Le Culte du Dimanche : 52 simples discours

52.
Parabole du Semeur

Or, comme une grande foule s’assemblait, et que de chaque ville des gens venaient à lui, il dit en parabole : Le semeur sortit pour semer sa semence ; et comme il semait, une partie tomba le long du chemin et fut foulée, et les oiseaux du ciel la mangèrent. Et une autre partie tomba sur le roc, et ayant poussé, elle sécha, parce qu’elle n’avait point d’humidité. 7. Et une autre tomba au milieu des épines, et les épines ayant poussé avec elle l’étouffèrent. Et une autre tomba dans la bonne terre ; et ayant poussé, elle produisit du fruit au centuple. En disant ces choses, il s’écriait : Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende !

Et ses disciples lui demandaient ce que signifiait cette parabole. Et il dit : A vous il est donné de connaître les mystères du royaume de Dieu ; mais aux autres, il leur en est parlé en paraboles ; afin qu’en voyant, ils ne voient pas, et qu’en entendant ils ne comprennent pas. Or, voici ce que signifie cette parabole : La semence, c’est la parole de Dieu. Et ceux qui sont le long du chemin, ce sont ceux qui entendent ; ensuite le diable vient et enlève la parole de leur cœur, de peur qu’en croyant ils ne soient sauvés. Et ceux qui sont sur le roc, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, la reçoivent avec joie ; et pourtant ils n’ont point de racine : ils ne croient que pour un temps, et au moment de la tentation, ils se retirent. Et ce qui est tombé parmi les épines, ce sont ceux qui, ayant entendu, et s’en allant, sont étouffés par les inquiétudes et par les richesses et par les plaisirs de la vie, et ils ne portent point de fruit qui vienne à maturité. Mais ce qui est dans la bonne terre ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, la retiennent dans un cœur honnête et bon, et portent du fruit avec persévérance.

(Luc 2.4-15)

Depuis un an, de dimanche en dimanche, semblable au semeur de la parabole, nous jetons devant vous, lecteur, les grains de la Parole de Dieu. Au moment de lancer le dernier, nous ne pouvons nous empêcher de jeter nos regards en arrière, et de nous demander sur quel point est tombée cette semence. Emportée par le vent, est-elle allée sur la grand’route ? Contre notre intention, s’est-elle logée sous une pierre ? Malgré nos efforts, s’est-elle mêlée aux épines ? Ou bien enfin, selon nos vœux, est-elle tombée dans un terrain bien préparé ? Hélas ! cette énumération, qui présente trois circonstances défavorables pour une seule réjouissante, est elle-même faite pour nous attrister ; nous craignons bien que la plus grande part de nos paroles n’ait été perdue. Mais sur qui sont tombées celles en petit nombre qui peut-être ont germé ? C’est à vous, lecteur, qu’il importe de le savoir ; pour le découvrir, étudions donc ensemble, avant de nous séparer, la parabole de Jésus. Cette parabole, composée de quelques versets, est comme une poignée de semences : prenons-en les grains l’un après l’autre, et jugeons lequel ressemble au grain tombé dans notre propre cœur.

« Un semeur sortit pour semer, et en semant, une partie tomba le long du chemin ; elle fut foulée, et les oiseaux du ciel la mangèrent toute. »

Lecteur, je ne veux pas vous demander si vous avez retenu tout ce que nous avons dit pendant l’année entière ; non, mais s’il vous en est resté une seule semence qui ait levé, se soit transformée en épi chargé des grains de la sainteté. Y a-t-il aujourd’hui en vous un sentiment, une vertu, une espérance que vous n’aviez pas l’année dernière ? Et si vous voulez que j’élargisse la question, dites, depuis que vous entendez parler de l’Évangile, se trouve-t-il en vous un sentiment, une vertu, une espérance qui vous fût auparavant étrangère ? Remarquez bien que je ne vous demande pas s’il est en vous une certaine foi, un sentiment quelconque, une espérance vague, mais si vous avez reçu quelque chose sorti de l’Évangile. Prenez garde ! le bord de la grand’route où n’a pu croître l’épi de blé pouvait être cependant couvert d’une herbe parasite qui de loin plaisait à l’œil et ressemblait au jeune épi de froment. Le germe de cette herbe poussée sans culture était déjà en terre avant la venue du semeur. Il se pourrait bien que de même vous eussiez dans l’esprit et dans le cœur quelques espérances et quelques sentiments naturels avant d’avoir connu l’Évangile ; il se pourrait que votre œil peu exercé prît cela pour un fruit de la semence évangélique ; mais, songez-y ! cette herbe sauvage ne vient pas de Christ ; elle ne porte pas le salut. Examinez donc de bien près, et voyez s’il se trouve en vous, non une certaine religiosité, mais une foi véritable à l’Évangile, ou si peut-être toute la semence chrétienne n’est pas tombée sur votre cœur comme sur un grand chemin durci par le pied du voyageur. Voilà le premier grain.

« Une autre partie tomba sur un endroit pierreux ; et quand elle fut levée, elle sécha, parce qu’elle n’avait point d’humidité. »

Il se pourrait cependant qu’à l’ouïe d’une prédication évangélique vous eussiez éprouvé une douce émotion, conçu une espérance, ressenti une joie que jusqu’alors rien dans ce monde ne vous avait procurée. Peut-être l’offre du pardon de vos péchés, la promesse du Saint-Esprit, ont-elles tour à tour fait tressaillir votre cœur et vous êtes-vous dit : Quelle douce pensée, quel bonheur si tout cela est vrai ! Oui, j’aime à le croire, un ciel sera mon séjour, des anges mes compagnons, un Dieu mon ami. Ces pensées, conçues à l’ouïe de la Parole, se sont même développées durant quelques jours ; vous avez été heureux de les nourrir ; mais, hélas ! bientôt, sans que vous sachiez comment, ces pensées se sont évanouies ; vous les avez cherchées et ne les avez plus senties dans votre cœur ; votre ancienne indifférence, votre incrédulité de jadis, vos faiblesses habituelles sont revenues, et vous vous êtes retrouvé ce que vous étiez avant d’avoir entendu cette prédication de la Parole. Il ne vous est resté que le souvenir de votre émotion, de votre joie, mais ni cette émotion, ni cette joie elles-mêmes, et à cette heure vous les regrettez sans pouvoir les faire renaître. Voilà le second grain ; voyez s’il est ou n’est pas le vôtre.

« Une autre partie tomba parmi les épines, et les épines levèrent avec le grain et l’étouffèrent. »

Peut-être, lecteur, ne vous avons-nous pas fait une assez belle part, et des germes de foi ont-ils pris racine en vous ; peut-être sont-ils sortis de votre sein en profession du Christianisme dans le monde. Vous avez confessé votre état de misère, votre besoin d’un Sauveur, votre confiance en Jésus-Christ ; vous avez même travaillé à faire partager vos nouveaux sentiments à d’autres hommes, et vous avez ressenti de la joie en apprenant que le royaume de Dieu s’étendait sur la terre. Vous avez encore modifié vos habitudes, prié le matin, lu la Bible le soir, sanctifié le dimanche, renoncé à certains plaisirs mondains ; enfin vous vous êtes cru et l’on vous croit véritablement converti. Mais en même temps que tous ces germes de foi se montraient dans votre vie, les germes de quelque passion favorite ne s’y sont-ils pas maintenus vivaces et florissants ? N’avez-vous pas tenté de nourrir ensemble ces plantes si diverses, de faire croître le froment sans arracher l’ivraie ? Parmi vos passions, n’avez-vous pas fait un choix ; mis d’un côté, pour les extirper, celles dont vous étiez fatigué, et de l’autre, pour les conserver, celles qui vous plaisaient encore ? Auprès de votre confiance en Dieu, restreinte dans une certaine limite, n’avez-vous pas « des inquiétudes ? » Sous votre charité, ne trouvez-vous pas encore la soif « de la richesse, » et mêlés à vos jours de sobriété, n’avez-vous pas des jours « de volupté ? » Enfin le mal n’a-t-il jamais surmonté le bien, et la passion n’a-t-elle pas étouffé la foi, comme l’ivraie étouffe le bon grain, pour ne laisser sur le sol qu’un épi pauvre, vide, sans fruit, véritable paille à brûler ? Voilà le troisième grain de semence ; voyez s’il se trouve dans votre cœur.

« Enfin la dernière partie tomba dans une bonne terre ; et étant levée, elle rendit du fruit cent pour un. »

Cent pour un ! Remarquez cette expression ; on ne voit pas d’épis qui portent un ou deux grains, mais cent. Dans le passage parallèle des autres évangélistes, il est dit : « trente, soixante et cent. » Dans tous les cas, c’est un grand nombre, et cela revient à dire beaucoup de fruits. Il ne faudrait donc pas s’y tromper, et parce qu’on trouverait dans sa vie quelque légère amélioration, s’imaginer que ce changement vient de la Parole de Dieu ; non, il se pourrait que ce ne fût que le résultat de quelques circonstances humaines, d’une position devenue difficile, d’un âge plus avancé, peut-être même de l’impuissance de faire comme par le passé. Non ; bien que le grain de la foi soit imperceptible comme le grain de sénevé, il porte dans le cœur vraiment chrétien un grand arbre, riche de feuillage et de fruits. Ce cœur est « né de nouveau ; toutes les choses vieilles sont passées. » Sans doute, tous les épis ne sont pas de même taille ; sans doute, tous ne portent pas le même nombre de grains, ni des grains de même grosseur, mais chaque épi en porte une multitude. Voyez donc si dans votre vie se trouvent l’amour de vos frères, la pureté de mœurs, la tempérance, la véracité, la patience, le support, la confiance en Dieu ; alors vous pourrez croire que le grain de la foi se trouve bien dans votre cœur.

Hélas ! chers frères, je ne voudrais pas me faire votre juge ; mais ce fait que des quatre classes énumérées par Jésus trois sont stériles, une seule fructueuse, ne m’autorise que trop à craindre pour les trois quarts de mes lecteurs ! Je ne risque donc guère de me tromper en supposant que, pour la plupart de vous, j’ai semé sur la grand’route, parmi les pierres, au milieu des épines. Oh ! s’il en est ainsi, écoutez la fin de la parabole, et que la dernière fois où je vous parle je jette au moins la semence « sur des cœurs honnêtes et bons. »

Quand vous entendez la Parole de Dieu sans qu’il vous en reste rien, savez-vous qui l’enlève de votre cœur ? C’est Satan lui-même, dit Jésus. Peut-être aviez-vous cru jusqu’à ce jour n’agir que par vous-même en résistant à l’influence de l’Évangile et en vous persuadant que vous seriez toujours à temps de la subir. Sans doute, votre volonté y est pour quelque chose, autrement vous ne seriez pas coupable ; mais votre volonté est inspirée par Satan ; c’est à Satan que vous obéissez, vous qui pensiez en cela vous commander. Peut-être vous étiez-vous dit que vous ne vouliez pas vous soumettre en aveugle à cette Bible qui vous parlait avec autorité, et vous estimez-vous un esprit fort pour avoir résisté ? Eh bien, sachez-le donc : vous n’êtes pas un esprit fort, mais un être faible que Satan pousse, retient, gouverne, sans que vous vous en doutiez ! Vous pensiez être maître, et vous êtes esclave ; vous avez craint de céder à Dieu, et en reculant vous êtes tombé dans les pièges de Satan. Je comprends que vous ayez peine à vous le persuader, car je sais que votre inspirateur est habile à dissimuler sa présence ; mais pour être déguisé en ange de lumière, il n’en est pas moins le prince des ténèbres. Maintenant que vous êtes averti, faites donc effort pour reconnaître la vérité ; étudiez les ruses dont vous êtes la dupe, et vous en découvrirez le véritable auteur. Rappelez-vous, par exemple, l’impression profonde qu’avait faite sur vous tel discours, l’éclair de vérité qui vous ouvrit un moment le ciel, la joie si douce répandue un jour dans votre cœur. N’étiez-vous pas gagné ? Alors tout ne vous semblait-il pas clair, certain ? Et nier ce que vous aperceviez ne vous eût-il pas semblé nier l’évidence ? Ne pensiez-vous pas que cet état devait durer et vous rendre heureux toute votre vie ? Et cependant il n’en a pas été ainsi ; la minute d’après, tout a disparu comme si un souffle violent et glacial eût éteint tout à coup le flambeau de votre espérance et de vos joies ! Qui donc a soufflé dessus ? Serait-ce Dieu, lui qui l’avait allumé ? Serait-ce vous, qui étiez si heureux ? Non ; c’est Satan, adroit, rusé, qui rôdait à votre entour, et qui, pour vous distraire, vous a jeté une tentation. Vous n’avez que tourné la tête pour contempler cette image séductrice, et vous avez été perdu, et la cause du démon gagnée !

Plus tard, quand vous vous êtes rappelé cette heure de délices et que vous avez désiré rappeler cette foi, ces sentiments qui tous avaient fui, comment se fait-il que vous n’ayez pas pu les ressaisir ? Dieu s’opposait-il à votre bien, ou vous-même aviez-vous deux volontés contraires, l’une de vous sauver et l’autre de vous perdre ? Non, mais Satan avait pris place entre vous et Dieu, et vous empêchait de prier, vous jetait des pensées vaines, des désirs coupables, et rien ne constate mieux sa présence que ces suggestions hideuses, criminelles, épouvantables, qui viennent se jeter à travers des pensées grandes, pures, célestes, que cet enfer de tentations qui vient pénétrer le ciel de notre cœur, l’assombrir et le glacer. Non, ce n’est pas Dieu ; non, ce n’est pas moi celui qui souille ainsi mon âme ; non, ce n’est pas Dieu ; non, ce n’est pas moi celui qui se plaît à détruire mon propre bonheur ; il serait absurde de le penser. Il faut qu’un être malfaisant, le génie du mal, un ange déchu, jaloux de la place qu’il a perdue dans un ciel que je dois habiter, il faut que Satan lui-même s’insinue dans mon cœur, le séduise, le trompe, et me plonge dans cet abîme de péchés. Aussi, quand une fois j’y suis tombé, je me sens malheureux de ma chute ; j’ai la conscience que ce n’est pas dans cette boue que je devrais vivre. Hélas ! je le sens, et toutefois je ne puis m’en arracher ; il me semble que des liens invisibles me tiennent courbé sur la terre ; Satan pèse sur moi, et je ne puis bouger ! Je désire me soustraire à sa tyrannie, retrouver une de ces paroles évangéliques qui jadis me faisaient du bien ; je les cherche en vain, mon cœur est vide. Jésus l’a bien dit : « Le diable vient enlever cette parole de leur cœur, de peur qu’en y croyant ils ne soient sauvés. »

Voilà l’auteur du mal. Maintenant, qu’il emploie pour l’opérer en nous tel moyen ou tel autre, cela nous importe assez peu. Jésus parle d’inquiétude, de richesse, de volupté, mais il avait avant tout indiqué la source empoisonnée d’où toutes ces passions découlent. C’est à nous maintenant, quand une pensée d’incrédulité, d’avarice, d’impureté, s’élèvera dans notre cœur, à nous dire : Satan est là derrière ; un piège est sous mes pieds ; si je fais un pas, je tombe, je roule, je suis perdu ! Ne disons donc plus que nous nous occuperons plus tard de cette parole divine : c’est Satan qui nous inspire ; ne cherchons plus à concilier l’amour du monde et l’amour de l’Évangile : le démon serait notre conciliateur. Si nous voulons que la Parole porte des fruits dans notre cœur, nettoyons-le de ces mauvaises herbes. Nous ne pouvons croire et douter en même temps, pécher et nous sanctifier à la fois ; il faut qu’un des deux maîtres cède la place : Dieu ou Mammon, c’est à nous de choisir.

Mais, grâce à Dieu, si nous avons un grand adversaire de notre âme, nous avons dans l’Esprit-Saint un puissant consolateur, et si nous avons foulé aux pieds la Parole dans le passé, nous pouvons lui faire porter des fruits à l’avenir. C’est à nous d’opposer Dieu au Tentateur.

Seigneur, sois toi-même notre guide, notre lumière, notre force ; tiens nos yeux ouverts, nos oreilles attentives, lorsque ton Fils vient nous annoncer cette bonne parole : « Quiconque croit en moi a la vie éternelle, » et qu’après avoir reçu cette semence, nous allions dans le monde secouer les fruit abondants qu’unis à Toi désormais nous désirons porter.

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