Élans de l’âme vers Dieu

11. Éloignement pour la prière

Que j’ai peine, Seigneur, à m’élever à toi ! je puis, sans trop d’efforts, commencer une œuvre, même fatigante pour mon esprit ou pour mon corps ; mais, pour te prier, il faut que j’y sois contraint ; le devoir, un danger, l’exemple, font fléchir mes genoux, sans incliner mon cœur. Oh ! pourquoi, Seigneur, en est-il donc ainsi ? suis-je sans besoin ? non ; c’est de l’excès de mes besoins que s’élancent parfois mes prières. Est-ce doute de ma part ? non ; tout en négligeant de t’invoquer, je reconnais et déplore mon tort. Qu’est-ce donc, Seigneur, qui m’empêche de te prier ? Hélas ! je crains bien que ce ne soit un manque d’amour pour les choses spirituelles. Je n’ai tant de peine à te demander la sainteté, que parce que je n’aime pas la sainteté. Je ne m’élève si rarement vers le ciel, que parce que les pensées terrestres me captivent, et qu’il faut les écarter avec effort pour arriver à toi. Je suis comme le malade qui n’a pas le courage de saisir et de boire la coupe amère et bienfaisante, comme le paresseux que ses affaires appellent, et qui reste sur sa couche. Je suis pire encore, car je puis me mettre au travail, je puis accepter l’amertume plus facilement que la prière ; c’est un lourd fardeau que je crains de toucher ; il y a comme une force infernale qui ferme mes lèvres et mon cœur. Ne serait-ce pas Satan lui-même, l’ennemi de mon âme, jaloux de mon privilège et s’acharnant à ma perte ? Oui, Seigneur, c’est lui-même, car je sens que ce n’est pas ma volonté que j’accomplis. Je voudrais élever les mains vers toi, et je ne le puis pas. Un cauchemar spirituel m’écrase ; en vain je veux élever mon âme, mon âme reste appesantie. Mais, Seigneur, quand tu as dissipé le charme, quand le lien satanique est rompu, la prière commencée, ton Esprit revenu, alors aussi m’arrive cette joie douce, céleste, que rien ici-bas ne peut donner ; je suis heureux par cette prière même qui, l’instant d’avant, m’effrayait ; alors je voudrais t’invoquer longtemps, toujours, et je comprends les séraphins abîmés dans cette éternelle exclamation : « Saint, saint, saint est le Dieu des armées ! » Oh ! mon Dieu, ouvre-moi, plus large et plus abondante, cette source des vrais biens, et fais-en découler sur moi ta paix, ton amour, ta sainteté. Mon Dieu, apprends-moi à te prier !

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant