Élans de l’âme vers Dieu

120. Je n’ose plus prier

Seigneur, je n’ose plus te prier ! Après ma vie, ma prière est un mensonge. Ce que je te demande à genoux, dans le cabinet, je le repousse debout, dans le monde ; en sorte que mes requêtes, mes soupirs sont des accusateurs contre ma conduite de chaque jour. Te demanderai-je la force que je t’ai demandée hier et dont je n’ai pas profité aujourd’hui ? Ma prière ne s’élèvera-t-elle pas en témoignage contre moi au dernier jour ? Ne me fais-je aucune illusion, et ne trouverai-je pas ta colère, à l’heure où je compte sur ton amour ? Puis-je me confier plus à mes paroles pieuses qu’à ma vie mondaine ? Ne serai-je pas peut-être de ceux qui t’auront crié : « Seigneur, Seigneur ! » et à qui tu répondras : « Retirez-vous de moi, ouvriers d’iniquité ? » Oh ! mon Dieu, cette pensée m’épouvante ! Et cependant, cette pensée se justifie par ma conduite journalière. Je ne puis que gémir devant toi. Je voudrais que mes larmes pussent effacer mes péchés. Je me frappe la poitrine, mais je n’ai plus le courage de m’écrier : « Aie pitié de moi pécheur ! » Je suis là, étendu, brisé, incapable de me relever ; incapable même d’appeler du secours ! Il faut que tu viennes toi-même me relever, et que tu me portes sur la voie de tes commandements. Ma vie entière s’écoulera-t-elle donc dans le péché ? N’obtiendrai-je pas enfin ici-bas « d’être délivré du mal ? » Me faudra-t-il jusqu’à mon dernier jour tomber, me traîner dans la boue, tenter mon relèvement, pour ne pas réussir, et retomber encore, et sans cesse, et toujours ? Oh ! oui, Seigneur, ton Fils me l’a bien dit, c’est la vie d’un esclave. Non, je ne suis pas libre. Satan est mon maître, mon tyran. Oh ! si je pouvais m’en délivrer par un seul acte de ma volonté ! Oui, je n’en doute pas, j’y consentirais ; à cette heure, je jetterais volontiers dans un abîme sans fond le monde et ses convoitises. Mais tu ne le veux pas ainsi ; c’est chaque jour, c’est à chaque instant qu’il me faut lutter, et lutter, hélas, pour ne pas vaincre ! Encore une fois, je n’ose plus prier ; mais toi, Jésus, toi jadis mon compagnon d’épreuve, toi tenté comme moi, et qui sans doute, à cette heure, sympathises avec ma souffrance, prie, Jésus, prie pour moi ; ta prière, plus sincère que la mienne, sera sans doute exaucée !

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