Le Culte du Dimanche : 52 simples discours

28.
La Brièveté de la vie

Une voix dit : Crie ! Et on répond : Que crierai-je ? : Toute chair est comme l’herbe, et toute sa grâce comme la fleur des champs : l’herbe se dessèche, la fleur se flétrit, quand le souffle de l’Eternel a passé sur elle ; véritablement les hommes sont comme l’herbe : l’herbe se dessèche, la fleur se flétrit ; mais la parole de notre Dieu subsistera à toujours !

(Esaïe 40.6-8)

Pour vous faire une juste idée de la brièveté de la vie de l’homme, élevez-vous par la pensée à la durée de la vie de Dieu ; contemplez cet Être pour qui mille ans sont comme une veille de la nuit, Celui qui existe d’éternité en éternité. Plongez vos regards dans la nuit des temps ; remontez de siècle en siècle à l’origine de l’histoire, à la formation des montagnes, à la création des mondes, à la naissance de l’univers ; vous ne trouverez jamais la naissance de Dieu ! Descendez dans l’avenir ; allez, sur les ailes de la pensée, assister à la destruction du globe, à la chute des étoiles ; transportez-vous au jour où le soleil s’éteindra, où l’univers rentrera dans le néant ; plongez toujours, toujours plus profond dans les âges, et vous ne trouverez jamais le siècle où Dieu ne sera plus ! A cette grande image de la vie de Dieu, vie sans enfance ni vieillesse, jour sans aurore ni soir, année sans hiver ni printemps, temps sans origine et sans terme, comparez la vie de l’homme dans toute son étendue, et vous croirez voir un point dans l’espace, un grain de sable dans le désert, une seconde sur le cadran de l’éternité, le temps de naître et de mourir.

Mais si vous êtes effrayés du terme de comparaison, laissez là ce parallèle de Dieu et de l’homme, comparez notre vie à la durée de ce monde qui a commencé comme nous et comme nous doit finir ; retranchez, si bon vous semble, les siècles que peut encore subsister notre globe ; reportez-vous seulement à l’époque où il fut tiré du néant ; voyez, depuis notre premier père, s’écouler les longues vies des patriarches, se dérouler l’histoire des enfants d’Israël en Egypte et dans la terre de Canaan ; descendez du temps de leurs juges à celui de leurs rois, de leurs rois à leurs tyrans, de leurs tyrans à Jésus-Christ ; laissez couler les siècles ; descendez de Jésus-Christ aux Pères de l’Église, des Pères de l’Église au moyen âge, du moyen âge à la réformation. Laissez, laissez encore fuir devant vous les années de guerres civiles, de disputes philosophiques et de révolutions ; arrivez enfin à nos jours, et, dans cette longue chaîne dont votre vie n’occupe qu’un anneau, voyez l’homme compter moins d’années que ce fleuve n’a vu couler de siècles avec ses ondes, que cette terre n’a englouti de générations dans son sein, que cette montagne n’a contemplé de révolutions populaires à ses pieds !

Mais que vais-je comparer la vie de l’homme à l’existence de Dieu, à la durée du monde ! Parmi les chétives créatures de cette terre, l’homme ne trouve-t-il pas des êtres qui le voient naître et mourir ? Tels habitants des forêts ou des airs parcourent deux fois l’étendue de notre existence ; ces créatures, destinées à nous servir, ont plus de vie que leur maître, et, tandis que le vorace corbeau s’élance encore d’une aile agile, tandis que l’énorme éléphant marche encore d’un pas majestueux, l’homme et ses fils naissent, vieillissent et descendent au tombeau.

Mais laissons là toute comparaison, envisageons cette vie en elle-même. Quelle est sa durée ? « Soixante-dix ou quatre-vingts années, » nous dit le Psalmiste. Si du moins l’homme traversait ce court passage toujours en santé, puissant d’intelligence, riche d’affections heureuses ! Mais, hélas ! des besoins et des maux de mille espèces se disputent encore les lambeaux de ses courtes années et le conduisent à la mort avant d’avoir savouré la vie. Retranchez de son existence le temps qu’il passe à végéter dans un berceau ou sur les genoux de sa mère ; retranchez les années qu’il consume sur les bancs d’une école à pâlir sur un livre, ne se sentant vivre que par un travail qu’il abhorre et des punitions qu’il redoute ; retranchez les semaines, les mois de maladie où, retenu sur une couche, il n’a de force que pour souffrir ; retranchez l’hiver de sa vie engourdi sous les glaces d’une vieillesse qui paralyse le corps et éteint la pensée. Des années qui vous restent retranchez encore la moitié prise par le sommeil où les heures se passent dans un état plus voisin de l’anéantissement que de l’existence ; et quand vous aurez fait cette somme d’heures, de jours, d’années, que vous restera-t-il ? Hélas ! à peine vingt années de vigueur et de santé, vingt années qui méritent véritablement le nom d’existence, vingt années qui soient exemptes de douleur, de sommeil, de vieillesse. Oh ! combien sont vraies ces paroles du Prophète : « Toute chair est comme l’herbe, toute sa grâce comme la fleur d’un champ. L’herbe est séchée, et la fleur est tombée ! »

Telle est la brièveté de notre vie, et arrive enfin pour nous le jour qui n’a pas de lendemain… ce jour, roi des épouvantements. – Oh ! remarquez-le bien, il n’y a pas ici de peut-être. Autant il est vrai que vous lisez ce livre, autant il est certain que la mort viendra pour vous. Un jour vous vous étendrez sur un lit pour ne plus vous en relever ; la maladie ira en s’aggravant ; vos amis, dans leurs visites, oseront toujours moins vous donner des espérances de retour à la santé ; vous verrez la tristesse peinte sur les visages, des larmes rouler dans les yeux d’un père, d’une épouse, et tomber sur votre joue flétrie. Un demi-jour pénètre à peine dans votre appartement ; on fait silence autour de vous ; vous entendez à peine échanger à demi voix quelques paroles ; vous demandez la cause de ces larmes, de cette tristesse ; on hésite à vous répondre ; vous pressez, priez, et l’on vous parle enfin de recevoir la visite d’un ministre de Christ… Tout est dit : vous n’avez plus qu’un jour de vie ; vous ne verrez pas le soleil de demain ! Cette pensée tombe pesante et glacée sur votre esprit : plus que quelques heures ! Chaque instant qui s’écoule semble vous retrancher une année. La nuit prochaine, ce soir, avant midi, j’aurai cessé de vivre ! – Le ministre de l’Évangile entre, il s’approche, il s’assied en silence ; après quelques instants il vous adresse la parole : « Vous me paraissez bien souffrant, mon frère ? – Quelques heures et je ne serai plus. – Avec quelles dispositions voyez-vous approcher ce moment ? – Il me glace d’épouvante. – Je suppose cependant que vous n’êtes pas sans espérance au moment de paraître devant Dieu. Comment avez-vous employé les années de votre vie ? – J’ai travaillé à acquérir de la fortune. – C’est bien ; il le fallait pour nourrir et vêtir votre corps ; et votre âme, qu’avez-vous fait pour elle ? – J’ai amassé de l’or pour soutenir ma famille et la mettre après moi à l’abri du besoin. – C’est bien ; et votre âme, qu’avez-vous fait pour elle ? – J’ai, par intervalles, interrompu mes travaux pour goûter quelques plaisirs dans le monde ; jeune, j’ai cherché les fêtes ; plus tard, l’approbation des hommes, toujours j’ai cherché le bonheur. – Mais votre âme, votre âme, qu’avez-vous fait pour elle ? – Pour mon âme ? Rien !… La pensée que je pouvais la perdre ne m’est jamais venue ; si je m’en suis occupé par moments, c’était pour me dire que le ciel m’était assuré. – Quoi ! vous avez donc accompli toute la loi de Dieu, vous êtes donc sans péché ? – Non, le péché oppresse ma conscience. – Mais alors vous aviez un Sauveur qui vous offrait son pardon ; ne vous y êtes-vous pas attaché ? – Je n’ai que peu senti le besoin d’un Sauveur. – Mais vous aviez la Bible pour vous relever de votre misère devant Dieu ? – Je n’ai guère lu la Bible. – Mais la vérité a retenti à votre oreille par la bouche des chrétiens dans le monde, et de vos pasteurs dans la chaire ? – Je n’ai vu ces chrétiens que de loin, approché la chaire que rarement, et, quand la révélation de ma misère est venue frapper malgré moi mon oreille, j’y ai fermé mon cœur. Je l’avoue, je ne croyais pas à mon péché, je ne croyais pas à un Sauveur, je ne croyais pas à la Bible ; je croyais à moi, au monde, à la fortune ; je ne croyais pas même à la mort, tant j’étais loin de la prévoir. Oh ! j’y crois maintenant, je la vois ; elle est là, elle me saisit ! Je crois à mon péché à cette heure ; il se lève devant moi comme un fantôme ; je le vois se détacher de chaque jour de mon passé. Oh ! qu’il est hideux à deux pas de la mort ! Que ne puis-je revenir à la vie ! mais non, une heure encore… Misérable, misérable que je suis ! – Courage, courage, pauvre pécheur ; il en est temps encore, crie grâce à ton Dieu et ce Dieu t’entendra ; embrasse par la foi la croix de ton Sauveur et tes péchés te seront pardonnés ! »

Inutiles paroles, l’infortuné n’est plus ! Son corps est là, son âme est allée rendre compte devant Dieu !

Le tableau de cette mort vous épouvante peut-être, et cependant qu’y a-t-il là qui ne puisse, qui ne doive nécessairement arriver pour vous ? Un ministre de Christ ne peut-il pas vous adresser les mêmes questions sur l’emploi de votre vie ? N’y feriez-vous pas à peu près les mêmes réponses ? L’état moral de cet homme n’est-il pas le vôtre ? Parce que vous n’êtes pas à l’instant même couché sur ce lit de mort, tout cela en est-il moins certain ? Et pour vous convaincre que c’est là votre propre histoire, vous faudrait-il donc vous sentir sur cette couche funèbre, vous voir entourés de ces amis en pleurs, entendre la voix du ministre de Christ auprès de votre lit ? Eh bien, suppléez par la pensée à ces vains accessoires ; le siège où vous reposez à cette heure est la couche dont vous ne devez plus vous relever ; ces frères qui vous entourent sont les parents qui viennent pleurer votre mort ; ce silence qui règne autour de vous est celui de l’effroi ; vous avez mandé un ministre de Christ pour assister à votre dernière heure ; il parle dans ce livre et vous dit : Comment avez-vous employé votre vie ? Qu’avez-vous fait pour votre âme ? Etes-vous donc exempts de péchés ? Avez-vous accepté Christ pour Sauveur ? Avez-vous lu, médité, cru la Bible ? Dans toute votre vie qu’avez-vous fait pour Dieu ? Quel vice avez-vous dépouillé, quelle vertu avez-vous revêtue ? En un mot, jusqu’à ce jour qu’avez-vous fait, qu’avez-vous fait pour votre âme ?

Mais peut-être suis-je dans l’erreur en supposant que l’heure de votre mort vous trouvera pleins de terreur sur votre sort éternel ? Peut-être pensez-vous aujourd’hui, et peut-être arrivera-t-il en effet qu’alors, rassurés par le souvenir de vos actes de justice et de charité, vous serez paisibles en face de la mort ? Je pourrais vous répondre : Bien que telle soit actuellement votre disposition, peut-être en changerez-vous à l’heure de la mort ; rien ne désillusionne comme la certitude que l’on touche à la tombe ; alors la conscience se réveille, un voile se retire de dessus notre vie, et des légions de fautes, oubliées, se soulèvent dans notre souvenir. Quelle que soit votre tranquillité à cette heure, vous pourriez bien trembler à votre heure dernière. Mais je ne veux pas vous faire cette réponse ; je veux croire qu’en effet, à votre dernier jour, vous conserverez la sérénité d’âme que vous avez aujourd’hui, et dans ce cas voici ce que j’ai à vous dire. Pendant un assez long ministère passé dans des villes populeuses, au milieu des hôpitaux et pendant une épouvantable épidémie, j’ai vu mourir bien des hommes ; or, voici ce que j’ai constaté au chevet de ces moribonds : quand un homme avait passé sa vie dans le péché, il me répondait ordinairement qu’il mourait tranquille, car il n’avait fait de tort à personne, ou que Dieu était trop bon pour le faire souffrir. Lorsqu’au contraire je me suis trouvé auprès du lit de personnes plus ou moins pieuses, c’est par des larmes et des sanglots qu’elles me répondaient, et à travers ces pleurs coulaient d’abondants aveux et l’expression du repentir ; en sorte que je puis dire que les mourants étaient d’autant plus confiants en eux qu’ils étaient plus coupables, ou d’autant plus humiliés de leur vie qu’ils étaient plus saints.

Maintenant sur cette règle mesurez ce que vaut votre tranquillité ! Ah ! si vous êtes rassurés sur votre avenir par votre passé, c’est que vous êtes dans la plus épouvantable des illusions ! Si vous êtes satisfaits de votre moralité, c’est que vous appelez mal ce qui est bien, et bien ce qui est mal, et que, pour vous absoudre, vous vous faites un juge, comme vous, coupable ; un Dieu, comme vous, pécheur. Ce que vous valez moralement, je n’ai pas besoin de le savoir. Mais ce que je sais, c’est que j’ai vu mourir un être aussi pur que peut le devenir un chrétien sur cette terre, un être dont la vie avait été consacrée au service de ses semblables ; un être dont l’intelligence fixait l’attention de tous ceux qui l’approchaient ; j’ai vu mourir cet ange de bonté, de douceur ; et, quelques heures avant sa mort, cet ange s’est écrié : « Oh ! misérable que je suis ! je suis perdu ! je n’ai fait que le mal ! Oh ! si je pouvais retrouver dix ans de vie, quel changement, quelle sainteté ! » Et comme on lui rappelait ses vertus, ses actes de charité, de dévouement : « Non, s’écriait-il, ce n’était pas pour Dieu, c’était en vue des hommes que je faisais ces choses. » Lorsqu’on le contraignit à reconnaître qu’il y avait dans sa vie des vertus ignorées du monde, du bien accompli en secret, il répondit encore : « J’ai fait ce bien parce qu’il m’était doux de le faire, et non pour plaire à Dieu ! »

Si un tel être a craint pour lui-même en face de la mort, voyez ce que vous pouvez espérer !

Que faire donc ? « Le voici, se sont peut-être dit quelques-uns ; je vais prendre une résolution ferme, inébranlable de changer de vie, d’abandonner ce péché d’habitude, de vivre saintement. » Oui, faites cela, et voici ce qui vous arrivera : vous prendrez cette résolution, et vous ne la tiendrez pas. Si vous vous la rappelez encore ce soir, demain, pendant huit jours, après ce terme elle s’effacera de votre mémoire ; le péché reviendra comme d’habitude, et comme d’habitude vous y nagerez à pleine eau. Pour garant de cette prédiction sur votre avenir, je vous donne l’expérience de votre passé : vous avez cent fois pris des résolutions semblables, et jamais vous ne les avez tenues. Citez-nous les changements survenus dans votre conduite depuis dix ans, depuis que vous vous connaissez ? Aucun, si ce n’est ceux qu’ont amenés forcément l’âge et les circonstances involontaires ; en sorte que vous êtes aujourd’hui ce que vous avez toujours été et ce que vous serez toujours par les mêmes moyens.

Que faire donc, que faire ? Le voici, répondrons-nous à notre tour : jusqu’à ce jour, pour vous sauver et vous sanctifier, vous avez compté sur vous-mêmes sans y réussir ; à l’avenir, ne comptez que sur Dieu, et vous y réussirez. Plus vous avez été faibles, impuissants, mieux il doit vous être démontré que le secours divin vous est nécessaire ; et, si vous acquérez cette conviction, vous comprendrez enfin pourquoi Jésus a dû mourir pour effacer vos péchés, pourquoi le Saint-Esprit vous est offert pour régénérer votre vie. Ah ! avec le salut gratuit que vous présente l’Évangile, il n’y a plus pour vous de brièveté de vie à craindre, plus de terreur au lit de mort à redouter ; que vous mouriez jeune ou vieux, vous mourrez toujours sauvés, puisque vous êtes sauvés par un autre que par vous, par Jésus-Christ ; que vous soyez les esclaves de telle ou telle passion, vous en serez toujours délivrés, puisque ce n’est pas vous, mais une force divine, qui vous en délivre, celle du Saint-Esprit. Entre vos mains, votre salut est en péril ; entre les mains d’un Dieu il est assuré. Quand vous fondiez votre confiance en vos vertus, nous avions raison de l’ébranler ; mais, quand vous la faites reposer sur l’amour de Dieu, le sacrifice de Christ, l’influence du Saint-Esprit, comment pourrions-nous vous dire que votre assurance est mal fondée ? Non, sans doute, non. Humilions-nous donc ensemble pour laisser Dieu dominer sur toute notre vie ; prions-le de pardonner, de sanctifier, de sauver ; prions-le de nous donner une sainte confiance en lui-même ; alors la paix, la joie et l’amour descendront dans notre cœur par le Saint-Esprit. Mais tout cela est-il bien certain ? Je n’ai qu’un mot à répondre : Oui, cela est certain ; car notre texte dit en même temps et que notre vie « passe comme l’herbe et que la Parole de Dieu dure éternellement. » Or, que notre vie soit courte, nous le voyons chaque jour, et que la Parole de Dieu soit éternelle, il y a quatre mille ans que la preuve dure et grandit. Personne ne peut demander davantage à l’expérience avant d’avoir parcouru lui-même l’éternité. Dans le monde, aucun livre n’est aussi ancien ; aucun aussi répandu ; aucun aussi efficace, aussi vivant, et, dès à présent, on peut dire que, comparativement à tout livre, la Bible dure une éternité. Voilà la base visible de notre foi ; que celui qui voudrait l’ébranler nous en montre une plus solide à son incrédulité !

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