Élans de l’âme vers Dieu

26. Penser à Dieu est-ce l’aimer ?

Mon Dieu, la lenteur de mon âme à s’élever à toi est-elle le partage de l’humanité entière, ou le mien en particulier ? Je me sens, pour te prier, une profonde incapacité ! Quand je m’adresse à toi, je pense, je médite, je sens peut-être ; mais bien certainement je n’aime pas, ou du moins, il est si rare que mon cœur soit ému, que je puis dire avec ton prophète : « Il est sec comme un désert sous l’ardeur de l’été. » L’émotion me gagne au milieu de la foule émue, ou bien dans l’épreuve, mais non dans la solitude ou la prospérité. Je puis être effrayé par le danger, je ne sais pas être attendri de reconnaissance. Je disserte, je ne prie pas. Mon Dieu, ne vaudrait-il pas mieux me taire ? Mais non, Seigneur, non ; car si je suis insensible à ton amour, du moins je sens mon insensibilité ; je te la confesse, et je te demande de me guérir. Non, la honte de ma froideur ne me fera pas dire ce que je n’éprouve pas. J’aime mieux me taire sur mon amour que d’en parler sans sincérité. Oui, je devrais t’aimer, je le voudrais, mais je ne puis pas dire : Je t’aime, je t’aime par-dessus toutes choses, ô mon Dieu ! Si j’agis pour toi, c’est bien plus par besoin d’activité que par dévouement ; si je t’obéis, c’est par conscience et non avec entraînement ; heureux encore quand ce n’est pas poussé par l’habitude ou le respect humain ! Mon Dieu, tous les hommes sont-ils donc comme moi ? Il me semble que ce soit impossible ! Je veux croire qu’il y aura cinq justes dans Gomorrhe pour m’assurer ton support. Ah ! je comprends, à cette heure, la nécessité du Sauveur juste et saint que tu m’as donné, c’est Lui seul, c’est Christ qui retient ton bras suspendu sur ma tête, c’est Lui qui calme ta juste indignation ; Lui qui efface mes péchés, ma froideur, mon ingratitude. — Oh ! sans toi, Jésus, je le sens, je serais cent et cent fois perdu. Intercède, intercède pour moi, obtiens, pour ton pauvre racheté, un peu de cette charité qui remplit ton cœur, et qu’enfin je puisse aimer un peu Celui qui m’a tant et tant aimé. — Mon Dieu, est-ce mon âme ou mon imagination qui a parlé ? Tu le sais ; pour moi, je n’ose prononcer, mais quoi qu’il en puisse être, je m’abandonne à ta miséricorde ; tu m’as déjà tant pardonné !

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant