Élans de l’âme vers Dieu

29. Fénelon

18e siècle

« Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » — O Jésus, c’est vous qui me donnez cette leçon de douceur et d’humilité. Tout autre qui voudrait me l’apprendre me révolterait. Je trouverais partout de l’imperfection, et mon orgueil ne manquerait pas de s’en prévaloir. Il faut que ce soit vous-même qui m’instruisiez. Mais, que vois-je, ô mon cher Maître ! vous daignez m’instruire par votre exemple. Quelle autorité ! Je n’ai qu’à me taire, qu’à adorer, qu’à me confondre, qu’à imiter ! Quoi ! Le Fils de Dieu descend du ciel sur la terre, prend un corps de boue, expire sur une croix pour me faire rougir de mon orgueil ! Celui qui est tout s’anéantit ; et moi qui ne suis rien, je veux être, ou du moins je veux qu’on me croie tout ce que je ne suis pas ! O mensonge ! ô folie ! ô impudente vanité ! ô diabolique présomption ! Seigneur, vous ne me dites point : Soyez doux et humble ; mais vous dites que vous êtes doux et humble. C’est assez de savoir que vous l’êtes pour conclure, sur un tel exemple, que nous devons l’être. Qui osera s’en dispenser après vous !

Sera-ce le pécheur qui a mérité tant de fois, par son ingratitude, d’être foudroyé par votre justice !

Mon Dieu, vous êtes ensemble doux et humble, parce que l’humilité est la source de la véritable douceur. L’orgueil est toujours hautain, impatient, prêt à s’aigrir. Celui qui se méprise de bonne foi veut bien être méprisé. Celui qui croit que rien ne lui est dû ne se croit jamais maltraité. Il n’y a point de douceur véritable par tempérament : ce n’est que mollesse, indolence ou artifice. Pour être doux aux autres, il faut renoncer à soi-même. Vous ajoutez, ô mon Sauveur, « doux et humble. » Ce n’est pas un abaissement qui ne soit que dans l’esprit par réflexion ; c’est un goût du cœur ; c’est un abaissement auquel la volonté consent, et qu’elle aime pour glorifier Dieu ; c’est une vue paisible de sa misère pour s’anéantir devant Dieu ; c’est une destruction de toute confiance en son courage naturel, afin de ne devoir sa guérison qu’à Dieu seul. Voir sa misère et en être au désespoir, ce n’est pas être humble ; c’est au contraire un dépit d’orgueil, qui est pire que l’orgueil même.

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