À L'Œuvre !

9. « VOUS ÊTES LA LUMIÈRE DU MONDE »

« Ceux qui auront été intelligents, brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à la multitude brilleront comme les étoiles, à toujours et à perpétuité. »

Tel est le témoignage rendu par un vieillard, l'homme le plus instruit de son temps ; c'était le fruit de sa longue et riche expérience. Daniel avait été conduit à Babylone dans sa première jeunesse ; on croit qu'il n'avait pas plus de vingt ans. Si quelqu'un avait prédit, lorsque ce jeune Hébreu fut emmené en captivité, qu'il dépasserait en renommée tous les hommes puissants de son siècle, que tous les généraux qui s'étaient rendus célèbres à cette époque seraient éclipsés par ce jeune esclave, il est probable que personne n'aurait cru à cette prédiction. Et pourtant, l'éclat du nom de Daniel fait pâlir celui de Nébucadnetsar, de Belsatsar, de Cyrus, de Darius et de tous les puissants princes et monarques de son temps.

On ne nous dit pas à quelle époque il avait donné son cœur à Dieu ; mais il y a lieu de croire qu'il subit l'influence du prophète Jérémie. Quoi qu'il en soit, il avait reçu de bonne heure de profondes impressions religieuses et avait appris à servir Dieu de tout son cœur.

Nous entendons souvent les chrétiens se plaindre des difficultés de leur champ de travail ; le terrain qu'ils ont à cultiver est particulièrement ingrat. Songez au champ que Daniel avait à cultiver. Non seulement le jeune Hébreu était esclave, mais il était en captivité chez une nation qui haïssait ses compatriotes ; la langue du pays lui était inconnue ; il était entouré d'idolâtres. Eh bien ! dès le premier jour, il affirma sa foi, il fit luire sa lumière devant les hommes, et jamais il ne se départit de cette ligne de conduite. Il se consacra à Dieu dans toute la fraîcheur de sa jeunesse, et lui demeura fidèle jusqu'à la fin de son pèlerinage.

C'est une chose digne de remarque que les hommes qui ont fait l'impression la plus profonde sur le monde et ont jeté autour d'eux l'éclat le plus vif, sont des hommes qui ont vécu dans des temps troublés. Voyez Joseph : il avait été vendu comme esclave en Égypte par les Ismaélites ; mais son Dieu l'accompagna dans sa captivité comme il devait plus tard accompagner Daniel. Et Joseph demeura fidèle jusqu'à la fin ; il se trouvait au milieu d'idolâtres, mais ce ne fut pas une raison pour lui d'abandonner sa foi. Il demeura ferme, et Dieu fut avec lui.

Voyez Moïse : il renonça au palais et aux richesses de Pharaon, et unit son sort à celui de son peuple, accablé de mépris et foulé aux pieds. Si jamais homme s'est trouvé dans des circonstances difficiles, c'est bien Moïse ; cependant, il n'a jamais cessé de faire luire sa lumière, il n'a jamais été infidèle à son Dieu.

Elie vivait dans un temps bien plus sombre encore que le nôtre. Toute la nation semblait plongée dans l'idolâtrie. Achab, la reine Jésabel, toute la cour, étaient opposés au culte du vrai Dieu. Cependant, Elie demeura ferme, et jeta autour de lui une pure et vive lumière. Aussi, de quel éclat son nom est-il entouré dans l'histoire !

Voyez Jean-Baptiste. Autrefois, je croyais que j'aurais aimé à vivre du temps des prophètes, mais j'ai changé sur ce point. Quand un prophète apparaît sur la scène, soyez sûrs que les choses vont mal et que l'Église de Dieu s'est laissé corrompre par le dieu du monde. Il en était ainsi lorsque Jean-Baptiste apparut. Aujourd'hui, son nom est entouré d'une brillante auréole; dix-huit siècles se sont écoulés, et la renommée de ce prédicateur du désert est plus vivante que jamais. Il était méprisé par ses contemporains, mais il a survécu à tous ses ennemis ; son nom sera vénéré et son œuvre durera aussi longtemps que l'Église subsistera sur la terre.

Vous vous plaignez de votre champ de travail, c'est un sol ingrat, dites-vous. Regardez saint Paul, ce premier missionnaire parmi les païens. Voyez comme il fit briller sa lumière devant eux, leur parlant du Dieu qu'il servait et qui avait envoyé son Fils mourir d'une mort cruelle afin de sauver le monde. Les hommes lui disaient des injures et repoussaient sa doctrine; ils se moquaient de lui quand il leur parlait du Crucifié ; mais il n'en continua pas moins à prêcher l'Évangile du Fils de Dieu. Les grands et les puissants de son temps le regardaient comme un pauvre fabricant de tentes; mais aujourd'hui personne ne connaît leurs noms, à moins qu'ils n'aient été associés au sien. Ils sont tombés dans l'oubli.

Il est de fait que tous les hommes aiment à briller. Il vaut autant en convenir tout de suite. Dans le monde des affaires comme dans le monde politique, chacun veut être au premier rang; on lutte pour éclipser son voisin, pour occuper la première place. Sur les bancs des écoles, vous retrouvez la même rivalité. Garçons et filles veulent être à la tête de leurs classes. Dès qu'un enfant réussit à atteindre la première place, sa mère en est fière. Elle aura soin que nul n'ignore les progrès de son fils, ni le nombre de prix qu'il a remportés.

Dans l'armée, c'est la même chose : chacun veut dépasser son voisin ; chacun veut briller, et s'élever au-dessus de ses camarades. Dans les jeux de force et d'adresse, même rivalité : chacun veut faire mieux que les autres. Oui, ce désir est inné en nous ; nous aimons à briller entre nos semblables.

Et cependant, il y a bien peu d'hommes qui y réussissent. De temps en temps, on dépasse tous ses concurrents, mais c'est rare. En ce moment même, il se livre aux États-Unis une grande lutte pour l'élection du Président ; la bataille est engagée avec fureur, et va se prolonger pendant six mois. Cependant, il n'y a qu'un seul homme qui puisse atteindre le but. Il y en a beaucoup qui luttent pour obtenir le prix, et il y aura naturellement beaucoup de désappointements.

Mais dans le royaume de Dieu, le plus petit, le plus faible d'entre  nous peut briller s'il le veut. Tous nous pouvons obtenir le prix qui nous est proposé. Le prophète Daniel ne dit pas que ce soient les hommes d'État qui brilleront comme les étoiles. Les hommes d'État de Babylone ont passé ; leurs noms mêmes sont inconnus.

Il ne dit pas non plus que ce soient les nobles et les grands seigneurs. Les nobles de la terre sont bientôt oubliés. Le souvenir de John Bunyan, le chaudronnier de Bedford, a survécu à la majorité des nobles de son temps. Ceux-ci vivaient pour eux-mêmes, et leur mémoire s'est effacée; tandis que lui vivait pour Dieu et pour les âmes de ses frères, son souvenir est impérissable dans sa patrie.

Daniel ne dit pas que ce soient les négociants qui brilleront comme les étoiles. Qui pourrait dire le nom de ses riches contemporains ? Leur souvenir n'a duré guère plus longtemps que leur vie.

Quelle différence pour Daniel ! Vingt-cinq siècles se sont écoulés, et son nom continue à briller d'un éclat toujours nouveau. « Ceux qui auront été intelligents brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à la multitude, brilleront comme les étoiles à toujours et à perpétuité. »

Comme la gloire de ce monde est éphémère ! Il y a soixante-quinze ans, le grand Napoléon faisait pour ainsi dire trembler la terre. Il remplissait le monde du bruit de ses conquêtes. Quelques années s'écoulent, et ce puissant vainqueur va mourir en captivité et le cœur brisé, dans une petite île de l'Océan Atlantique. Où sont ceux qui aujourd'hui chérissent sa mémoire ?

Mais voyez le prophète hébreu, si méprisé, si détesté. On avait voulu le jeter dans la fosse aux lions parce qu'il était trop saint, trop pieux. Sa mémoire ne saurait périr, et son nom est vénéré à cause de sa fidélité envers son Dieu.

Il y a dix-sept ans, je me trouvais à Paris au moment de l'Exposition Universelle. L'empereur Napoléon était alors à l'apogée de sa gloire ; on l'acclamait dans les rues. Quelques années plus tard, il tombait du trône et mourait en exil. La gloire et la vanité de ce monde sont bien creuses et bien passagères. Si nous sommes intelligents, nous vivrons pour Dieu et pour l'éternité ; nous nous oublierons nous-mêmes, et nous ne rechercherons pas l'honneur et la gloire du monde.

Dans le livre des Proverbes, il est dit que « celui qui gagne des âmes est sage. » Quiconque aura gagné une âme à Dieu, celui-là n'aura pas perdu sa vie. Sa vie aura été plus utile que celle des hommes les plus puissants de son temps, parce qu'il aura fait jaillir une source qui ne tarira jamais. Qui que vous soyez, homme, femme ou enfant, vous pourrez briller dans le royaume de Dieu, si vous le voulez.

Dieu nous a placés dans le monde pour que nous reflétions sa lumière. Nous ne sommes pas ici-bas pour acheter, pour vendre, pour accumuler des richesses, pour acquérir une haute position dans le monde. Cette terre, pour nous, chrétiens, n'est pas notre patrie ; notre vraie patrie est dans le ciel. Dieu nous a envoyés dans le monde afin d'y faire luire sa lumière, afin d'éclairer les ténèbres qui nous environnent. Jésus-Christ est venu pour être la lumière du monde, mais le monde a éteint cette lumière, il l'a éteinte sur le Calvaire. Avant de monter au ciel, Jésus dit à ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde, vous êtes mes témoins. Allez et annoncez la bonne nouvelle du salut à toutes les nations de la terre. »

Nous sommes appelés à briller au milieu de nos contemporains tout comme Daniel avait été appelé à briller à Babylone. Que personne ne dise qu'il n'y est pas appelé, parce qu'il n'exerce peut-être pas autant d'influence que certains hommes. Ce que Dieu vous demande, c'est d'utiliser l'influence que vous possédez. Il est probable qu'au commencement, Daniel n'avait pas grande influence. Dieu lui en donna bientôt davantage parce qu'il était fidèle, et qu'il mettait à profit ce qui lui avait été confié.

Rappelez-vous que la plus faible lumière peut jeter encore beaucoup d'éclat quand elle est placée, dans un lieu très sombre. Supposez qu'on éteigne tout-à-coup le gaz dans cette salle, que l'obscurité soit complète, et qu'on apporte ensuite une petite chandelle ; vous seriez étonné de voir combien elle donnerait de lumière,

En Amérique, dans la région lointaine des prairies, les réunions religieuses ont souvent lieu le soir dans les écoles des pionniers. On les annonce de cette façon : « Une réunion aura lieu ce soir à la chandelle. » La première personne qui arrive met une chandelle sur la chaire. Cela n'éclaire pas beaucoup la salle, mais cela vaut mieux que rien. Chaque nouvel arrivant apporte sa chandelle et la met devant lui. Quand la salle est pleine, je vous assure qu'il y a assez de lumière. De même, si chacun de nous fait luire sa lumière dans le monde, le monde sera éclairé. S'il ne nous est pas accordé d'être des phares, nous pouvons tout au moins être de petites chandelles.

Une petite flamme suffit souvent pour allumer de grands incendies. Savez-vous comment le grand incendie de Chicago a pris naissance Une vache renversa une lanterne avec son pied ; la ville entière fut incendiée, et cent mille personnes se trouvèrent sans abri. Ne permettez pas à Satan de vous persuader que, parce que vous ne pouvez pas faire de grandes choses, vous ne pouvez rien faire du tout.

J'ai entendu raconter l'histoire d'un homme qui, pendant une traversée, souffrit beaucoup du mal de mer. S'il y a jamais dans la vie un moment où l'on se sente absolument incapable de travailler pour le Seigneur, c'est quand on a le mal de mer, — du moins c'est mon opinion. Pendant que ce passager souffrait ainsi, il entendit crier qu'un homme était tombé à la mer. Il se demanda aussitôt ce qu'il pourrait faire pour aider à le sauver. Il eut l'idée de prendre sa lampe et de la tenir devant le hublot. L'homme fut sauvé. Quand le passager fut guéri de son mal de mer, il monta sur le pont ; et celui qui était tombé à la mer lui raconta qu'il avait coulé à fond deux fois, remontant aussitôt à la surface. Il allait enfoncer de nouveau, probablement pour ne plus reparaître, et il agitait son bras avec désespoir pour la dernière fois, lorsqu'une lumière parut tout-à-coup à l'un des hublots, et tomba sur sa main. Le marin qui était dans le canot, l'aperçut, la saisit, et put ainsi sauver l'homme qui allait se noyer.

C'était une petite chose, n'est-ce pas, que de soulever une lampe, et pourtant ce fut cette petite chose qui sauva la vie d'un homme. Si vous ne pouvez pas faire de grandes choses, tenez au moins d'une main ferme le flambeau de l'Évangile, afin que sa lumière éclaire quelque pauvre pécheur égaré et le ramène à Christ. Portons cet Évangile dans les sombres demeures où le nom de Christ n'a jamais retenti, et faisons connaître Jésus comme le Sauveur du monde. Si nous sommes résolus à atteindre ces masses qui périssent loin de Dieu, il faut confondre notre vie avec la leur, prier pour elles, travailler pour elles. J'ai de la peine à croire au christianisme d'un homme qui se dit sauvé, et n'est pas disposé à faire tout ce qu'il peut pour sauver les autres. Ne pas tendre la main à ceux qui sont encore dans l'abîme d'où nous avons été retirés, me semble être un signe de la plus noire ingratitude. Qui saura atteindre et secourir les esclaves de la boisson mieux que ceux qui, après avoir subi le même esclavage, en ont été délivrés ? Parmi ceux qui m'écoutent en ce moment, n'y aura-t-il personne qui, dès aujourd'hui, se mette à l'œuvre ? Si chacun de nous faisait ce qu'il pouvait, les cabarets perdraient bientôt la plus grande partie de leur clientèle. J'ai lu autrefois l'histoire d'un aveugle qui se tenait assis au coin d'une rue dans une grande ville, et qui avait tous les soirs une lanterne à côté de lui. Quelqu'un lui demanda à quoi lui servait sa lanterne, puisqu'il n'y avait pas de différence pour lui entre le jour et la nuit. L'aveugle répondit : « J'allume ma lanterne afin que personne ne tombe sur moi. »

Pensons à cela, mes chers amis. Pour un homme qui lit la Bible, il y en a cent qui nous lisent, vous et moi. C'est ce que saint Paul voulait dire quand il exhortait les Corinthiens à être des épîtres vivantes, lues et connues de tous les hommes. Le bien que nous pouvons faire par nos sermons n'a pas grande valeur, si nous n'annonçons pas Christ par notre vie. Si nous n'honorons pas l'Évangile par notre manière de vivre et d'agir, nous n'amènerons personne à Jésus. Un petit acte de bonté peut avoir plus d'influence sur telle personne que beaucoup de longs sermons.

Il y a quelques années, un vaisseau se trouva pris dans une violente tempête sur le grand lac Erié. Le capitaine voulait se réfugier dans le port de Cleveland. A l'entrée de ce port il y a ce qu'on appelle les feux inférieurs et les feux supérieurs. Ce jour-là, les feux supérieurs brillaient avec tout l'éclat accoutumé, mais en approchant du port, on ne pouvait pas découvrir les feux inférieurs qui devaient en marquer l'entrée. Le pilote aurait voulu reprendre le large, mais la tempête était si forte que le capitaine redoutait de s'y exposer ; il insista pour que le pilote essayât d'entrer dans le port. Celui-ci n'avait guère d'espoir d'y réussir, n'ayant rien pour le guider dans sa marche, mais il fit des efforts inouïs. Tantôt le vaisseau montait sur la crête des vagues, tantôt il descendait dans l'abîme ; enfin, il fut lancé à la côte et brisé en morceaux. Par suite d'une négligence du gardien, les feux inférieurs s'étaient éteints.

Que ceci nous serve d'avertissement. Dieu entretient toujours les feux supérieurs, leur éclat ne diminue pas, mais il nous a placés ici-bas pour que nous ayons soin des feux inférieurs. Nous devons être les représentants de Dieu sur la terre, de même que Jésus est notre représentant dans le ciel. Je me dis souvent que si nous avions un aussi pauvre représentant là-haut que Dieu en a un ici-bas, nous n'aurions pas grande chance d'arriver au ciel. Que nos reins soient ceints et nos lampes allumées afin que ceux qui nous entourent puissent voir le chemin du salut et ne marchent pas dans les ténèbres.

Ce que je viens de dire d'un phare me fait penser à un habitant de l'État de Minnesota qui fut pris, il y a quelques années, dans un épouvantable orage. Dans cet État, les orages sont très fréquents, et en hiver surtout, se déchaînent si subitement qu'il est difficile d'y échapper. La neige tombe en flocons serrés, et le vent la chasse au visage du voyageur avec une telle force qu'il ne distingue plus sa route à deux pas devant lui. Bien des hommes se sont perdus dans ces prairies pour avoir été pris dans une de. ces tempêtes.

L'homme dont je parle avait donc été surpris par la tempête. Après une longue lutte, il était sur le point d'y renoncer quand il vit une petite lumière venant d'une cabane de pionnier. Il parvint à s'y traîner, et y trouva un refuge contre la tempête. Depuis lors, il a fait fortune. Dès qu'il en eut les moyens, il acheta la ferme. Il bâtit une belle maison sur l'emplacement de la petite cabane de bois, et sur le sommet d'une tour il établit un phare. Chaque fois qu'il s'élève une tempête, il allume ce phare dans l'espoir de sauver quelque voyageur égaré.

Voilà de la vraie reconnaissance ; voilà celle que Dieu attend de nous. S'il nous a sauvés, s'il nous a retirés de l'abîme, soyons toujours sur le qui-vive, prêts à sauver ceux qui seraient en danger de se perdre.

A propos de phares, je me rappelle une touchante histoire arrivée sur une côte très dangereuse et exposée aux orages. Le phare était confié à deux gardiens. Un soir, la machine se détraqua, et l'appareil refusa de tourner. Les deux gardiens eurent si grand-peur que des marins ne prissent ce phare, habituellement tournant, pour un phare fixe, qu'ils restèrent debout toute la nuit pour faire marcher l'appareil à la main.

Veillons, nous aussi, à ce que la lumière dont nous sommes porteurs ne soit jamais obscurcie, afin que le monde puisse voir que la religion de Jésus est une puissante réalité. L'un des jeux de l'ancienne Grèce consistait à courir avec des torches, qu'on avait allumées au feu de l'autel. Quelquefois même, la course se faisait à cheval. Le coureur dont la torche brûlait encore en arrivant au but, obtenait un prix ; si sa torche s'était éteinte, il avait perdu la course.

Combien y a-t-il de chrétiens qui, arrivés à la vieillesse, ont perdu leur lumière et leur joie ! Jadis, ils brillaient d'un pur éclat dans leur famille et dans l'Eglise ; mais quelque chose est venu se placer entre eux et Dieu, — l'amour du monde, peut-être, ou l'égoïsme, et leur lumière s'est éteinte. S'il y a quelqu'un parmi ceux qui m'écoutent qui ait fait cette triste expérience, que Dieu lui aide à revenir au pied de son autel afin d'y rallumer sa torche ; de telle sorte qu'il puisse aller dans les endroits les plus sombres de la terre et y faire luire la lumière de l'Evangile.

Comme je l'ai déjà dit : même si nous n'amenons qu'une seule âme à Christ, nous pouvons faire jaillir une source qui continuera à répandre ses eaux longtemps après que nous aurons disparu de la terre. Là-haut, sur le flanc de la montagne, se trouve une petite source ; elle est si petite qu'une biche pourrait la vider d'un trait, semble-t-il. Peu à peu, elle devient un ruisseau; le ruisseau reçoit d'autres filets d'eau ; enfin, c'est une rivière, puis un fleuve puissant roulant ses eaux vers l'Océan. De nombreux villages, des villes populeuses se sont élevées sur ses bords ; et l'agriculture prospère grâce à ces eaux bienfaisantes, qui vont porter au loin, sur leur sein majestueux, les produits du commerce et de l'industrie.

Si vous amenez une âme à Christ, cette âme en amènera peut-être cent autres, qui à leur tour en amèneront mille; c'est ainsi que le petit ruisseau ira toujours s'élargissant jusqu'au bord de l'éternité.

Nous lisons ces paroles dans le livre de l'Apocalypse de saint Jean : « J'entendis une voix du ciel qui me disait : Ecris : Bienheureux sont dès à présent les morts qui meurent au Seigneur. Oui, dit l'Esprit, ils se reposent, de leurs travaux et leurs œuvres les suivent. »

Il est fait mention dans la Bible de beaucoup d'hommes sur le compte desquels nous ne savons qu'une seule chose: ils vécurent tant d'années, puis ils moururent. Le berceau et la tombe se rejoignent. Ils vécurent, ils moururent, — nous ne savons rien de plus. De même de nos jours, sur la tombe de bien des chrétiens de nom, il n'y aurait rien d'autre à inscrire que le jour de leur naissance et celui de leur mort. L'intervalle entre ces deux dates est vide.

Il y a une chose pourtant qui ne disparaît pas avec un homme de bien. Son influence lui survit. L'influence de Daniel est aussi grande aujourd'hui que jamais. Croyez-vous que Joseph soit mort tout entier ! Son influence se fait toujours sentir, elle ne périra jamais. Vous pouvez déposer dans la terre l'enveloppe mortelle d'un homme de bien ; vous ne pouvez pas y enfermer avec lui ni son influence, ni son exemple. L'apôtre saint Paul n'a jamais été plus puissant qu'il ne l'est aujourd'hui.

Qui oserait soutenir que Joha Howard, le réformateur des prisons, soit mort ? Son influence ne se fait-elle pas encore sentir dans tous les pays de l'Europe ? Et Henri Martyn, le missionnaire ? Et Wilberforce ? Sont-ils morts, croyez vous ? Allez le demander en Amérique, dans les États du Sud, aux trois ou quatre millions d'hommes et de femmes qui naguère étaient esclaves. Prononcez devant le premier venu d'entre eux le nom de Wilberforce, et vous verrez comme leurs yeux brilleront. Il a vécu pour d'autres que pour lui-même, et son souvenir ne s'effacera jamais du cœur de ceux pour lesquels il a dépensé sa vie et ses labeurs.

Si vous voulez savoir quels sont ceux qui sont morts réellement quand leurs yeux se sont fermés, je vais vous le dire. Ce sont les ennemis des enfants de Dieu, — ce sont leurs persécuteurs, ce sont leurs calomniateurs. Quant aux enfants de Dieu eux-mêmes, ils ont survécu à toutes les attaques, à toutes les calomnies ; et non seulement cela, mais ils brilleront dans un autre monde.

Que les paroles du Saint Livre sont donc vraies ! « Ceux qui auront été intelligents brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à la multitude brilleront comme les étoiles à toujours et à perpétuité. »

Continuons à faire tout ce que nous pouvons pour enseigner la justice à la multitude. Soyons morts au monde, à ses mensonges, à ses plaisirs, à ses ambitions, — et vivons pour Dieu, nous efforçant toujours de lui amener de nouvelles âmes.

Permettez-moi, en terminant, de citer quelques paroles du docteur Chalmers : « Des milliers d'hommes apparaissent sur la scène du monde, vont, viennent, disparaissent enfin, et l'on n'en entend plus parler. Pourquoi ? Parce qu'ils n'ont pris part à rien de ce qui se fait de bon et de bien dans le monde ; personne n'a ressenti les effets de leur charité ; personne ne peut les bénir pour avoir été les instruments de son salut ; ils n'ont pas écrit une ligne ni prononcé une parole dont on ait pu conserver le souvenir. Ils sont morts ainsi ; leur lumière s'est perdue dans les ténèbres, et leur souvenir ne vivra pas plus longtemps que celui des insectes nés d'hier et qui mourront demain. Est-ce ainsi que tu veux vivre et mourir, ô homme immortel ? Que ta vie serve à quelque chose. Fais le bien, et tu laisseras derrière toi un monument que les orages et le temps ne pourront jamais détruire. Ecris ton nom, en caractères d'amour, de bonté, de dévouement sur les cœurs des milliers d'hommes avec lesquels tu entres en contact tous les ans; ton souvenir ne périra jamais. Ton nom, tes actions, brilleront dans ces cœurs comme les étoiles brillent dans le ciel. Les bonnes œuvres brilleront comme les étoiles du ciel. »

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