Le Culte du Dimanche : 52 simples discours

22.
La Pentecôte

Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Et il se fit tout à coup, du ciel, un bruit semblable à celui du vent qui souffle avec violence ; et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Et des langues séparées, comme de feu, leur apparurent et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis de l’Esprit saint, et ils commencèrent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.

Or à Jérusalem demeuraient des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel. Or, ce bruit ayant eu lieu, la multitude s’assembla et fut confondue de ce que chacun les entendait parler en son propre dialecte. Ils en étaient dans la stupeur et l’étonnement, se disant les uns aux autres : Ces gens-là qui parlent, voici, ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment donc les entendons-nous chacun dans le propre dialecte du pays où nous sommes nés ? Parthes et Mèdes et Elamites, et ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée et la Cappadoce, le Pont et l’Asie, la Phrygie et la Pamphylie, l’Egypte et les quartiers de la Libye, qui est près de Cyrène ; et Romains en séjour, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer en nos langues les choses magnifiques de Dieu. Ils étaient donc tous stupéfaits et ne savaient que penser, se disant l’un à l’autre : Que veut dire ceci ? Mais d’autres, se moquant, disaient : Ils sont pleins de vin doux.

Mais Pierre, se présentant avec les onze, éleva sa voix et leur parla : Hommes juifs, et vous tous qui séjournez à Jérusalem, que ceci vous soit connu, et écoutez avec attention mes paroles : Ces gens-ci ne sont point ivres, comme vous le supposez, car il est la troisième heure du jour. Mais c’est ici ce qui a été dit par le prophète Joël : Et il arrivera dans les derniers jours, dit Dieu, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair ; et vos fils et vos filles prophétiseront ; et vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes. Oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes, dans ces jours-là, je répandrai de mon Esprit, et ils prophétiseront. Et je ferai des prodiges en haut dans le ciel, et des signes en bas sur la terre, du sang et du feu, et une vapeur de fumée. Le soleil sera changé en ténèbres, et la lune en sang, avant que vienne le jour grand et éclatant du Seigneur. Et il arrivera que quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Hommes Israélites, écoutez ces paroles : Jésus le Nazaréen, cet homme autorisé de Dieu auprès de vous par des miracles et des prodiges et des signes que Dieu a faits par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes ; ce Jésus, livré selon le conseil arrêté et la prescience de Dieu, vous l’avez fait mourir par la main d’infidèles, l’ayant cloué à la croix ; Dieu l’a ressuscité, ayant dissipé les douleurs de la mort, parce qu’il n’était pas possible qu’il fût retenu par elle. Car David dit de lui : Je voyais le Seigneur devant moi constamment, parce qu’il est à ma droite, afin que je ne sois point ébranlé. C’est pour cela que mon cœur s’est réjoui, et ma langue a été dans l’allégresse, et même ma chair reposera encore avec espérance ; parce que tu n’abandonneras point mon âme dans le séjour des morts, et tu ne permettras point que ton Saint voie la corruption. Tu m’as fait connaître les chemins de la vie ; tu me rempliras de joie par ta présence. Hommes frères, qu’il me soit permis de vous dire, en toute liberté, au sujet du patriarche David, et qu’il est mort et qu’il a été enseveli, et que son sépulcre est parmi nous jusqu’à ce jour. Etant donc prophète, et sachant que Dieu lui avait promis avec serment qu’il ferait asseoir un de ses descendants sur son trône, il a, par prévision, parlé de la résurrection du Christ, disant qu’il n’a point été laissé dans le séjour des morts et que sa chair n’a point vu la corruption. C’est ce Jésus que Dieu a ressuscité ; ce dont nous tous, nous sommes témoins. Ayant donc été élevé par la droite de Dieu et ayant reçu du Père l’Esprit-Saint qu’il avait promis, il a répandu ce que vous-mêmes aussi voyez et entendez. Car David n’est point monté au ciel ; mais il dit lui-même : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis pour le marchepied de tes pieds. Que toute la maison d’Israël sache donc avec certitude que Dieu l’a fait et Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié.

Ayant entendu ces choses, ils eurent le cœur transpercé, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres : Hommes frères, que devons-nous faire ? Et Pierre s’adressant à eux : Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour la rémission de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. Car pour vous est la promesse, et pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont éloignés, autant que le Seigneur notre Dieu en appellera.

(Actes 2.1-39)

Dans la semaine qui vient de s’écouler, plein de la pensée qu’aujourd’hui j’aurais à parler du fait miraculeux qui signala la première Pentecôte chrétienne, je me suis mis en présence du chapitre que vous venez d’entendre, je l’ai lu avec attention, et je me suis dit : Que pourrais-je écrire pour dimanche ? Dès les premières lignes du texte, il est parlé du Saint-Esprit dont furent remplis les Apôtres ; plus loin, du Saint-Esprit annoncé par le prophète Joël et répandu sur toute chair, c’est-à-dire sur tous les hommes, et enfin plus bas encore du Saint-Esprit promis par Dieu à tous ceux qui se convertiraient à Jésus-Christ : aux Juifs qui sont là ; à leurs enfants, et à tous ceux qui sont éloignés dans les siècles à venir ! Certainement, dans un jour semblable, en face d’un tel chapitre, je ne puis, me suis-je dit, ne pas parler du Saint-Esprit. Et cependant je n’en ai pas le courage ! Je sens qu’il y a là un obstacle hors de moi ; parler du Saint-Esprit reçu par les Apôtres, hommes tous spéciaux et nécessaires à l’établissement du Christianisme, soit ; mais parler du Saint-Esprit répandu sur toute chair, offert à tous les hommes, et par conséquent du Saint-Esprit offert à ceux qui seront là, dimanche, pour écouter mes paroles ; parler de tout cela, oh ! non, c’est impossible. Je vais soulever une foule d’objections, remuer une masse d’incrédulité, et je sens déjà d’avance son poids énorme m’écraser. Je leur citerai les autorités de David s’écriant : « Mon Dieu, rends-moi ton Esprit de sainteté ; » de Jésus disant : « Votre Père céleste ne donnera-t-il pas son Saint-Esprit à à ceux qui le demandent ? » de Jacques ajoutant : « Demandez l’Esprit de sagesse ; » De Paul affirmant que les chrétiens « sont régénérés par le baptême du Saint-Esprit ; » oui, je citerai toutes ces autorités ; mais ces paroles glisseront sur leurs cœurs comme l’eau sur du marbre. A quoi me servira de leur donner des témoignages sans valeur pour eux, de leur alléguer un livre auquel les uns croient si peu, auquel les autres ne croient pas ? – Je les exhorterai à vivre purement en leur rappelant que leur corps est le temple du Saint-Esprit ; je les consolerai dans leurs afflictions en leur offrant le secours de cet Esprit qui soulage nos cœurs par des soupirs inexprimables ; mais ces paroles seront entendues sans être comprises, écoutées sans être crues. Le Saint-Esprit, à leurs yeux, c’est un mot qui est bien placé dans la Bible, qui peut encore se prononcer à la fin d’une prière, tomber de loin en loin du haut de la chaire ; mais en faire le sujet d’un discours entier, mais en parler dans le monde, mais le regarder comme une réalité, mais lui donner une place dans nos pensées aussi bien que dans nos affaires et dans nos plaisirs, oh ! non, non, pour eux, c’est presque chose ridicule ; et, si je vais leur parler longuement du Saint-Esprit, ils jugeront exagéré chez un prédicateur chrétien ce qui se trouve dans chaque parole de Jésus-Christ. Que faire devant une telle inconséquence ? Que dire à des hommes qui admettent la Bible dans son ensemble et qui en repoussent les vérités présentées l’une après l’autre ? Que faire ? Oh ! quelle déplorable incrédulité ! Comme elle prouve bien elle-même que nous avons besoin du Saint-Esprit ! Ensuite, je me suis demandé : D’où vient cette incrédulité ? Comment se fait-il qu’une promesse aussi réjouissante soit repoussée ? Ne devrait-on pas s’attendre à voir une offre aussi précieuse acceptée avec empressement, ou, s’ils n’osent pas y croire, ne devraient-ils pas au moins être désireux d’être convaincus ? Comment se fait-il donc que, lorsque je viens leur exposer cette vérité si douce que Dieu veut leur donner son Esprit, qu’un trésor inappréciable est sous leur main, comment se fait-il que ce sujet de joie soit pour eux un sujet d’ennui ? que mes preuves leur soient suspectes même avant d’avoir été entendues ? et que, si même je réussis à leur montrer un rayon de vérité, ils aient peur d’être gagnés et qu’ils se hâtent de fermer les yeux à la lumière ? Comment ! et pourquoi cela ? Est-ce que ces hommes auraient des preuves que ce Saint-Esprit n’existe pas ou qu’il ne peut pas leur être communiqué ? Non, car, s’ils peuvent déclarer qu’ils ne l’ont pas reçu, ils ne peuvent pas affirmer qu’on ne peut le recevoir. D’ailleurs, ces hommes n’ont pas étudié cette question ; c’est chez eux un parti pris, une opinion arrêtée d’avance ; ils n’ont d’autre raison que celle-ci, qu’ils ne veulent pas y croire. Pourquoi donc cette incrédulité ? Est-ce parce qu’ils sont certains que les Apôtres n’ont pas reçu ce secours miraculeux ? Non ; pour eux ce peut être là l’objet d’un doute ; mais ils ne peuvent pas s’en dire certains. Est-ce qu’ils savent pertinemment que tous les hommes qui, depuis les Apôtres à nos jours, ont affirmé avoir reçu le même secours, sont tous indignes de confiance ou faibles d’esprit ? Non, car à peine dans l’auditoire se trouvera-t-il quelques personnes informées qu’il ait jamais existé des hommes ayant cette prétention, et ils seraient bien surpris si on leur disait aujourd’hui que Pascal, mathématicien profond, Newton, révélateur du système du monde, Leibnitz, philosophe, Bacon, savant, Haller, grand physicien, croyaient aux dons du Saint-Esprit ; et s’ils ignorent les paroles de ces grands hommes, ils n’ont donc pas de preuves que cette croyance se loge seulement dans de pauvres têtes. Pourquoi donc, me suis-je encore demandé, toujours méditant dans mon cabinet, courbé sur ma Bible, pourquoi cette incrédulité ? – Alors, mille bruits du dehors, que ma préoccupation ne m’avait pas jusque-là permis d’entendre, vinrent frapper mon oreille : des cris divers d’hommes, tous appelant le travail et la fortune, se croisaient dans les airs ; le pavé de la rue retentissait sous la roue pesamment chargée par l’industrie et sous l’équipage élégant de l’heureux du siècle. Mes yeux voulurent voir ce qu’entendaient mes oreilles, et un regard me montra une foule empressée courant dans tous les sens à des affaires qui semblaient hâter leurs pas et occuper leurs têtes. L’homme du peuple fléchissait sous le fardeau qu’attendait le commerce ; des amis se croisaient sans avoir le temps de se parler ou de se voir ; des femmes se regardaient, mais pour juger de leur parure. Ici des étoffes sans prix et sans nombre, là des ameublements fastueux dont un débris aurait nourri une famille ; plus loin, le bruit sonore d’un métal qui frappait toutes les oreilles et faisait retourner toutes les têtes ; ailleurs, le pain quotidien du riche venu des quatre parties du monde pour charger sa table. La foule allait, venait, entrait, sortait ; les mots d’argent, d’affaires, de plaisirs, s’échappaient de toutes les bouches et semblaient répétés comme par autant d’échos à autant de portes. – Au milieu de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants si sérieusement occupés, un jeune homme passait, une Bible à la main, partout offerte et partout repoussée ; d’autres affaires étaient bien plus pressantes, d’autres livres étaient bien plus intéressants. Alors je retombai sur mon siège, et je suivis de la pensée ces hommes que je ne pouvais plus suivre des yeux ; je voyais ceux-ci réunis pour parler affaires, gesticulant avec feu ; cherchant à se duper, se plaignant les uns des autres, rouges de passion et de colère. Je voyais ceux-là devant un tribunal, s’accusant de fraude, de mauvaise foi, de mensonge, et leurs juges obligés, pour donner raison à l’un des partis, de choisir celui des deux qui avait les torts les moins graves. D’autres couraient à des distractions bruyantes pour s’étourdir en fatiguant leur corps, comme s’ils avaient peur d’être un moment seuls en face d’eux-mêmes et de leurs pensées. D’autres, s’enveloppant de mystère, allaient se perdre dans les ténèbres et se livrer à des jouissances grossières et sensuelles. C’est ainsi que je voyais l’intérêt, le plaisir, le luxe, la passion et le vice absorber les forces de corps et d’esprit d’une population entière, le matin et le soir, le jour et la nuit, la semaine et le dimanche, dans le présent en action, dans l’avenir en espérance. Alors, sortant de ma rêverie, j’ai compris pourquoi cette incrédulité, pourquoi cette antipathie pour les choses spirituelles, pourquoi ce sourire incrédule au seul mot de Saint-Esprit ! Comment prêter une oreille attentive aux choses du Ciel lorsqu’on est tellement étourdi par le bruit de la terre ? Comment trouver place dans la même tête à des projets sans fin pour ce monde et à des espérances sans limite pour l’éternité ? Comment s’occuper avec activité de deux travaux dont un seul dépasse toute l’énergie humaine ? Et surtout comment faire marcher de front deux passions qui s’excluent l’une l’autre, comment aimer en même temps Dieu et le monde, servir l’un sans négliger l’autre ; comment mettre avant tout la fortune et le plaisir, qui font oublier Dieu, et mettre encore avant tout Dieu, qui fait oublier le plaisir et la fortune ? Impossible, impossible ! L’homme du monde sent cette impossibilité tout aussi bien que l’homme de l’Évangile, et voilà pourquoi il éloigne tout ce qui pourrait le distraire des soins que réclame : son maître ; pourquoi il repousse cette pensée d’un Esprit saint, lui qui aime, une vie commode ; pourquoi il écarte l’offre d’un Esprit pur, lui qui se complaît dans des pensées de volupté ; pourquoi il nie d’avance l’influence d’un Esprit sanctifiant, lui qui se croit assez moral pour n’avoir pas besoin d’être réformé, et d’un Esprit de lumière, lui qui se croit une intelligence assez haute pour pénétrer sans révélation Dieu et ses mystères. Ce Saint-Esprit offert condamne sa vie, humilie son orgueil, l’appelle à des sacrifices ; tout cela lui coûte, lui déplaît, le froisse dans ses goûts, et alors il trouve plus facile de nier, et voilà pourquoi tant d’incrédulité ! Oh ! quel abîme de misère dans cet homme ! Comme ce cœur est rusé et désespérément malin, pour qu’il puisse parvenir au nom de la raison à repousser ce que la raison le sollicite d’admettre ! Quel besoin de régénération chez ce futur habitant du Ciel qui ne s’occupe que de la terre ! Quelle urgente nécessité de réveiller cette âme créée pour la sainteté et l’amour, qui s’endort sous les chaînes d’un corps vendu au péché et à l’égoïsme ! Oh ! quel besoin, quel besoin nous avons tous de recevoir le Saint-Esprit.

Enfin, décidé à parler de ce Saint-Esprit, quoique effrayé de l’obstacle de tant d’incrédulité, je me suis demandé : A de tels hommes que puis-je dire pour les convaincre ? Comment leur persuader que ces secours de l’esprit de Dieu sont réels et efficaces ? J’ai cherché ce comment… et je l’ai cherché en vain. Je leur retracerai, me suis-je dit, cette effusion du Saint-Esprit sur le peuple le jour de la Pentecôte, et je leur dirai que, si les disciples du premier siècle l’ont reçu, ceux du dix-neuvième peuvent bien le recevoir. Mais ils diront en eux-mêmes : Qui de nous a vu ces Apôtres, ces langues de feu, cet Esprit et tous ces miracles ? – Eh bien, non ; je leur ferai comprendre que, s’ils nient ce fait miraculeux, par cela seul ils accusent la Bible de mensonge, ils renversent tout le christianisme, dont les vérités sont étroitement liées entre elles. – Mais ils répondront que c’est bien possible et que mieux vaut nier tout le christianisme que de croire au Saint-Esprit. – Eh bien, voici ce que je ferai : je leur citerai le témoignage d’hommes nombreux, pris dans tous les siècles, qui ont connu cet Esprit par leur propre expérience. – Hélas ! ils penseront que c’est là le fruit d’une imagination exaltée ou maladive. – Il me reste encore un moyen : je leur présenterai avec calme des raisonnements qui convaincront leurs esprits en attendant que Dieu touche leurs cœurs. – Mais à chaque argument celui qui est décidé à ne pas croire trouvera une objection dont il se contentera, et tous mes efforts seront perdus. – Alors je me suis dit : Quelle est donc ma faiblesse, que je ne puisse pas même faire passer une idée dans l’esprit de mes frères ! que je sois impuissant pour leur persuader ce que je sais, ce que je sens être certain ! que je ne puisse pas faire reconnaître une vérité si douée, si importante ; une vérité qui leur ouvrirait un trésor de foi, de sainteté, de bonheur, qui réagirait sur leur vie et leur éternité ! Que toutes mes paroles aillent se briser contre leurs cœurs, comme les vagues de l’Océan contre le roc du rivage ! Oh ! quelle faiblesse en moi, quelle pauvreté d’intelligence. Oh ! mon Dieu, mon Dieu, quel pressant besoin j’éprouve que tu viennes à mon secours, que ce soit toi qui parles par ma bouche, toi qui instruises, toi qui inclines les cœurs ! Combien j’ai besoin que tu m’accordes ton Saint-Esprit ! – Alors une émotion indéfinissable s’est emparée de moi ; mon cœur a battu plus vite, les pensées se sont pressées dans ma tête, mes yeux se sont mouillés de larmes… Alors j’ai su ce que j’avais à vous dire. Je leur raconterai naïvement dimanche, me suis-je dit, ce qui m’est arrivé aujourd’hui ; je leur retracerai ces angoisses du prédicateur devant sa Bible, cherchant comment il obtiendra leur confiance ; je leur montrerai les difficultés innombrables que sans y songer ils présentent à la prédication de l’Évangile ; ils verront que c’est en eux, et non dans la Parole de Dieu, que se trouvent les pierres d’achoppement qui renversent leur foi ; et sans m’inquiéter du succès de ma parole, je leur dirai simplement : Écoutez ! Pour régénérer le cœur de l’homme naturellement plongé dans l’incrédulité et le péché, et le faire vivre à la foi et à la sainteté, la Bible vous déclare que Dieu donne son Saint-Esprit ; et jugez-en vous-mêmes : parmi les hommes, un homme est capable d’influer sur son frère par des raisons, des conseils, des lumières ; Dieu serait-il moins capable que l’homme d’agir sur sa créature ? Non, Dieu donne son esprit. Sondez vos misères spirituelles, le peu de lumière que vous trouvez en vous-mêmes pour connaître votre avenir, l’impuissance où vous êtes d’arracher une seule passion de votre cœur, une seule mauvaise habitude de votre vie ; l’antipathie naturelle que vous éprouvez si souvent pour les pensées religieuses, et comprenez que cette maladie morale exige un remède, que cette profonde misère appelle un secours, et vous croirez que Dieu donne son Saint-Esprit. Jetez les yeux sur votre vie passée, cherchez-y les jours trop nombreux de souffrance, de larmes, d’angoisses ; dites-nous, vous, les plus incrédules, dites, n’avez-vous alors jamais prié comme malgré vous ? et n’avez-vous jamais été exaucés ? Rappelez-vous ces miracles de votre propre expérience, dont le souvenir fut malheureusement bientôt effacé par les affaires du monde, et vous croirez que Dieu donne son Saint-Esprit. Parcourez l’histoire du Christianisme, qui, après avoir été enseveli avec Jésus à Golgota, ressuscite à Jérusalem dans une chambre haute, parmi douze hommes du peuple, et qui bientôt vit et se multiplie sur tout le globe, en sorte que votre réunion actuelle, à dix-huit siècles de distance, en est elle-même un témoignage, et comprenez qu’une œuvre si vaste, partie d’une origine si étroite, n’a pu se développer et vivre ainsi que parce qu’à ceux qui l’ont entreprise Dieu a donné son Saint-Esprit. Ici-bas un homme a compassion de son frère malheureux ; et s’il peut soulager une misère, sécher une larme, consoler un cœur, il le fait quelquefois. Dieu manquerait-il de la compassion qu’il a mise au cœur de cet homme ? Laisserait-il sans secours ses créatures plongées dans la plus grande des misères, la misère morale ? Ne recueillerait-il pas la plus précieuse des larmes, la larme du repentir ? Ne consolerait-il pas le plus triste des cœurs, le cœur qui redemande au Ciel l’objet qui a quitté la terre ? Ce Dieu serait-il moins secourable que l’homme et ne communiquerait-il pas les dons de son Saint-Esprit ? Pourquoi cet élan involontaire de l’âme qui fait fléchir le genou sur tous les points du globe ? Pourquoi ce cri instinctif dans le péril : « Mon Dieu, mon Dieu ! » Pourquoi cette croyance commune à tous les peuples que le Ciel peut inspirer la terre ? C’est tout simplement parce qu’au fond de notre âme un instinct plus fort que l’incrédulité se révèle dans ces moments où nous redevenons ce que Dieu nous avait faits avant que le péché eût étouffé notre nature première, et que cet instinct de prière nous crie de la part de notre Créateur que Dieu donne son Saint-Esprit. Oh ! ayez pitié de vous-mêmes et ne vous privez pas du plus grand des secours contre les misères de cette vie ; vos plaies sont assez larges, ne les déchirez pas encore de votre propre main ; laissez l’Esprit de Dieu y verser un baume cicatrisant. Ce monde, avec son cortège de plaisirs, d’espérances, de fortune, de vaine gloire, vous a trompés jusqu’à ce jour ; il ne vous a donné le bonheur qu’en perspective, et n’a laissé dans votre passé que des regrets ; dans le présent, vous l’avouez, il ne vous rend pas heureux ; acceptez donc le secours de l’Esprit de Dieu, qui vivifiera tout autour de vous, et qui fera couler la paix et la joie même sur ces jours où le monde vous délaisse. – Vos affections se sont multipliées ; à une espérance trompée s’est joint un revers inattendu, une perte prématurée, une souffrance dans votre corps ou dans votre âme ; chaque jour en vieillissant vous apprenez qu’ici-bas vivre c’est souffrir ; laissez donc l’Esprit de Dieu répandre dans vos cœurs la foi à un avenir meilleur, l’espérance d’un ciel et d’une éternité d’amour. Dans les moments où vous êtes sincères avec vous-mêmes, lorsque la maladie, la crainte de la mort vous entr’ouvrent les yeux, votre vie de péchés vous effraie ; devant vous se dresse une légion de souvenirs, inconnus aux hommes, mais trop bien connus de Dieu. Vous vous faites un moment votre juge et vous tremblez vous-mêmes en récapitulant vos oublis du Créateur, votre indifférence pour vos frères, votre ingratitude pour vos parents, vos mensonges journaliers, vos pensées et vos actions impures ; acceptez donc l’Esprit de Dieu qui dans l’avenir régénérera votre vie et qui pour le passé vous fera sentir l’assurance du pardon par Jésus-Christ. Le vide du monde, l’amertume des afflictions, le poids du péché, tout vous presse, vous convie à demander, à recevoir ce que vous sentez n’être pas en vous-mêmes : une force puissante pour croire, aimer et se sanctifier.

Hélas ! c’est en vain peut-être que je vous presse ; mais je m’adresserai pour vous-mêmes à Celui qu’on ne presse jamais en vain, à toi, mon Dieu, qui dans un jour pareil envoyas ton Saint-Esprit pour transformer de pauvres Israélites ignorants et pécheurs en des hommes pleins de science et de sainteté. Oh ! qu’aujourd’hui encore tes entrailles paternelles s’émeuvent à la vue de ces nouveaux Israélites ; envoie la lumière dans ces esprits, ton amour dans ces cœurs, la sainteté dans leur vie, et que pour eux ce jour soit une véritable Pentecôte. Et toi Saint-Esprit, qui jadis, à la voix d’Ézéchias, rendis la vie même à des os desséchés, donne aujourd’hui la vie spirituelle à ceux qui ne la soupçonnent pas même ; n’attends pas qu’ils t’appellent, viens toi-même ; pénètre leurs cœurs, fais-toi sentir et goûter ; alors ils céderont peut-être et croiront en toi, lumière et vie, en toi, amour et sainteté, en toi Saint-Esprit !

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