Le Culte du Dimanche : 52 simples discours

4.
Un intérieur de famille

Il y avait un homme de Ramathaïm-Tsophim, de la montagne d’Ephraïm, nommé Elkana, fils de Jéroham, fils d’Elihu, fils de Tohu, fils de Tsuph, Ephrathien. Et il avait deux femmes, l’une s’appelait Anne et l’autre Péninna ; et Péninna avait des enfants, et Anne était sans enfants. Et cet homme montait de sa ville chaque année pour adorer l’Eternel des armées et pour lui offrir des sacrifices à Silo ; et là étaient les deux fils d’Héli, Hophni et Phinées, sacrificateurs de l’Eternel. Et le jour qu’Elkana sacrifiait, il donnait à Péninna, sa femme, et à tous ses fils et filles qu’il avait d’elle, des portions ; et il donnait à Anne une double portion, car il aimait Anne, et l’Eternel l’avait rendue stérile. Et son ennemie la mortifiait extrêmement dans le but de l’irriter, parce que l’Eternel l’avait rendue stérile. Et il faisait ainsi chaque année, toutes les fois qu’Anne montait à la maison de l’Eternel, et en retour [Péninna] la mortifiait ; et elle pleurait et ne mangeait point. Et Elkana son mari lui disait : Anne, pourquoi pleures-tu et pourquoi ne manges-tu pas et pourquoi ton cœur est-il triste ? Ne suis-je pas pour toi plus que dix fils ?

Et après qu’on eut mangé et bu à Silo, elle se leva ; et Héli, le sacrificateur, était assis sur un siège auprès de la porte du temple de l’Eternel. Et elle avait l’amertume dans l’âme et elle pria l’Eternel et pleura beaucoup ; et elle fit un vœu et dit : Éternel des armées, si tu prends garde à l’affliction de ta servante et si tu te souviens de moi, si tu n’oublies point ta servante et si tu donnes un enfant mâle à ta servante, je le donnerai à l’Eternel pour tous les jours de sa vie et le rasoir ne passera pas sur sa tête. Et comme elle prolongeait sa prière devant l’Eternel, Héli observa sa bouche. Et Anne parlait en son cœur, remuant seulement ses lèvres, et sa voix ne se faisait point entendre. Et Héli crut qu’elle était ivre. Et Éli lui dit : Jusqu’à quand seras-tu ivre ? Va dissiper ton ivresse ! Et Anne répondit et dit : Non, mon seigneur ! Je suis une femme affligée en son esprit ; je n’ai bu ni vin ni cervoise, mais j’épanchais mon cœur devant l’Eternel. Ne prends pas ta servante pour une femme de rien, car c’est dans l’excès de ma douleur et de mon affliction que j’ai parlé jusqu’ici. Et Éli répondit et dit : Va en paix, et que le Dieu d’Israël t’accorde la demande que tu lui as faite ! Et elle dit : Que ta servante trouve grâce à tes yeux ! Et cette femme alla son chemin et mangea, et son visage n’était plus le même.

Et le lendemain matin ils se prosternèrent devant l’Eternel et s’en retournèrent chez eux à Rama. Et Elkana connut Anne sa femme et l’Eternel se souvint d’elle. Et après le temps révolu Anne, ayant conçu, enfanta un fils et elle le nomma Samuel, car [dit-elle] je l’ai demandé à l’Eternel. Et cet homme, Elkana, monta avec toute sa maison, pour offrir à l’Eternel le sacrifice annuel et accomplir son vœu. Et Anne n’y monta pas, car elle dit à son mari : Quand l’enfant sera sevré, alors je le mènerai, afin qu’il soit présenté devant l’Eternel et qu’il demeure là toujours. Et Elkana son mari lui dit : Fais ce qui te semblera bon ; reste ici jusqu’à ce que tu l’aies sevré. Que seulement l’Eternel accomplisse sa parole ! Et sa femme demeura et elle allaita son fils jusqu’au moment de le sevrer. Et sitôt qu’elle l’eut sevré, elle le fit monter avec elle, prenant trois taureaux et un épha de farine et une outre de vin ; et elle le mena dans la maison de l’Eternel à Silo, et l’enfant était fort jeune. Et ils égorgèrent le taureau et amenèrent l’enfant à Héli. Et elle dit : Pardon, mon seigneur ; aussi vrai que tu vis, mon seigneur, je suis cette femme qui me tenais ici près de toi pour prier l’Eternel. C’est pour cet enfant que je priais, et l’Eternel m’a accordé la demande que je lui avais faite. Et moi aussi je l’ai donné à l’Eternel ; il sera donné à l’Eternel pour tous les jours de sa vie. Et ils se prosternèrent là devant l’Eternel.

(1 Samuel 1)

L’homme est bien le même dans tous les siècles et dans toutes les contrées. Au milieu des lois, des habitudes les plus opposées, on reconnaît en lui la même nature, le même cœur. Cette observation s’applique à la famille comme à l’individu ; et, chose remarquable, l’intérieur d’Elkana, d’Anne, de Péninna et de leurs enfants semble être une copie anticipée des intérieurs de nos jours. Retranchez quelques circonstances qui tiennent aux mœurs de l’époque ; il vous restera les caractères qui chaque jour se heurtent avec vous. Elkana a deux épouses ; il est de la famille sacerdotale ; laissez-là ces accidents, ne voyez en lui que l’époux ordinaire ; dans Anne et Péninna, que deux femmes ayant, à différents titres de parenté, des droits sur son cœur : par exemple, deux sœurs, ou une épouse et une mère, et vous croirez être au 19° siècle, en France, dans notre localité, dans notre maison peut-être. Aussi ne prendrai-je pas la peine de parler tour à tour de cette famille et de la vôtre. Je parlerai uniquement d’Elkana, et vous vous reconnaîtrez ; d’Anne, et vous verrez votre mère ; de Péninna, et vous retrouverez votre sœur ou votre femme. Vous êtes tous, à un titre ou à un autre, des Elkana, des Anne, des Péninna ; écoutez donc votre histoire ; aux noms propres que je prononcerai substituez vos propres noms, et peut-être trouverez-vous quelque profit à vous regarder dans cet antique miroir. Si nous avons choisi ce sujet pour aujourd’hui, c’est que la saison où nous sommes groupe plus étroitement les membres de la famille autour du foyer, et que pour nous heurter, hélas ! êtres vacillants que nous sommes, il suffit de nous rapprocher.

Elkana avait deux femmes, dont l’une s’appelait Anne et l’autre Péninna, et Péninna avait de la jalousie contre Anne. A nous qui vivons dans un temps où le mariage chrétien est en honneur, cette jalousie paraît bien excusable ; mais rappelons-nous qu’à l’époque dont il s’agit la polygamie était dans les mœurs ; et que Moïse, sans l’approuver, l’avait tolérée « à cause de la dureté de leurs cœurs. » Tout ce que nous voulons conclure de là, c’est que la jalousie entre deux épouses d’alors n’était pas plus excusable, que le serait aujourd’hui la jalousie de deux femmes parentes d’un même homme à titre de mère et d’épouse, ou bien d’épouse et de sœur. Nous ne devons donc voir dans Anne et Péninna que deux parentes qui ont un droit égal sur le cœur d’Elkana.

Ces deux femmes dans la même maison ne se haïssent pas ; mais seulement, nous dit le texte, elles sont jalouses l’une de l’autre. Peut-être même se font-elles un mérite de cette jalousie, qui prend son excuse dans une affection. Toutes deux veulent le bonheur du même être, du même homme ; mais chacune veut le rendre heureux par ses propres soins et à sa manière. Elles ne le laisseront même pas libre de choisir lui-même son bonheur. Ce que l’une fait à bonne intention, l’autre le défait dans une intention également bonne. De là des observations, des paroles piquantes, des brouilles, des disputes. Celle-ci fait valoir l’ancienneté de sa parenté, celle-là l’intimité de son union ; et ni l’une ni l’autre ne veulent tenir compte du droit légitime de leur rivale.

Chose étrange ! ces deux femmes ne puisent pas leur jalousie dans une préférence accordée par Elkana à l’une ou à l’autre, mais simplement dans ce fait que l’autre en est aussi aimée. Ainsi sont au milieu de nous telle mère et telle belle-fille ; ainsi telle épouse et telle sœur. Il semble que chacune s’estimerait heureuse de la négligence ou des mépris que son fils, son frère ou son époux marquerait à l’autre ; elles ne veulent pas tant être aimées que préférées ; leur joie est moins dans l’affection du maître de la maison que dans l’humiliation de leur rivale. Chacune dit de l’autre, par le fait sinon par des paroles : Qu’elle souffre et je serai contente ! En effet, il n’est pas dit qu’Elkana préfère Anne à Péninna, mais simplement qu’il aime Anne ; et, comme pour la consoler de n’avoir pas d’enfant, il lui donne dans la distribution de ses dons une part honorable. Eh bien, c’est précisément cet amour légitime pour une autre dont s’irrite Péninna ; c’est cet effort de son mari pour rétablir l’équilibre, cette consolation qu’il offre au malheur qui la blesse, et cette épouse heureuse, loin de calmer la douleur de l’infortunée, lui reproche comme un crime son infortune. Ou plutôt ce n’est pas un reproche, mais une moquerie ; elle la pique, dit le texte, elle la pique et même fort aigrement. Dans une telle famille, on ne se hait pas, peut-être ; mais on se jalouse, on se blesse, on se tourmente mutuellement. Il suffit que celui-ci veuille une chose pour que celui-là veuille l’autre, et si le premier eût formé le désir du second, le second eût exprimé le désir du premier. Ce ne sont pas des coups, mais des paroles qu’on se jette en passant. Chacun veut avoir le droit d’attaque, sans laisser à l’autre le droit de défense. Chacun sent ce qu’ont de blessant les paroles qu’on lui adresse, et ne s’aperçoit pas que les siennes sont plus blessantes encore. Il semble qu’on serait fâché de s’entendre ; ce sont des petits mots et de longues bouderies ; de petits riens, causes de grandes disputes. On veut avoir raison voilà tout. On met son plaisir à dominer si l’on est maître ; à résister si l’on doit obéir. On aurait eu tout aussi bon compte à laisser faire ; mais non : on préfère imposer sa volonté, son idée, au risque d’une discussion. On place la vie dans la lutte, le bonheur dans l’opposition, et l’on trouve une amère jouissance à blesser une volonté rivale ; si bien que, cherchant sa propre satisfaction dans le mécompte des autres, non seulement on les rend malheureux, mais, on se rend malheureux soi-même. C’est un homme qui frappe du poing un obstacle et qui se blesse la main ; c’est un combattant qui se jette sur son adversaire armé et qui pour le tuer se tue lui-même. Nous devenons ainsi nos propres ennemis, les destructeurs de notre félicité, les bourreaux de notre propre vie.

Ah ! si nous savions prendre la famille comme Dieu l’a faite, toute d’affection, de secours, d’union paisible, d’entretiens confiants et aimables ! si nous savions consulter avec humilité quand, nous sommes faibles, instruire avec douceur quand nous sommes puissants, toujours supporter, nous qu’on supporte ! si nous savions nous dire qu’avant tout nous sommes du même sang, qu’un jour peut-être il faudra nous séparer sur cette terre, et qu’alors isolés nous regretterons ces heures du foyer de famille ! si nous savions surtout nous dire que nous, qui ne voulons pas vivre paisiblement ensemble et nous aimer quelques jours sur la terre, nous n’aurons pas d’autre bonheur que de vivre ensemble et de nous aimer pendant une éternité dans les cieux ! Oh ! certes alors nous laisserions tomber cette irritation incessante qui flétrit notre existence, arrête notre sanctification, et du paradis terrestre de la famille fait un véritable enfer.

Anne est aimée de son époux ; cependant cela ne lui suffit pas. Sans doute elle ne lui fera pas de reproches ; mais elle versera des larmes, refusera de prendre de la nourriture, comme si sa tristesse ne devait pas aussi peser sur le cœur de son époux : comme si ses chagrins ne devaient pas réagir sur d’autres ; comme si son malheur ne devenait pas aussi le malheur de celui qu’elle veut rendre heureux !

Mais écoutez la douce réponse d’Elkana : « Anne, pourquoi pleures-tu ? Pourquoi ne manges-tu point ? Pourquoi ton cœur est-il toujours triste ? Ne te vaux-je pas mieux que dix fils ? »

Parole admirable de vérité ! parole pleine du sentiment le plus tendre : « Ne te vaux-je pas mieux que dix fils ? » Elkana, par son union féconde avec Péninna, sait ce qu’Anne ignore. Il sait qu’un enfant que nous désirons avant de le posséder, et qui nous émeut si agréablement le cœur à sa naissance, nous attriste bien souvent en avançant en âge ; il sait que cet enfant que nous espérons devoir être riche en qualités aussi longtemps qu’il est à naître, quand il est né laisse découvrir chaque jour un nouveau travers ; il sait qu’on en reçoit l’indifférence en retour de l’affection, l’égoïsme en échange du dévouement, et l’ingratitude à l’heure où l’on en espère la reconnaissance. Tandis que, d’un autre côté, il sait que son affection d’époux pour Anne devient chaque jour plus profonde, qu’elle s’accroît par le partage des joies comme des épreuves, et qu’il suffit à deux époux de vieillir ensemble pour mieux s’aimer. Il sait que pour lui du moins le bonheur d’Anne ferait son bonheur ; qu’il pourrait au besoin vivre de privations avec elle, travailler pour elle, plus, hélas ! que ne le feraient bien des fils ; aussi trouve-t-il dans son cœur ces paroles attendrissantes : « Anne, pourquoi pleures-tu ? Pourquoi ne manges-tu point ? Pourquoi ton cœur est-il toujours triste ? Ne te vaux-je pas plus que dix fils ? »

Mais non : ce qu’Anne veut, c’est ce qu’elle n’a pas ; de ce qu’elle a, elle ne sent plus le prix. Ce qu’Anne désire, c’est ce que ni la fortune, ni la volonté de son mari ne peut lui donner ; quant à l’affection qu’il offre, elle la regarde comme une chose due ; elle n’en tient pas compte, et continue à pleurer.

Ah ! si dans sa sévérité Dieu voulait la punir de son ingratitude en lui retirant cet époux affectueux ! si elle avait à pleurer sur un malheur réel et non sur un imaginaire, alors elle comprendrait l’injustice de ses amers sentiments ! Sur la tombe d’un mari, elle mesurerait ce que dans la vie il était pour elle. Il lui faudrait une affliction véritable pour effacer son semblant d’affliction. Nous, ses juges, peut-être la lui aurions-nous envoyée ; mais « les voies de Dieu ne sont pas nos voies ; » sa miséricorde n’est pas notre colère, et ce Dieu de bonté trouvera d’autres moyens de ramener Anne à de meilleures pensées.

Anne monte à Silo, et trouve, assis près du tabernacle, ce sacrificateur Héli, dont il nous est dit, au commencement du récit, que ses deux fils étaient là près de leur père, et dont le chapitre suivant nous apprend la coupable négligence envers ses deux criminels enfants. Héli, comme tant de pères, tombe dans l’excès contraire où nous avons vu tomber Anne. Il ne songe pas à demander comme elle un fils qu’il n’a pas ; il ne s’inquiète pas même assez de ceux qu’il a. Héli, comme tant d’autres pères, s’occupe de sa profession ; c’est même, dans ce sens, un fidèle serviteur de Dieu ; il est attentif à la conduite d’une étrangère qui prie, et oublieux de la conduite de ses enfants qui se perdent. Sans doute, la pensée qu’il remplit une charge importante l’excuse à ses propres yeux ; sans doute, il se dit qu’il donne par son activité elle-même de bons exemples à ses fils, qu’il travaille pour eux, prie pour eux ; et il endort ainsi sa conscience, qui, mieux écoutée, lui ferait pressentir ces paroles que l’Eternel lui adressera plus tard : « Pourquoi as-tu honoré tes fils plus que moi ? Les enfants de ta maison mourront à la fleur de l’âge ; tes deux fils périront un même jour ; je m’établirai un sacrificateur fidèle, et tes descendants viendront se prosterner devant lui pour mendier un morceau de pain. »

Je ne sais si cette conduite négligente d’Héli envers ses fils produit sur vous ; pères, l’effet qu’elle produit sur moi ; mais je vous avoue que je frémis intérieurement toutes les fois qu’elle me revient à la mémoire. Peut-être un jour mes enfants, négligés par leur père, sortiront de la ligne du devoir ; peut-être ces défauts de caractère acceptés par moi avec trop d’indulgence grossiront, grossiront encore jusqu’à ce que je ne puisse plus les dompter ; et alors mes enfants grandis s’affranchiront de leur père, mépriseront ma volonté, se riront de mes prières, blasphémeront le Sauveur que j’adore ! Peut-être… Oh ! mon Dieu, mon Dieu ! non ! non ! qu’il n’en soit pas ainsi ! Détourne ce malheur de mon âge mûr ; donne-moi, donne-nous, à nous tous, pères et mères, une sainte vigilance, une active sévérité, et que nous ayons le courage de faire pleurer jeunes ceux qui pourraient nous faire pleurer vieux. Non pour nous, Seigneur, mais pour eux, apprends-nous à maîtriser leur corps afin de sauver leur âme ; épargne-leur le sort d’Hophni et de Phinées, et à nous la destinée d’Héli !

Mais revenons vers Anne en prières, et reposons nos regards par une conduite directement contraire à celle du grand-sacrificateur. Anne promet à Dieu et se promet à elle-même que, si elle obtient un fils, elle le consacrera dès sa naissance au service du Seigneur. Sans doute cette offrande n’a rien d’extraordinaire, et toutes les mères, avant comme après la naissance de leurs enfants, forment un semblable vœu. Toutes veulent que leurs enfants soient des modèles de sagesse ; mais toutes, comme Anne, y travaillent-elles après l’avoir désiré ? Anne prie d’abord, mais ensuite elle agit ; elle accomplit son vœu : elle conduit son fils dès le bas-âge au Tabernacle pour vaquer au service de l’Eternel. Croyez-vous donc qu’il n’en coûtait rien à son cœur de mère de se séparer de son enfant ? Celle qui avait tant pleuré pour avoir un fils qu’elle ne connaissait pas encore devint-elle donc insensible dès qu’elle le connut ? Non ; mais c’est précisément parce qu’elle l’aime véritablement qu’elle s’en sépare et le place sous l’aile du Seigneur. Elle sait que cet enfant lui vient de Dieu, que ce Dieu qui exauça la mère fera le bonheur du fils ; et dût-elle souffrir de son absence, elle y consentira, non par indifférence, mais par une profonde affection. Samuel restera dans la maison de Dieu ; il apprendra à lire sa Parole, à prier, à croire, à trouver la voie du salut. Il se sanctifiera, consolera par ses vertus les vieux jours de sa mère, et un jour, montant au ciel, ira la rejoindre pour toujours, ou pour toujours l’attendre dans le sein de Dieu. Comment donc Anne serait-elle triste désormais ? Comment hésiterait-elle à rendre pour un peu de temps le fils qui lui a été donné et qui plus tard lui sera donné de nouveau pour une éternité ? Non ; ne vous étonnez donc pas d’un sacrifice qui n’en est pas un, et qu’un cœur chrétien saura comprendre et imiter.

Recueillons cette impression salutaire ; allons plus loin et disons-nous qu’il n’est de bonheur véritable dans une famille qu’alors qu’elle se consacre elle-même tout entière au service de Dieu. Sans doute il ne s’agit pas d’imiter dans sa forme la consécration de Samuel par sa mère, mais nous pouvons la suivre dans son esprit. Que notre demeure soit le Tabernacle de Dieu ; nos enfants et nos pères, des sacrificateurs ; et nos entretiens, des prières, des lectures, des chants en rapport avec notre éternel avenir. Nous n’avons pas besoin d’être tous prêtres, mais d’être tous chrétiens.

Quelquefois fatigués des troubles de votre intérieur, vous demandez quels seraient les moyens d’y ramener la paix. Ces moyens se réduisent à un ; la foi, la piété, Jésus reçu dans tous les cœurs de votre famille. N’attendez pas de nouvelles expériences pour le croire ; celles que vous avez faites doivent vous suffire ; et si ce n’est pas assez, jetez un coup d’œil sur ces familles du monde incrédules et misérables. Voyez : on y est riche peut-être, honoré peut-être, instruit peut-être, enfin on y brille au dehors ; mais pénétrez à l’intérieur, écoutez ces cris, ces disputes, voyez ces désordres, contemplez ces haines cachées à l’ombre d’une muraille, et peut-être vous convaincrez-vous enfin qu’il n’est de paix, de joie, de bonheur que dans la foi chrétienne, parce qu’elle enrichit cette terre des biens qu’elle va puiser aux cieux !

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