingt-cinq millions, sur lesquels il y a plus de cinq millions de communiants. En Amérique seulement, il y a cent dix mille prédicateurs réguliers, des églises s'élèvent chaque jour et l'œuvre s'étend d'un bout à l'autre de la grande République. Tout cela a été opéré en moins de cent cinquante années. Que jamais une mère ne regarde comme une œuvre de peu d'importance l'éducation de ses enfants. Aux yeux de Dieu, c'est une très grande œuvre ; au jour de l'éternité, ses enfants se lèveront devant elle et l'appelleront bienheureuse.

En disant cela, je pense en ce moment à un mère de famille que je connais en Amérique. Elle a douze fils, et chacun d'eux est un chrétien fervent. Plusieurs d'entre eux sont des prédicateurs de l'Evangile, et tous sont fidèles au Fils de Dieu. Peu de femmes ont fait plus pour leur patrie que cette mère de famille. C'est un immense privilège que de pouvoir mettre la main à l'œuvre de Dieu, d'être ouvriers avec lui.

Le fleuve du Niagara est traversé par un pont qui est une des grandes voies commerciales du pays. Le chemin de fer y passe, et les trains se succèdent toute la journée à quelques minutes d'intervalle. Lorsqu'on se mit à construire ce pont, la première chose qu'on fît fut de lancer un fil d'une rive à l'autre au moyen d'un cerf-volant d'enfant. Une bien petite chose servit de point de départ à une œuvre magnifique. De même, si nous amenons une âme à Christ, l'éternité seule pourra nous en révéler les conséquences. Qui sait si, en sauvant cette âme, vous n'aurez pas préparé pour le service de Dieu un des chrétiens les plus éminents que le monde ait jamais vus.

Il se peut très bien que nous ne soyons jamais appelés à faire de grandes choses ; mais tous nous pouvons faire quelque petite chose, si nous le voulons, et le résultat final sera considérable. Depuis bien des années, je me suis fait la règle de ne jamais laisser passer un seul jour sans parler à quelqu'un des choses de Dieu. Il y a déjà plusieurs années que j'ai commencé, et si ma vie atteint la durée ordinaire de la vie humaine, j'aurai parlé à 18250 personnes individuellement. Il va sans dire que je ne compte pas là les personnes auxquelles je me serai adressé en public. Que de fois, dans nos rapports avec le monde, nous pourrions, nous chrétiens, diriger la conversation sur des sujets sérieux.

Nous sommes entourés de cœurs travaillés et chargés ; ne pouvons-nous rien faire pour les soulager ? On a comparé ce monde à deux montagnes : l'une, formée des souffrances de l'humanité ; l'autre, de ses joies. Si chaque jour nous pouvons, en quelque mesure, abaisser la montagne de souffrances et élever la montagne de joies, au bout de l'année nous aurons obtenu de grands résultats.

J'ai entendu faire à M. Spurgeon une remarque très juste. Lorsque Moïse prévint le roi d'Égypte qu'il allait faire monter des grenouilles sur tout le pays, Pharaon aurait pu dire : « Ton Dieu est donc le dieu des grenouilles ? Je n'ai pas peur des grenouilles. Fais-les monter, si tu veux; cela m'est bien égal. » — « C'est possible, ô roi, mais les grenouilles sont en très grand nombre. » Et Pharaon ne tarda pas à s'en apercevoir.

De même, il se peut que, pris individuellement, nous soyons faibles, méprisables aux yeux du monde, mais en somme, il y a un grand nombre de chrétiens répandus dans toute la ville de Londres, et à nous tous, nous pouvons faire de grandes choses. Supposons maintenant que, parmi les personnes qui m'écoutent en ce moment, chacun de ceux qui aiment le Seigneur Jésus prenne la résolution, avec l'aide de Dieu, de faire tous ses efforts pour amener une âme à Christ cette semaine. Y a-t-il un seul chrétien parmi ceux qui m'écoutent qui ne puisse amener quelqu'un au Sauveur ? Si vous en êtes incapables, permettez-moi de vous dire qu'il y a quelque chose de coupable dans votre vie, et que vous ferez bien de le retrancher sans perdre de temps. Si vous n'exercez pas une influence bénie sur quelqu'un de vos amis ou de vos voisins, c'est que votre vie n'est pas ce qu'elle devrait être. Dieu veuille vous le montrer aujourd'hui

Je ne comprends pas comment tant de chrétiens peuvent se figurer qu'il faille nécessairement laisser s'écouler des années avant d'avoir le privilège de faire passer une âme des ténèbres du monde à la lumière de Dieu. Je ne crois pas non plus que l'œuvre de Dieu soit le privilège exclusif des pasteurs et des ministres. Ce monde perdu ne sera ramené dans les voies de l'obéissance et de la fidélité que lorsque les enfants de Dieu se rendront compte qu'ils ont une mission à remplir dans le monde. Si nous sommes de vrais chrétiens, nous devons tous être des missionnaires. Jésus-Christ est descendu du ciel pour accomplir une mission, et si nous sommes animés de son Esprit, nous serons tous des missionnaires. Si la conversion du monde nous laisse indifférents, si nous n'avons pas à cœur de ramener les hommes vers Dieu, soyons sûrs qu'il y a quelque grave lacune dans notre religion.

Si vous ne vous sentez pas qualifiés pour parler aux grandes personnes, vous pouvez du moins parler aux enfants. Si vous leur parlez de leur âme avec bonté, ils s'en souviendront toute leur vie. Ils peuvent oublier un sermon, mais si quelqu'un va leur parler individuellement, ils se diront : « Cette personne doit prendre grand intérêt à moi ; sans cela, elle ne se serait pas donné la peine de me parler ». — Ils comprendront qu'ils ont une âme immortelle, et quand même le sermon serait au-dessus de leur portée, un léger effort individuel en leur faveur pourrait devenir la source d'une grande bénédiction.

Cette méthode d'agir individuellement sur les consciences est parfaitement conforme à l'esprit de l'Évangile. Philippe fût rappelé de la Samarie, où il avait une grande œuvre à faire, pour aller parler à un homme voyageant seul dans le désert. Le grand discours de Jésus sur la nouvelle naissance n'eut qu'un seul auditeur, et ses merveilleuses paroles sur l'eau vive furent adressées à une pauvre femme pécheresse.

Je plains les chrétiens qui ne veulent pas parler à une seule âme individuellement ; ils ne sont pas propres pour le service de Dieu. Nous ne ferons pas grand'chose pour Dieu dans le monde si nous ne voulons pas parler individuellement à ceux qui se perdent.

Autre chose encore : Satan essaiera de vous faire croire que les enfants sont trop jeunes pour être sauvés ; ne le croyez pas. Il va sans dire qu'il n'est pas question de mettre de vieilles têtes sur de jeunes épaules ; mais ils peuvent donner leurs jeunes cœurs à Christ.

Il y a bien des années, je dirigeais une école du Dimanche populaire à Chicago. Les enfants appartenaient presque tous à des parents incrédules, et comme je ne les avais qu'une heure à peine par semaine, il me semblait que le peu de bien qu'ils pouvaient recevoir le Dimanche ne manquerait pas d'être effacé pendant la semaine. Je me disais alors que si je parlais jamais en public, je ne me lasserais pas de supplier les parents d'élever leurs enfants pour Dieu, pour l'éternité, et de réfléchir à la suprême importance de ce devoir. En effet, l'un de mes premiers sermons fut sur ce sujet.

Dès que j'eus fini mon discours, un vieillard à cheveux blancs se leva dans l'assemblée. Je tremblais des pieds à la tête, croyant qu'il allait critiquer ce que je venais de dire. Au lieu de cela : « Je désire confirmer, dit-il, toutes les paroles de ce jeune homme. Dans ma jeunesse, j'habitais un pays païen. Ma femme mourut, me laissant trois jeunes enfants. Le premier Dimanche après sa mort, ma fille aînée, qui avait dix ans, vint me dire : — Papa., puis-je emmener les enfants dans la chambre à coucher, et prier avec eux comme maman le faisait tous les Dimanches ? Je le lui permis.

« Au bout d'un certain temps, quand les enfants sortirent de la chambre, je vis que ma fille aînée avait pleuré. Je l'appelai à moi — Pourquoi as-tu du chagrin, Nellie ? — Oh ! papa, me répondit-elle, figure-toi que lorsque nous avons été dans la chambre j'ai fait la prière que maman m'a apprise ; et Frank aussi a fait la sienne ; mais Suzanne n'en sait pas, parce que maman trouvait qu'elle était encore trop jeune pour en apprendre. Cependant quand nous avons eu fini, elle a fait une prière à elle toute seule, et je n'ai pas pu m'empêcher de pleurer en l'entendant. Elle a joint ses petites mains, elle a fermé les yeux, puis elle a dit : Mon Dieu, tu as emmené ma chère maman, et je n'ai plus de maman maintenant pour prier avec moi. Veux tu me bénir et me rendre aussi bonne que maman, pour l'amour de Jésus-Christ. Amen.

« Avant l'âge de quatre ans, la petite Suzanne prouva pas des signes évidents qu'elle avait donné son jeune cœur à Dieu, et depuis seize ans, elle est missionnaire chez les païens. » N'oublions jamais que Dieu peut se servir même des petits enfants. Le Docteur Milnor appartenait à une famille de quakers ; il étudia le droit et devint un avocat distingué du barreau de Philadelphie. Pendant trois sessions successives, il fut délégué au Congrès de Washington. A son retour de la dernière session, sa petite fille se précipita au-devant de lui, en s'écriant : « Papa ! Papa ! Je sais lire maintenant ! » « Vraiment ! répondit-il ; fais-moi voir. » Elle ouvrit sa Bible et lut ce passage. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. » Ces paroles pénétrèrent comme une flèche dans le cœur de son père. Elles y retentirent comme un solennel appel. L'Esprit de Dieu agit puissamment en lui ; il chercha son Sauveur par la prière, et un jour, un de ses amis le trouva lisant, avec émotion, cet ancien traité qui a fait tant de bien « La fille du laitier. » Bien qu'il n'eût que quarante ans, il abandonna la politique et le droit pour se consacrer entièrement au ministère de l'Evangile, et il fut pendant quarante ans le pasteur d'une des principales églises de Philadelphie.

Pères et mères, amenons nos enfants à Christ avec une foi simple et confiante. Il est le même aujourd'hui que lorsqu'il les prenait dans ses bras et qu'il disait : « Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas, car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. »

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