Le Culte du Dimanche : 52 simples discours

16.
Quel est le but de la vie ?

Jésus lui dit : C’est moi qui suis le chemin et la vérité et la vie ; nul ne vient au Père que par moi.

(Jean 14.6)

Quel est le but de mon existence et quel chemin peut m’y conduire ? Quand j’ai bu et mangé, agi et dormi, quand j’ai satisfait aux besoins de mon pauvre corps, à quoi, pour être dans l’ordre de la nature, dois-je employer mon temps, mes forces, mon intelligence ? J’ai devant moi des matériaux, mais quel édifice dois-je construire ? Je sens bien que j’ai soif de vie, d’activité, de bonheur ; mais comment trouver ce bonheur, où placer cette activité, et que faire de cette vie ? Moi-même, que suis-je ? esprit ou matière ? l’égal des animaux ou des anges ?

Pour sortir de ce dédale de difficultés l’homme réfléchit, médite, mais en vain ; tous ses efforts pour résoudre ces grandes questions vont se briser contre les étroites limites de son intelligence, et il tombe dans l’abattement, sinon dans le désespoir. Alors la foi se présente et lui dit : Relève la tête, regarde Jésus, marche sur ses traces, « il est le chemin, la vérité, la vie. » A cette invitation un soupir s’exhale de la poitrine de l’homme indécis ; au milieu de cet océan de pensées incertaines il serait heureux de trouver un pilote pour le conduire au port ; mais il craint de prendre dans cette révélation un aventurier qui le jette sur l’écueil du mysticisme, et il s’arrête sans oser aborder le rivage paisible et sûr de l’Évangile. Il aime mieux reprendre confiance en ses propres méditations ; il recommence le lendemain une étude qui ne l’instruira pas mieux que celle de la veille ; et ce n’est qu’à deux pas de la tombe qu’il reconnaît enfin que nul n’arrive à la vérité par lui-même. Hélas ! alors il est trop tard ! aussi voudrais-je vous conduire à cette persuasion dès aujourd’hui. Parcourons donc ensemble le cercle d’idées dans lequel on tourne toute sa vie, et peut-être, sous la bénédiction de Dieu, hâterons-nous pour quelques-uns la venue du jour où doit éclore enfin la vérité.

Un être vient dans ce monde et nous dit : « Nul ne vient au Père que par moi. » Il est clair que, si nous pouvions connaître ce père, ce qu’il est, ce qu’il veut, par cela même nous connaîtrions le chemin et le but de notre existence. Mais est-il bien vrai que nous ne puissions pas arriver par nos forces à cette découverte des attributs de Dieu ? Faisons encore une tentative.

J’ouvre les yeux et je vois autour de moi mille objets divers : une terre qui me porte, un soleil qui m’éclaire, des milliers d’êtres autour de moi, et je fais ce simple raisonnement : Il n’y a pas d’effet sans cause, pas de création sans créateur ; donc Dieu existe. Ensuite je trouve en moi et mes semblables intelligence et affection ; or, comme on ne peut donner que ce qu’on possède soi-même, il faut que ce Dieu créateur soit affectueux et intelligent. Voilà ce que chacun peut facilement découvrir lui-même. Mais au-delà que savez-vous d’assuré, de certain ? Avez-vous décidé si ce Dieu doit vous appeler un jour auprès de lui, ou s’il vous a jeté sur cet univers comme la goutte d’eau perdue dans l’Océan ? S’inquiète-t-il ou non de votre conduite ? Vous demande-t-il quelque chose ou rien ? une adoration et des prières ou l’oubli et l’indifférence ? Et s’il est un avenir, ce Dieu s’y montrera-t-il d’une moralité sévère ou d’une faiblesse indulgente ? A la vérité, la conscience vous conseille le bien, mais presque toujours la passion vous pousse vers le mal. En ceci ce Dieu peut-il encore vous ressembler ? Non ; mais alors d’où viennent ces contradictions de votre nature ? Qui peut, en consultant son intelligence seule, répondre à toutes ces questions ? Pour moi, j’avoue que ce court examen me fait déjà mieux comprendre ces paroles : « Nul ne vient au Père que par Jésus ; » ce qui revient à dire que nul n’arrive à Dieu par lui-même.

Mais si nous ne pouvons arriver à la connaissance de Dieu portés par notre esprit pour être ensuite conduits de cette connaissance à la connaissance de nous-mêmes et au but. de notre vie, essayons de nous étudier directement ; tournons nos regards sur nous-mêmes et voyons si nous y trouverons quelques vestiges de la route que nous devons suivre. Je trouve en moi une violente impulsion qui me porte à satisfaire les désirs de ma chair. A la vue ou seulement à la pensée des objets qui excitent ces désirs, mon attention se fixe, mon imagination s’allume. Un instinct, devenu plus fort que moi, me pousse à me plonger dans cet océan de plaisirs. Toutefois je me contente d’y puiser, j’en porte la coupe à mes lèvres, je savoure à longs traits le nectar qui doit calmer mes sens enflammés ; mais au fond je trouve une lie amère qui du vase passe sur mes lèvres, de mes lèvres dans mon cœur, et aussitôt le dégoût s’empare de moi ; j’ai honte et horreur de la volupté que j’ai goûtée, je voudrais briser entre mes dents cette coupe de tentations et d’amertume ; je la saisis de la main et je la lance à mes pieds, plein de confusion et de remords. Pourquoi cette contradiction d’un même cœur entre les deux instants successifs d’un plaisir désiré et d’un plaisir satisfait ? Si je dois suivre la voie que mes sens m’indiquent, pourquoi ne puis-je y faire deux pas de suite sans la trouver couverte de ronces et bordée de précipices ? Pourquoi ces aliments savoureux et abondants qui plaisent à mon corps appesantissent-ils mon esprit ? Pourquoi ces boissons qui grandissent mon imagination égarent-elles ma raison ? Pourquoi ces convoitises de la chair électrisent-elles mes sens, et, satisfaites, me laissent-elles faible, abasourdi, et finissent-elles par émousser mon esprit et dégrader mon cœur ? Et lorsque je m’élève des voluptés sensuelles aux douceurs de l’intelligence, pourquoi cette soif de gloire s’irritant même sous la saveur des louanges ? Pourquoi, plein d’ardeur pour atteindre l’approbation des hommes, suis-je disposé, quand j’y touche, à me prendre en pitié moi et ces hommes ? Pourquoi ceux qui mettent leur ambition à posséder ne sont-ils heureux qu’aussi longtemps qu’ils ont la fortune en perspective, et retombent-ils dans l’ennui lorsqu’elle est entre leurs mains ? Partout et toujours je retrouve dans les souhaits les mieux réalisés de plaisir, de gloire, de richesse, déception, impuissance, satiété, contradiction ; et s’ils remplissent quelques instants de ma vie, ils en laissent de longues heures vides, pénibles, sans but, sans bonheur. Non, je ne puis voir dans cet amour pour la matière une révélation de ma nature pour me conduire sur le chemin de la vérité et de la vie.

Mais ce dégoût qui suit le plaisir ne pourrait-il pas être lui-même un meilleur guide ? En me poussant dans le sens contraire, cette vertu, que j’estime et honore, ne serait-elle pas le but de mon existence ? Il est si beau de suivre avec droiture et courage les lois de sa conscience ! Il est si doux, quand on l’a remplie même de douloureux sacrifices, de contempler sa vie passée ! – Il est vrai que si, dans le calme de l’inaction, je médite ainsi sur la tendance morale de mon être, je suis bien disposé à croire que je devrais la suivre. Mais, hélas ! dès que je sors de cette inaction pour me mettre à l’œuvre, mon admiration se dissipe, mes bonnes résolutions s’affaiblissent, mes forces m’abandonnent, et je reste impuissant en face de la plus noble tâche à remplir ! Que dis-je ? Impuissant pour faire le bien, si je pouvais du moins rester passif et ne pas tomber dans le mal ! Mais non, le mal m’entraîne et me subjugue. Je le cherche et je l’aime, je le veux et l’accomplis ; au même instant où j’approuve la vertu, je me plonge dans le vice. Si je me relève, il me faut des efforts inouïs pour remporter de rares victoires dans cette lutte incessante contre moi-même. Quelquefois vainqueur, souvent vaincu, toujours meurtri ! Si la moralité est mon but, pourquoi suis-je sans force pour l’atteindre ? Et si je ne puis pas l’atteindre, pourquoi le goût m’en a-t-il été donné ? Toujours des contradictions en moi, toujours un but aperçu et perdu de vue, toujours une vérité découverte et démentie, toujours lutte, opposition, incertitude ; point de chemin ouvert, point de donnée certaine, point de vie réelle ! Oh ! que je sens bien la vérité de ces paroles : Nul ne vient au Père par lui-même.

Nul ne peut aller au Père ; nous avons reconnu la vérité de ces paroles, nous avons donc déjà un motif d’ajouter quelque confiance à la vérité de celles qui suivent : « Si ce n’est par moi ; » et cette déclaration de Jésus revient à ceci : Si vous voulez vous abandonner avec confiance à ma parole, qui est le chemin, vous viendrez à moi, qui suis la vérité, et je vous conduirai à mon Père, qui donne la vie. Cette vérité, c’est moi, moi placé là comme le mot de l’énigme pour expliquer la justice et la bonté de Dieu inconciliables pour la sagesse humaine, mais que je mets en accord en me chargeant de la colère de ce Dieu, et ne laissant plus parvenir à vous que son amour et sa miséricorde. Cette grande vérité reçue dans votre cœur, cette vérité qui vous apporte le pardon de toutes vos fautes, qui vous donne gratuitement le ciel, cette vérité vous donne ainsi la vie éternelle, le bonheur.

Mais comment vous assurer si Jésus peut accomplir sa promesse ? C’est ici une question de fait facile à examiner : pour savoir ce qu’un être peut faire, il suffit de voir ce qu’il a déjà fait ; pour vous assurer donc si Jésus peut être pour vous-mêmes le chemin, la vérité, la vie, voyez s’il a été le chemin, la vérité, la vie pour d’autres. Or voici le témoignage d’hommes pris dans tous les siècles et dans tous les pays, et pour vous convaincre que ces témoignages sont sincères, écoutez les preuves de sincérité que ces hommes nous ont données. Pour suivre Jésus, les apôtres ont quitté leurs travaux, leur patrie, leurs familles, et se sont voués à la moquerie, à la persécution, à la misère et à la mort. Pour suivre Jésus, les Pères de l’Église jadis ont abandonné gloire, fortune, au milieu de leurs admirateurs païens ; ils ont brûlé leurs livres, avoué leur ignorance, reconnu la lumière de l’Évangile, confessé leur foi devant les empereurs et reçu la mort avec joie sur des bûchers, sous la hache ou dans la gueule des lions. Les chrétiens de tous les siècles passés, pris dans l’Église de Rome comme dans celle de la Réforme, les Fénelon comme les Luther, les François de Sales comme les Wilberforce, tous ont voulu suivre Jésus, ont consacré leur vie à des travaux pénibles, obscurs, périlleux ; donné leur temps, leur santé, habité les cachots, recueilli l’orphelin et rendu la liberté à un peuple naguère esclave. Maintenant, de tous les siècles, les voix de ces hommes s’unissent pour vous dire : Nous étions errants dans les ténèbres, cherchant à tâtons la vérité dans notre intelligence, mais ne saisissant que des ombres, interrogeant les livres et les trouvant tout aussi ténébreux que nous-mêmes ; mais dès que nous avons rencontré l’Évangile de Christ, plus d’incertitude sur notre marche, plus de fatigue pour notre esprit ; une lumière a brillé à nos yeux, et, malgré tous les doutes soulevés par ceux qui nous entouraient, nous sommes restés convaincus que Christ était le bon chemin. Ce chemin nous a conduits à la vérité. Jadis nos réflexions les plus lumineuses comme les philosophes les plus éloquents, après nous avoir satisfaits une heure, nous laissaient bientôt retomber dans les angoisses du doute. Mais aujourd’hui l’Évangile est devenu pour nous une lumière constante, une vérité incontestable ; nous découvrons chaque jour, dans chacune de ses pages, une beauté nouvelle, et nous reconnaissons dans cette œuvre la même sagesse, la même puissance qui éclatent dans la création. Là nous voyons un homme unique dans l’univers nous donner l’image vivante d’un Dieu ; ses disciples, d’abord passionnés, transformés en de nouvelles créatures ; un dogme, obscur pour le monde, devenu pour nous sage et profond ; l’homme, humilié par ses fautes, sauvé par un Dieu et sanctifié par la reconnaissance. Oui, quand nous avons su que le ciel perdu pour nous nous serait cependant donné ; quand nous avons appris que Dieu nous avait aimés jusqu’à sacrifier pour nous son Fils unique, notre cœur a été remué par cet amour immense ; notre égoïsme a cédé, et nous avons enfin été rendus capables d’aimer à notre tour. Jadis, dans ce monde, tout nous semblait contradictoire ; nous ne pouvions concilier la bonté de Dieu avec nos misères, les désirs infinis de notre cœur avec notre existence bornée, notre approbation du bien avec notre pratique du mal ; tout cela était un chaos sans fond, et aujourd’hui tout s’est éclairci pour nous au soleil de Christ ; tout prend sa place, tout a un sens. Si nous sommes de misérables pécheurs, malgré la sainteté de notre Créateur, c’est que nous sommes des êtres déchus en Adam. Si nos désirs de vie et de félicité sont infinis et notre existence bornée, c’est qu’au-delà de la tombe éclot une nouvelle vie. Si notre cœur réclame le bonheur en même temps que notre conscience nous dénonce le châtiment, c’est que Christ, par sa mort, devait apaiser les cris de notre conscience et porter la paix et la joie dans notre cœur. Qui pourrait maintenant nous attrister ? Les éléments de notre bonheur ne sont plus entre les mains des hommes, qui peuvent nous ravir notre fortune, notre réputation, notre corps, mais qui ne sauraient atteindre notre âme. Les événements de ce monde peuvent bien en apparence nous être contraires, mais nous savons qu’en réalité Dieu les dirige pour notre bien, et que de la misère inspirant la patience, comme de la fortune conseillant la gratitude, de la santé invitant à la reconnaissance, comme de la maladie enseignant la prière, de tout peut résulter également notre sanctification. Que nous mourions tôt ou tard, nous allons au Seigneur ; que notre chemin soit un peu plus, un peu moins épineux, il conduit toujours au ciel ; et que nous importent ces différences sur une vie de quatre jours, lorsque nous sommes assurés d’une vie qui n’aura qu’un seul jour, mais un jour sans soir, sans nuit, sans fin. Oh ! quelle paix est répandue dans notre âme ! Christ nous a rachetés ; nous sommes réconciliés avec Dieu ; nos péchés sont effacés ; Dieu est notre Père, et il nous attend à deux pas d’ici, à deux minutes de cette heure, ou plutôt il est déjà avec nous sur cette terre ; nous le sentons dans notre cœur par la présence de son Esprit ; nous vivons en lui, et lui en nous ; nous ne sommes qu’un et nous vous convions à venir aussi ne faire qu’un avec nous.

Voilà le témoignage que rendent à leur maître les hommes qui ont suivi Jésus. Et remarquez que ce n’est pas seulement dans un seul siècle que la foi en Christ a été adoptée, c’est dans tous : depuis dix-huit cents ans, au temps des apôtres comme au temps des Pères de l’Église, à l’époque des réformateurs comme de nos jours. Depuis Jésus jusqu’à nous s’est formée une chaîne non interrompue d’hommes se donnant la main et répétant d’une seule voix : Christ est pour nous le chemin, la vérité, la vie. Ces hommes nous ont quittés, mais leur témoignage unanime est resté pour nous consigné dans leurs ouvrages. Craindriez-vous que cette foi en Christ ne fût chez eux que le fruit d’une imagination exaltée ? Mais l’imagination appartient surtout au jeune âge : elle refroidit avec le temps et change bientôt d’objet, tandis que cette foi chrétienne est persistante. Ces hommes ne l’ont pas acceptée pour un moment et n’y ont pas renoncé dans un autre ; non, chaque jour ils s’y sont attachés davantage ; et, chose admirable, tandis que sur tous les autres chemins, où les hommes cherchent la vérité et le bonheur, on entend des voix s’écrier : Ils ne sont pas ici ! le chrétien seul a cessé de se plaindre et persiste à dire qu’il les a trouvés, qu’il en est certain, qu’il en jouit, jusqu’à ce qu’il meure triomphant dans la ferme assurance qu’il passe dans le sein de son Dieu.

Mais tout cela ne peut-il suffire à vous convaincre ? Commencez donc une étude sérieuse de cette Bible que vous croyez à demi et rejetez à moitié. Aussi longtemps que vous resterez dans cette demi-foi, ce demi-jour, vous serez malheureux. Vous ne croyez ni ne niez, vous êtes dans le doute ; mais le doute n’est pas plus fécond que l’incrédulité. Il fait peser sur vous, comme un devoir, une religion qui, mieux comprise et véritablement crue, serait pour vous un privilège. Votre doute vous fatigue et ne vous sauve pas. A tout prix vous devez en sortir, dussiez-vous y employer dix ans de votre vie et la moitié de votre fortune. Vous ne payerez jamais trop cher la découverte d’une éternité, si elle existe ; ou votre affranchissement du joug fatigant de la conscience, si la conscience n’est qu’un préjugé. Croyez tout ou rejetez tout ; alors du moins vous serez conséquents, vous aurez pour bénéfice ou le ciel ou la terre, tandis qu’aujourd’hui vous n’avez ni l’un ni l’autre.

Oh ! quand il vous faudra tout nier ou tout croire, votre décision sera facile ! Vous sentirez qu’on ne renonce pas aisément, vers le soir de la vie, aux espérances de la foi ; votre cœur criera plus haut que votre esprit ; des besoins intimes de bonheur laissés intacts par les biens d’ici-bas vous contraindront à porter vos regards plus haut et plus loin pour ne les arrêter qu’aux cieux et sur l’éternité. Alors, dites-vous-le bien, tous vos efforts pour arriver à la vérité seront inutiles, si vous n’allez pas demander de les soutenir à Celui qui s’est dit le chemin et qui donne la vie. Sans prière, vous méditerez en vain ; méditez autant que vous voudrez, mais méditez la Bible à la main et la prière dans le cœur ; ce n’est qu’ainsi qu’on arrive à Jésus-Christ.

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