Le Culte du Dimanche : 52 simples discours

23.
Le Pardon des offenses

Car si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses.

(Matthieu 6.14-15)

Vengeance ! Ce mot a quelque chose de dur, d’amer, de barbare pour une oreille chrétienne. La vengeance paraît odieuse même à tout homme de sang-froid, ne fût-il pas chrétien. Aussi n’est-il que peu de gens qui ne se défendent, comme d’une mauvaise action, d’avoir agi sous son impulsion. Et cependant, malgré cette horreur apparente pour la vengeance, malgré cette admiration pour l’oubli des injures, combien sont rares les hommes qui pardonnent ! combien nombreux sont les hommes qui se vengent ! D’où vient cette contradiction entre la conduite et les principes ? C’est que les uns appellent se venger répandre le sang, ruiner une fortune, souiller une réputation, ils ne pensent pas qu’on se venge aussi par une simple médisance, par une raillerie, par un sourire, par le silence même. D’autres appellent se venger rendre vingt fois plus de mal qu’ils n’en ont reçu, punir une parole par une action ; mais ils ne voient que justice à faire à leurs frères le tort qu’on leur a fait, à rendre froideur pour froideur, haine pour haine. Oh ! ce n’est pas ainsi que juge l’Évangile ; il ne distingue pas entre de grandes et de petites vengeances ; il condamne un mouvement de colère, un mot d’injure ; il veut que l’homme pardonne, comme Dieu pardonne, tout, toujours et de bon cœur. Si l’on vous frappe sur la joue, vous devez pardonner ; si l’on vous dépouille de votre manteau, vous devez pardonner ; si l’on se rit de vous, vous devez pardonner ; non pas seulement vous abstenir de violence contre votre ennemi, mais encore taire ses vices dans le monde, effacer l’injure de votre mémoire, chasser de votre cœur toute amertume ; vous devez au besoin laisser votre offrande devant l’autel pour aller tendre la main au coupable et vous réconcilier. Peut-être, ainsi défini, le pardon des offenses ne vous paraît-il plus aussi facile ; tel est cependant le pardon que vous demande Jésus-Christ. Je voudrais donc faire sentir à ceux qui se croient innocents sur ce point combien ils sont encore coupables, afin de leur faire mieux comprendre et pratiquer à l’avenir le sublime précepte de l’oubli des injures.

Rien n’est plus rare que de pardonner les offenses, rien n’est plus ordinaire que d’en tirer vengeance. Si tant d’hommes se font illusion sur leurs propres sentiments à cet égard, c’est d’abord qu’ils appliquent le mot de vengeance seulement à des actes de violence, et aussi longtemps que la haine ne se manifeste que par une froideur, un refus, une médisance, ils ne voient là qu’une irritation bien excusable. Je veux le croire, vous n’avez jamais tiré de vos ennemis ce qu’on appelle une vengeance éclatante ; mais qu’est-ce que cela prouve ? Qu’on ne vous a jamais fait une éclatante injure. Vous n’ayez jamais songé à répandre une goutte de sang de votre plus grand ennemi : c’est que votre plus grand ennemi n’a jamais non plus tenté de répandre le vôtre ; il n’y a donc rien de généreux dans votre modération, ou plutôt il n’y a là aucune modération ; vous vous abstenez de ce dont il s’est abstenu ; ce que vous auriez fait dans le cas contraire, personne ne peut le dire. Ne parlez donc plus de ces haines manifestées de part et d’autre avec tant de violence ; on peut outrager un homme sans ruiner sa fortune, sans flétrir son honneur, comme on peut s’en venger sans faire tant d’éclat ; mais ce n’en est pas moins une vengeance, vengeance condamnable comme la plus éclatante, car elle est toujours proportionnée à l’offense. Je le demande donc : ces petites injures, les avez-vous pardonnées ? Vous avez appris que cet homme a retracé dans une réunion une faute de votre passé, qu’il a dépeint un travers de votre caractère ; il a même dénaturé la vérité, ajouté à vos torts. Sans doute son action est répréhensible, vous aviez le droit de lui en faire des reproches ; mais en même temps lui avez-vous pardonné ? Ne vous êtes-vous pas vengé en divulguant à votre tour ses faiblesses ? Quand une occasion s’est présentée de lui nuire dans l’esprit de vos frères, l’avez-vous laissé échapper ? N’avez-vous pas, au contraire, trouvé un secret plaisir à répandre sur lui quelques médisances ? Je le demande : est-ce là un pardon ou bien une vengeance ?

Un de vos frères a blessé votre amour-propre par quelques mordantes railleries ; il a tourné en ridicule votre personne ; peut-être a-t-il mis en doute vos talents, vos mérites. Lui avez-vous pardonné ? Avez-vous cherché ce qu’il pouvait y avoir de vrai dans ses paroles ? et avez-vous laissé fuir de votre mémoire ce qu’elles avaient de faux comme une plaisanterie sans importance ? Ou bien, au contraire, est-il resté enfoncé dans votre cœur ? N’avez-vous pas éprouvé un secret dépit ? N’avez-vous pas cherché à vous venger par un de ces mille petits moyens qui se présentent à chaque pas dans la vie, mais que je ne saurais vous préciser ; peut-être en lui renvoyant quelques paroles mordantes, en suspendant vos rapports avec lui, en évitant sa rencontre, en fuyant ses regards, et que sais-je encore ! n’avez-vous pas voulu lui faire sentir ses torts par un geste de mépris, par un silence affecté ? Je le demande, est-ce là un pardon ou bien une vengeance ?

Par un refus de vous rendre service, un homme que vous aviez cru votre ami a trompé votre attente ; il vous a laissé dans le besoin ; en vain avez-vous exposé vos circonstances pressantes, invoqué son amitié ; il a été sourd et aveugle. Hélas ! vous avez acquis une preuve de plus de l’égoïsme du cœur humain. Mais lui avez-vous pardonné ? La déception de votre espérance ne s’est-elle pas transformée en animosité ? N’êtes-vous pas allé fouiller dans sa vie passée quelques autres traits d’avarice pour rendre son caractère plus odieux et justifier votre haine ? Ne vous êtes-vous pas promis, si jamais le sort le mettait, lui dans votre position pénible, vous dans la sienne facile, de lui faire sentir à votre tour l’amertume d’un refus ? Ne vous êtes-vous pas surpris même à lui souhaiter quelque revers ? Encore une fois, est-ce là un pardon, est-ce là une vengeance ? Et lors même que pas un seul des faits que j’ai supposés ne vous serait applicable, combien en est-il encore que votre conscience seule peut vous révéler ! Combien de dépits que les bienséances, vos intérêts, votre position vous obligent à comprimer ! Combien d’antipathies qui n’ont d’autres sources qu’une légère blessure à votre vanité ! Combien de haines impuissantes, combien de jalousies qui percent dans un seul mot ! Combien de petites vengeances inaperçues de tous, excepté de vous qui les exercez ! Oh ! si l’on veut être sincère, qui osera dire avoir toujours pardonné et ne s’être jamais vengé ? ou plutôt qui osera prétendre qu’il a accordé un seul véritable pardon et négligé une seule vengeance, sinon en acte, du moins en pensée ?

Mais je vous entends : vous avez des excuses qui vous justifient ; votre cas est une exception ; voyons donc vos titres (des titres à la vengeance !). N’importe, examinons toujours, et vous prononcerez ensuite.

Écoutez cet homme offensé plusieurs fois par la même personne ; il vous dira : On peut bien oublier une première injure ; mais une seconde, une troisième, je ne saurais les supporter ; je veux lui faire sentir que ma patience a des bornes et que je ne me laisserai pas toujours manquer impunément. Écoutez celui-ci, vivement blessé dans ses intérêts, dans sa réputation : On peut pardonner une légère offense, dit-il, mais celle dont je me plains est trop grave ; elle demande un châtiment. On peut pardonner, dit un troisième, un tort qui a été provoqué par quelque tort de notre part ; mais jamais je ne fis aucun mal à cet homme ; il n’a reçu de moi que des bienfaits ; je n’ai reçu de lui que des outrages ; rien ne justifie sa conduite ; ses procédés à mon égard sont d’une injustice criante. Je ne saurais les excuser.

Oui, j’en conviens, l’offense dont vous vous plaignez est injuste, elle est grave, elle a été répétée ; oui, je l’avoue, votre colère est légitime, votre vengeance ne sera que justice ; arrachez œil pour œil et brisez dent pour dent ; votre ennemi ne pourra se plaindre, ni le monde vous blâmer. Mais vous qui invoquez la justice quand sa balance penche pour vous, vous ne la repousserez pas sans doute quand elle prononcera contre vous-mêmes. Eh bien, Dieu accepte votre justice et votre vengeance, il fait usage de votre poids et de votre mesure. Toutes vos actions seront par lui soumises à un sévère examen. Comme votre frère envers vous, vous envers Dieu, vous avez été injustes, vous avez répondu à ses bienfaits par des outrages, vous lui avez rendu le mal pour le bien ; de lui vous tenez ce pain qui vous nourrit, ces parents qui vous aiment, cette terre qui vous porte, ce soleil qui vous éclaire ; vous avez tout reçu de sa bonté : votre fortune et votre santé, vos plaisirs et vos affections, et à tout cela vous avez répondu par l’ingratitude. De cette vie bien des jours s’écoulent sans que vous songiez à lui en rendre grâces ; de cette fortune vous accordez à peine quelques parcelles pour nourrir ses pauvres ou avancer son règne ; de ces plaisirs vous avez abusé par des excès et l’impureté ; de ce temps, de cette semaine dont il réclamait un jour, vous lui avez à peine donné une heure. Votre ingratitude et vos désobéissances sont aussi de criantes injustices, et Dieu non plus ne peut les excuser. Comme votre frère envers vous, vous envers Dieu, vous avez commis des injures graves qui ont blessé les intérêts de ses enfants et outragé sa propre gloire. Combien de fois n’avez-vous pas porté contre vos frères des jugements téméraires ? Combien de fois d’amères médisances ne se sont-elles pas échappées de vos lèvres ? Et quant à votre Dieu lui-même, combien de fois avez-vous pris son nom en vain dans des imprécations ? Combien de fois n’avez-vous pas exposé son Évangile au mépris par des paroles inconsidérées, par votre indifférence, par votre incrédulité, vos vices peut-être ? Vos injures aussi demandent châtiment. Comme votre frère à votre égard, vous à l’égard de Dieu, vous avez répété vos offenses, chaque jour enfreint un de ses commandements, chaque jour ajouté à vos iniquités ; si vous vivez encore, ce n’est pas à votre innocence, mais à sa longanimité, que vous en êtes redevables. Dieu, non plus que vous, ne saurait supporter une seconde, une troisième offense ; Lui aussi vous fera sentir que sa patience a des bornes ; Il se vengera un jour, et sa vengeance sera d’autant plus terrible qu’il l’aura plus longtemps différée. Et de quoi vous plaindriez-vous ? Dieu ne vous traite-t-il pas avec justice ? Ce que vous faites pour d’autres, ne peut-il pas le faire pour vous ? Auriez-vous plus le droit d’offenser impunément un Dieu que vos frères ne l’ont de vous offenser, vous, hommes ? Vos désobéissances à votre Créateur sont-elles moins fréquentes que les injustices de vos semblables envers vous ? Le tort que vos paroles légères peuvent faire à l’Évangile est-il moins grave que celui qu’une médisance peut porter à votre réputation ? Non ; la vengeance est juste entre vos mains, elle est juste entre les mains de Dieu ; votre colère est légitime, celle de Dieu est légitime aussi. Voilà le droit de Dieu, sa main puissante est là pour l’accomplir ; qu’il dise un mot, la peine tombe sur le coupable ; qu’il retire son souffle et vous êtes anéantis. Venez donc au tribunal de ce Dieu qui doit vous rendre selon vos œuvres ; venez, il ouvre le code de sa Parole et il vous dit : « Mon fils, donne-moi ton cœur ; viens, viens ; tes péchés fussent-ils rouges comme le cramoisi, ils sont blanchis comme la neige ; lors même que ton père et ta mère t’abandonneraient, je ne t’abandonnerais pas, moi, l’Éternel ; je ne veux pas ta mort, pécheur, mais ta conversion et ta vie ; il y a compassion par devers moi ; fatigué et chargé viens à moi, je te soulagerai ; c’est moi qui efface tes iniquités ; par tes œuvres tu étais perdu, par ma grâce te voilà retrouvé ; je ne veux plus me souvenir de tes transgressions, je les jette au fond de l’océan ; autant les cieux sont distants de la terre, autant ma miséricorde est grande. Console-toi, console-toi, mon peuple ; je t’ai tant aimé, toi et le monde, que je vous ai donné mon Fils, afin que quiconque croirait en Lui ait la vie éternelle ; mon fils, entre dans la joie de ton Seigneur ! »

Voilà ce que fait pour vous Dieu devant sa loi, criant vengeance : sa main levée devrait lancer la foudre, elle s’abaisse pour vous appeler par une caresse ; sa voix irritée pourrait prononcer une condamnation, elle ne proclame qu’une grâce sur toutes vos fautes, et vous, aujourd’hui à ses pieds, couverts de péchés, dignes de mort, vous recevez son pardon et son salut !

Maintenant ainsi pardonnés par votre Dieu, mais offensés par votre frère, venez avec moi auprès de ce coupable lui infliger la juste punition de ses outrages ; préparez des paroles poignantes pour lui faire sentir ses torts ; venez, le moment est bien choisi pour lui crier vengeance ; entrez, il est là ; il vous attend déjà peut-être ; sur son lit de mort, pâle, oppressé, pleurant sur sa vie ; il va paraître devant Dieu ; mais, avant qu’il parte, donnez-lui votre malédiction, et qu’il l’emporte devant son juge comme un titre de plus à la malédiction divine. Ensuite, restez encore là un instant ; cet homme va rendre le dernier soupir et vous sentir le remords poindre dans votre cœur. Malgré vous vont s’élever dans votre mémoire le souvenir de ses qualités, les circonstances qui atténuent ses torts, ce que vous aviez fait peut-être pour les provoquer, et par-dessus tout cette pensée : Il est mort, mort ! Oui, un jour cette prophétie sera pour vous de l’histoire ; si ce n’est aujourd’hui, demain, plus tard ; mais un jour inévitable, et ce jour-là vous comprendrez les paroles qu’aujourd’hui peut-être vous ne faites qu’entendre.

Mais peut-être ne voyez-vous là qu’un tableau fait à plaisir, qui ne doit rien changer dans la direction de votre vie. Peut-être pensez-vous pouvoir continuer à écouter des exhortations au pardon dans une église et continuer à haïr dans le monde ; peut-être irez-vous encore dans sa maison prier votre Dieu, chanter ses louanges, recevoir son corps et son sang ; peut-être croirez-vous pouvoir vous parer de son nom, tout en conservant pour vos frères une juste animosité. Ah ! si vous ne pouvez chasser de votre cœur cette haine, n’usurpez plus un nom qui n’est pas le vôtre, un nom que vous déshonorez, le nom de chrétien, qui est tout pardon et tout amour. Votre profession de christianisme n’est qu’un mensonge ; si vous étiez disciples de Christ, vous feriez les œuvres de Christ ; votre foi n’est plus qu’une hypocrisie ; si vous croyiez que Jésus est venu gracier des coupables, vous ne parleriez pas, vous coupables, de punir des frères ; vos prières, votre culte, vos chants ne sont que de vains simulacres ; si vous aimiez Dieu, vous ne haïriez pas ses enfants ; si vous lui demandiez son Esprit d’amour, vous n’auriez pas un esprit d’animosité ; si vous étiez chrétiens, vous plaindriez vos ennemis sans les haïr, vous seriez affligés de les voir outrager Dieu par leurs fautes envers vous ; si vous étiez chrétiens, vous prieriez pour eux afin qu’ils reconnaissent leurs torts, s’en repentent et en obtiennent le pardon ; si vous étiez chrétiens, vous les reprendriez avec douceur, leur montreriez le tort qu’ils se font à eux-mêmes, et s’ils repoussaient vos paroles conciliatrices, vous leur pardonneriez encore ; si vous étiez chrétiens, vous vous rappelleriez que Christ sur la croix, à la vue de ses bourreaux, n’ayant plus qu’un souffle de vie, s’écria encore : « Mon Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ! » Rappelez-vous donc qu’aussi longtemps que la haine sera dans votre cœur, ce sera une preuve que Dieu ne vous a pas encore pardonné, que vous n’êtes pas ses enfants, que vous êtes encore sous le poids de vos péchés et de la condamnation. Vous pouvez bien chercher à vous faire illusion, dire que vous aimez ceux qui vous aiment ; les péagers aussi aiment ceux qui les aiment, et Jésus les nomme gens de mauvaise vie ! Vous pouvez bien dire qu’en hommes religieux vous montez régulièrement au temple ; le lévite et le grand-prêtre aussi montaient régulièrement au temple, tout en laissant le Samaritain étranger baigné dans son sang. Vous pouvez dire que vous faites des aumônes ; les pharisiens aussi faisaient des aumônes et ils crucifièrent Jésus-Christ ! Vous auriez observé tout le reste de la loi que, si vous haïssez, vous n’êtes pas chrétiens ! Aimer vos ennemis, voilà le critère infaillible pour savoir si vous êtes pardonnés et sauvés ; bénir ceux qui vous maudissent, prier pour ceux qui vous persécutent, voilà la marque inimitable de la foi en Jésus-Christ.

Mais votre sang bouillonne-t-il encore au souvenir d’une injure ? Des désirs de vengeance traversent-ils encore votre esprit ? Soit, conservez votre haine ; au sortir de cette lecture, allez en répandre le venin sur vos frères ; mais avant de vous retirer, venez redire avec nous la prière que chaque jour vous répétez ; suivez du cœur les paroles que nos lèvres prononcent : « Notre Père qui es au cieux, que ton nom soit sanctifié ; que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur la terre comme dans le ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Pardonne-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux… » Quoi ! vous n’osez achever ? Êtes-vous donc exempts de péché ? Votre vie est-elle donc pure ? Vous n’oseriez le prétendre. Redites donc avec nous : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés… » Encore vous vous arrêtez ?… N’avez-vous donc pas besoin d’un pardon ? Ne voulez-vous pas le demander à Dieu ? Eh, dites-le-lui donc : « Pardonne-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Ah ! vous n’oseriez pas ! C’est que pour la première fois vous saisissez le sens de ces paroles ; c’est que vous sentez la contradiction qu’il y aurait entre les mots de votre bouche et les dispositions de votre cœur ; vous comprenez que dire à Dieu de vous pardonner comme vous pardonnez, ce n’est pas lui demander un pardon ; c’est appeler sa vengeance, c’est prononcer votre condamnation ! Poursuivez donc maintenant, si vous en avez le courage, vos frères de vos médisances, de vos mensonges ; haïssez, puisque la haine a tant d’attrait pour vous ; mais songez que, chaque fois que vous répéterez cette prière : « Pardonne-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés, » vous mentirez à Dieu, ou vous lui demanderez de vous pardonner comme vous pardonnez, c’est-à-dire de vous punir, de se venger, et au jour de la punition et de la vengeance vous n’aurez rien à dire : il aura exaucé vos prières ! En vous chassant de sa présence, vous précipitant dans les ténèbres, il vous traitera comme vous l’aurez réclamé ; il vous pardonnera comme vous aurez pardonné. Redites maintenant, redites : « Mon Dieu, pardonne-moi mes offenses comme je les pardonne à ceux qui m’ont offensé ! » Ah ! par pitié pour vous-mêmes, ayez pour les autres ce support dont vous avez si grand besoin ; n’invoquez plus cette justice qui serait votre condamnation ; oubliez cette vengeance dont les coups vous anéantiraient ! Par pitié pour vous-mêmes, hâtez-vous de pardonner ; craignez que le soleil ne se couche sur votre colère : peut-être se lèverait-il sur votre tombe ! Pardonnez, faites grâce, vous avez si grand besoin de grâce et de pardon ! Au nom de votre vie de péché, au nom de Jésus-Christ sauveur, au nom du Dieu de miséricorde, pardonnez ; pardonnez à des hommes, à des frères, et vous montrerez ainsi vos titres au nom de chrétien !

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