Élans de l’âme vers Dieu

113. Le dévouement

Mon Dieu, je ne sais pas me dévouer. J’apprécie le dévouement, je puis l’admirer, en parler ; mais je ne sais pas le pratiquer. Et cependant je le voudrais ; je me promets de le tenter, mais quand il ne doit pas être immédiat ; quand il n’est qu’un projet vague et lointain. Dès qu’il s’approche, dès qu’il prend une forme précise et pressante, je recule et je le fuis ! Quelle lâcheté ! quelle ingratitude ! Eh ! ce serait pour moi que ton Fils aurait quitté le ciel, habité la terre, subi des humiliations, souffert sur la croix-jusqu’à la mort ? Oh ! mon Dieu, est-ce bien pour moi ? Suis-je bien le disciple de Celui dont la vie n’est qu’un long dévouement ? Suis-je de la famille des Pierre, des Paul, emprisonnés et bénissant, martyrisés et priant ? S’il me fallait passer mes nuits sur un métier, irais-je encore le jour, de maison en maison, annoncer l’Évangile au milieu des injures, des mépris et des dangers ? Non, Seigneur, non. Si j’en juge par ce que j’ai fait jusqu’à ce jour, mon dévouement est calme, réfléchi, combiné avec mes convenances et mes aises. Mon dévouement est surtout limité par un soin excessif de moi-même, de ma vanité, de mes intérêts. Hélas, pour tout dire, mon dévouement n’existe pas. Ce que je décore de ce nom n’est que de l’égoïsme déguisé. Ce que le monde approuve en moi n’est qu’une vaine apparence ; ces éloges me font rougir ; parfois ils m’apparaissent comme une sanglante ironie. Il me semble que mon frère, comme l’incrédule, me dise, non ce que je fois, mais ce que je devrais faire, et que sa bouche ne donne un éloge que pour donner une leçon !

Mon Dieu, en sera-t-il donc toujours ainsi ! Ne commencerai-je jamais cette vie dévouée que je médite depuis si longtemps ? quitterai-je ce monde avant d’avoir mis la main à l’œuvre que j’y dois faire ? Non, non, Seigneur ; cette pensée m’épouvante. Je ne veux pas la contempler ; mais je veux te prier de venir à mon aide, de me donner les forces, ou plutôt l’amour qui me manque, afin que j’apprenne à me dévouer, non plus en paroles, mais en faits ; non plus en projet, mais en réalité ; non plus dans l’avenir, mais dans le présent. Mon Dieu, apprends-moi à me dévouer !

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