Élans de l’âme vers Dieu

83. Temps perdu

Mon Dieu, combien de temps je perds dans cette vie déjà si courte ! que d’heures passées à attendre l’heure suivante ! que d’heures consumées dans de vaines méditations, de frivoles lectures, des travaux inutiles ! Et (ruse de mon cœur), je me console, au sein de ma paresse présente, par la pensée, de ma prochaine activité ; en attendant que je me console encore, dans ma paresse de demain, par la pensée de mon activité au jour suivant. Oh ! si je pouvais faire la somme de toutes les heures ainsi dévorées par mes longs projets de travail, je trouverais au résultat la plus longue partie de ma vie ; et quand je cherche ce qu’ont produit mes années de vie chrétienne, hélas ! je trouve à peu près néant ! Le monde entier marche : arts, science, industrie, plaisir et péché ; ma sanctification seule n’avance pas ! Je vais, je viens, je m’agite beaucoup pour ne rien faire. Oh ! mon Dieu, retranche de ma vie toutes ces distractions inutiles, ces conversations oiseuses, ces lectures sans fruits, pour ne plus l’occuper que de pensées, de paroles et d’œuvres conformes à ta volonté. Et toutefois, Seigneur, donne-moi d’agir avec calme, avec ordre, avec confiance en toi. Je le sais, ce ne sont pas des travaux accumulés que tu me demandes ; mais une action constante, paisible ; dût-elle seule remplir toute mon existence. Et si je savais agir ainsi, combien je serais plus heureux ! sans regrets pour des heures, perdues, sans hâte dans mes heures occupées, sans impatience en face des obstacles, sans désespoir dans les revers, et toujours satisfait parce que je serais toujours occupé selon ta volonté.

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