Élans de l’âme vers Dieu

23. Bradwardine

14e siècle

Grand et admirable Seigneur notre Dieu ! toi, seule lumière des yeux ! ouvre, je te conjure, les yeux de mon cœur, et du cœur de mes semblables, afin que nous puissions vraiment comprendre et contempler tes œuvres merveilleuses… Qui n’est frappé de révérence, en contemplant ta volonté toute-puissante, efficace dans toutes les parties de la création ! C’est par cette volonté souveraine et irrésistible que tu abaisses et que tu élèves, que tu mets à mort et que tu vivifies ceux que tu veux et quand tu le veux. Que ton amour envers moi est grand et infini, Seigneur ! Que mon amour pour toi est faible et languissant ! Que ma reconnaissance est froide et inconstante. A toi ne plaise que ton amour ressemble jamais au mien ! Tu es accompli en toutes perfections. O toi qui remplis le ciel et la terre, pourquoi ne remplirais-tu pas ce cœur étroit ? O âme humaine, basse, abjecte, misérable, qui que tu sois, si tu n’es pas remplie de l’amour d’un si grand bien, pourquoi n’ouvres-tu pas toutes tes portes, ne déroules-tu pas tous tes replis, n’étends-tu pas toute ta capacité, pour être entièrement absorbée et rassasiée par la douceur d’un si grand amour ? Dis que tu deviennes, mon Dieu, et que tu sois très aimable à mes yeux et cela se fera tout aussitôt sans manquer…

Très gracieux Seigneur, tu m’as prévenu par ton amour, moi, pauvre misérable, qui n’avais point d’amour pour toi, mais qui étais en inimitié avec mon Créateur et mon Rédempteur. Je vois qu’il est facile de dire et d’écrire ces choses, mais très difficile de les accomplir. Toi donc à qui rien n’est difficile, fais donc que je puisse plus aisément éprouver ces choses en mon cœur que les prononcer de mes lèvres ; ouvre ta main libérale, afin que rien ne me soit plus aisé, plus doux, ou plus délicieux que m’employer à ces choses… Que peux-tu refusera celui qui, dans le besoin, vient implorer ton aide ? Permets-moi, je te prie, de raisonner avec ta bonté magnifique ; l’amitié humaine ne rejette pas un ami dans la nécessité, surtout quand elle possède abondamment de quoi le soulager.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant