Le Culte du Dimanche : 52 simples discours

49.
Que doit prêcher un ministre de Christ ?

Mais toi, demeure ferme dans les choses que tu as apprises, et qui t’ont été confiées, sachant de qui tu les as ; et que dès ta tendre enfance tu connais les saintes lettres, qui peuvent te rendre sage pour le salut, par la foi qui est en Jésus-Christ. Toute Ecriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice ; afin que l’homme de Dieu soit accompli, et parfaitement propre pour toute bonne œuvre.

Je t’adjure devant Dieu et devant Jésus-Christ, qui doit juger les vivants et les morts, et par son apparition et par son règne : Prêche la Parole, insiste en temps, hors de temps, reprends, censure, exhorte avec toute longanimité et instruction. Car il viendra un temps où ils ne supporteront point la saine doctrine ; mais ayant une démangeaison d’entendre des choses agréables, ils s’assembleront des docteurs selon leurs propres désirs ; et ils fermeront l’oreille à la vérité, et se tourneront vers des fables. Mais toi, sois vigilant en toutes choses ; endure les souffrances ; fais l’œuvre d’un évangéliste ; rends ton service accompli.

(2 Timothée 3.14-4.5)

Que doit prêcher un prédicateur de la Bible à un troupeau chrétien ? Il est clair que la réponse variera selon la personne à qui vous adresserez la question. Il faut donc avant tout déterminer qui doit nous répondre, qui en a le droit ; c’est la première question que nous allons examiner. Qui a le droit, l’autorité de nous fixer ce que nous devons prêcher ? Je trouve la réponse à cette question dans le nom même que nous portons : nous sommes prédicateur de la Bible, nous parlons à un troupeau chrétien ; c’est donc à la Bible, à Christ que nous irons demander ce que nous avons à dire. Quelqu’un contesterait-il que notre véritable titre ne doive être celui de prédicateur de la Bible, quand ce livre a été de tout temps regardé comme la base de toute notre religion ; quand nos réformateurs l’ont pris pour étendard ; quand de nos jours elle s’imprime par milliers de milliers sous des presses protestantes ? – Je ne le pense pas. Donc, si nous sommes prédicateur de la Bible, c’est à la Bible que nous devons aller demander ce que nous devons prêcher. Quelqu’un soutiendrait-il que les hommes auxquels nous nous adressons ne soient pas ou ne se disent pas chrétiens ? Non ; car si je disais à un de mes lecteurs ou auditeurs qu’il n’est pas chrétien, il se croirait injurié, calomnié. Je n’examine pas leurs droits à ce titre, mais il me suffit qu’ils le réclament pour que je puisse dire que je parle à des hommes chrétiens, et que dès lors c’est à Christ, leur chef, que je dois aller demander ce que je dois prêcher.

Mais on nous dira peut-être : N’est-ce pas aussi au troupeau qu’il faut demander ce que doit prêcher le prédicateur, au troupeau, qui choisit, qui écoute, qui est le premier intéressé ?

Ici je cherche encore ma première réponse dans le nom lui-même que porte le troupeau. Pasteur et troupeau, ces deux mots, pris de la vie des champs par Jésus-Christ lui-même, rappellent le berger et ses brebis. Je le demande, le berger consultera-t-il ses brebis pour savoir par quel chemin il doit les conduire, dans quelle prairie il doit les faire paître ? Et si les brebis voulaient le lui indiquer, le berger ne devrait-il pas répondre : « Faites-vous pasteurs, et conduisez vous-mêmes ; mais aussi longtemps que vous serez troupeau, votre nom seul indiquera que vous devez être conduits ? » De même, le pasteur de l’Église de Christ doit dire aux membres du troupeau : « Si vous voulez paître l’Église, faites-vous pasteurs et conduisez vous-mêmes ; mais aussi longtemps que vous serez troupeau, votre nom seul indiquera que vous devez être conduits. »

Mais j’accorde un moment que ce soit au troupeau que le pasteur doive demander des directions pour ses prédications, je demande maintenant : A qui s’adressera-t-il ? – Est-ce à quelques-uns seulement ? Mais auxquels ? Aux plus pieux ? Mais qui voudra convenir qu’il l’est le moins ? – Aux plus instruits ? Mais la science du monde a-t-elle quelque chose de commun avec la sagesse chrétienne ? N’y a-t-il pas, au contraire, antipathie, opposition ? Saint Paul n’a-t-il pas dit que l’Évangile était folie aux yeux du monde ? – Aux riches ? Mais le pauvre n’a-t-il pas aussi une âme à sauver ! – A qui donc ? A tous ? Mais autant de membres, autant de conseils différents ; l’un dira : Parlez-nous de Dieu ; l’autre : Parlez-nous de Christ, parlez-nous de sa vie, parlez-nous de sa mort ; ne parlez que de morale, ne prêchez que le dogme… Et le prédicateur, sollicité en tous sens, conseillé par tout le monde, étourdi par les cris de mille avis divers, opposés, contradictoires, n’aura pas même le temps d’ouvrir la Bible, de consulter sa conscience et de chercher la vérité.

Vous le voyez, c’est à la Bible que nous, prédicateurs, nous devons aller demander ce que nous devons vous prêcher. Eh bien, consultons maintenant cette Bible ; mais pour simplifier et abréger ce travail, consultons-la sur un seul point, qui, du reste, les renferme tous, sur les moyens d’obtenir le salut.

Commençons par notre texte lui-même, qui contient précisément des directions données à un prédicateur de l’Évangile. Saint Paul y dit à son disciple Timothée : « Tu as la connaissance des saintes lettres qui te peuvent rendre sage à salut par la foi en Jésus-christ. » Le moyen d’être rendu sage à salut est donc la foi en Jésus-Christ. Mais ne nous contentons pas de cette autorité, parcourons les divers modèles des prédications qui nous ont été laissées par les Apôtres et par Jésus-Christ leur maître.

Ouvrons une lettre de Paul : « Vous êtes sauvés, par grâce, par la foi. »

Ouvrons une lettre de Pierre : « Remportez le prix de votre foi, qui est le salut des âmes. »

Lisons une Épître de Jean : « Je vous ai écrit ces choses à vous qui croyez au nom du Fils de Dieu, afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle. »

Lisons l’Épître de Jude : « Mes bien-aimés, comme j’ai fort à cœur de vous écrire touchant le salut qui nous est commun, je me sens obligé de le faire, pour vous exhorter à combattre pour la foi. »

Écoutons Silas, répondant au geôlier : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé. »

Écoutons Jean-Baptiste parlant à la foule juive : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle. »

Écoutons l’apôtre Jacques : « La prière faite avec foi sauvera le malade… et s’il a commis des péchés ils lui seront par-donnés. »

Des disciples passons à leur Maître. Que dit Jésus-Christ lui-même ? Écoutez ses paroles, mille fois répétées à Nicodème ; il dit : « Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. » – A la femme malade : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. » – A l’aveugle de Jéricho : « Va-t’en ; ta foi t’a sauvé : » – A la femme de mauvaise vie : « – Ta foi t’a sauvée ; va-t’en en paix. » – A Marthe, sœur de Lazare : « Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort. »

Ainsi, mes frères, d’après ces témoignages pris dans toutes les pages de l’Évangile, fournis par chacun des apôtres, répétés par Jésus, on est sauvé par la foi ; – le prix de la foi, c’est le salut des âmes. – Pour avoir la vie éternelle, il faut croire. – La rémission des péchés s’obtient par la foi. – En un mot, le grand, l’unique moyen de salut pour l’homme, selon tout l’Évangile, d’après tous les auteurs sacrés, c’est la foi.

La conclusion de ce qui précède est facile à tirer : prédicateur de la Bible, vous parlant pour le salut de vos âmes, c’est donc, avant tout, la foi que nous devons vous prêcher.

– Oui, nous dira-t-on peut-être, la foi est demandée dans la Bible ; mais la morale y est aussi recommandée. Ainsi, oubliez un peu la première, pour nous parler de la seconde ; laissez là votre foi ; prêchez-nous la morale. – Mes frères, vous nous demandez là une chose impossible : la foi est un principe d’action ; c’est lorsque vous croirez que vous pourrez faire le bien. La foi est une source ; c’est lorsqu’elle coulera que se formeront les ruisseaux et les fleuves. La foi est un fondement ; c’est lorsqu’il sera jeté que pourra s’élever l’édifice. Mais sans principe, point de moralité ; sans source, point de fleuve, ni de ruisseau ; sans fondement, l’édifice s’écroule. Vous n’aimerez le Sauveur que lorsque vous croirez qu’il est votre Sauveur ; vous ne lui obéirez que lorsque vous le croirez votre Maître ; en un mot, votre sanctification dépend entièrement de votre foi.

– Oui, la foi, direz-vous ; eh bien, nous croyons. Maintenant prêchez-nous la morale. – Eh non ! pour la plupart vous ne croyez pas ; le fait seul que vous l’affirmez avec tant d’assurance nous prouve que vous ne croyez pas. Et vous le savez bien vous-mêmes ; j’en appelle à votre conscience ; vous ne croyez pas ! Votre nom de chrétien, votre baptême de chrétien, vos communions de chrétien, quelquefois même vos paroles de chrétien dans le monde, pourraient bien faire penser que vous croyez réellement ; mais vous savez bien le contraire ; et s’il vous faut des preuves, dites-moi, vous qui dites croire à la Bible : la lisez-vous, cette Bible ? la méditez-vous dans vos maisons ? la consultez-vous comme la Parole de Dieu ? Vous qui dites croire à Jésus-Christ, y pensez-vous quelquefois à ce Jésus dont vous portez le nom ? Est-il pour vous un être réel, vivant, un ami, un sauveur ? De bonne foi, n’est-il pas purement pour vous un personnage historique dont le souvenir vous laisse froids et indifférents ? Vous dites que vous croyez ; mais répondez sincèrement : hors du lieu de culte, où, pour satisfaire à la bienséance et à l’habitude, votre tête s’incline, vos mains se joignent ; hors du lieu de culte, dans le secret de votre cabinet, priez-vous votre Dieu ? votre genou a-t-il fléchi devant lui dans la solitude ? en un mot, priez-vous ? je le demande, priez-vous ? Non, vous le savez mieux que nous, la vérité est que vous ne croyez pas.

Oui, notre foi est faible, direz-vous encore ; nous croyons peu ; alors, parlez-nous de la foi, mais parlez-nous aussi de morale. – A entendre une telle persévérance à demander la prédication de la morale, ne croirait-on pas que ceux qui la réclament ne savent pas comment ils doivent se conduire dans le monde ; qu’ils ignorent ce qui est moral et ce qui ne l’est pas ; qu’ils ne savent pas distinguer le bien du mal, le juste de l’injuste ? Eh bien, non, il n’en est pas ainsi ; chaque homme trouve cette loi morale écrite dans sa conscience, et quand il veut la consulter, elle est toujours prête à lui répondre avec précision et clarté, et ceux qui réclament se plaindraient eux-mêmes si on les supposait insensibles à cette conscience. Ainsi, ce n’est donc pas véritablement la morale qu’on demande. – A entendre une telle persévérance à demander la prédication de la morale, ne croirait-on pas que le prédicateur du dogme parle contre la morale ? – Eh bien, non ; car, quand nous vous disons que vous êtes profondément pécheurs et que nous vous envoyons auprès de Dieu pour le prier de changer votre cœur, n’est-ce pas pour vous amener à une conduite morale ? – Quand nous vous disons que Christ est mort pour effacer vos péchés, et que nous nous efforçons d’émouvoir votre cœur et de lui inspirer des sentiments d’amour et de reconnaissance, n’est-ce pas pour vous conduire ainsi à aimer et à suivre l’exemple de ce Sauveur dont la vie est une vivante morale ? Quand nous vous demandons pour la Parole de la Bible cette foi qui vous la fera recevoir comme la Parole de Dieu même, et qui ainsi lui obtiendra votre obéissance, n’est-ce pas pour vous faire marcher vers la sainteté de vie et la pure morale ? Oui, sans doute. Ce n’est donc pas véritablement la morale qu’on demande. A entendre une telle insistance à demander la prédication de la morale, ne croirait-on pas que la prédication de la foi conduit à l’immoralité, et que ceux qui professent le plus hautement la foi en Jésus-Christ sont les plus immoraux ? Eh bien, non, il n’en est pas ainsi, et les moralistes eux-mêmes conviendront que les croyants ont une conduite aussi pure que la leur. Cela est si vrai que le monde relève avec empressement la plus légère faute des disciples de Jésus, qu’il se sert pour eux d’une autre mesure, et qu’à ses yeux une action permise au mondain est interdite au chrétien. C’est donc reconnaître que la foi conduit à la morale. Mais, encore une fois, ce n’est pas véritablement la morale qu’on demande ; et la preuve la plus convaincante, c’est que nous la prêchons chaque dimanche, et que les réclamants ne sont pas satisfaits. Pourquoi ? Parce que nous l’appuyons sur des motifs chrétiens et que nous disons : Aimez vos frères comme Christ vous a aimés ; pardonnez comme Christ vous a pardonnes ; faites le bien en vue de Christ comme Christ l’a fait pour vous. Oui, ce sont ces motifs qui déplaisent, qui fatiguent ; ce qu’on voudrait, c’est que cette morale fût appuyée sur des motifs tirés de cette vie, de ce monde ; on voudrait nous entendre dire : Soyez vertueux, et vous obtiendrez la considération des hommes ; soyez justes, et vous aurez une réputation de probité dans la société ; supportez-vous les uns les autres, car ainsi vous vous rendrez la vie plus douce ; remplissez vos devoirs envers vos parents, et ils vous aimeront ; envers vos maîtres, et ils vous récompenseront. On voudrait nous entendre dire : Aimez Dieu, car il vous a placés dans un monde de délices… Et ici un tableau des beautés de la nature. On voudrait entendre parler quelquefois d’afflictions, de mort, assez pour en être agréablement ému, mais assez peu pour redevenir calme dans le monde, pour se retirer content de soi-même ; alors on le serait du prédicateur ; en un. mot, on voudrait une morale tout appuyée sur des considérations humaines d’intérêt ou de vanité ; enfin une morale mondaine… Eh bien, non, nous ne dirons pas : Soyez vertueux pour être estimés dans le monde : c’est un mensonge ; l’homme vertueux n’est pas toujours estimé dans le monde. Nous ne dirons pas : Soyez justes, afin qu’on le soit envers vous ; supportez les autres, afin que les autres vous supportent ; enfants et serviteurs, remplissez vos devoirs, afin que vos parents et vos maîtres vous récompensent. Car ce sont là des motifs intéressés, impurs ; c’est faire le bien pour qu’il vous en revienne du bien ; c’est agir par égoïsme et non en vue de Dieu ; et prêcher une telle morale appuyée sur de tels motifs, c’est ne rien faire, car de tels raisonnements ne trompent personne, pas plus l’enfant que le père, pas plus le serviteur que le maître ; et quand l’enfant a grandi, quand le serviteur a réfléchi, tous savent voir que sans ces vertus ils peuvent bien se procurer ces avantages terrestres qu’on leur propose comme récompense : alors ils se contentent de l’apparence et laissent la réalité ; ils font le bien quand ils sont vus, et ils le négligent dès qu’ils le peuvent impunément ; alors, s’apercevant qu’il est facile de tromper maîtres, parents, supérieurs, et qu’il suffit de paraître faire, ils apprennent à joindre l’hypocrisie aux autres vices. Non, nous ne vous parlerons pas seulement des bienfaits temporels de votre Dieu, car nous avons à vous entretenir de bienfaits plus grands et plus durables : des dons précieux de son Évangile, de son Fils, du pardon de vos péchés, de la vie éternelle. Non, nous ne chercherons pas à vous émouvoir agréablement pour un instant ; nous voulons vous émouvoir péniblement, en réveillant votre conscience ; fortement en vous parlant, non pour la forme, mais pour le fond. Non, nous ne voulons pas vous arracher de douces larmes, mais des larmes d’un amer repentir ; et loin de vous renvoyer contents de vous, nous voudrions vous renvoyer mécontents de vous-mêmes. Non, ce n’est pas une telle morale que nous vous prêcherons, parce qu’elle n’est qu’une morale de mensonge, et vous allez en convenir.

Vous voulez qu’on prêche la morale ; ce n’est pas pour vous sans doute que vous la demandez, car je suis convaincu que vous pensez savoir assez bien ce que vous avez à faire sans qu’on ait besoin de vous dicter la conduite que vous devez tenir. Non, ce n’est pas pour vous, mais c’est pour les autres. Vous, riches, vous voulez la morale pour les pauvres, pour leur apprendre à ne pas dérober ; vous, pères, vous voulez la morale pour vos enfants, pour leur apprendre à obéir ; vous, époux, vous voulez la morale pour vos femmes, pour leur apprendre à être chastes, actives, veillant sur leur famille ; c’est-à-dire que vous voulez la morale non pour vous, mais pour les autres ; non pour les rendre meilleurs, mais pour vous les soumettre ; non pour leur bien, mais pour vos intérêts ; et ce qui vous inquiète, ce n’est pas que les considérations qu’on leur présentera soient vraies, c’est qu’elles atteignent leur but ; au contraire, vous reconnaissez si bien la fausseté de ces motifs humains, que vous ne voulez pas de cette morale pour vous-mêmes…

Maintenant, nous, prédicateur, que ferons-nous donc ? Tromperons-nous vos inférieurs, vos enfants, vos épouses, pour satisfaire votre désir ? Mentirons-nous à Dieu et à notre conscience pour marcher à votre gré ? Non, mille fois non ! nous obéirons à Dieu et à notre conscience, et c’est précisément à vous les premiers que nous prêcherons la morale, puisque vous la comprenez si mal ; c’est à vous que nous parlerons de la foi, puisque vous croyez si peu ; et si vous ne voulez pas nous entendre, il nous restera encore à prier Dieu pour vous.

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